Auvergne laïque n° 480 - Mai/Juin 2019



EDITO

Le parvis de Notre-Dame

        Frappés de stupeur et de chagrin, les chrétiens du monde entier se sont rassemblés pour partager leurs larmes et leurs prières devant  l'incendie qui a ravagé la plus célèbre et la plus belle de leurs cathédrales. Mais bien d'autres femmes et bien d'autres hommes les ont rejoints pour exprimer leur consternation, et leur douleur, indépendamment de leurs croyances, et au-delà de toute forme de fanatisme. Malgré le caractère profondément religieux de l'édifice, les chrétiens ne se sont pas arrogé le monopole de l'affliction ;   c'est ainsi que le parvis de la cathédrale s'est étendu dans le monde entier et que l'incendie a provoqué un élan immense de fraternité véritable. Tout a été dit sur l'ampleur de la catastrophe et la volonté de restauration dont témoigne le président de la république ne suffit pas à consoler les Français. Voilà qu'ils prennent conscience de leur histoire, qu'ils mesurent la beauté de leur patrimoine, qu'ils se souviennent de Victor Hugo, des personnages et des intrigues imaginaires dont il a enrichi ce chef d’œuvre de l'art gothique.

        Mais voilà aussi qu'éclatent les polémiques et que s'amorcent des récupérations politiques destinées à entretenir le prestige de quelques élus, dont le président de la République qui a bénéficié d'une soudaine remontée dans les sondages, aussi fulgurante que l'incendie.

        Ce que nous retiendrons de la catastrophe, outre les dégâts qui ont détruit, en quelques heures et à jamais,  la splendeur architecturale de Notre-Dame, qui ont  réduit à néant les efforts et les talents des bâtisseurs de cathédrales, « les obscurs, les sans-grade » qui ont couvert la France de tant de merveilles au prix d'efforts qu'il est, aujourd'hui, difficile de concevoir ; ce que nous retiendrons, c'est la manifestation éclatante de l'élan fraternel  qui a rassemblé tous les hommes dans le même chagrin, la même révolte. Nous voulons y voir  la manifestation  d'une laïcité universelle qui, évitant « les querelles de clochers » et respectueuse des chefs d’œuvre et des symboles,  a permis ce rassemblement pour s'affliger d'un vrai sacrilège, déplorer l'injure faite à la beauté d'un patrimoine et  à l'histoire des hommes. Rien ne rendra à l'édifice la splendeur de ses commencements, mais ce que les hommes ont accompli d'autres hommes peuvent aussi, avec d'autres techniques, le réaliser et réussir une restauration qui sauvera et l'architecture et l'âme de l'édifice. Mais dans ces panaches de fumée s'élevant dans le ciel de Paris devant les foules incrédules, quelque chose s'est définitivement perdu qui pourrait bien être une forme de génie, une manière d'éternité.

Pour le Comité de rédaction :
Alain Bandiéra

Démocratie et abolition

par Alain Bandiéra

Souvent assortie de procès truqués et d'exécutions sommaires, la peine de mort reste la sanction préférée des régimes fascistes et des dictatures. C'est pourquoi tous les partisans de l'abolition ont toujours associé la peine de mort à une défaite de la civilisation, incompatible avec la démocratie et le respect de l'humanité. « Corrélation » que soulignera Robert Badinter dans son  discours en faveur de l'abolition :

« Voici la première évidence : dans les pays de liberté l'abolition est presque partout la règle ; dans les pays où règne la dictature, la peine de mort est partout pratiquée. Ce partage du monde ne résulte pas d'une simple coïncidence, mais exprime une corrélation. La vraie signification politique de la peine de mort, c'est bien qu'elle procède de l'idée que l’État a le droit de disposer du citoyen jusqu'à lui retirer la vie.

C'est par là que la peine de mort s'inscrit dans les systèmes totalitaires. » ;  déclaration qui fait écho au discours de Victor Hugo sur le même thème : « La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie ».

Les partisans de la peine capitale la justifient  par  la loi du talion,    arithmétique implacable dont se réclament les  dictateurs   pour pratiquer l’élimination de tous ceux qui ne se plient pas aux lois en vigueur, en particulier les ukases des extrémismes religieux.

 C'est  au lendemain de la Révolution  que s'instaure le débat autour de la peine capitale et que s'affrontent ses partisans et les abolitionnistes, parmi lesquels Robespierre (en dépit de sa réputation sanguinaire). Pourtant,  dès 1792, la terrible machine de Guillotin, conçue en réalité pour adoucir l'exécution de la peine, était en œuvre.  La polémique rejaillit en 1848 et, le 15 septembre,   Victor Hugo, farouchement abolitionniste, fera une intervention solennelle devant les députés.

        Albert Camus reprend le flambeau de l'abolition. Il se rappelle combien son père avait été frappé par l'exécution d'un condamné, coupable pourtant d'un crime particulièrement odieux ; il réfute totalement l'idée d'une peine de mort « arithmétiquement équitable » : « L’exécution capitale n’est pas simplement la mort. Elle est aussi différente, en son essence, de la privation de vie, que le camp de concentration l’est de la prison. Elle est un meurtre, sans doute, et qui paye arithmétiquement le meurtre commis. Mais elle ajoute à la mort un règlement, une préméditation publique et connue de la future victime, une organisation...source de souffrances morales plus terribles que la mort. Il n’y a donc pas équivalence ».

        Le 17 septembre 1981 , Robert Badinter, présente à l'assemblée nationale le projet d'abolition,  promis par le candidat Mitterrand :

«  Dans la réalité judiciaire, qu'est-ce que la peine de mort? Ce sont douze hommes et femmes, deux jours d'audience, ... le droit, ou le devoir, terrible, de trancher, en quelques quarts d'heure, parfois quelques minutes, le problème si difficile de la culpabilité, et, au-delà, de décider de la vie ou de la mort d'un autre être. Douze personnes, dans une démocratie, qui ont le droit de dire : celui-là doit vivre, celui-là doit mourir ! Je le dis : cette conception de la justice ne peut être celle des pays de liberté, précisément pour ce qu'elle comporte de signification totalitaire. …... Dans une république, dans une démocratie, quels que soient ses mérites, quelle que soit sa conscience, aucun homme, aucun pouvoir ne saurait disposer d'un tel droit sur quiconque en temps de paix.


...Certains voient dans la peine de mort une sorte de recours ultime, une forme de défense extrême de la démocratie contre la menace grave que constitue le terrorisme. La guillotine protégerait éventuellement la démocratie au lieu de la déshonorer. Cet argument procède d'une méconnaissance complète de la réalité. En effet l'Histoire montre que s'il est un type de crime qui n'a jamais reculé devant la menace de mort, c'est le crime politique. Et, plus spécifiquement, s'il est un type de femme ou d'homme que la menace de la mort ne saurait faire reculer, c'est bien le terroriste. D'abord, parce qu'il l'affronte au cours de l'action violente ; ensuite parce qu'au fond de lui, il éprouve cette trouble fascination de la violence et de la mort, celle qu'on donne, mais aussi celle qu'on reçoit. Le terrorisme,  qui est un crime majeur contre la démocratie,  a pour cri de ralliement, quelle que soit l'idéologie qui l'anime. le terrible cri des fascistes de la guerre d'Espagne : "Viva la muerte !", "Vive la mort !" Alors, croire qu'on l'arrêtera avec la mort, c'est illusion.... Si, dans les démocraties voisines, pourtant en proie au terrorisme, on se refuse à rétablir la peine de mort, c'est, bien sûr, par exigence morale, mais aussi par raison politique.....Aux yeux de certains et surtout des jeunes, l'exécution du terroriste le transcende, le dépouille de ce qu'a été la réalité criminelle de ses actions, en fait une sorte de héros qui aurait été jusqu'au bout de sa course, qui, s'étant engagé au service d'une cause, aussi odieuse soit-elle, l'aurait servie jusqu'à la mort. Dès lors, apparaît le risque considérable, que précisément les hommes d’État des démocraties amies ont pesé, de voir se lever dans l'ombre, pour un terroriste exécuté, vingt jeunes gens égarés. Ainsi, loin de le combattre, la peine de mort nourrirait le terrorisme.  A cette considération de fait, il faut ajouter une donnée morale : utiliser contre les terroristes la peine de mort, c'est, pour une démocratie, faire siennes- les valeurs de ces derniers. Quand, après l'avoir arrêté, après lui avoir extorqué des correspondances terribles, les terroristes, au terme d'une parodie dégradante de justice, exécutent celui qu'ils ont enlevé, non seulement ils commettent un crime odieux, mais ils tendent à la démocratie le piège le plus insidieux, celui d'une violence meurtrière qui, en forçant cette démocratie à recourir à la peine de mort, pourrait leur permettre de lui donner, par une sorte d'inversion des valeurs, le visage sanglant qui est le leur. Cette tentation, il faut la refuser, sans jamais, pour autant, composer avec cette forme ultime de la violence, intolérable dans une démocratie, qu'est le terrorisme. Mais lorsqu'on a dépouillé le problème de son aspect passionnel et qu'on veut aller jusqu'au bout de la lucidité, on constate que le choix entre le maintien et l'abolition de la peine de mort, c'est, en définitive, pour une société et pour chacun d'entre nous, un choix moral.....Dans les dernières années, se sont prononcés hautement contre la peine de mort, l'église catholique de France, le conseil de l'église réformée et le rabbinat.....Toutes les grandes associations internationales qui militent de par le monde pour la défense des libertés et des droits de l'homme - Amnesty international, l'Association internationale des droits de l'homme, la Ligue des droits de l'homme - ont fait campagne pour que vienne l'abolition de la peine de mort. »

 Le 18 septembre 1981, Le projet est adopté par 363 voix contre 117.  Quelque  30 ans plus tard, les événements allaient tragiquement illustrer les propos de Badinter. En réalité, la question de l'abolition n'est jamais définitivement résolue. Devant  l'ampleur et la cruauté de certains crimes – les crimes contre les enfants, en particulier -  la tentation est grande de croire à l'efficacité d'un châtiment suprême ; c'est que la barbarie incite à la barbarie sous l'illusion de la justice et de l'équité. Robert Badinter invite les hommes à surmonter cette tentation ; le malaise du père d'Albert Camus, spectateur d'une exécution capitale, constitue bien ce sursaut d'humanité  qui nous protège contre l'escalade de la barbarie.

Vie fédérale

L’exemple de Georges Dassaud

Il y a l'histoire collective, celle dont la mort des grands de ce monde,  ou des idoles fabriquées,  est jetée en pâture à l'émotion publique ; les biographies enluminées, les hommages posthumes et les oraisons interminables....

        Et puis il y a l'histoire secrète,  inscrite au fond de nos cœurs et de nos mémoires. C'est dans cette histoire, et dans notre chagrin, que figure désormais la disparition de notre ami Georges Dassaud.

Sa mort frappe une famille qui perd un époux, un père, et un grand-père,   à laquelle il s'est consacré sans relâche et qui a partagé avec lui les souffrances qui ont marqué la fin de sa vie. Qu'ils soient assurés de notre sympathie la plus attristée. Dans les couloirs de la FAL, affligés  par la nouvelle de son dernier départ, nous ne l'oublierons pas ; nous nous souviendrons que la porte de son bureau ouvrait sur un homme discret, souriant, généreux, toujours disposé à agir au service de ses semblables.

        S'il est arrivé à cet homme d'être fier, c'est d'abord de ses origines creusoises : fils de gendarme, il était né à Chambon-sur Voueze : fier ensuite d'être sorti de l'Ecole Normale de Guéret  où il avait été un brillant élève en math et physique, et  dont il parlait souvent ; il avait rejoint  la cohorte des instituteurs,   éternels hussards de la République,   à qui tant d'enfants doivent d'avoir appris à penser et à être libres.  Ses camarades de promotion se souviennent d'un joyeux compagnon ouvert aux plaisirs de son âge.

    Jusqu'au bout de ses activités, il demeure attaché à sa vocation éducative qu'il poursuit comme adjoint aux affaires scolaires dans le conseil municipal de Gerzat , autre objet de sa fierté et de son dévouement ; très impliqué d'abord dans l'amicale laïque dont il fut trésorier et président, il fut longtemps  l' ambassadeur de sa ville, et en fut le maire de 2008 jusqu'en 2014. Ses administrés se souviennent de lui....

        C'est à la FAL qu'il donnera la pleine mesure de son activité et de son militantisme. La somme de ses engagements est impressionnante. D'abord membre du conseil  d'Administration en 1999, il en assume avec courage la présidence dans une période difficile, et reçoit le soutien de Maurice Candoret qui le présente aux dirigeants nationaux.

        Pendant toute la durée de son mandat, de 1999 à 2008, Georges a  favorisé le développement de la  FAL  dans tous les secteurs, toujours  à l'écoute et au service de tous les acteurs. C'est dans le secteur vacances, dont il était issu, qu'il a contribué à la réussite de toutes les actions culturelles et sportives de la fédération, sans oublier le village de vacances Le Grand Panorama, la MECS du Château des Quayres et le centre de CHADIEU. Il assura  la direction du séjour de ski organisé par la FAL à Châtel et ceci bénévolement : son humilité foncière n’en a que plus de mérite.

        Alors que la vie associative et notre fédération connaissent bien des vicissitudes, l'action de Georges Dassaud doit nous demeurer exemplaire ; il doit aussi  nous inciter au courage et à la persévérance. C'est pourquoi le meilleur hommage que nous puissions lui rendre, la meilleure façon de faire vivre son sourire, c'est de poursuivre la mobilisation qu'il n'a cessé de mettre en pratique et de porter haut le flambeau de la laïcité Salut Georges, Adieu l'ami.

Pour la FAL, le comité de rédaction d'Auvergne laïque

Premier écho de notre Assemblée générale

L'Assemblée générale annuelle de la fédération s'est tenue vendredi 17 mai à Issoire, en présence de Mme Briat représentant le Conseil départemental, J.K. Deschamp représentant la Ligue nationale, J.Gelly, président de l'Union régionale, M. Rochette président de la CAF, M. Bacquet, président de l’Agglo. Pays d’Issoire, M.Barraud, maire d’Issoire, et plusieurs autres personnalités invitées. L'amicale laïque d'Issoire recevait l'AG en ses locaux : merci à son président, aux amicalistes d'Issoire et aux salariés de l'amicale pour la qualité de leur accueil.

Un compte-rendu détaillé sera publié dans le prochain numéro du bulletin Auvergne laïque.

Sport pour tous en milieu rural

En répondant à un appel d'offre du Conseil départemental, l'UFOLEP-63 a confirmé son rôle sur le territoire puydômois quant à la promotion du sport pour tous généralement appelé «gym d'entretien». Le stage de formation technique organisé à Mons le samedi 23 mars a confirmé cette dynamique en direction des clubs ruraux. Ici comme à Paslières, des animatrices UFOLEP ont acquis un complément de formation aux différentes techniques en lien avec la variété des publics concernés. Les caractéristiques de la gym douce pour les seniors ont été expliquées par Annie Coly, responsable UFOLEP de la spécialité et Olga Benoît, animatrice à Mons. En présence du sénateur et conseiller départemental Eric Gold et de Didier Chassain, maire de Mons, Jean-Claude Dauphant, président de l'UFOLEP-63 a remercié les membres de la section monsoise pour leur participation active à la réussite de cette formation.

DOSSIER

L’égalité des citoyens devant la justice

Introduction par Pierre Miele

Cliquer pour télécharger ou lire le cahier complet
sur le site du Cercle Condorcet

Le Cercle Condorcet de Clermont-Ferrand publie régulièrement un livret de réflexions sur un thème choisi par ses membres parmi ceux que l’actualité met à l’ordre du jour, concernant la vie citoyenne, les valeurs de la République, l’éducation.

L’ambition du Cercle est d’instruire le sujet choisi, en référence aux principes humanistes que nous défendons, et d’outiller la réflexion des citoyens auxquels il s’adresse.
Ce 18ème livret est consacré à l’égalité des citoyens devant la justice.
Bien souvent, l’opinion publique s’étonne et s’interroge à propos des décisions de justice et notamment de la disparité des peines prononcées à l’encontre des coupables. De récentes affaires accréditent l’idée d’une justice qui serait plus clémente avec les riches ou les puissants. Qu’en est-il dans la réalité ?
Il s’agit d’identifier les facteurs de risque réel d’inégalité mais aussi les dispositions prises par l’appareil judiciaire pour limiter ces mêmes risques, protections qui ne sont pas toujours connues ou rappelées.
Il s’agit aussi de préciser la part du droit et celle du jugement des affaires par l’appareil de justice : le juge apprécie des faits au regard de la légalité, pas au regard de la morale. Mais il apprécie, il interprète…
Il peut aussi exister des injustices ressenties qui ne sont pas corrigées par les lois. Le droit est celui d’une société qui peut être estimée injuste, jusque dans ses lois.

Quelle égalité et quelle justice ?

La justice est ici l’institution judiciaire, celle qui juge les affaires au quotidien. Des femmes et hommes qualifiés ont en charge de traiter des affaires, conflits ou conduites qui ont été déclarés et instruits selon des procédures réglementaires. Ils ont étudié un dossier (relatant les faits), écouté s’il y a lieu plaignants et accusés et leurs avocats. Ils rendent, seuls ou avec l’assistance d’experts et de jurés, un jugement conforme à la loi, modulé par une appréciation « humaine » des circonstances et de la gravité.

L’égalité recherchée est l’égalité de traitement. Cette égalité est en France un principe constitutionnel. Ce principe fut proclamé en 1789 dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme et du citoyen.

Le droit est, en principe, destiné à rétablir une certaine égalité des personnes au regard des inégalités de fait entre ces personnes en termes de qualités individuelles et d’importance des ressources (à l’encontre de la « loi du plus fort »). En principe, il est équitable, les peines sont proportionnelles (pas « égales », c’est-à-dire pas « œil pour œil, dent pour dent »).

Justice, légalité et légitimité, depuis Condorcet…

En son temps, Condorcet avait imaginé que les lois pourraient être les mêmes pour tous les êtres humains et en tous lieux.

Pour lui, les lois devaient découler d’une part de droits fondamentaux reconnus universels et d’autre part de la raison, également universelle. De lois justes pourraient ainsi résulter d’une application en quelque sorte mécanique des règles de la logique, dont évidemment la non contradiction avec les droits fondamentaux.

« Une bonne loi doit être bonne pour tous les hommes, comme une proposition est vraie pour tous. » a-t-il écrit.

Ce grand philosophe était, on le sait également, un grand mathématicien, et il entrevoyait sans doute que le droit puisse être fondé et édifié comme le sont les théories mathématiques, par un raisonnement déductif à partir d’axiomes et postulats conventionnels.

Cette conception de la Justice, s’est concrétisée à cette époque avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Cette déclaration énonce les droits fondamentaux et imprescriptibles appelés aussi « droits naturel s», dont le droit à la vie, la liberté individuelle, liberté de conscience et d’expression, et l’égalité devant la loi précisément. Mais aussi le droit de propriété. Ainsi que le droit de participer à la formation des lois, droit du citoyen, ce qui suppose la capacité de juger de leur bien-fondé et donc l’éducation nécessaire pour former l’esprit critique. Cette Déclaration posait les fondements d’une justice républicaine.

Mais non seulement la Déclaration Universelle n’est pas entrée en vigueur partout, elle n’est même pas toujours respectée par les états qui l’inscrivent dans leur Constitution ; l’histoire de notre République suffit à constater que cette conception serait au mieux un idéal.

Cette conception n’était déjà pas celle de Montesquieu, pour qui d’autres facteurs interviennent dans la formation des lois, et pas la seule raison : hormis les droits naturels, la culture, les nécessités propres à une société entrent dans les déterminants. « Ce que j'appelle vertu dans la république est l'amour de la patrie, c'est-à-dire de l'égalité. Ce n'est point une vertu morale, ni une vertu chrétienne, c'est la vertu politique. », écrivit-il, tandis que Condorcet n’admettait pas que la loi puisse dépendre d’une vertu.

Les débats philosophiques continuent et nous suivrons le grand philosophe allemand contemporain Jürgen Habermas, grand défenseur de l’héritage des Lumières, lorsqu’il concilie les deux approches en montrant qu’en démocratie la légalité du droit, pour être légitime, doit porter en lui une dimension morale. Cette légitimité n’est donc possible qu’à travers des procédures juridiquement institutionnalisées d’édiction des lois, permettant la discussion argumentée entre citoyens qui se considèrent comme mutuellement responsables. Elle ne peut donc pas résulter de la seule raison, mais aussi d’un accord des citoyens après débat. C’est ce qu’il appelle la rationalité communicationnelle.

Les lois évoluent avec la société

En France donc, les droits fondamentaux des hommes, comme êtres humains et comme citoyens, sont bien inscrits dans la Constitution. Mais leur mise en œuvre n’a pas forcément suivi. Ainsi, l’égalité en droit des femmes - Condorcet avait énoncé leur égalité avec les hommes, en la déduisant rationnellement des qualités humaines naturelles identiques -, ne s’est confirmée dans les lois que de manière récente (principe constitutionnel en 1946), qu’il s’agisse de leur droit de vote, puis de la reconnaissance de l’égalité entre les époux devant les régimes matrimoniaux (1984), de leur liberté, ou encore de leur droit à la sécurité contre les agressions sexistes ou sexuelles (délit depuis 1991). Et l’on sait que dans bien des aspects, il reste à réaliser dans les faits l’égalité même quand la loi l’a prévue. Ainsi, s’agissant du domaine social, le Premier ministre Edouard Philippe déclarait récemment, à l’issue d’une réunion avec patronat et syndicats : "Ce qui est fou, c'est que tout existe dans le droit, mais dans les faits, l'égalité n'est pas là. Notre objectif, c'est de passer de belles déclarations juridiques à une véritable égalité réelle » ; on ne saurait dire mieux !

Le fait même que la loi évolue atteste de ce qu’à un moment donné, des injustices peuvent exister ou être ressenties comme telles, des injustices acceptées par une société démocratique. Et ce qui peut paraître injuste, voire illégitime, peut donc ne pas être illégal. Et les juges prennent leurs décisions dans le cadre de la légalité.

Les medias ou la fabrique de l’opinion publique

Trop souvent par un souci d’audience, mais parfois aussi d’influence politique, les medias mettent prématurément sur la place publique des affaires judiciaires, qui par leur caractère dérangeant ou immoral, suscitent l’émotion, l’indignation ou la révolte. Un coupable est souvent désigné avant la fin de l’enquête, au détriment de la présomption d’innocence. L’appareil de justice est sommé de s’expliquer publiquement, alors qu’il a besoin de sérénité, de calme et de temps pour effectuer son travail selon les règles déontologiques.

Ainsi l’opinion publique se fait-elle juge à la place des juges, en se basant sur les « informations » diffusées, et en général sans bien connaître les dispositions légales applicables, y compris les droits des accusés.

Des exemples historiques retentissants de ce phénomène et de ses effets désastreux sont étudiés dans ce cahier ; l’affaire « Outreau » en est une qui reste dans toutes les mémoires, jetant un discrédit sur le fonctionnement de la justice.

Le plus grave est bien sûr le cas où la justice se trouve influencée par l’opinion publique jusqu’à commettre des erreurs et ce fut justement le cas dans cette affaire Outreau. Rappelons que l'affaire éclate en 2000. Sa médiatisation devient considérable en 2002. D'une affaire de pédophilie, on passe à une affaire de meurtre. Les médias commencent à parler d'une « affaire Dutrou à la française ». Les médias s'emparent alors de cette affaire en stigmatisant les protagonistes dans leurs situations sociales et de coin de campagne du Pas-de-Calais. A l’emballement médiatique répond l'emballement judiciaire ; c'est avant tout le jeune juge d'instruction qui pâtit du procès et devient la victime expiatoire de la justice, malmenée par les politiques et la presse.

On pourrait citer, toujours dans le registre criminel, l’affaire « Grégory » ou plus récentes encore les affaires « Fiona » ou « Maelys » dont tous les détails, y compris des audiences, sont dévoilés, inexactitudes comprises. Comme si chacun devait pouvoir se faire un avis… Un avis qui peut être différent de celui des juges… Un climat est créé susceptible d’influencer les enquêtes et les jugements.

En revanche, les medias ont un rôle d’alerte qui ne doit pas être entravé, et particulièrement celui des medias professionnels indépendants qui observent une déontologie journalistique ; ce rôle est aussi un rempart aux abus possibles ; il est une caisse de résonance amplificatrice des aspirations de la société.

Ainsi l’affaire « Vincent Lambert » révèle, par son écho médiatique, un besoin de traitement juridique d’un problème que la société a jusqu’ici voulu ignorer ; il en est ainsi des questions bioéthiques en cours d’étude dans nos Assemblées.

Sont également salutaires les révélations spectaculaires que des pouvoirs politiques ou des pouvoirs occultes cachent ou préfèrent traiter « en interne » : les abus sexuels, les fraudes fiscales, les fraudes électorales, lorsque les accusés sont des personnages qui se croient « protégés » par leur statut, leur influence ou leur pouvoir. Dans ces cas, la pression de l’opinion publique oblige la justice à enquêter et à engager des poursuites.

Les limites de notre étude

Notre étude porte sur le champ de la justice commune, où  le droit commun, droit civil et droit pénal y compris la justice pour mineurs, en Tribunal d’Instance pour les litiges et dommages, en Tribunal Correctionnel pour les délits, aux Assises pour les crimes.

Quelques affaires récentes très médiatisées obligent à s’interroger sur la justice d’exception (Haute Cour, Cour de Justice de la République), notamment pour comprendre les différences avec la justice commune, à défaut de les justifier.

Mais la justice administrative (contentieux avec Etat ou collectivités), celles des affaires commerciales, ou celle relevant des Prudhommes (relations employeurs-employés, droit du travail), ou encore la justice fiscale subordonnée à « Bercy » (voir par ex. L’impunité fiscale – Alexis Spire, Katia Weidenfeld, 2016), sont hors de notre champ, bien que de nombreuses insatisfactions proviennent de décisions de ces natures et qu’elles peuvent être une source non négligeable d’inégalités.

Nos sources

Pour traiter cette question en « non juristes » nous avons puisé dans deux sources : la documentation, en particulier des articles de presse dénonçant des « injustices », et dans des entretiens avec des professionnels de la justice, juges, juristes ou avocats qui ont bien voulu mettre leur compétences au service de notre démarche. Ce travail leur doit beaucoup. Cependant nos écrits n’engagent que le Cercle Condorcet et les auteurs des synthèses effectuées à partir des éléments recueillis, mais en aucun cas ces professionnels eux-mêmes dont nous pourrions avoir déformé la pensée.

Nos questions initiales ont été organisées autour de quatre « facteurs » principaux de risque d’inégalité et ont structuré le travail du cercle, à partir des apports des différents intervenants.

Des petits groupes ont été constitués autour de chaque axe pour partager le travail d’investigation et de rédaction.

SOMMAIRE

Des effets de la communication langue, décorum, écrits aux différents stades de la procédure…
Des effets du contexte variabilité selon régions, périodes, opinion publique…  
Des effets du droit lui-même quand le droit contient l’injustice…  
Des effets des moyens et des outils la justice, une affaire de moyens ?  

Le présent cahier est disponible en lecture et en téléchargement sur le site

Sommaire du cahier n°18

  • Des effets de la communication
    langue, décorum, écrits aux différents stades de la procédure…
  • Des effets du contexte :
    variabilité selon régions, périodes, opinion publique…
  • Des effets du droit lui-même
    quand le droit contient l’injustice…
  • Des effets des moyens et des outils
    la justice, une affaire de moyens ?
D'une amicale a l'autre

Le sport au coeur du projet pédagogique des écoles beaumontoises

Quand le sport fait partie intégrante de son projet d’école et que tous ses acteurs savent se rendre efficaces et disponibles alors l’école prend un autre visage. C’est le cas à Beaumont où l’association sportive USEP a investi depuis longtemps le territoire de la commune et met en œuvre des activités sportives variées dans les deux groupes scolaires (Le Masage et Jean-Zay). Pour l’année scolaire 2018-2019, 463 enfants en tirent bénéfice (219 filles et 244 garçons).

D’abord section de l’amicale laïque locale, l’association a pris son autonomie depuis quelques années et a pu poursuivre son développement grâce à deux atouts d’importance : une longue tradition sportive scolaire menée par les éducateurs sportifs (ETAPS) et l’engagement des enseignants.

Quatre champs d’activités permettent d’élaborer en début d’année scolaire un calendrier très dense de propositions que choisissent les élèves ou les maîtresses et maîtres.

  • Sur le site même des écoles, quotidiennement (ou presque) une heure de sport est proposée aux élèves du cycle 3 entre 11h30 et 12h30 (Par cycles de 4 à 6 semaines, tennis, VTT, lutte, escrime, jeux traditionnels, football, … sont au programme).
  • Les classes volontaires sont invitées plusieurs fois dans l’année par l’USEP 63 à des regroupements d’une journée ou d’une demi-journée autour d’activités telles que le rugby, la course d’orientation, le cirque ou le golf.
  • Pendant le temps scolaire encore, l’association USEP du secteur (USEPIX) permet aux classes licenciées de pratiquer du tennis de table, de la gymnastique, de la pétanque ou encore de la lutte.
  • Pour les écoliers licenciés qui le souhaitent, les rassemblements départementaux du mercredi après-midi offrent eux-aussi la possibilité de participer à des rencontres de lutte, d’athlétisme ou de cross.

L’année scolaire est ainsi rythmée par ces différents moments de sport partagés et voulus par tous. Les équipes pédagogiques sont solidaires et Filipe Da Silva, l’ETAPS qui a reçu Auvergne Laïque, entend bien maintenir longtemps encore l’engouement existant pour le plus grand bonheur des écoliers de la commune et pour favoriser leur épanouissement.

Le mot de la fin pour Francis Piclin, le directeur de l’école Jean-Zay : « Pour nous, à Beaumont, le sport est primordial pour l’éducation des futurs citoyens et comme les valeurs véhiculées par l’USEP 63 sont partagées par nos différentes équipes, on fonce avec elle ».

Président : Josiane CANTOURNET
Vice-présidente : Hélène OFFNER
Secrétaire : Aurélie SIMONEAU Secrétaire-adjoint : Guillaume PELISSIER
Trésorier : Hervé AUBRY Trésorier-adjoint : Filipe DA SILVA

L’Amicale laïque de Billom, une association à l’aise dans ses convictions

Les Amicales laïques auxquelles le groupe de rédacteurs d’Auvergne laïque rend visite sont « choisies » en fonction du secteur géographique, rural ou urbain et sur les indications des services de la FAL en lien avec les activités développées par ces associations. D’aucuns émettent l’idée que le déplacement est tributaire de la présence ou non d’une bonne table pour s’y sustenter de manière sympathique et suffisante mais ce n’est là qu’un choix secondaire.

L’Amicale laïque de Billom avait un temps disparu des tablettes de la FAL-63, conséquence d’une probable négligence au moment du passage de témoin entre deux équipes qui se succèdent. La reprise en main par Jean-Pierre Audier et son équipe a remis l’association sur les rails qu’elle a partagés avec la FAL depuis 1936, année de sa création.

Au fil de la discussion, les visiteurs ont alors pris la mesure des objectifs de l’AL Billom, objectifs inscrivant l’association et ses adhérents dans un environnement culturel, éducatif et social riche et largement militant. Tout un symbole : Henri Pena-Ruiz est membre de l’amicale. Voilà qui démontre s’il en était encore besoin l’implication culturelle et laïque de celles et ceux qui animent le groupe.

Le calendrier 2019 des activités vient à point nommé compléter cette impression de diversité et de dynamisme. Pas un mois sans activités allant des conférences au théâtre, à la rando-galette en passant par l’espace-game, les après-midi sciences pour les enfants ou le bal costumé alors que l’aide apportée à l’école publique billomoise ( école et collège) s’avère conséquente et là aussi militante.

A ces actions spécifiques dont elle a l’initiative vient s’ajouter une démarche coopérative à l‘attention des autres associations billomoises dont  l’Al Billom partage les vues et les objectifs. Force est de reconnaître que là aussi elle  excelle tant ses participations sont nombreuses et attendues. Les jeudis du pressoir, ciné-discussion avec Ciné –Parc, sorties avec Billom-Nature, Rand-Aubade, les Noctambules, chantier international, expositions diverses et variées sont autant d’animations auxquelles l’association prête son concours en tant que maître d’œuvre ou simple porteur d’énergie et de savoir-faire.

Il ne serait pas possible de clore cet incomplet catalogue sans faire allusion au partenariat lié avec le CASA, collectif d’aide aux demandeurs d’asile. Au sein de ce groupement, l’Amicale apporte son appui et ses capacités d’action pour tout ce qui concerne l’accueil,  la scolarisation, l’aide au devoir et à l’apprentissage du français et  l’insertion,  étant allée jusqu’au parrainage républicain de familles de migrants.

Reconnaissance municipale, intercommunale, inter-associative : L’amicale laïque de Billom, ses 75 familles, sa centaine d’adhérents et ses 20 administrateurs ne peuvent que se reconnaître dans le sens profond des mots du philosophe Alain d’une actualité brûlante :

« Tout homme persécute s’il ne peut convertir. A quoi remédie la Culture qui rend la diversité adorable. »

Président : Jean-Pierre AUDIER
Vice-présidents : Carole DELAVAUD, Iseut SARRANT et Michel BLANCHET
Secrétaire : Carole PRAT   Secrétaire adjoint : Marie GUY
Trésorier : Gérard GUILLOT  Trésorier adjoint : Christian GUY
Membre du bureau : Henri FOURNET

Avec les DDEN

Défendre l’école de la République et défendre la laïcité

Pour les DDEN 63, Anne-Marie Doly

Dans sa  « lettre des DDEN 63 »  notre président rappelait que la fonction des DDEN, « particulièrement fondamentale aujourd’hui » était  « de veiller à promouvoir et défendre l’école de la République » et de « défendre la laïcité », telle qu’elle est juridiquement cadrée et définie par la loi de 1905. 

Or deux réformes sont en cours, l’une sur l’école et l’autre sur la laïcité.
Une majorité de syndicats enseignants, l’association des parents d’élèves PEEP, se sont élevées et ont manifesté contre la première  et  les DDEN 63 ont publié un communique de soutien : « Les DDEN qui défendent depuis toujours l’école publique laïque émancipatrice s’associent au mouvement syndical qui s’élève contre le projet de loi «pour l’école de la confiance» qui menace l’école républicaine par la mise en place d’une logique purement comptable et managériale de regroupement d’établissements qui conduit à augmenter les inégalités et à réduire les ambitions éducatives ;  et d’une obligation scolaire à 3 ans qui, en étendant la loi Debré et la subvention publique à l’école maternelle privée, porte une nouvelle atteinte à la laïcité scolaire. »   

Qu’avons-nous à craindre de ces deux réformes, et d’abord de la première ?
C’est en premier lieu le principe de la création de regroupements d’écoles et d’un collège au sein « d’un même établissement public local d’enseignement » appelé « établissement public des savoirs fondamentaux ». Ces regroupements seraient opérés à l’initiative des collectivités territoriales et là où «les communautés éducatives l’estiment utile » pour « regrouper les écoles d’un même bassin de vie . 

Nous savons – car il y a eu bien d’autres tentatives de ce type dans un passé récent- que le principal effet des regroupements scolaires, c’est la suppression d’écoles et de postes d’enseignants. Et nous savons aussi que la logique comptable est celle qui prévaut actuellement, à l’école comme dans les autres services publics comme l’hôpital en particulier. D’ailleurs le nombre des postes mis au CAPE (concours de professeurs des écoles) en diminution de 9 % en atteste. On comprend alors les oppositions à une réforme qui ne vise que l’économie. 

Mais il y a plus. Une autre disparition est programmée dans ce regroupement, celle des directeurs d’écoles primaires qui passent sous tutelle d’un collège. Et dans ce cas, ce qui est en cause n’est pas la seule disparition comptable des postes de directeurs, déjà très importante, c’est la disparition d’une fonction pédagogique essentielle à la vie de l’école primaire publique.  Le directeur, enseignant du primaire lui-même, connaît tous les élèves, conçoit les projets pédagogiques avec les enseignants, est à l’écoute permanente de leurs questionnements, est en lien direct avec les inspecteurs et les conseillers pédagogiques, reçoit les parents et organise le conseil d’école. Un principal de collège, qui ne vient pas, le plus souvent, de l’enseignement primaire et que sa formation de CPE ne familiarise pas avec l’enseignement élémentaire et maternel, risque fort d’être davantage un directeur-manager, plus préoccupé de « rationalisation » et « d’optimisation » comme disent les économistes, que de pédagogie. On voit s’affirmer ici l’évolution libérale que nous avons maintes fois dénoncée, de l’école républicaine,  en cours depuis le début des années 2000 avec, en particulier, l’école des compétences qui prépare plus directement les élèves à s’adapter aux demandes économiques de la société, de l’orientation par les résultats des élèves aux évaluations permanentes de ces compétences, une autonomie plus grande des établissements et des directeurs, créatrice de concurrence et d’inégalités pour les élèves. Les regroupements écoles-collège  laissés à l’initiative des territoires, font courir ce risque d’inégalités puisque tous les enfants n’auront pas le même service éducatif selon leur lieu d’habitation.

 Il faut aussi rétablir la vérité de l’école obligatoire à 3 ans présentée comme une avancée sociale. Près de 99% des enfant de 3 ans sont déjà scolarisés en maternelle, la loi ne concerne ainsi que 26000 enfants. Par contre,« La mise en œuvre du régime de contribution des communes au financement de l’enseignement privé sous contrat avec l’État sera également impacté par le caractère désormais obligatoire de l’instruction dès l’âge de trois ans ». C’est donc en réalité l’enseignement privé et 20000 élèves supplémentaires des écoles confessionnelles qui vont bénéficier de l’argent public ainsi que les enseignants qui seront recrutés, ce qu’anticipe déjà le CAPE qui prévoit d’augmenter de 38 % le nombre de postes dédiés au privé. Et si l’on ajoute qu’un amendement autorise la scolarisation des enfants de moins de 6 ans dans un « jardin d’enfants », qui pourra être municipal ou géré par des associations privées, c’est l’école maternelle de la République elle-même qui est en danger de disparition.    

Quant à la réforme de la laïcité et de la loi de 1905, un très grand nombre d’associations dont la fédération des DDEN, s’y est opposé et les DDEN 63 ont envoyé une « lettre aux élus » qui a été publiée dans le dernier Auvergne Laïque.

  Trois raisons ont été invoquées par le gouvernement pour la justifier  :
a) la transparence du financement,  
b) le respect de l’ordre public  alors que l’article 35 de la loi règle déjà ce problème : "Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile ».  
et c)  de la consolidation de la gouvernance des associations cultuelles.

 Ces raisons cachent en réalité une double volonté.  Celle de contrôler une religion particulière, l’Islam : l’Etat cesse alors d’être neutre et de traiter toutes les religions à égalité. Et celle de subventionner les cultes en entretenant une confusion entre cultuel et culturel.  Dans les deux cas et contrairement à ce qui est affirmé, c’est la neutralité de l’Etat et l’idée même de séparation qui est remise en cause. C’est bien pourquoi les associations laïques sont vent debout contre cette réforme.  D’ailleurs les français sont très majoritairement attachés à la loi comme en attestent l’enquête de l’observatoire de la laïcité selon laquelle plus de 85% des sondés ne souhaitent pas la changer.  Tous sont conscients que c’est une loi qui, telle qu’elle est, conforte la République dans ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et permet la vie en commun de ses citoyens avec leurs différences tout en les protégeant de toute possibilité de guerre des dieux.  

Loisirs

De la lecture, de la lecture, de la lecture…

« Le Paradoxe d'Anderson »
Un roman de Pascal Manoukian ( éditions du Seuil )

« Les usines ne poussent qu'une fois et n'engraissent que ceux qui les possèdent »

Pascale Manoukian est reporter de guerre. Il a couvert plusieurs conflits aux quatre coins du monde et particulièrement au Moyen Orient.

L'histoire qu'il raconte se déroule dans une petite ville de l'Oise, non loin de Beauvais, avec ses usines et ses traditions ouvrières,  avec aussi le souvenir de ce qu'étaient les paysages ruraux d'avant : on y cultive encore le lin et les zones forestières abritent des chevreuils …

Dans la famille d'Aline, l'arrière-grand-père prénommé Léon ( comme Blum ) avait été surnommé Staline … à cause de ses moustaches ou parce que c'était un « rouge », ancien résistant et syndicaliste furieux. A vingt ans il avait épousé Louise … comme la « Michel » de la Commune. Quand le récit commence, Aline travaille dans une usine de textile et Christophe son mari dans l'entreprise « Univerre ». Ils ont deux enfants dont la jeune Léa qui prépare un bac E.S. Elle étudie, entre autres, le « Paradoxe d'Anderson » : « malgré un diplôme supérieur à celui de leurs parents les enfants ne parviennent pas à atteindre un statut social plus élevé ». Son petit frère Mathis vit le plus souvent dans son arbre à Tarzan.

Le magasin d'approvisionnement « Simply » est le temple vivant de cette petite communauté urbaine.

C'est la crise, ici comme ailleurs: les usines ferment ou sont délocalisées. Les ouvriers sont licenciés ou déclenchent la grève avec occupation... certains tombent dans la misère et le désespoir,  quittent le pays, leur maison, d'autres refusent leur sort et décident de lutter, de se battre... Léa apprend dans ses révisions du bac que « Le capitalisme avait été une formidable machine à produire du bonheur pendant deux générations, inventant entre autres merveilles les contrats à durée indéterminée la Sécurité sociale, les congés payés ou l'assurance chômage mais la brusque détermination des nations longtemps exclues à vouloir elles aussi des mêmes avantages avait changé la donne... ». L'auteur oppose ainsi les théories que la petite lycéenne apprend dans ses livres à la vie de ses parents. Son style est précis et vivant avec une pointe d'humour et de sensualité, doublé d'un vrai lyrisme. On pense parfois à Gérard Mordillat et à Jean-Christophe Rufin . Ses héros sont encore pleins  d'espoirs, sur fond de braquage du magasin Simply au profit de ceux qui ont été les victimes du chômage et dont certains meurent littéralement de faim, d'angoisse, ou se suicident. C'est aussi l'histoire de la fraternisation avec les paysans autour d'un barbecue géant : « on vit avec 350 euros par mois alors que les grandes enseignes gavent leurs actionnaires », explique une laitière. L'auteur prouve à chaque instant que les existences qu'il évoque sont bien réelles « Personne ne comprend rien  aux ouvriers, sauf les ouvriers eux mêmes ».

« Le Paradoxe d'Anderson » compte moins de 300 pages mais il se lit sans reprendre son souffle et foisonne  d'épisodes tragi-comiques et de petits bonheurs passagers, en attendant l' épouvantable et prévisible tragédie finale. Il s'agit de toute évidence d'une fiction et comme on dit « toute ressemblance avec des personnages ayant existé réellement serait de pure coïncidence et indépendante de la volonté de l'auteur ». Quoique les situations, les héros, leurs tragédies ne sont pas obligatoirement nés de l'imagination de l'auteur. …Et pourtant !

                                                                                                Marcel COL

Questions que se pose un ouvrier qui lit

En hommage aux bâtisseurs de cathédrales, nous publions un poème de Bertolt Brecht qui prouve que la poésie peut aussi se mettre au service des hommes quand elle les sauve de l’indifférence et les soustrait à l’oubli.

Qui a construit Thèbes aux sept portes ?

Dans les livres on donne les noms des Rois.

Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ?

Babylone plusieurs fois détruite,

Qui tant de fois l'a reconstruite ? Dans quelles maisons

De Lima la dorée logèrent les ouvriers du bâtiment ?

Quand la Muraille de Chine fut terminée,

Où allèrent ce soir-là les maçons ? Rome la grande

Est pleine d'arcs de triomphe. Qui les érigea ? De qui

Les Césars ont-ils triomphé ? Byzance la tant chantée,

N'avait-elle que des palais

Pour les habitants ? Même en la légendaire Atlantide

Hurlant dans cette nuit où la mer l'engloutit,

Ceux qui se noyaient voulaient leurs esclaves.


Le jeune Alexandre conquit les Indes.

Tout seul ?

César vainquit les Gaulois.

N'avait-il pas à ses côtés au moins un cuisinier ?

Quand sa flotte fut coulée , Philippe d'Espagne

Pleura . Personne d'autre ne pleurait ?

Frédéric II gagna la Guerre de sept ans.

Qui à part lui était gagnant ?

A chaque page une victoire.

Qui cuisinait les festins ?

Tous les dix ans un grand homme.

Les frais, qui les payait ?

Autant de récits

Autant de questions.

Bertolt BRECHT (1935)

Grandeur et misère des bâtisseurs

Il est de superbes édifices contemporains qui ont largement mérité le titre de chef d’œuvre, et qui attestent essentiellement de performances techniques qui ont produit des œuvres aussi gigantesques et aussi prestigieuses que le viaduc de Millau., devant lesquelles les visiteurs demeurent médusés.

Rien n'égale toutefois l'admiration qui nous saisit à la découverte de la façade de la cathédrale de Reims ;  par l'harmonie de ses proportions, par le mouvement même qui la dresse vers le ciel, elle illustre magistralement la définition du grand Stravinsky affirmant que « l'architecture c'est de la musique pétrifiée ». C'est bien cette même symphonie de la pierre qui caractérisait Notre Dame de Paris et l'incendie qui vient de la détruire afflige les hommes autant qu'un chœur qui se brise, un orchestre qui s'effondrerait en plein cœur de son concert.

On ne saurait oublier toutefois, devant ces entrelacs de pierre qui se répètent du socle de l'édifice jusqu'au terme de ses colonnes et de ses flèches, ces dentelures qui ourlent les ogives des portails, ces gargouilles en équilibre qu'on dirait précaire, plus proches de l'envol que de la chute, ces figures, ces monstres et ces allégories qui surgissent dans l'enveloppe des chapiteaux; on ne saurait oublier que c'est la main des hommes qui les a inlassablement burinés; c'est à l’application  inlassable des peintres et des verriers, à l'imaginaire insondable d'artistes souvent  anonymes que nous devons ces vitraux où se métamorphose, à chaque heure du jour, la lumière qui les transperce.

Il est d'autres lieux encore où les hommes sont frappés de stupeur devant la force et l'habileté  d'autres hommes en œuvre déjà dans la construction des Pyramides dont l'édification comporte toujours une part de mystère. L'histoire leur a donné le nom des pharaons qui ont commandé leur édification et elles demeurent à jamais la propriété et le domaine des puissants. Contrairement à une idée longtemps reçue, ce ne seraient pas les esclaves qui les ont construites, mais des ouvriers issus des classes pauvres, réputés pour leur habileté en maçonnerie. On a retrouvé, dans les fondations des Pyramides, les sépultures d'un grand nombre de ces ouvriers et on a pu déceler, sur leurs squelettes, les traces de blessures ou d'infirmités imputables à la rudesse de la tâche qui leur était dévolue.

        Si l'on oublie un instant l'ivresse esthétique qui nous bouleverse « du haut de ces pyramides », face aux tours et aux flèches vertigineuses des cathédrales gothiques, on peut imaginer alors de quels efforts, de quelles souffrances, de quels drames aussi, ces constructions ont été payées.  C'est le tribut que les hommes paient à la  postérité des chefs d’œuvre et à la gloire que les maîtres endossent. Il a fallu près de deux siècles pour construire Notre-Dame quand quelques heures ont suffi à la détruire en partie, et à l'altérer tragiquement.  Désormais  les cendres de sa charpente recouvrent les cendres de tous ses constructeurs anonymes aux sépultures ignorées. 

HUMOUR

Ma Généalogie
En revenant de Roncevaux
Charlemagne s’est arrêté
Dans la cité du couteau
A Thiers où je suis né
Dans la rue Mancel-Chabot
Parmi six Dominiciens
Il voit du linge à des carreaux
Oh les beaux carreaux lingiens
Ce sera mon logement
Ce blasonné cabanon
C’est là que précisément
Vivait la belle Jeanneton
Cette belle Jeanneton
Est ma lointaine parente
A Thiers c’est un fameux nom
Car d’un roi elle fut l’amante
De ces amours presque impériales
Naquit ma généalogie
Il a suffi que le Grand Charles
Semât ses gènes au logis
Au logis de Dame Jeanne
Où bientôt un bébé vient
Qui fut inscrit par un âne
Sous le nom de « Collongien »
Le préposé aux écritures
Voulait écrire « Carolingien »
Mais quand on sort d’une biture
On n’écrit pas toujours bien
Dame Jeanne jugeant le « ien »
Une trop noble rallonge
Le supprima bel et bien
Ainsi sont nés les Collonge.

Michel COLLONGE
poète castelpontin

L’ATR joue « La Vie sexuelle des mollusques » de Jean-Claude Grumberg

Par Marcel Col

« Dans la vie tout arrive et surtout l'inattendu. La nature nous enseigne - l'étude des espèces surtout - nous fait comprendre que l'homme, comme tout animal doit se plier à sa nature profonde et ne pas se condamner au malheur pour faire soi-disant le bonheur de l'autre ... » ( scène 6 )

C'est l'histoire de Paul …  Paul est un savant, il est spécialiste de la vie sexuelle des mollusques … à cornes rétractables .

Son épouse s'appelle Linda, c'est aussi son histoire, mais voilà …

Linda trompe Paul avec Henri le brillant professeur de tennis, architecte et ex-amant d'Antoine.

Antoine est un collègue de Paul .

Henri trompe sa femme Marie et aussi Katia son ancienne élève.

Marie est furieuse. Katia veut se venger

Bien évidemment personne ne sait rien ... jusqu'à ce que Paul lise la lettre de Linda au début de la pièce.

Ce n'est pas un drame , ce n'est pas une farce, c'est un vaudeville contemporain dont les personnages sont quasiment des bêtes de laboratoire...  La nuit tous les chats sont gris !

C'est aussi l'histoire d'un grand singe tout poilu, celle du duc de Bordeaux, celle du coquillard qui est comme on le sait le masculin de la coquillette et celle du 11 novembre...

Et on se demande bien ce que l'ATR a voulu dire avec ce nouveau spectacle qui fait suite, en quelque sorte,  à « La noce chez les petits-bourgeois » jouée l'an dernier .

On se demande aussi ce que l'auteur de « Zone libre », de « Dreyfus » , de « L'Atelier » ou de

« Maman revient pauvre orphelin » a voulu rajouter à son œuvre...

Jean-Claude Grumberg répondrait certainement avec humour que c'est comme ça , que les histoires de couples sont légions et que de toute façon tout le monde trompe tout le monde et ceci quels que soient le lieu ou les circonstances.

Le mollusques ont, c'est connu , une vie sexuelle généreuse et débridée . Leur seule règle est évidemment la reproduction selon un processus décrit par la science :  « … tous les orifices génitaux s'ouvrent et s'épanouissent en un seul cloaque dont les follicules portent les cellules spermatiques à l'intérieur »…

Qu'est-ce que tu racontes ?... 

« La vie sexuelle des mollusques » sera un spectacle drôle et léger. Grumberg qui a pratiqué magistralement  tous les genres et tous les styles : à la fois romancier, auteur de théâtre, comédien lui-même, scénariste et poète, fait la part belle à toutes les dérisions. Il est à la fois Feydeau, Ionesco, et quelque part Woody Allen

Il est aussi le témoin de son temps ... et du nôtre forcément !

Le spectacle présenté en « Première » les 9 et 10 mai au Rexy-Théâtre de Riom est disponible pour les associations qui seront intéressées. On peut prendre contact au 06 86 02 59 97.

Divers

L’huile sur le feu

par Alain Bandiéra

Indépendamment de tout complotisme, il y a incontestablement une corrélation entre la crise qui ébranle le gouvernement et agite le pays et l'incendie de la cathédrale de Paris. Pour l''instant, aucune rumeur n'a imputé aux gilets jaunes la catastrophe qui frappe Notre Dame. On s'aperçoit aussi au fil des jours et à mesure que l'opinion se libère et que l'affliction n'est pas si unanime qu'on le pouvait croire tout d'abord. La consternation ni le chagrin n'ont aveuglé les Français dont un grand nombre veut poursuivre l'insurrection. L'incendie ne suffit plus à faire diversion. Il semblerait qu'un effet « gilet jaune » gagne l'opinion et embrase le peuple : voilà qu'il ne s'en laisse plus conter ; les trémolos du président ne l'attendrissent pas. Plus que le programme de restauration de la cathédrale, les citoyens attendent de pied ferme les résultats du grand débat dont ils ont compris déjà qu'ils seraient pipés, et que la parole qu'on a feint de leur accorder leur a été en vérité dérobée. Le chef de l'Etat est allé trop loin dans le mépris et dans l'arrogance. Il aura du mal à s'en remettre, et ses morceaux de bravoure oratoires ne le serviront plus.

Quant aux généreux mécènes qui jettent l'argent par les ogives quand la pauvreté gagne le pays et les classes sociales les plus modestes, qui déversent une partie de leur grande fortune sur les débris de la cathédrale, ils n'impressionnent plus personne. C'en est fini de la soumission, aux radars qui verbalisent le peuple et qu'on vandalise, aux grands seigneurs qui font la pluie et le beau temps de la politique et de l'emploi et qui gratifient d'indemnités dérisoires les salariés qu'ils laissent sur le parvis de leurs usines délocalisées.

Un magazine bien connu titrait récemment en première page – fustigeant l'aveuglement (et la surdité) du président devant la colère de ses sujets : « droit dans le mur ». Doit-on craindre que le mur ne s'effrite et s'effondre aussi violemment que la flèche de Notre Dame fauchée par les flammes ?

FORUM

Les mots justes

par Alain Bandiéra

Dans le film « Sacco et Vanzetti », consacré à l'affaire qui agita l'Amérique et le monde entier de 1920 à 1927, une séquence restitue le premier interrogatoire de Nicolas Sacco, avant même qu'il fût désigné comme coupable de hold up et d'homicide volontaire. Fondé sur des témoignages de l'époque, l'interrogatoire est significatif d'une forme particulière d'oppression :

le juge : « que faisait votre ami Vanzetti, le matin du 15 avril ? »

Nicola Sacco : « je ne sais pas. Je crois qu'il vendait du poisson comme tous les matins ».

Le juge (grand éclat de rire) : «Il vendait du poisson.... Et vous monsieur Sacco, qu'est-ce que vous vendez ? Des salades ? ».

les sarcasmes du juge plongent  l'accusé dans la perplexité.

Sacco : « Je ne parle pas bien l'anglais ; je ne comprends pas »

       C'est en effet pendant les 7 années de son procès que Sacco parviendra à apprendre la langue de ses accusateurs. Ce qu'il ne comprend pas de toute évidence  dans les paroles du juge, c'est le jeu de mot autour du mot « salades ».

       Accusé du meurtre de sa cliente en 1991, Omar Raddad, reconnu coupable, et plaidant obstinément son innocence, demandera qu'un interprète l'assiste pendant son procès. On imagine sans peine les confusions, les équivoques, liées à la traduction d'une langue et de ses subtilités ; difficulté aggravée par le caractère propre à la langue judiciaire, ses formules, ses aphorismes ,  le recours à l'ironie souvent pratiqué par les avocats.

       Dans ses notes sur l'affaire Dominici, l'écrivain Jean Giono,  qui a assisté à la totalité des débats ;  est frappé par l'importance des mots dans le cérémonial du procès ; il souligne le caractère très limité du vocabulaire utilisé par l'accusé et une syntaxe approximative relevant des pratiques dialectales spécifiques aux paysans de cette région.  Giono en conclura que l'affaire Dominici, c'est le procès des mots.

       Trois exemples notoires qui prouvent l'importance de la langue dans le domaine de la justice ; si la maîtrise de la langue est indispensable dans bien d'autres domaines, elle contribue très largement à l'injustice des procédures judiciaires, avec, à terme, des enjeux de vie et de mort pour les accusés.

       Il est notoire que la langue française est infiniment complexe, et d'apprentissage très difficile pour les étrangers. Et les faits divers sont nombreux qui montrent quel accablement peut provoquer chez le prévenu un interrogatoire trop « brillant » qui le laisse désarmé et   des réquisitoires trop habiles qui influencent les jurés. Ces morceaux de bravoure linguistique l'emportent parfois sur le souci de la vérité.        Ces constats mettent en évidence, de manière inquiétante, une certaine fragilité de la justice, le caractère toujours aléatoire d'un verdict.  Ils confèrent à l'école une mission civique fondamentale  qui réside dans la nécessité de fortifier le citoyen dans la maîtrise de sa langue afin de l'équiper d'un outil dont dépendent sa sécurité et sa vie même.