Auvergne laïque n° 484 - janvier/février 2020


EDITO

Le temps au temps

par Édouard FERREIRA

Maurice Chevalier chantait dans l’insouciance des années folles « dans la vie faut pas s’en faire […] Tout ça s’arrangera  […]», un refrain légendaire laissant penser que rien dans la vie ne vaut la peine de s'inquiéter. Relativiser les coups durs ou conseil insouciant ; il y a de ça dix-huit mois la FAL aurait pu faire preuve de suffisance et d’égarement en poussant la chansonnette. Fortement affaiblie, elle a dû faire fi de sarcasmes acerbes, blessant les élus et salariés solidaires devant l’adversité. Sa nécrologie était déjà écrite mais n’en déplaise à certains, elle est toujours là. Il y a quinze mois, malgré les critiques sournoises et des allégations de disparition à très court terme, la FAL acculée dans ses responsabilités s’arrachait autant que faire se peut dans ses tâches, guidée par un appui juridique extérieur respectueux et rigoureux ; elle est toujours là. Il y a un an pour les vœux, non sans crainte légitime, la FAL posait les échafaudages et entamait les travaux de restauration de la maison, toute la maison. Le chantier devait répondre aux défis incontournables à son rétablissement. Aujourd’hui, les clabaudeurs malveillants se font encore plaisir bien inutilement car la FAL est toujours là, avec une santé retrouvée et maître de son destin. Avec le temps, du courage et de la persévérance, elle a fait preuve de patience et de rigueur. L’avenir est de nouveau plus visible et lisible. La FAL a fait le job !

Pourtant ne plus pouvoir avancer, lâcher prise et se résigner semblait une fatalité inévitable. Une épreuve de force, un bras de fer, s’engageait contre le doute. Le doute façonne ce mur de la résignation infranchissable prêt à s’écrouler en ensevelissant le peu d’énergie restante. Dans ces moments de détresse profonde on se sent envahi par la culpabilité. Projetés au milieu d’une arène intimidante, les mots parviennent difficilement à sortir. Des inconnus costumés d’une toge sombre vous observent calmement. Ils possèdent l’influence sur votre destin. Ce ne sont pas des pantins ridicules, gesticulant dans une place sans issue, mais des hommes de loi avec le pouvoir de vous mettre à terre ou de vous aider à vous relever. Lors des confrontations, dans un espace de temps réduit, il faut se battre contre le scepticisme de nos hôtes, démontrer la capacité d’autofinancement positive par le travail accompli et à venir, et prouver que « l’abattoir » n’est pas programmé. La FAL n’a pas baissé les bras. Les portes de l’arène se sont effacées. Elle a pu ressortir debout et confiante de son avenir.

Vouloir réussir à tout prix un projet, un défi ou un enjeu crucial, demande la volonté de se dépasser en réveillant une force mentale parfois insoupçonnée en nous. Les étapes sont souvent nombreuses et interminables. Les obstacles se succèdent, ne vous laissant aucun répit. Le déroulement du temps ne va jamais assez vite. Mais la clé existe : « laisser le temps au temps ». Le même temps que met inexorablement notre planète dans son périple autour du soleil. Certaines choses prennent du temps avant de se concrétiser et devenir réalité. Nous avons beau agir, prendre des décisions, avancer dans une direction, nous n’avons pas toujours le contrôle sur le temps que cela va prendre. On oublie que la réussite demande du temps et de la patience. Fort heureusement le temps ne se dompte pas ; laissons « le temps au temps ». La FAL a pris le temps.

Bonne année à notre belle planète bleue. Sachons la préserver.
Meilleurs vœux à tous et Bonne Année 2020.

« Tes père et mère honoreras[…] » etc. Devoirs d’enfants : un nouvel ordre moral ?

Textes cités et présentés par Alain Bandiéra

La preuve n'est plus à faire de la nécessité d'une corrélation entre droits et devoirs, telle qu'elle est énoncée par Daniel Selbourne dans son livre « le principe du devoir » : « les devoirs sans droits rendent les hommes esclaves, les droits sans devoirs rendent les hommes étrangers les uns aux autres » ; telle qu'elle apparaissait déjà dans les mémoires de l'abbé Grégoire : « Dans les débats sur la déclaration des Droits, j'insistai pour qu'on y joignît la question des devoirs qui leur sont corrélatifs » écrivait l'abbé philosophe.

Cette corrélation n'exclut pas les enfants des exigences qu'elle implique.

Pendant très longtemps, pourtant, la notion de devoir l'emporte dans toutes les préoccupations éducatives, comme si le devoir était inséparable de la formation du citoyen. Et c'est sous ce terme qu'on désigne encore - jusque dans les polémiques - le travail personnel qu'on exige d'un écolier. C'est pourtant au nom de la liberté - en particulier de la liberté du jeu – que les adversaires des devoirs à la maison préconisaient leur suppression.

Les enfants aussi ont bénéficié du grand mouvement d'émancipation qui a suivi mai 68, engendré par les protestations des étudiants qui se révoltaient contre le joug et les contraintes d'une université totalitaire et d'une confrérie de mandarins arrogants. Ce que revendiquait la jeunesse en révolte, c'était de lever le silence qui pesait sur elle, c'était la légitimité de sa parole, le droit de contribuer aux décisions et aux institutions qui la concernaient. C'est grâce à ces revendications que les élèves des collèges et des lycées ont gagné le droit d'être représentés dans les conseils de classe ; c'est aussi sur ces aspirations de liberté qu'on a mis en place certaines structures qui ont substitué la coopération au cours magistral, l'accompagnement et l'écoute des élèves à la sommation permanente. Aucune évaluation fiable n'a permis d'établir que ces innovations aient contribué largement à instaurer la liberté de l'apprentissage ni à former la responsabilité des futurs citoyens. Voulant introduire un peu d'humanité dans toutes les instances éducatives (interdiction des châtiments corporels, y compris dans la famille, approuvée par le conseil de l'Europe) ces initiatives ont eu aussi leurs dérives ; on leur impute l'émergence de « l'enfant-roi » (qui a alimenté bien des caricatures), on leur impute surtout tous les méfaits de l'indiscipline, l'augmentation de l'insolence, les ravages de l'incivilité marquant en quelque sorte le retour des comportements sauvages dans une société en quête de civilisation.

S'est alors posée la question du retour de la morale (jugée réactionnaire) et en 2003, le ministre de l'éducation Luc Ferry, jugeant excessifs les droits accordés aux élèves, déplorant l'expansion de l'illettrisme et l'augmentation alarmante de la violence scolaire, supprime le principe de « l'élève au centre du système » ; il est accusé de régression éducative.

Or la morale n'a jamais disparu des salles de classe : pendant très longtemps, elle fut même la séance inaugurale d'une journée scolaire. Bien des écrivains, se souvenant d'une scolarité particulièrement rigoureuse, déplorent encore les contraintes et brimades dont ils ont subi le poids... et payé le prix.

Pour répondre aux critiques de l’Église redoutant cette nouvelle école sans dieu, terrain privilégié de toutes les débandades, l'école laïque a longtemps emprunté ses règles de conduite aux préceptes de l'église et à la rigueur des armées. L'obligation du devoir – particulièrement en période de guerre – a précédé de loin l'institution des droits ; il n'est pas possible aujourd'hui d'instaurer les mêmes exigences qui nécessitent en tout cas des formes et des postures nouvelles.

Spécialiste des questions d'apprentissage, Philippe Meirieu, souvent accusé de « laxisme pédagogique » a pourtant montré le lien indissoluble qui reliait la transmission des savoirs à l'apprentissage de la loi. Toutefois, « dans une société démocratique, l'éducation ne saurait être assimilée à un dressage » et cet équilibre entre exigence et liberté constitue toute la complexité (et l'intérêt) de la question des devoirs de l'enfant. Philippe Meirieu défend alors la conception paradoxale d'une « contrainte féconde »« Les enfants ont besoin de contraintes, qui les aident à se dépasser. Il est illusoire de penser que l'enfant apprend seul. Ce système ne peut marcher que pour ceux qui bénéficient par ailleurs d'une très bonne éducation... . Mais pour tous les autres, qui grandissent dans des environnements moins favorisés, un cadre sécurisant est tout à fait nécessaire »

Selon le chercheur en éducation, le risque est grand qu'en abandonnant l'idée de contrainte,  « on lui substitue une forme d'emprise psychologique dangereuse : s'il n'y a pas de cadre, c'est un phénomène de séduction qui structurera l'enfant ».

Afin d'approfondir cette question, nous citons un article de JP Rosenczviek, paru dans le Monde de février 2013, où il aborde, sans manichéisme, le problème des droits et des devoirs de l'enfant, précédé d'une définition qui clarifie le concept d'enfant :

La question préalable : qu'est-ce qu'un enfant ? C'est une personne humaine de moins de 18 ans. En d’autres termes, à 18 ans tout individu dispose de l’ensemble de ses droits civils, civiques et politiques 

L'histoire des droits : Dans une première partie, le journaliste évoque les prises de consciences successives qui ont conduit à la nécessité de protéger l'enfance et à l'interdiction de toute une gamme de maltraitances considérées comme inhérentes (et indispensables) à l'éducation. Ces prises de conscience aboutiront à la création de la CIDE et engageront des réformes irréversibles. Cette évolution est à mettre au compte d'un véritable progrès moral.

Qui pourra contester ces prises de conscience ? Pas question de régresser. Les parents ont le droit d’imposer leur autorité à leur enfant et même d’exercer un droit de correction mais ils ne doivent pas les maltraiter [...]

La conscience des droits est postérieure à l'énoncé, plus ou moins coercitif, des devoirs. Après avoir énuméré les premiers, l'auteur décline l'ensemble des devoirs, dont certains demeurent inconnus dans l'opinion publique.

Sait-on qu’un enfant peut interdire à ses parents d’accéder à son dossier médical ? Le médecin lui doit le respect du secret professionnel sauf s’il y a un diagnostic vital auquel cas l’assistance à personne en danger l’emporte sur la confidentialité.

A ces droits répondent des obligations sinon des devoirs et des responsabilités.

« A tout âge, l’enfant, doit honneur et respect à ses parents » ; a fortiori l’enfant mineur.

Il a le devoir d’obéir à ses parents et à ceux qui en reçoivent délégation.

Il doit demeurer au domicile familial et n’est autorisé à en sortir que par ses parents.

On l’a dit les parents ont un pouvoir de correction qui peut les conduire à la contrainte. Seuls les parents peuvent exercer des violences légères à son égard ; pas un professeur, pas le maire !

En tous cas l’enfant peut engager sa responsabilité pour les actes qu’il pose. Laissons la responsabilité morale pour nous concentrer sur la responsabilité juridique

L’enfant qui cause un préjudice est tenu de le réparer. Bien évidemment comme il est généralement en difficulté pour réparer personnellement, faute de moyens financiers, ses parents seront tenus solidairement avec lui et en vérité la victime se tournera vers eux. Ils ont alors intérêt à disposer d’une bonne assurance. Un enfant constitue en quelque sorte un risque pour ses parents ou l’institution qui l’héberge. Et ici, force est de constater que l’assurance parentale n’est toujours pas obligatoire.

L’enfant peut aussi très tôt engager sa responsabilité pénale. Dès 7-8 ans, dès lors qu’on lui reconnaît le discernement, il est tenu pour capable de commettre un délit. La loi interdit avant 13 ans qu’il soit condamné à une peine, mais on pourra lui infliger une mesure éducative comme le placement en institution jusqu’à sa majorité. Il aura un casier judiciaire. A 10 ans on pourra prononcer des mesures éducatives c.). Il ne peut pas être placé en garde à vue avant 10 ans, mais ses 10 ans acquis il sera en retenue pour une durée de 12 h renouvelable une fois.

A 13 ans donc il encourt une peine de prison. 6000 peines de prison ferme et 15 000 peines de prison sont prononcées chaque année. Aujourd’hui environ 800 personnes de moins de 18 ans sont en prison.

Bien évidemment, l’enfant encourt des sanctions disciplinaires sur son lieu de travail, en l’espèce, l’école pour les plus jeunes.

Des droits donc mais aussi des obligations comme celle de réparer ou de rendre des comptes, à la hauteur de sa capacité à comprendre. »

L'auteur toutefois soulève et dénonce les ambiguïtés de la corrélation entre droits et devoirs

Je ne supporte pas plus que l’on lie indéfectiblement droits et devoirs. Certes certains droits sont gagés par des devoirs (par exemple on a le droit de s’exprimer, pas d’injurier ou de diffamer), mais ce n’est pas le cas des droits fondamentaux. Le droit d’être respecté dans son corps n’est gagé par aucun devoir ! C’est un droit fondamental ! Il nous faudrait même affirmer plus haut et plus fort que certains droits humains ne sont gagés par rien, sinon qu’ils s’imposent à tous.

Et puis, comment ne pas réagir devant le discours consistant à dire « Vous aurez des droits quand vous respecterez vos devoirs! » ? Sinon que l’on commet une erreur fondamentale : c’est bien parce qu’elle me reconnaît comme personne individuelle ou collective qu’une société peut exiger de moi ou de mon groupe le respect de certaines règles du jeu. Comment respecter une loi et un ordre qui ne vous protègent pas, voire qui vous dénient dans votre existence de sujet

Reste l’essentiel : informer les plus jeunes, mais d’abord les adultes, sur le statut fait aux enfants dans notre pays qu’ils ignorent généralement allégrement, chacun ayant tendance à faire sa propre loi.

D'autres dérives résultent aussi d'un statut « civique » de l'enfant, bénéficiaire de droits, et tenu à l'exercice des devoirs par lesquels il marque sa contribution et son appartenance à la vie sociale. La diffusion de l'information, la publicité donnée à certains faits divers (et destinée à mettre en garde enfants et adultes contre les dangers qui menacent l'enfance) ont développé chez le jeune public une vigilance et une conscience aiguë de leurs droits, qui se traduit par une judiciarisation de la société, en particulier envers (et contre) les enseignants ou les médecins, et tous ceux qui ont précisément en charge la protection de nos mineurs fragiles.

Vie fédérale

Formation BPJEPS : nouvelles dates en avril

Vous souhaitez devenir animateur ?
La Ligue de l'Allier, en partenariat avec la Ligue 63, propose une formation BPJEPS Loisirs Tous Publics.
Le Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et des Sports, mention Loisirs Tous Publics, est un diplôme de niveau IV (niveau BAC), délivré par le Ministère des Sports et le Ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et de la Vie Associative.
Il s’adresse à toute personne désirant encadrer des activités sportives et atteste de la possession des compétences indispensables à l’exercice du métier d’animateur.
Son objectif est de former des animateurs professionnels, animateurs socioculturels ou directeurs d’accueil de loisirs.

Vous êtes intéressé(e) par cette formation ?
Vous êtes une structure souhaitant accueillir un stagiaire BPJEPS en alternance ?

Prochaine session : début avril 2020 - dates à définir.
Inscriptions en mars 2020.

Pour tout renseignement (modalités d’inscription, dates, etc.), contactez Mélanie GOICHOT
par téléphone au 04 73 14 79 21 / 06 83 79 18 96 ou par mail mgoichot@fal63.org 

Cérémonie des vœux

Mardi 21 janvier, Édouard Ferreira, entouré de membres du Conseil d’Administration, a accueilli les personnels de la FAL-63 et les représentants des secteurs sportifs UFOLEP/USEP pour la traditionnelle cérémonie des vœux. Répondant à une attente des personnels, le Président a fait l’état des lieux de la maison FAL après la période troublée qui vient heureusement de se terminer par la fin de la procédure judiciaire de sauvegarde. Grâce aux efforts de tous, notre maison retrouve ses couleurs : un plan d’apurement des dettes étalé sur 10 ans va prendre corps dès maintenant. Mais si l’environnement financier s’améliore, il n’en réclame pas moins vigilance et prudence.

La liberté financière conditionnelle revenue, des projets reprennent forme avec l’aide bienveillante de nos partenaires institutionnels tant au Grand Panorama, qu’aux services ALSH, Culture Éducation Jeunesse et généraux. La charge de travail imposée au personnel et aux élus a généré certaines difficultés auxquelles le CA entend donner réponse. En premier lieu, il s’agit de remplacer, pour l’heure poste pour poste, la vacance concernant « Lire et Faire-Lire + les services civiques + les juniors associations » que le CEJ a dû assumer non sans difficultés suite au départ pour le moins précipité de la responsable du secteur.

En souhaitant en son nom et au nom du CA une bonne année à tous, le Président Édouard Ferreira a chaleureusement remercié les personnels pour leur implication dans le redressement de la FAL-63. Ces efforts sont certes à poursuivre mais la satisfaction est grande de constater qu’ils ont mis la structure sur la voie de jours meilleurs.

Orbeil, moment intense de vie communale : valorisation de l’Amicale Laïque d’Orbeil par le Maire

Fait rarissime dans le monde associatif : qu’une Amicale Laïque soit reconnue comme un incontournable acteur dans l’animation des territoires en plus de sa contribution à la cohésion sociale. Il est heureux de découvrir l’initiative légitime de la commune d’Orbeil faisant la preuve de sa reconnaissance envers l’Amicale Laïque locale, précieux partenaire dans le chantier considérable de la vie communale.

Ce n’est pas un événement anodin car on retiendra le témoignage d’un respect mutuel et la complicité d’un travail en commun motivé par le faire ensemble. Lors du repas du début d’année offert par l’amicale laïque et la commune aux anciens, M. Gourbeyre, Maire d’Orbeil, a su saisir avec beaucoup de finesse et d’expérience cette magnifique occasion pour valoriser des amicalistes dans leur investissement personnel depuis de longues années. Son discours fut fort élogieux pour tous les récipiendaires qui se sont vus remettre des médailles par le président de la FAL, Édouard FERREIRA, mais également dirigé vers l’ensemble de cette belle association créée en 1933, fidèle à ses valeurs et à son dynamisme.

On relèvera en dehors de son parcours historique et de toutes les sections engagées dans cette synergie de groupe, sa pleine collaboration avec l’école dans ses actions et organisations diverses, et tout particulièrement son accompagnement bénévole exceptionnel et spontané dans les activités périscolaires. Le mot de la fin de Monsieur le Maire retiendra l’attention de tous dans l’assistance : « A ma connaissance, aucune autre amicale ne s’est investie à ce point, ce qui lui a valu la visite de France 3 Auvergne, début 2014, l’action de l’AL Orbeil ayant pris valeur d’exemple. »

La Fédération des Associations Laïques du Puy-de-Dôme remercie très chaleureusement Monsieur Gourbeyre pour cet émouvant moment et son étroite coopération avec l’Amicale Laïque. Il va de soi que la FAL est très fière d’honorer ces bénévoles pleinement actifs qui font vivre au quotidien la citoyenneté et l’éducation populaire. Monsieur le Maire méritait bien aussi sa médaille.

Médailles d’or de la Ligue de l’enseignement :

  • Marc Boughon
  • Gérard Rouchon
  • Liliane Sauvadet

Médailles d’argent de la Ligue de l’enseignement :

  • Henri Bourchany
  • Annie Chalvignac 
  • Gisèle Vidal

FDVA 2020, des financements pour les associations

Dans le cadre du Fonds pour le Développement de la Vie Associative (FDVA), les associations peuvent solliciter des financements au titre de 2020.

Pour déposer une demande de subvention il est indispensable de consulter la note d'orientation régionale 2020 qui précise notamment les associations éligibles, les priorités concernant les actions pouvant faire l’objet d’un soutien et les modalités financières retenues.

  • L'ORGANISATION DE FORMATION A L'ATTENTION DES BÉNÉVOLES

https://auvergne-rhone-alpes.drdjscs.gouv.fr/spip.php?article1412

  • LEUR FONCTIONNEMENT GLOBAL OU LA MISE EN ŒUVRE DE PROJETS OU ACTIVITÉS INNOVANT.E.S

https://www.puy-de-dome.gouv.fr/fonds-pour-le-developpement-de-la-vie-associative-a7482.html

Dépôt des dossiers du 17 Janvier au 8 Mars 2020

Les demandes de subventions devront parvenir à l’administration par voie dématérialisée, en utilisant le télé-service le Compte Asso. Il est nécessaire de disposer d'un numéro SIRET pour créer votre compte Asso.

Compléter le formulaire de demande de subvention et le sauvegarder au fur et à mesure : lors d'une prochaine connexion vous le retrouverez en cliquant sur "suivi des dossiers"

Information et accompagnement :

Pour toutes questions : Les Points d’Appui à la Vie Associative (PAVA), les Centre de Ressources et d’Information des Bénévoles (CRIB) et le service Vie Associative Jeunesse Education Populaire et Sports (VAJEPS) de la DDCS du Puy-de-Dôme proposent des temps d’information et d’accompagnement en janvier, février et mars : les modalités, dates et lieux figurent sur notre site Internet, avec l'ensemble des autres informations et documents:

https://www.puy-de-dome.gouv.fr/soutien-et-developpement-de-la-vie-associative-r1095.html

DOSSIER

Place au enfants !

par Alain Bandiéra

Sous le titre de Le monde enchanté de l'enfance, François Mauriac écrivait un beau texte sur le bonheur d'être enfant, l'émerveillement dont l'enfant sait faire preuve, l'affection qu'il suscite. Victor Hugo témoignait aussi de la joie que les hommes éprouvent « lorsque l'enfant paraît ». Cependant, François Mauriac raconte dans Le Sagoin le suicide d'un malheureux gamin rejeté par tous en raison d'une malformation physique et Victor Hugo, nous l'avons vu dans un précédent dossier, prend la défense de tous les enfants esclaves d'une société industrielle déshumanisée.

Et tout au long de notre histoire, tout au long de notre littérature, puis du cinéma, cohabitent ces deux types d'enfants, l'enfant magnifique (et magnifié) et l'enfant misérable et maltraité. Il n'y a pas de secret : cet enfant « plus joyeux qu'un soleil levant », c'est l'enfant nanti, qui ne souffre de rien, ni du froid, ni de la faim, promis à un avenir radieux. L'autre, c'est l'enfant des pauvres, de la misère, des orphelinats, victime souvent ignorée de l'injustice, des guerres, des massacres. Parfois un fait divers « spectaculaire » remet à la une le martyr d'un enfant, et presque toujours déplore l'indifférence qui entoure ce scandale.

C'est pourquoi Maurice Daubannay s'interroge à juste titre : si les droits de l'enfant ont été très largement proclamés dans le monde, sont-ils véritablement et immanquablement appliqués ? Pourquoi la famine, la violence, l'inceste, n'ont-ils pas été éradiqués de la surface du globe ?

A voir l’indifférence – ou l'hostilité – de certains touristes qui, dans les pays du tiers-monde, évitent ou rabrouent les enfants abandonnés à eux-mêmes, on peut se demander si les adultes se sentent concernés par le malheur des enfants. Si l'évangile déplorait déjà le massacre des Innocents, Maurice Daubannay, en toute laïcité, nous rappelle que tous les enfants sont enfants de la République à part entière et doivent être protégés contre toutes les violences que leur infligent les adultes ; en particulier dans les lieux consacrés à leur épanouissement et à leur éducation, à savoir la famille ou l'école, où la cruauté des adultes s'est toujours exercée impunément.

Comme il n'appartient pas à une catégorie sociale active, l'enfant semble exclu des préoccupations collectives, relatives en particulier aux conditions de travail, aux salaires, aux retraites, au drame des licenciements. Sur le plan individuel, au niveau de la famille, le sort de l'enfant suscite cependant une vigilance, un souci et des soins permanents. Faire grandir un enfant, le nourrir, le soigner, l'éduquer, constituent pour les parents un investissement considérable. Au sein de familles déficientes – tant sur le plan social que sur le plan psychologique – les difficultés rencontrées par les parents rejaillissent immanquablement sur les enfants au détriment de leur développement, de leur équilibre, de leur bonheur tout simplement.

C'est pourquoi le texte de Pierre Danel que nous publions nous éclaire sur la mobilisation considérable du Conseil Départemental en faveur de la protection de l'enfance. Véritable outil d'accompagnement des familles, il va suivre avec eux le chemin semé d'embûches qui va conduire l’enfant (au sens étymologique) vers son destin d'homme et de citoyen. Toutes les familles peuvent solliciter cette aide, bénéficier de ce droit que la République leur accorde au service d'un « petit d'homme » afin qu'il trouve aussi la place qui lui revient, avant même sa venue au monde, dans les premiers mois d'une vie dont on sait aujourd'hui qu'elle est tenace et fragile.

Entreprise qui illustre bien la devise républicaine, le sort de l'enfant confié à la solidarité entre le pouvoir, les institutions et les associations, sujet et acteur d'une fraternité qui le préserve aussi de la solitude et de l'orgueil, libre enfin de mettre à profit, au service de sa vie, les apprentissages qu'on lui délivre, les talents et les maîtrises qui en résultent. Ainsi la protection de l'enfance se fonde-t-elle sur un humanisme véritable ; on sait aussi que cette œuvre magnifique peut être, en quelques mois, pulvérisée, déchiquetée par les bombes et les fusils d'une guerre cruelle qui recouvre d'un discours héroïque fallacieux les dépouilles des soldats à peine sortis d'une enfance... très largement protégée.

Les droits de l’enfant ? Pas encore… et peut mieux faire !

par Maurice Daubannay, Inspecteur d’Académie honoraire,
Délégué de DEI-France à Clermont-Ferrand (Défense des Enfants International, ONG/ONU)

Le 20 novembre 1989, à l’unanimité, l’Assemblée Générale de l’ONU adopte la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). Seuls deux pays ne l’ont pas ratifié ensuite : la Somalie (absence d’état de droit) et les États-Unis d’Amérique. Même Obama avait promis cette ratification, mais en 8 ans elle n’est pas venue. Ce qui ne veut pas dire, loin de là, que tous les pays l’ayant ratifié la respectent intégralement !

C’est d’ailleurs pourquoi l’ONU s’est dotée d’un outil spécifique le Comité des Droits de l’Enfant afin de vérifier tous les 4 ou 5 ans l’état d’avancement des droits dans chacun des pays : des recommandations sont stipulées. On se doute qu’elles ne peuvent pas être les mêmes pour la Mauritanie et la France par exemple. Le dernier rapport concernant notre pays date de 2016[1] et mérite d’être connu : les points négatifs sont particulièrement nombreux.

Les enfants représentent en France, second pays à ratifier la CIDE en août 1990, près d’un quart de la population (15 millions de personnes de moins de 18 ans). Sommes-nous certains que les médias et les pouvoirs politiques à tous niveaux consacrent 1/4 de leur temps à travailler sur ce thème ? Sommes-nous certains que nos associations laïques consacrent du temps à la résolution des problèmes actuels des enfants ? N’avons-nous pas à explorer d’autres pistes aujourd’hui qui nous amènent à repositionner nos actions et à exiger des pouvoirs publics les financements nécessaires ?

Ainsi, il est légitime de parler de féminicide : tous les 2-3 jours une femme tombe sous les coups de son conjoint. Mais porte-t-on la même attention à certains enfants et aux violences qu’ils subissent de la part de leurs parents ou de proches ?[2] Notre attention est plus souvent attirée par un fait ponctuel - certes grave - (Fiona à Clermont-Ferrand, Antoine à Issoire) mais on oublie que, chaque jour, la violence est utilisée comme moyen « éducatif » !

Trois grands domaines rassemblent les droits des enfants. La protection due à des personnes parmi les plus vulnérables, le droit de naître, d’être soigné dans de bonnes conditions, de recevoir une nourriture saine, d’accéder à un habitat digne et sain ; l’éducation formelle (scolaire, universitaire et formation professionnelle) et non formelle (les sports, la culture, les loisirs, les vacances) ; la participation (en fonction de son âge et de son discernement, l’enfant participe à tout ce qui le concerne, peut exprimer un point de vue, au sein de la famille ou dans toutes les institutions qui l’accueillent). Dans tous les cas la CIDE proclame : « l’intérêt de l’enfant est supérieur ».

Les enfants en situation de handicap se voient trop souvent orientés vers des institutions dépassées. Ou bien, quand les parents ont encore la force et la volonté d’exiger, avec l’appui des associations,  l’application... de la loi[3], leurs enfants sont accompagnés par des auxiliaires qui deviennent, de fait, les enseignants de ces enfants, par le manque de formation des « vrais » enseignants. Les enfants vivant dans une famille en dessous du seuil de pauvreté sont près de 3 millions. 12 à 15 % de la population concernée ! Il y aurait là matière à réflexion-action pour nos associations.
Ce sont bien souvent les associations d’origine confessionnelle ou le Secours Populaire qui interviennent dans ce secteur et dans ce département.

Nous devons prendre garde à ne pas négliger, laisser de côté, les Enfants Étrangers Non Accompagnés, parfois encore désignés sous le terme de Mineurs Isolés Étrangers. Aucun enfant n’a besoin de « papiers ». Aucun enfant n’est « étranger » en France. Même si leurs parents le sont. Leurs droits sont strictement les mêmes que ceux de tout enfant vivant en France. De ce point de vue, RESF, la LDH, la Cimade, font un travail remarquable et remarqué qui n’a pas l’heur de plaire aux autorités locales, Préfecture et Conseil Départemental[1].

L’Allier traverse le Puy-de-Dôme, c’est pourquoi notre département est une terre qui reçoit nombre de « Gens-du-voyage », terminologie purement administrative (pas de féminin, pas de singulier…). Les droits et besoins de leurs enfants sont très mal pris en compte. Le statut réservé aux Voyageurs peut avoir des conséquences négatives sur leurs enfants : conditions du stationnement, scolarisation et formation, accès aux soins, etc. Malgré les efforts faits ces dernières années (par les PEP, en particulier), les résultats peuvent être remis en cause à la moindre obstruction administrative. Ainsi des maires, pour empêcher la venue de Voyageurs, interdisaient-ils l’entrée de leur école maternelle ou élémentaire à leurs enfants. C’est illégal, quel que soit la régularité du stationnement de leurs parents !

De nombreux autres domaines de la vie des enfants mériteraient d’être relevés. Dans le domaine de la Justice par exemple, au moment où l’on réforme « l’ordonnance de 1945 », généreuse, qui mettait l’accent sur la protection et la prévention[2]. Cette réforme se fait en catimini : la preuve que les droits des enfants ne concernent pas les adultes que nous sommes. Tous les enfants, sans aucune exception, sont des Enfants de la République. A nous de le démontrer.


[1]. Cf. « Auvergne laïque », N° 445, septembre 2013, page 8

[2]. Début du préambule de cette ordonnance « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l’enfance traduite en justice. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. La guerre et les bouleversements d’ordre matériel et moral qu’elle a provoqués ont accru dans des proportions inquiétantes la délinquance juvénile. La question de l’enfance coupable est une des plus urgentes de l’époque présente. Le projet d’ordonnance ci-joint atteste que le Gouvernement provisoire de la République française entend protéger efficacement les mineurs, et plus particulièrement les mineurs délinquants. »


[1]. https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=fr&TreatyID=5&TreatyID=10&TreatyID=11&DocTypeID=5

[2]. https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/26/en-france-un-enfant-tue-tous-les-cinq-jours-par-ses-parents-ou-leurs-proches_5455518_3224.html

[3]. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&categorieLien=id

Rôle et action du Conseil Départemental dans la protection des droits de l’enfant

par Pierre Danel, Conseiller Départemental du Puy-de-Dôme

Le Département, c’est-à-dire le Conseil Départemental, est la collectivité territoriale reconnue « chef de file » en matière de politiques sociales et de solidarité par la loi 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (dite « Loi NOTRe »). A ce titre, il accompagne les hommes et les femmes tout au long de leur vie, et donc lors de la première partie de celle-ci, l’enfance. Ce rôle lui a été conféré par la République dès le coup d’envoi de la décentralisation au début des années 1980 avec les lois 7 janvier et du 22 juillet 1983 relatives à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État (comptant parmi les « lois Defferre »).

La protection de l’enfance commence avant même la naissance avec la Protection Maternelle Infantile (PMI) qui s’occupe de l’enfant alors qu’il est encore un fœtus dans le ventre de sa mère, au travers les visites prénatales dont ces dernières bénéficient. Si tout se passe bien, le conseil départemental assure, après leur naissance, le suivi des enfants en exerçant une fonction de vigilance face à son exposition à divers risques jusqu’à son adolescence : prévention médicale, psychologique, sociale ou dépistage des handicaps des enfants de moins de six ans. Créée en 1945, la PMI est un service public gratuit pour l’usager dont le financement est assuré par le Département (fonctionnement) et la Sécurité sociale (actes médicaux).

Un droit fondamental, en principe garanti par la Déclaration des droits de l’enfant de 1959, est celui à l’éducation sur lequel le Département prend sa part en gérant les collèges et en leur attribuant les moyens nécessaires aux activités éducatives, culturelles et sportives. Il assure une mission de solidarité par les dotations qu’il accorde et qui sont nettement majorées pour ceux qui rencontrent des difficultés au travers les Réseaux d’Éducation Prioritaire (REP) ou les Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) pour les élèves en situation de handicap. Il accorde également une importance considérable à la solidarité, à l’instar de la méthode de financement de la restauration scolaire adoptée pour les familles : la tarification solidaire. Elle prend en charge une part du prix de revient des repas pour tous les enfants. Une aide qui va croissante pour les familles avec de très faibles revenus, pour lesquelles le repas s’élève à moins d’un euro.

Le Département agit également sur le secteur de la protection de l’enfance, un secteur qui concerne les familles ou les enfants rencontrant de très graves difficultés éducatives, psychologiques et/ou sociales. Elle prend la forme d’une aide à la parentalité par des mesures d’assistance éducative pour aider les parents à assumer leurs responsabilités. Elle peut aller jusqu’à l’accueil des parents et des enfants au Centre Départemental de l’Enfance et de la Famille, le CDEF. C’est aussi l’accompagnement des enfants que la justice confie au Conseil départemental, à travers l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), lorsque les familles ne sont pas en mesure d’élever leurs enfants momentanément ou durablement ou encore quand leur maintien dans le milieu familial représente un danger pour eux. Il s’agit là d’un peu plus d’un millier d’enfants puydomois qui connaissent cette situation. Ils sont placés soit en famille, soit dans des institutions. Ces enfants sont confrontés à de grandes difficultés et toute l’action du Département vise à les aider à y faire face et à « s’en sortir ». Dans ce cadre, le Département a lancé depuis deux-trois ans une vigoureuse campagne pour le recrutement d’assistant-e-s familiaux, afin que ces enfants placés puissent, dans la mesure du possible, inscrire leur développement dans un cadre familial. Le Département travaille aussi afin que les maisons d’enfants et toutes les institutions mises à contribution puissent offrir aux enfants les services dont ils ont besoin. Cette tâche est extrêmement délicate et en constante évolution. Elle doit pouvoir bénéficier des progrès des connaissances dans les sciences humaines afin que tout concoure à la résilience.

Néanmoins, toute cette action ne saurait être réduite à sa dimension administrative. Elle bénéficie de la mobilisation des travailleurs sociaux du Conseil Départemental, du CDEF et des associations partenaires. Elle est placée sous le regard vigilant et la responsabilité des magistrats qui mettent en œuvre les lois de la République et le respect des droits de l’enfant.

Le Conseil départemental du Puy-de-Dôme poursuit, ainsi, dans le domaine de l’enfance et de la protection des droits de l’enfant une action qui peut se résumer en trois points. Tout d’abord, leur donner toutes leurs chances. Mais aussi prévenir les risques auxquels parents et enfants peuvent être exposés. Et lorsque cela est nécessaire, accompagner ceux d’entre eux qui rencontrent de graves difficultés sur la voie de l’émancipation et du mieux-être.

Droits de l’enfant : une expo disponible en prêt à la FAL

A l'occasion de l'anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, la FAL propose aux écoles, collèges, associations, municipalités, une exposition de 50 photos réalisées en ombres chinoises par le Collectif Images Auvergne, illustrant les droits, ainsi que des documents d'accompagnement. L'exposition peut-être tout aussi bien un support pour un travail pédagogique en classe, ou un outil de communication et promotion pour ces droits non encore respectés en de nombreux endroits du Monde.

Les photos, réalisées en 2 formats sur plaques acryliques, sont l'oeuvre du Collectif Images Auvergne, association clermontoise de photographes amateurs humanistes, sur une demande du Secours Populaire. Elles ont été exposées en novembre dans la galerie de Auchan Nord, puis sur les grilles du Jardin Lecocq.

La FAL63 en assure le prêt sur réservation auprès du service Culture :

Anna MARTINEZ
04 73 14 79 16

D'une amicale a l'autre

Quand l’Amicale Laïque d’Orbeil nous est contée

Didier GIRARD, Président, Marc BOUGHON, son prédécesseur, et Gérard GOURBEYRE, Maire

A l'occasion du repas des Anciens et des Amicalistes le 12 janvier dernier, M. Gérard GOURBEYRE, Maire d'Orbeil, a retracé l'histoire de l'Amicale Laïque...

Je voudrais, sans être trop long, vous parler de l’histoire de l’Amicale Laïque d’Orbeil.
L’amicale a été créée en 1933. Elle est alors présidée par Abel GAUTHIER, futur Maire de la commune puis Sénateur. Les premières activités sont la projection de films, le théâtre, le basket-ball. En 1949, à l’âge de 16 ans, c’est son fils Paul qui prend la présidence de l’association.

Modélisme

De nouvelles sections avec le modélisme par exemple sont créées. Mais il manque un lieu de rencontre pour pratiquer toutes ces activités. Tout d’abord, c’est un abri en bois à côté de la salle des fêtes [...] Puis dans les années 50, une habitante de la commune lègue à l’Amicale Laïque d’Orbeil un terrain au sein du village du Chauffour. Sur ce terrain était implantée une habitation en ruine qu’il fallait finir de démolir avant de pouvoir reconstruire le foyer que nous connaissons aujourd’hui. Les travaux ont duré 3 ans environ. Ce sont les amicalistes qui viennent démolir puis reconstruire.
Et c’est en 1972 que le foyer peut accueillir les premières activités. Il est baptisé Foyer Pierre Foury, du nom d’un membre actif de l’Amicale Laïque.

Les activités se multiplient. Sont alors créées les sections Judo, Gymnastique, Photographie, Ping-pong, Folklore, puis une bibliothèque ambulante : le Bibliobus.

Théâtre avec la troupe Quasimodo

En parallèle, l’Amicale Laïque s’investit dans les activités périscolaires. Cela a toujours été la raison d’être de l’Amicale Laïque d’Orbeil. Elle organise les kermesses, les noëls de l’école et les danses des enfants qui sont présentées pour Quasimodo - date à laquelle se fait la représentation de théâtre - et les voyages scolaires (classes vertes, classes de neige, voyages de fin d’année). Les premiers voyages scolaires ont débuté en 1955.

L’amicale prend aussi en charge l’organisation annuelle du repas des anciens auquel nous sommes encore conviés aujourd’hui.

Une pensée pour Paul Gauthier qui prend la présidence de l’amicale en 1949 et ce jusqu’en 2006. C’est un exemple de longévité et de services rendus au sein de cette amicale. En 2011 il avait été honoré de la médaille d’or de Jeunesse et Sport. En 2015 il avait également reçu la médaille d’or de la Fédération des Associations Laïques.
Il n’a jamais été seul pour créer, organiser et participer à toutes ces activités. Janine, sa compagne, était toujours à ses côtés pour le soutenir et l’aider. Elle a été honorée en 2011 en recevant la médaille de Chevalier de l’ordre des Palmes Académiques ici même. Bravo Janine et encore merci.

Tennis de Table

L’association connait un nouvel essor depuis 2006 et de nouvelles sections s’ajoutent à celles déjà existantes : l’informatique qui connait un succès remarquable, l’anglais pour tous était aussi une section très fréquentée, mais depuis que tous sont devenus bilingues, cette section s’est arrêtée, le tennis de table est aussi relancé avec des équipes qui participent à des rencontres départementales.

L'Amicale offre des livres à l'école publique

L’association devient en 2014 encore plus exceptionnelle avec sa participation spontanée aux activités périscolaires de l’école. Comme vous le savez, les collectivités étaient tenues d’organiser les activités périscolaires dans le cadre des TAP. Et bien tous les mardis, un pédibus conduisait des élèves de l’école au foyer Pierre Foury, et malgré l’arrêt des TAP, cette pratique continue aujourd’hui. Ces élèves pratiquent ensuite le modélisme, le judo et le tennis de table. A ma connaissance, aucune autre amicale ne s’est investie à ce point, ce qui lui a valu d’autre part la visite de France 3 Auvergne, début 2014, comme exemple. "

ADACL Saint-Germain-L’Herm : une réalité sociale et économique originale

L’Association de Développement, d’Animation, de la Culture et des Loisirs (ADACL) a été créée le 20 janvier 1996. Elle est issue d’un comité des fêtes très actif. Elle existe grâce à l’implication et au dynamisme des bénévoles. En quelques années, elle a grandi jusqu’à compter une dizaine de salariés, étendu son champ d’action, multiplié les partenaires et diversifié ses activités : manifestations (Festival artistique et culturel du Haut-Livradois (depuis 40 ans !), Fête des champignons, Fête patronale, Fête des plantes sauvages) accompagnement à la scolarité, garderie, pause méridienne, Pass’Découverte pour les adolescents et accueil de loisirs. 2009, 2013, 2016 marquent les moments forts de l ‘évolution de la structure souvent en lien avec l’évolution même des entités collectives (municipalités, communautés de communes) et des choix politiques qui découlent des prises de compétences.

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En mai 2016, le café en centre-bourg « Chez Colette » ferme. 15 jours suffiront à l’enthousiasme des bénévoles pour reprendre la licence IV et donner naissance au Colibri. Le café associatif a pour vocation de soutenir les actions de l’association et de maintenir et développer la vie en centre-bourg. Il sert aussi de lieu d’intégration des nouveaux habitants du territoire. L’impact économique et social du Colibri se confirme grâce à l’implication remarquable et sans faille des bénévoles qui « le font tourner ». Son nom marque cette volonté : il ne vient pas, on s’en serait douté, du nom d’un oiseau des forêts livradoises mais de la légende du minuscule volatil tropical qui, portant une goutte d’eau au-dessus de la forêt en feu « fait sa part du travail ». Le café associatif fait la part de lien social qui lui incombe et ce n’est pas là sa moindre utilité. Il garde aussi une activité dans une rue du bourg : sans lui, le commerce voisin perdrait probablement de son attractivité.

Ce diptyque social et économique donne aussi leur raison d’être aux autres actions menées par l’ADACL même si cet apport ne semble pas être perçu à sa juste valeur par un certain nombre d’acteurs de la vie locale. Conséquence de l’arrêt des contrats aidés et des changements de politique communale, l’ADACL a aujourd’hui un effectif réduit, voit ses subventions baisser (la subvention municipale est passée de 50 000 € à 5 000 € en 3 ans avec la perte de la pause méridienne des primaires et la garderie communale).

 Outre le Colibri devenu Espace de Vie Sociale, on notera :

*L’accompagnement scolaire (CLAS) dont l’efficacité est donnée en exemple par la Caisse des Allocations Familiales (CAF) du Puy-de-Dôme. Les ateliers pédagogiques (chorale, sport, théâtre, activités ados) touchent une cinquantaine de jeunes au titre du Point d’Appui de la Vie Associative (PAVA).

*Une saison culturelle faite de concerts, conférences, ateliers, expo permanente, ciné-débats.

*Des événements ponctuels qui drainent sur le territoire nombre de participants souvent venus de loin : en juillet-août, LE festival du Haut-Livradois soit une dizaine d’évènements et une cinquantaine d’intervenants sur 5 jours et en juin la fête des plantes sauvages et ses stages sur 2 journées.

Les différents agréments dont l’ADACL peut se targuer lui ont ouvert les portes de subventions diverses et variées : CAF, DDCS (poste Fonjep), Communauté de Communes, Conseil Départemental, Municipalité. Mais nombre d’entre elles sont en baisse (DALD, commune, la subvention régionale a disparu avec la naissance d’AURA).

Retrouver un équilibre financier pérenne et une reconnaissance qui est le « salaire » des bénévoles font partie des objectifs de l’association saint-germinoise.

L’ADACL reste très attachée à la FAL-63 auprès de laquelle elle trouve un indispensable appui assurantiel, un accueil bienveillant et efficace et un service sportif - l’UFOLEP - reconnu et apprécié.

La relation que l’ADACL cultive avec SON territoire la rend apte à percevoir ces « signaux faibles de la proximité » qui passent généralement loin des oreilles autorisées des décideurs cloîtrés dans leurs bureaux citadins. En cela, elle montre d’évidence que la sauvegarde de notre ruralité auvergnate passe aussi par ce remarquable type de structures associatives auxquelles la FAL-63 est fière d’apporter son soutien.

ADACL
Mairie
63630 Saint Germain l'Herm
Tél.: 04 73 72 06 60
adacl.pij@wanadoo.fr
adacl.fr

Composition du bureau 2019 de l'association :

  • Christian Beauvivre, président
  • Ivan Cottier, vice-président
  • Nathalie Claude, secrétaire
  • Chantal Bassalère, vice-secrétaire
  • Paul Pouyet, trésorier
  • Paul Chappel, vice trésorier
Avec les DDEN

La fraternité : pourquoi ? comment ?

La période inviterait plutôt à parler de solidarité, autrement dit de partage des richesses, de redistribution, de retraites plus justes. Il s’agit là de justice sociale jusque dans son aspect comptable et les citoyens sont en droit d’en bénéficier, c’est d’ailleurs ce qu’ils réclament haut et fort. La fraternité est d’un autre ordre. Elle n’est pas moins nécessaire puisqu’elle parle d’humanité en chacun de nous et qu’il apparait clairement que c’est d’abord et fondamentalement elle qui fait défaut à notre monde dont la crise s’éternise entre inégalités grandissantes et urgence écologique.

Qu’ont donc voulu dire nos pères révolutionnaires de ce que devait être le monde nouveau, déjà défini par les principes de liberté et d’égalité que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonçait et dont le droit républicain devait faire lois, quand ils ont ajouté ce concept de fraternité ?

Ce terme peut paraître inattendu à cette place d’autant qu’il vient de Robespierre qui l’impose en 1790. C’est en effet lors de son discours sur l’organisation de la garde nationale qu’il ajoute la « fraternité » à la formule « liberté-égalité » pour que ce tryptique soit inscrit sur les poitrines et le drapeau. Il veut marquer par là sa volonté d’une garde citoyenne, égalitaire, patriotique et pacifiste, clairement distincte de l’armée et de ses fins guerrières. La garde était fraternelle en cela qu’elle était constituée de simples citoyens, qu’elle dépendait du pouvoir législatif et donc du peuple et non de l’exécutif, et que son rôle était de défendre « l’ordre intérieur », ç’est-à-dire la patrie telle que La déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen venaient d’en proclamer les principes. La fraternité se trouvait donc liée à ce qui définissait la dignité humaine par ce que Rousseau appelait les « droits naturels » d’égalité et de liberté pour en marquer l’universalité, en même temps que l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité.

Dès lors, qu’ajoutait-elle précisément ? En quoi les deux premiers termes étaient- ils insuffisants ?

La fraternité c’est à la fois le fait de la parenté et le sentiment, l’affection immédiate que l’on porte à un membre de sa famille auquel on doit aide et bienveillance en toute situation. Le lien fraternel crée une attache indélébile dont la raison ne suffit pas à rendre compte. Ce sentiment peut s’étendre bien au-delà de la famille, à des amis, des camarades de parti ou de syndicat, à un membre d’une même communauté spirituelle, religieuse ou non.

Il y a cependant des fraternités excluantes, des fraternités de l’entre soi qui en réalité ne reconnaissent comme frères que ceux qui sont semblables tout en se revendiquant d’une fraternité universelle.

Il y a la nation qui, dans sa conception exclusive, revivifiée aujourd’hui à l’Est comme à l’Ouest, réunit ceux qui sont nés en un même lieu ou à une même idéologie et exclut les autres, à l’image des grecs qui déclaraient barbares tous les « étrangers » et les excluaient de la citoyenneté.

Il y a la patrie, terre des ancêtres, qui fut maintes fois invoquée pour exclure ceux qui ne sont pas de la même « souche » : rappelons-nous le funeste tryptique « travail, famille, patrie » qui occulta un temps la devise républicaine qui interdisait le port de l’étoile jaune.

Il y a les religions ont toutes, à un moment ou un autre, comme religion d’Etat ou communauté hégémonique, exclu, voire éliminé, ceux qui ne priaient pas le même dieu ou simplement de la même façon.

Il y a aussi toutes ces communautés, qui pour des motifs religieux, culturels ou raciaux, délimitent à l’intérieur d’un même pays, des frontières entre des « nous » qui se reconnaissent et se soutiennent et des « ils » qui sont rejetés. Le nationalisme n’est d’ailleurs rien d’autre qu’un communautarisme pratiqué à l’échelle d’un pays. Tous les racismes, antisémitismes et autres formes de xénophobies se nourrissent de ces mécanismes.

Terrible fraternité de l’origine ou de la foi, source de solidarité inconditionnelle au sein d’un « nous », et d’hostilité non moins inconditionnelle aux autres.

La fraternité n’est pas de cette sorte. Dès l’antiquité, les stoïciens affirment l’idéal d’un lien qui unit les hommes en tant qu’ils sont des hommes. C’est cet universalisme que Gandhi a traduit par son célèbre « tous les hommes sont frères ». La fraternité humaine transcende les frontières et les époques pour exprimer que les hommes ont entre eux, tous, sans exception, quelque chose de commun qui fait leur humanité. Et c’est elle que chacun reconnaît quand il dit à l’autre et à tout autre quelques soient sa couleur de peau, sa religion ou sa culture, qu’il est son frère. C’est bien cela qui est en question : qu’ont en commun les individus pour être des hommes ? Leurs «droits naturels » comme disait Rousseau, de liberté et d’égalité. Mais en période de crise, où l’autorité se perd tandis que les pouvoirs s’affirment et déploient leur violence, qui fait perdre aux hommes le sens de leur vie, leurs repères en humanité, la liberté peut se trouver en conflit avec l’égalité. La liberté que chacun revendique pour lui peut alors s’affirmer contre toute forme d’égalité. Les libéraux anglais ont d’ailleurs fait le choix de la garantie de cette liberté individuelle contre celle de l’égalité qui n’est qu’un avatar de la mise en concurrence des libertés individuelles par la vie sociale et non une loi parce qu’elle pourrait porter atteinte à cette liberté spontanée. La fraternité est alors ce sentiment qui au-delà du pouvoir de la raison et de façon à la fois plus profonde et plus immédiate, fait de chacun de nous un frère égal en dignité à tout autre, sans obligation de l’aimer. L’autre n’est en effet pas un «prochain» que la foi partagée m’oblige à aimer. Et il s’agit pourtant bien de sentiment et d’affection. Mais ce que j’aime en l’autre c’est l’humanité que je lui reconnais comme à moi-même. Ce sentiment a valeur universelle parce qu’en dehors de toute référence religieuse, culturelle ou géographique, il exprime ce penchant spécifique à l’espèce humaine qui porte chacun vers l’autre simplement parce qu’ils se reconnaissent comme membres de la communauté humaine. Dire que le juif, le noir, le musulman, l’indou, l’athée, l’homosexuel, sont frères, c’est dire qu’ils se reconnaissent comme tels a priori, avant même de se connaître et de se voir comme différents mais pour qu’ils puissent vivre leur différence en toute égalité et liberté, ici et ailleurs. La fraternité n’est donc pas du tout la cerise sur le gâteau de la liberté et de l’égalité, « c’est l’âme de la formule » disait Hugo, parce que c’est elle qui en permet la synthèse dans la vie concrète. C’est parce qu’avant avant la loi, l’autre est reconnu et aimé, de façon a priori et immédiate, comme un frère, égal à moi et à tout autre en dignité, que le droit républicain qui lie la liberté à l’égalité est réalisable, dans la société concrète.

Souvenons-nous de ces soldats de 14, quelques fois des deux nations ennemies, qui refusèrent de combattre, non par lâcheté mais par simple humanité, qui furent « fusillés pour l’exemple » : ils fraternisèrent, et ils montrèrent par là le chemin de la fraternité qui fissure les nationalismes d’exclusion que l’on voit refleurir comme autant de signe d’extinction de la fraternité. « La gradation de l’axiome social est irréprochable, précise Hugo, : Liberté-Egalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont les trois marches du perron suprême. La liberté c’est le droit. L’égalité, c’est le fait, la fraternité c’est le devoir. Tout l’homme est là ». Et le devoir dont parle Hugo ici, qui rapporte chaque homme à une exigence éthique universelle, est bien celui que Jaurès attribue à la morale laïque et dont il faisait la première matière à enseigner dans l’école laïque car elle est par excellence et avant toute autre chose ce qui prépare le citoyen en chaque enfant.

Alors, comment peut se construire cet homme-là ?

Avec un État qui prend au mot la proclamation des droits de l’homme et du citoyen et lui donne les moyens d’être effective, concrètement réalisée, pour une République solidaire et sociale.

Avec un État qui replace sans cesse et clairement son action dans le cadre de la loi de 1905 parce qu’elle donne à la fraternité son caractère proprement humain et laïc en même temps qu’elle promeut l’égalité en liberté.

Avec un État qui préfère l’égalité et le partage aux vertus de la concurrence et du profit, le citoyen au consommateur.

Avec un État qui préfère dans cette perspective, éduquer ses enfants à un universel de raison et de connaissances plutôt que de les adapter aux compétences exigées par un monde oublieux de ses idéaux.

Bref, un État qui promeut une République fraternelle.

Mais la force de l’État et des lois ne suffisent pas comme le faisait remarquer Condorcet au lendemain de la première République : « Les pouvoirs publics sont organisés : la liberté, l’égalité existent sous la garde toute-puissante des lois (…) et pourtant la Constitution pourrait sembler incomplète si l’on y attachait enfin comme partie conservatrice et vivifiante, L’INSTRUCTION PUBLIQUE. (…) Pour que cette volonté (…) ne soit pas à la merci des volontés éparses ou tumultueuses de la multitude égarée (…) il faut que la raison publique armée de la toute-puissance de l’instruction et des lumières prévienne ou réprime sans cesse ces usurpations individuelles (…) afin que le parti le plus fort soit aussi le parti le plus juste. »

Pour préparer tous les enfants à devenir ces hommes capables de vouloir des lois fraternelles, qui obligent à partager la liberté à égalité et à redistribuer les richesses, il faut une école qui les instruise.

Une école publique, fraternelle par elle-même quand elle accueille tous les enfants comme « élèves », quelles que soient les appartenances identitaires qui les différencient.

Une école républicaine qui les prépare tous à être des citoyens pour lesquels la fraternité est le moyen et la fin de leur existence personnelle et collective.

Une école laïque, qui leur enseigne la liberté de conscience et de jugement par l’exercice de la pensée sur les savoirs d’une culture qui les éduque aux principes d’une morale laïque et de la vie en commun qu’elle prépare ; qui leur apprend en même temps les cas d’égalité des triangles et les différents états de l’eau, Les Misérables et Le géant de Zéralda, les secrets de l’impressionnisme et ceux de l’hérédité, la révolution française et la guerre d’Algérie, les principes élémentaires du droit comme ceux de la poésie, pour qu’ils comprennent leur monde et puissent le vouloir plus humain. Bref, Une école où tous peuvent apprendre la réflexion et le doute nécessaires à une pensée libre, sans autre contrainte que celle du maître dont l’autorité n’est que celle du savoir à transmettre et celle, naissante, de leur propre conscience.

Loin d’apprendre un « vivre ensemble » pragmatique que les choix politiques actuels d’une société concurrentielle et managériale, individualisée et déshumanisée rendent indispensable, une telle école républicaine, publique et laïque est une chance pour tous de conquérir cette fraternité qui unit tous les hommes dans le sentiment de leur humanité commune.  

Education & loisirs

Les soixante ans du ministère de la Culture (1959-2019)

En 1955 Jeanne Laurent (1) écrivait : « Pourquoi l’État depuis près de cent ans a-t-il rarement passé ses commandes d'architecture, de sculpture et de peintures ? … Pourquoi le grand public a-t-il rarement accès aux chefs d'œuvre contemporains ? … Pourquoi refusons-nous de voir les problèmes de l'éducation artistique quand nous prétendons garantir à tous l'accès à la culture ? … Comment se fait-il que nous ne construisons pas comme nos voisins des théâtres et des salles de concert ? Dans quels autres temples une société laïque peut-elle avoir une vie spirituelle de communauté ? ... » Celle qui fut sous-directrice des spectacles et de la musique au Ministère de l’Éducation nationale sous la IVème République ajoutait « Quand il dépense mille francs, l’État en 1954 ne consacre qu'un franc à la musique, au théâtre, à ses musées (et) à ses manufactures. »

C'est le 24 juillet 1959 qu'un décret fondateur du général De Gaulle donne au ministère des Affaires culturelles « la mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des œuvres d'art et de l'esprit qui les enrichissent ». Le ministère est confié à André Malraux.

Selon Geneviève Poujol (2) « Malraux et son équipe ont eu à faire face à de multiples tâches telles que faire des projets d'organisation administrative, se définir et agir » (on leur demande des décisions et des réalisations).

Geneviève Poujol ajoute qu'il faut porter à l'actif de ce nouveau ministère et de son ministre plusieurs réalisations dont nous sommes en quelque sorte les héritiers et les bénéficiaires :

  • un début de statut des artistes
  • des lois-programmes de restauration de monuments anciens
  • la mise en place de l'inventaire des richesses de la France
  • la mise en place d'une politique musicale en France
  • une amorce de régionalisation
  • enfin une politique d'action culturelle et les maisons de la culture.

On sait que ces projets ont été mis en œuvre et développés par les différents ministres de la Culture qui ont succédé à André Malraux, en particulier par Jacques Lang, dont on connaît aussi le succès international de la « Fête de la Musique » créée en 1982.

Quant à la Ligue de l'enseignement qui avait commencé depuis longtemps un travail d'éducation culturelle populaire interrompu par la guerre puis repris en 1947 avec la création de postes d'instituteurs mis à disposition des associations (M.A.D.), elle ne voit pas d'un très bon œil ces initiatives gouvernementales. Jean-Michel Djian dans son « Histoire républicaine de la Ligue de l'enseignement » (3) écrit : « Mais pour l'essentiel artistes et écrivains désertent l'éducation populaire ».

A partir de 1958, André Malraux, chargé par De Gaulle d'instituer les « affaires culturelles », occupe la place. La jeunesse et les sports sont sacrifiés sur l'autel d'une certaine conception du rayonnement de la France mais aussi du refus de la droite de voir les associations subventionnées s'émanciper. La mise en scène de l'art supplante brutalement sa pratique, laissant les amateurs et les éducateurs sur le bas-côté d'une politique culturelle entièrement dévolue à la sacralisation de l'œuvre. Pour faire court les Maisons de la culture vont remplacer les Maisons des jeunes et de la culture. Voici ce qu'en dit Pierre Tournemire, ancien secrétaire général de la Ligue de l'enseignement : « Finies les veillées culturelles au village et les initiatives bénévoles autour de l'école primaire et de l'instituteur. L'augmentation de la population scolaire, notamment dans le secondaire, les nombreuses fermetures d'écoles rurales modifient profondément les liens entre l'école et la vie associative. A l'éducation populaire va succéder dans les années 1970 une conception plus socio-culturelle de la vie de la cité dans laquelle les professionnels prendront de plus en plus la place des militants ». (4)

Jean-Michel Ducomte dans la conclusion de son « Anthologie de l'éducation populaire » (5) ajoute : « ... il s'agit moins aujourd'hui de faire des citoyens comme le souhaitait Jean Macé, c'est à dire de donner à la démocratie un corps politique éclairé sur les enjeux du débat public, que d'inventer les moyens de lutter contre la résignation, le développement des stratégies d'esquive ou d'évitement caractéristiques de l'âge de l'impolitique »

Jean Vilar, le créateur du festival d'Avignon, voulait que l'on puisse proposer à tous, ce qui avait été longtemps réservé à quelques-uns. Son vœu est en partie exaucé si l'on constate par exemple la multiplication et le développement des Maisons de la Culture – celle de Clermont-Ferrand est toutefois une des dernières créées, longtemps après celle de Nevers (1969) ou de Firminy (1965) - De même on a pu dénombrer l'abondance des festivals artistiques : 800 manifestations cet été selon Télérama : du jazz au cinéma, de la poésie à l'art lyrique en passant par la danse, la photo ou le théâtre.

Cependant force est de constater que si un certain public se presse par exemple aux représentations des spectacles de la Comédie de Clermont, il reste toujours ici comme ailleurs un autre public, celui des « Territoires perdus de la République » (6) qui ne va jamais, ni au théâtre, ni au cinéma, ni dans les musées et que la culture ignore comme ils ignorent la culture ...

Si l’État a mis en place avec la publicité nécessaire les manifestations que l'on connaît, il a supprimé plus discrètement en 1984 le corps de M.A.D: ces instituteurs formés dans les stages de l'UFOLEA ou de l'UFOLEIS qui étaient capables d'animer un débat sur un film ou de donner un coup de main dans une répétition de théâtre ou de chorale... L'UFOLEA a disparu en 1984 ainsi que les stages de formation et ce ne sont pas les fonctionnaires de la DDCS (Direction départementale de la cohésion sociale) issus de la Jeunesse et des sports et pleins de bonne volonté affichée qui peuvent remplacer ce contact intime et populaire des Amicales Laïques où l'on venait débattre et réfléchir après l'école dans des veillées culturelles.

Le temps a passé. La culture est ailleurs avec le loto, le mécénat et les cathédrales qui brûlent, Stéphane Bern et la Française des Jeux !

Il y a aussi les tablettes, les smartphones et les fameux réseaux sociaux qui créent et véhiculent une autre culture … Mais au fait, qu'est-ce qu'une culture ?

(1) Jeanne Laurent: « La République et les Beaux-Arts » (Julliard 1955)

(2) : Geneviève Poujol est chargée de recherche au CNRS : la citation est extraite de « La décentralisation théâtrale » (5 volumes – chez Actes-Sud Papiers) sous la direction de Robert Abirached (2005)

(3) : « L’UTOPIE CITOYENNE » - Une histoire républicaine de la Ligue de l'enseignement » par Jean-Michel Djian (Éditions La Découverte 2016)

(4) : « La Ligue de l’enseignement » (Pierre Tournemire) - Les Essentiels Milan

(5) : « Anthologie de l'éducation populaire » (J.M. Ducomte – Jean-Paul Martin – Joël Roman) Éditions Privat (Le comptoir des idées - 2013)

(6): « Les territoires perdus de la République » sous la direction de Emmanuel Brenner (Éditions Pluriel - 2015)

(*) 1959 fut aussi l'année de la disparition de Boris Vian et de Gérard Philipe… "La mort a frappé haut" avait dit Jean Vilar

Laïcité. Appel du 9 décembre 2019

Texte proposé par la Ligue des droits de l’Homme, la Ligue de l’enseignement et la Fédération Nationale de la Libre pensée

Notre inquiétude est grande. Depuis maintenant de trop nombreuses années, la laïcité est l’objet de remises en cause qui en faussent le sens et la portée. Ses plus anciens adversaires l’utilisent pour exclure une partie d’entre nous et en font l’étendard de leur haine raciste tandis que certains en contestent les fondements et veulent enfermer chacun dans des identités figées. D’autres enfin, y voient l’occasion de mettre en avant le fantasme d’une société amputée de toute diversité.

Aujourd’hui, ces discours et ces actes émanent d’acteurs politiques, associatifs et religieux, de penseurs célébrés, de femmes et d’hommes de tous horizons. Comme si l’urgence était à la multiplication de ces atteintes intolérables au contrat social Car c’est bien de cela dont il s’agit : adversaires et faux amis de la laïcité s’acharnent à saper ce que la République a mis plus de deux siècles à construire. Il est urgent d’y mettre un terme.

La laïcité est un principe issu des valeurs fondatrices de notre contrat politique commun.

La liberté, d’abord, car elle garantit à chacun une liberté de conscience absolue, de pratiquer, y compris publiquement, le culte de son choix ou d’en changer, comme le droit de n’en pratiquer aucun et de contester les dogmes et leurs pratiques.

L’égalité, car, en assurant la séparation des cultes et de l’état et la stricte neutralité de celui-ci vis-à-vis de ceux-là, elle implique de respecter les droits et libertés de toutes et tous sans discriminations.

La fraternité, car elle s’ancre dans l’universelle humanité qui précède en chacun de nous la diversité de nos appartenances.

Malgré les obstacles qu’ils ont rencontrés et qu’ils rencontrent encore, ces principes sont inséparables d’une société ouverte à l’Autre et respectueuse des choix de chacune et chacun. Les remettre en cause, au nom du soupçon, de l’amalgame ou de la haine de telle ou telle religion, en désignant celui ou celle qui serait l’ennemi de la République et de nos libertés, ne fera qu’alimenter la division, le ressentiment et la violence.

C’est pourquoi, nous réaffirmons notre attachement à l’esprit et à la lettre de la loi de 1905 et à sa conséquence, la neutralité de l’État et des services publics.
Nous en avons plus que jamais besoin pour affronter, ensemble, les défis posés aujourd’hui par l’urgence sociale, l’urgence environnementale, l’urgence démocratique

C’est pourquoi nous condamnons les actes et les propos qui feraient de la laïcité une arme d’exclusion ou de discriminations ou l’alibi d’une assignation à résidence, comme ceux qui justifieraient la prééminence d’un dogme sur les lois de la République.

C’est enfin pourquoi nous nous engageons à respecter et faire respecter ces principes et que nous appelons les pouvoirs publics à s’engager dans la même voie et à être irréprochables en la matière.

Avec le soutien de :
Syndicats :
Confédération générale du travail (CGT), Fédération nationale de l'enseignement, de la culture et de la formation professionnelle Force ouvrière (Fnec FP-FO), Fédération syndicale unitaire (FSU), Syndicat des avocats de France (Saf), Union nationale des étudiants de France (Unef), Union syndicale solidaires.

Partis :
Ensemble !, Europe écologie les verts (EELV), Gauche démocratique et sociale (GDS), Génération.s, La France insoumise et groupe parlementaire de l’Assemblée nationale, Parti communiste français (PCF), Parti de gauche, Place publique.

Associations :
Action droits des musulmans (ADM), Amis du 68 rue de Babylone, APF France handicap, Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association France Palestine solidarité (AFPS), Association des Marocains de France (AMF), Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (Attac), Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Céméa), Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), Chrétiens pour une Eglise dégagée de l’école confessionnelle (Cedec), La Cimade, Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), Comité Adama Traoré, Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep), Confédération nationale du logement (CNL), Crap - Cahiers pédagogiques, L’Économie sociale partenaire de l'école de la République (L'Esper),Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), Fédération Léo Lagrange, Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et Gens du voyage (Fnasat-Gens du voyage), Fédération nationale des Francas, Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Fondation Copernic, France Libertés - Fondation Danielle Mitterrand, Jeunesse étudiante chrétienne (Jec), Jeunesse au plein air (JPA), Mémorial 98, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Nous sommes aussi l’Église, Observatoire chrétien de la laïcité, Pas sans nous, Le Planning familial, Solidarité laïque, SOS Racisme, Union rationaliste.

Loisirs

Le temps des fonctionnaires

Nous les fonctionnaires
on est les rois de la terre
sans rien faire sans rien dire
ça tombe dru dans la tirelire
pendant que d'autres suent sang et eau
pour gagner quelques euros.
 
Nous les fonctionnaires
on est peinards toute la carrière
on grimpe les échelons
comme des rochers un mouflon
le point d'indice
fait du 110
quand pour les non fonctionnaires
il a passé la marche arrière.
 
Dans l'hôpital les infirmières
font la java des nuits entières
elles dansent dans les couloirs
entre les chariots et les brancards
aux urgences ceux qui attendent
dansent avec elles la sarabande
Pas le temps d'aller aux toilettes
on pisse pas pendant la fête
elles jouent à Colin-Maillard
Merde il est passé où le vieillard ?
S'il est parti dans les sous-sols
pour le retrouver faudra du bol !
 
Nous les fonctionnaires
y'a pas à dire on sait y faire
on sait y faire comme des fainéants
Ah vous pensez aux enseignants ?
6 heures par jour sous condition
d'avoir 2 heures de récréation
et des vacances à tire-larigot
vraiment les hommes sont pas égaux
et ne parlons pas des grèves
être enseignant c'est vraiment le rêve.

Dans les EHPAD quelle rigolade
c'est toujours la cavalcade
courses de déambulateurs
pour une ambiance de bonheur
concours d'économie d'eau :
une douche par an t'as un cadeau
ce sera une couche de plus par mois
t'en avais deux, t'en auras trois !
Concours d'économie de repas
si t'as pas de visite, tu manges pas !
 
Nous les fonctionnaires
on est les rois de la terre
les rois de la poste les rois du rail
on ne sait pas ce qu'est le travail
nous on s'amuse on chante on rit
parfois pourtant on s'assombrit
une inquiétude tombe sur nous
qu'est-ce qu'on va faire de tous nos sous ?
 
Dans le nouveau monde chacun espère
qu'il n'y aura plus de fonctionnaires
gardons tout de même les plus beaux
dans des parcs dans des zoos
pour que l'Humanité n'oublie
qu'elle a commis cette folie :
payer les gens à ne rien faire.
C'était le temps des fonctionnaires

Métiers (clichés)

 40 ans que je réfléchis
à ce que je pourrais faire dans la vie
on dira j'y mets le temps
mais choisir un métier c'est important
faut pas le choisir sur un coup de tête
car après on le regrette
 
Comme je suis un peu fainéant
j'ai pensé me faire enseignant
y'a du temps libre y'a des vacances
mais c'est misère pour les finances
et puis le pénible du sacerdoce
c'est qu'il faut supporter les gosses
on n'a plus le droit de les tanner
ne serait-ce qu'une fois dans l'année
 
Médecin ça aurait pu me plaire
avec les dépassements d'honoraires
les combines avec les labos
pour des séminaires à Rio
Être chirurgien-plasticien
refaire les fesses refaire les seins
mais à mon caractère paillard
la chair est triste sur le billard
 
Militaire ça c'est une planque
jouer avec des avions ou des tanks
retourner dans nos colonies
- pardon, dans nos pays amis -
soutenir quelques vieux Mausole
pour avoir diamants et pétrole
mais moi qui suis tout amour
je ne me voyais pas Adjudant Kronenbourg
à défendre le droit des armes
contre la misère et les larmes
Cardinal ça m'aurait plu
avec la robe de la vertu
pas trop serré sur le goupillon
pour bénir les moinillons
J'aurais vécu dans l'opulence
Jésus plus là, la Curie danse
mais être le loup dans la bergerie
et mettre la peur dans les esprits
ça ne me disait rien qui vaille
j'ai fait une croix sur ce travail
 
Député ou sénateur
il y a moyen de faire son beurre
au bon beurre de la famille
je veux le garçon et je veux la fille
et la femme comme assistante
et puis peut-être l'oncle et la tante
Vivre au frais de la princesse
ce serait bon pour chasser mon stress
mais député ou sénateur
c'est pas permis à un chômeur
 
Comme je ne trouve rien à mon goût
je vais choisir de rien faire du tout
et de ne pas concurrencer
celui qui veut vraiment bosser
Laisser passer l'autre avant soi
y'a qu'un grand cœur qui peut faire ça !

La symphonie de Leningrad (Sarah Quigley)

Notes de lecture

« De la musique avant toute chose ... »

Entre septembre 1941 et décembre 1944, après la brutale rupture du pacte germano-soviétique, les armées allemandes mirent le siège devant la ville de Leningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg). Il y eut 1 800 000 victimes civiles russes et 200 000 soldats allemands. C'est dans ce contexte historique que la jeune romancière néo-zélandaise Sarah Quigley, née en 1967, place son roman La symphonie de Leningrad (1). Elle raconte les conditions tragiques qui furent celles de cette ville affamée où Dimitri Chostakovitch composa sa Septième Symphonie, tandis que la poétesse Anna Akhmatova (1889-1966) écrivait au même moment ce poème extrait de son Cycle de Leningrad (2).

Les oiseaux de la mort sont au zénith
Qui viendra délivrer Leningrad ?

Ne faites pas de bruit ; la ville respire,
Elle vit encore, elle entend tout :

Comme dans l'humide fond de la Baltique
Ses enfants gémissent dans leur sommeil

Comme leur cri : « Du pain », monte de l'abîme
Et va jusqu'au septième ciel.

Mais le firmament est sans pitié ;
A la fenêtre c'est la mort qui regarde.

(1941 - le 28 septembre)

Dans Leningrad affamée, Chostakovitch travaille en s'inspirant des bruits qui sont autour de lui (les tirs, les explosions, les cris, les hurlements…) avec les moyens qu'on imagine (sans papier, il est obligé de fabriquer lui-même ses partitions, d'écrire les portées pour les différents instruments de l'orchestre). Avec lui sa famille mais aussi ses amis, le violoncelliste Nicolai et le chef d'orchestre Karl Ilitch Eliasberg souffrent de faim et d'angoisse. Les habitants tentent de fuir sur le lac Ladoga gelé ou par avion lorsque c'est possible.

Tout commence par un long prologue où l'on voit les relations, parfois complexes et orageuses, entre les protagonistes de cette saga musico-politico-guerrière. Puis, quand les rôles sont bien distribués et que le bombardement a commencé vient la deuxième phase, la plus tragique. Certains des musiciens qui se sont portés volontaires meurent sous les balles et les obus. Les maisons sont détruites et tout le monde meurt littéralement de faim. Le pauvre chef d'orchestre Karl Elias qui cuisine pour sa mère mourante une soupe avec de la brillantine… « c'est de la soupe à la saucisse ? » dit la vieille dame « Ne finis pas tout ! ». Il fait également bouillir le cartable en cuir où il classait les partitions. On se gèle mais on n'abat pas les arbres de la perspective Nevski. On se chauffe avec les meubles, les papiers, les vêtements.

Enfin c'est la répétition générale. Le chef d'orchestre aperçoit une rangée de micros dirigés vers la scène selon les ordres de Staline, prêts à capter la Symphonie de Leningrad pour la transmettre au monde entier... « Bientôt le silence retombera, les musiciens se figeront dans la plus grande concentration, le dos droit, les doigts en position, les archets et embouts levés, les regards braqués sur lui » … dans sa poche un télégramme de Chostakovitch « Tous mes vœux pour la première à Leningrad […] convaincu que le concert sera MAGNIFIQUE. Avec mes meilleurs sentiments ».

On l'a vu récemment avec les fragiles danseurs de l'Opéra de Paris : la musique et la danse sont aussi des moyens de lutte et de protestation.

(1) : La Symphonie de Leningrad (Sarah Guigley - 2011) - Folio – poche n° 5980
(2) : Anna Akhmatova : Requiem – Poème sans héros (Poésie / Gallimard)

Divers

Mots croisés n°484

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FORUM

Blanquer est arrivé (écrire en vain)

par Alain Bandiéra

S'il est vrai que la langue est la pire et la meilleure des choses, comme le disait Ésope, l'écriture a aussi ses perversions. S'il arrive enfin fréquemment que l'on parle pour ne rien dire ; l'écriture aussi peut se caractériser par la même vacuité que la langue parlée. Combien de slogans politiques, en particulier, jouent uniquement sur la prosodie de la phrase, l'illusion d'une signification, la chimère d'un projet... Ne parlons pas de la publicité où l'usage de la langue relève, la plupart du temps, d'une véritable escroquerie.

C'est ainsi qu'un magazine notoire, politiquement pourtant irréprochable et dont on peut reconnaître l'honnêteté, a donné l'exemple flagrant d'une écriture vide, de ce que Jacobson appellerait le style phatique qui joue de l'exclamation à l'imprécation. Il s'agissait de présenter au lecteur le projet de réforme de l’Éducation Nationale annoncé par le ministre Blanquer.

On s'aperçoit aussi que la graphie contribue à la signification du texte, qui emprunte à l'image ses caractéristiques visuelles au service du discours. Le titre « Ecole » annonce le sujet sans détour, et l'on remarque que c'est la graphie le plus petite de tout le slogan.

A la ligne suivante éclate cette proclamation emphatique « ça bouge enfin ! »
Le recours au langage « jeune » est incontestablement une stratégie de séduction. Nouvelle contamination de l'image : la phrase fonctionne sur un implicite, l'équivalent du hors-champ qui, dans le langage de l'image, éclaire le sens d'une séquence ou d'une photographie. L'adverbe « enfin » qui ponctue (avec le point d'exclamation) la clôture de la proclamation se réfère sans doute au reproche d'immobilisme que les médias et tous les spécialistes de l'école, adressent au système éducatif français, aggravant le procès par des comparaisons avec des systèmes étrangers jugés plus efficaces.

On passe ainsi sous silence les innombrables réformes de l'école primaire – instauration des cycles par exemple – et les multiples rénovations du collège qui auraient dû permettre une meilleure gestion des élèves en difficulté.

 Il conviendrait d'ailleurs de s'interroger profondément sur les raisons de l'échec de toutes ces réformes, dont le système ne garde que quelques séquelles pour revenir obstinément à un fonctionnement très traditionnel.

La dernière question du premier slogan « Jusqu'où ira Blanquer ? » entretient une sorte de mystère narratif destiné sans doute à allécher le lecteur sans pour autant suggérer les éléments tangibles d'un projet.

On peut rapidement passer outre la rubrique « rémunération », seule affirmation incontestable de cet affichage : « les professeurs français sous-payés ». On remarquera que c'est aussi la seule rubrique qui n'est pas assortie d'une quelconque proposition.

Quant à la rubrique « formation » elle est un exemple flagrant de sous-information entretenu par des adversaires déclarés d'un système dont ils ignorent tout du fonctionnement et des enjeux. Les 30 ans de naufrage auxquels il est fait allusion visent manifestement les IUFM, dont il y aurait beaucoup à dire, mais beaucoup moins que toutes les informations frisant la calomnie qui ont été véhiculées sur cette institution et ses acteurs par les Natacha Polony et autres adversaires du pédagogisme. Il y a longtemps que les médias ont fait silence sur le rôle quasiment politique des écoles normales, leur influence sur la vocation des enseignants, les conséquences désastreuses de leur suppression.

Retour au slogan de départ dans la dernière proclamation où Blanquer est à nouveau cité, fermant le panorama comme il l'avait ouvert. L'adjectif « exclusif » souligne le privilège que constitue l'entretien qu'il consent à accorder (au journal et par conséquent à ses lecteurs) ; enfin, la dernière imprécation « tout doit être sur la table » se réfère à l'idéal de transparence dont se réclame le gouvernement en place.

Au total, pas une seule information tangible – en dehors de la rémunération affligeante des enseignants – , une apologie de Blanquer en quelques slogans qui le présentent comme le nouveau messie de l’Éducation Nationale, celui qui va sauver un système du naufrage dans lequel il périt. On peut alors saluer l'art de l’apologie, qui, fonctionnant sur un minimum de stratégies linguistiques, ignorant délibérément des pans entiers de l'histoire scolaire, enterre le débat avant même de l'amorcer.