Auvergne laïque n° 486 - octobre 2020


EDITO

par Edouard Ferreira (extrait du rapport moral)

« Ce que je sais, c’est que je ne sais rien, tandis que les autres croient savoir ce qu’ils ne savent pas Â» 
Si l’on se réfère à cette maxime philosophique de Socrate à la recherche de la vérité, croire savoir c’est ignorer son ignorance. Si tel est le cas, plusieurs siècles après, l’homme n’a pas pris pleinement conscience de son ignorance. Affirmer détenir la vérité absolue est un signe d’arrogance aux egos prétentieux, vent contraire au manque flagrant d’humilité. Tout savoir est une illusion, comme un dogme s’affirme incontestable, accroché à une certitude préalable. Le dogme n’est pas une citadelle imprenable mais il résiste éperdument dans le repli défensif d’une conviction futile. La vérité fondamentale n’est acquise par personne. La remise en cause de nos idées par une ouverture d’esprit est une attitude responsable.
« La bouse de vache est plus utile que les dogmes, on peut en faire de l’engrais.»  (Mao)

L’épidĂ©mie de la Covid-19 rappelle Ă  l’homme sa vulnĂ©rabilitĂ© et le remet Ă  la petite place qu’il occupe sur cette immense terre, car la suprĂ©matie de l’espèce humaine sur Terre est un leurre. Reconnaissons que la pandĂ©mie nous administre une magistrale leçon d’humilitĂ©. Elle ne peut relever que de l’ordre de la nature ou du comportement des hommes eux-mĂŞmes rĂ©solus obstinĂ©ment Ă  l’asservir au lieu de la respecter et de vivre avec. On connaĂ®t aujourd’hui les consĂ©quences affolantes du dĂ©sĂ©quilibre climatique. C’est dĂ©jĂ  trop tard, mais cette dĂ©faillance d’humilitĂ© ne peut s’effacer que si nous prenons conscience de nos privilèges de simples locataires sur cette planète. Le sort de l’humanitĂ© ne sera que celui qu’elle mĂ©ritera par ses actes ou ses nĂ©gligences. Existe-t-il un bien plus prĂ©cieux que la santĂ© pour l’humanitĂ© au lieu de se passionner pour le luxe, la richesse et la gloire ?

Simone Veil au PanthĂ©on : grandeur d’une femme

Une rĂ©cente Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e « Ă  la tribune Â» qui rĂ©unissait Badinter contre la peine de mort, et Simone Veil pour l’interruption volontaire de grossesse a pris une incontestable valeur de symbole. Elle a remis en scène et en mĂ©moire les 2 grandes questions qui depuis longtemps agitent l’humanitĂ©, Ă  l’Ă©chelon mĂŞme de la planète. On se souviendra aussi que Marie-HĂ©lène Giraud, condamnĂ©e Ă  mort sous le rĂ©gime de Vichy pour avoir pratiquĂ© 27 avortement fait partie des 3 dernières femmes dĂ©capitĂ©es en France. A l’heure de son exĂ©cution, des milliers de jeunes gens Ă©taient dĂ©cimĂ©s sur les champs de bataille de la Seconde Guerre Mondiale.

« DĂ©fense d’un projet de loi : le courage et la fureur Â»

Dans ce nouvel hommage aux « grandes femmes » (voir le texte de Françoise Fernandez, dans notre dossier), nous avons souhaitĂ© faire une mention spĂ©ciale Ă  Simone Veil et Ă  son combat qui lui a valu autant d’estimes que d’inimitiĂ©s.

Il est rare que nous lisions ou Ă©coutions les discours dans leur intĂ©gralitĂ© et leur connaissance partielle est souvent source de malentendus. Si nous ne publions que des extraits du discours de Simone Veil relatif Ă  la libertĂ© de l’avortement, c’est prĂ©cisĂ©ment pour lever toutes les mĂ©prises qu’il a suscitĂ©es. Nous n’avons pas suivi la chronologie de l’intervention mais publiĂ© les remarques dans l’ordre de leur importance.

Intervenant devant « cette assemblĂ©e en majoritĂ© d’hommes Â», Simone Veil va dĂ©velopper un immense plaidoyer pour les femmes, la libertĂ© de leur maternitĂ© et leur responsabilitĂ©. Ses propos se passent de tout commentaire.

Paroles d’une femme

« J’interviens devant vous avec un profond sentiment d’humilitĂ© devant la difficultĂ© du problème comme devant l’ampleur des rĂ©sonances qu’il suscite au plus profond des Françaises et des Français, en pleine conscience de la gravitĂ© des responsabilitĂ©s que nous allons assumer ensemble. […]

Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme – je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C’est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme.

C’est avec la plus grande conviction que je dĂ©fendrai un projet qui a pour objet de mettre Ă  une situation de dĂ©sordre et d’injustice et d’apporter une solution mesurĂ©e et humaine Ă  un des problèmes les plus difficiles de notre temps. « Pour quelques-uns, les choses sont simples : il existe une loi ­rĂ©pressive, il n’y a qu’à l’appliquer. Nul n’ignore que depuis l’origine, et particulièrement depuis le dĂ©but du siècle, la loi a toujours Ă©tĂ© rigoureuse, mais qu’elle n’a Ă©tĂ© que peu appliquĂ©e. […]

Pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux? Parce que la ­situation actuelle est mauvaise. Je dirais même qu’elle est déplorable et dramatique.

« Parmi ceux qui combattent aujourd’hui une Ă©ventuelle modification de la loi rĂ©pressive, combien sont-ils ceux qui se sont prĂ©occupĂ©s d’aider ces femmes dans leur dĂ©tresse, combien sont-ils ceux qui, au-delĂ  de ce qu’ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères cĂ©libataires la comprĂ©hension et l’appui moral dont elles avaient un si grand besoin ? »

« Lorsque les mĂ©decins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaĂ®tre publiquement, lorsque les parquets, avant de poursuivre, sont invitĂ©s Ă  en rĂ©fĂ©rer dans chaque cas au ministère de la Justice, lorsque des services sociaux d’organismes publics fournissent Ă  des femmes en dĂ©tresse les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mĂŞmes fins, sont organisĂ©s ouvertement et mĂŞme par charter des voyages Ă  l’étranger, alors je dis que nous sommes dans une situation de dĂ©sordre et d’anarchie qui ne peut plus continuer.

Parce que si des médecins, si des personnels sociaux, si même un certain nombre de citoyens participent à ces actions illégales, c’est bien qu’ils s’y sentent contraints ; en opposition parfois avec leurs convictions personnelles, ils se trouvent confrontés à des situations de fait qu’ils ne peuvent ­méconnaître. Parce qu’en face d’une femme décidée à interrompre sa grossesse, ils savent qu’en refusant leur conseil et leur soutien ils la rejettent dans la solitude et l’angoisse d’un acte perpétré dans les pires conditions, qui risque de la laisser mutilée à jamais. Ils savent que la même femme, si elle a de l’argent, si elle sait s’informer, se rendra dans un pays voisin ou même en France dans certaines cliniques et pourra, sans encourir aucun risque ni ­aucune pénalité, mettre fin à sa grossesse. Et ces femmes, ce ne sont pas nécessairement les plus immorales ou les plus ­inconscientes. Elles sont 300.000 chaque année. Ce sont celles que nous côtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames.

C’est à ce désordre qu’il faut mettre fin. C’est cette injustice qu’il convient de faire cesser. »

Propositions et paradoxes

Simone Veil fonde toute son argumentation sur quelques paradoxes particulièrement frappants, ignorĂ©s ou largement dĂ©naturĂ©s par ses opposants : il ne s’agit pas de favoriser un recours dĂ©bridĂ© et irresponsable Ă  l’avortement, mais de favoriser toutes les conditions sociales et humaines qui en limitent le recours, et de prĂ©venir toutes les situations de dĂ©tresse, de solitude et de misère incitant les femmes Ă  des choix dramatiques.

« L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolĂ©rer sans que la sociĂ©tĂ© paraisse l’encourager ? Je voudrais vous faire partager une conviction de femme… Aucune femme ne recourt de gaietĂ© de cĹ“ur Ă  l’avortement (applaudissements). C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame. C’est pourquoi si le projet tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilitĂ© d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrĂ´ler, et autant que possible en dissuader la femme ».

Je voudrais enfin vous dire ceci : je dĂ©fendrai ce texte… avec toute ma conviction, mais il est vrai que personne ne peut Ă©prouver une satisfaction profonde Ă  dĂ©fendre un tel texte sur un tel sujet : personne n’a jamais contestĂ© que l’avortement soit un Ă©chec quand il n’est pas un drame. Mais nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les trois cent mille avortements qui, chaque annĂ©e, mutilent les femmes de ce pays, qui bafouent nos lois et qui humilient ou traumatisent celles qui y ont recours.

L’histoire nous montre que les grands dĂ©bats qui ont divisĂ© un moment les Français apparaissent avec le recul du temps comme une Ă©tape nĂ©cessaire Ă  la formation d’un nouveau consensus social, qui s’inscrit dans la tradition de tolĂ©rance et de mesure de notre pays…

Les jeunes générations nous surprennent parfois en ce qu’elles diffèrent de nous ; nous les avons nous-mêmes élevées de façon différente de celle dont nous l’avons été. Mais cette jeunesse est courageuse, capable d’enthousiasme et de sacrifices comme les autres. Sachons lui faire confiance pour conserver à la vie sa valeur suprême. »

Une autre voix pour les femmes

En 1972, deux ans avant ce qu’il faut bien dĂ©signer par l’œuvre de Simone Veil, s’est tenu le fracassant procès de Bobigny dont l’accusĂ©e, une jeune fille ayant avortĂ© Ă  la suite d’un viol, sera acquittĂ©e. Son avocate, Gisèle Halimi, a obtenu l’acquittement au terme d’une plaidoirie particulièrement vigoureuse, en faveur des femmes, contre le viol et, en consĂ©quence, en faveur l’intervention volontaire de grossesse dans des « conditions particulières de dĂ©tresse Â», comme Simone Veil le dĂ©clarera dans son discours. Au terme du procès, Gisèle Halimi manifeste son enthousiasme – et son espoir : « Ce jugement est quand mĂŞme un pas irrĂ©versible vers un changement de la loi. Monsieur Pleven avait dĂ©jĂ  dit qu’il fallait appliquer cette loi avec humanitĂ© en ce qui concerne les avortĂ©es Â».

Cette grande voix s’est tue voilĂ  peu de temps, et des associations fĂ©ministes demandent son admission au PanthĂ©on afin qu’elle soit, comme Simone Veil, reconnue dans ses combats pour la dignitĂ© de la femme.

L’avenir de la loi Veil : une libertĂ© prĂ©caire

Comme pour le « mariage pour tous Â», la loi sur la libertĂ© de l’IVG ne constitue pas un prĂ©judice pour les citoyens qui n’y auraient pas recours : elle n’impose aucune contrainte. Elle s’appuie, comme le dit clairement Simone Veil, sur la responsabilitĂ© intime des femmes et des hommes concernĂ©s. On aurait tort de croire les opposants dĂ©sarmĂ©s ; fanatiques et extrĂ©mistes de tous bords continuent Ă  peupler les rangs des commandos anti-IVG. Dans le reste du monde, le moindre embryon de dictature menace la pratique de l’IVG ; et dans les quartiers pauvres du globe, des femmes et des jeunes filles continuent de mettre au monde, dans des conditions inhumaines, des nouveau-nĂ©s, qui viendront grossir les cohortes de misĂ©reux, d’affamĂ©s, de chĂ´meurs, ou… de terroristes.

Ou meurent, au terme d’avortements sauvagement commis.

Alain bandiéra

Extraits du texte de Françoise Fernandez sur Simone Veil au Panthéon.

Vie fédérale

Assemblée Générale 2020 : rapport moral

suite de l’Ă©dito

De tous les temps, tous les prétextes de desservir divisent les peuples et l’autorité, les citoyens et les politiques, la société et la démocratie. De toute chose peut naitre un sujet à controverse. Les bouleversements liés à la récente crise sanitaire prouvent indéfectiblement que l’homme reste un être complexe dont les facultés de discernement demeurent souvent mystérieuses. Dans les pires moments, l’incontournable vanité prend le pas sur la lucidité et le recul indispensable à une analyse critique et objective.

Il n’existe pas de certitudes et le manque de modestie divise de nouveau. Tous les indéfectibles convaincus restent accrochés à leurs croyances. Alors qu’il terrorise l’humanité entière, on ignore toujours comment rendre moins dangereux ce virus. La survie se gagne au combat que l’on mène et non à la passivité des commérages néfastes et de sa propre ignorance.

On ne connaĂ®t rien de cet ennemi et notre capacitĂ© naturelle de filtrage Ă©motionnel et d’objectivitĂ© se noie sous un pilonnage mĂ©diatique ininterrompu. Qui peut-on croire ? Que pouvons-nous croire ? Que faire dans ce marasme ? Plus une pelote d’informations est volumineuse, plus elle est difficile Ă  dĂ©mĂŞler. Les facultĂ©s des raisonnements avisĂ©s sont altĂ©rĂ©es et embrouillĂ©es, rendant anxiogène cette pĂ©riode surrĂ©aliste. Les prĂ©jugĂ©s rendent impossible la clairvoyance essentielle Ă  l’appel de la solidaritĂ© dans cette crise mondiale. Les prĂ©jugĂ©s et l’obstination inconsidĂ©rĂ©e forment une ligne de dĂ©marcation amplifiant frayeur et division.
« Il est plus facile de dĂ©sintĂ©grer un atome qu’un prĂ©jugĂ© Â» (Albert Einstein).

Cette parenthèse coronavirus nous invite à prendre du recul. Espérons qu’elle se referme rapidement, qu’elle provoque de saines réactions afin que nous retrouvions un peu de cohérence et de solidarité plus marquante, à commencer par la solidarité de l’humanité tout entière en brisant les frontières et les clivages protectionnistes. En ratant ce rendez-vous, l’Europe n’a pas fait la preuve de cette unité. Les fléaux de l’individualisme et de l’incivisme sont ancrés sempiternellement dans une ligne de conduite égoïste fatale aux valeurs de la fraternité. Cette crise est non seulement une épreuve collective et individuelle, mais les conséquences sont autant terrifiantes et qu’éprouvantes.

Les inégalités sociales et sanitaires se sont creusées plus profondément. Plusieurs millions d’enfants dans le monde furent privés de tout enseignement. L’école de la République, de la citoyenneté, de la paix, du savoir a échoué à garder pleinement le lien avec tous les élèves et éviter une déroute éducative désastreuse. Les décrochages scolaires ont intensifié les inégalités déjà existantes. Evidemment, le niveau social des familles est le vecteur déterminant pour la lutte de l’égalité des chances qui va devoir repartir de bien plus loin qu’elle ne l’est déjà. La valeur de l’école est rehaussée par l’épanouissement de l’enfant, la construction de son avenir et la réussite de sa vie en société. Car un enfant qui va bien, c’est une famille qui va bien, un quartier qui va bien, une ville qui va bien, un pays qui va bien.

Ni la politique, ni l’économie, ni la science, ne nous ont armés pour faire face au séisme que nous vivons. Notre foi en la science, en la médecine est sur le fil du rasoir. Nous doutons mais ne cessons jamais de douter car c’est certainement une belle manière d’apprendre, de comprendre, de progresser dans notre esprit critique. Bien évidemment, le modèle économique tout-puissant est en cause et il est grand temps de le réformer. En faisant preuve de défaillance périlleuse devant l’urgence sanitaire, il dévoile ses symptômes chroniques et récurrents d’une gangrène généralisée, celle de l’enrichissement aveugle.

Cette leçon est l’occasion inattendue, mais indispensable pour l’Etat, d’une remise en cause de ce modèle dĂ©faillant et obsolète. Les consĂ©quences actuelles dĂ©montrent une injustice Ă©conomique flagrante pour notre pays. L’obsolescence du système confirme simplement les dysfonctionnements. Stopper l’hĂ©morragie de notre dĂ©pendance extĂ©rieure devient vital, au mĂŞme impĂ©ratif que l’urgence climatique est aussi importante que l’urgence Ă©conomique. L’enjeu est crucial. Ce n’est plus une question de courage politique mais une volontĂ© responsable et d’intelligence collective afin d’éviter au XXIe siècle le danger d’une situation pandĂ©mique aussi catastrophique. La crise sanitaire risque de se dĂ©grader, glisser vers une crise humanitaire et menacer Ă  nouveau les plus vulnĂ©rables. La vie est un bien prĂ©cieux, une Ĺ“uvre d’art Ă  la valeur inestimable que peut briser cette saletĂ© de virus si nous le sous-estimons.

La prise en considération du rôle des associations dans la résilience du pays reste une annonce valorisante mais trop timide dans le plan de relance présenté par le Premier ministre. Prenons acte de sa prise en compte légitime car elles font partie intégrante de cette dynamique et ne sont pas non plus épargnées par les conséquences sanitaires. A l’image du colibri, elles assument leur part dans la cohésion sociale, du vivre ensemble et du maintien de la solidarité en faisant vivre l’élan d’entraide sur tous les territoires. L’Etat ne peut ignorer ces forces vives passionnément actives, agissant quotidiennement dans l’intérêt général, déployant un altruisme valeureux, léguant au profit de la communauté des valeurs collaboratives non désuètes de sens par l’arrimage du lien social et par la création d’emplois. Le plein-emploi est sans conteste la meilleure réponse contre l’insécurité, le meilleur atout pour l’économie, le meilleur allié au pouvoir d’achat et la meilleure arme contre la pauvreté. La pauvreté ne peut être éradiquée que par l’homme, car c’est l’homme qui crée la pauvreté.

Pas certain que le pouvoir ait conscience de la vraie bravoure de cette société civile diverse caractérisée par une empathie pour les autres. Elle agit au plus près de la crise par une mobilisation citoyenne apportant aides et soutiens aux familles affaiblies par la misère économique. Elle ne se plaint pas forcément, mais force est de constater que sans elle l’Etat serait démuni à faire face à l’exigence de solidarité. Au risque de transmettre un message de suffisance en se déchargeant de ses responsabilités sur ces citoyens engagés bénévolement dans la vie de la Nation, il devra entériner ses effets d’annonce avec les aides adaptées aux enjeux indispensables au lien social et à la vitalité des territoires. Considération ne veut pas dire reconnaissance. Le gouvernement pourra prouver sa sincérité dans son programme budgétaire dédié au plan de relance, la légitimité du tissu associatif dans son développement et de sa sauvegarde. Tous les acteurs engagés dans cette résilience nationale forment ce liant essentiel à la stabilité et au redressement du pays.

La Ligue de l’enseignement, premier mouvement d’éducation populaire, de par ses valeurs fondatrices et ses missions Ă©mancipatrices, signifie clairement que c’est l’existence du citoyen qui permet de « faire sociĂ©té ». Le « vivre ensemble » devient accessible par l’apprentissage aux solidaritĂ©s multiples et interculturelles. Condorcet inventa une Ă©ducation populaire moderne qui consiste Ă  dĂ©fendre des idĂ©aux laĂŻques, une Ă©cole gratuite et une Ă©ducation tout au long de sa vie. Dans un monde appâtĂ© par le gain et la rentabilitĂ©, comment en Ă©valuer les bienfaits face Ă  l’arrogance de l’argent qui pervertit tous les idĂ©aux des acteurs de ce mouvement ?

Les valeurs de l’éducation populaire et de l’économie sociale et solidaires que nous partageons depuis des décennies, doivent continuellement s’affirmer dans un contexte où le monde associatif a reçu de plein fouet les contraintes du confinement. La pandémie malmène tous les acteurs du monde économique. L’arrêt brutal des activités associatives a forcément des conséquences dramatiques pour une grande majorité. Qu’elles soient socio-culturelles ou sportives, un défi supplémentaire menace toutes les structures. Une défiance naturelle ravive l’insécurité émotionnelle essentielle quand le manque de confiance fait défaut, quand il devient le grand obstacle au lien avec les autres. Douter de tout exacerbe un réflexe de sauvegarde difficile à canaliser. Refonder la confiance indispensable aux adhérents pour un retour sans crainte au lien social égaré ces derniers mois, devient une question vitale. Le tissu associatif devra faire encore plus preuve de pédagogie en démontrant que sa place n’est pas usurpée dans la société. Il détient les réponses au bien-être recherché par l’évasion des contraintes quotidiennes qui acculent vers le mécanisme de défense du repli sur soi.

La Covid-19 s’est immiscée largement dans ce rapport moral car sa propagation impacte fortement le fonctionnement de la fédération et ses engagements de redressement annoncés l’an passé lors du même rendez-vous institutionnel qu’aujourd’hui. Cette assemblée générale détonne par son caractère atypique avec l’approche, contrainte et forcée par les événements, de la fin de l’exercice en cours. A événements exceptionnels, mesures exceptionnelles, des ordonnances dérogatoires temporaires ont permis légalement son report. Néanmoins elle reste un temps fort incontournable dans la vie démocratique et associative de la FAL, et la situation économique doit obligatoirement s’afficher en toute transparence et en toute honnêteté.

Le bilan 2019 ne devait ni dĂ©cevoir, ni dĂ©montrer que toute peine Ă©tait perdue, et de fait donner gain de cause Ă  une utopie irrĂ©alisable. Ce serait offrir trop de crĂ©dits aux critiques systĂ©matiques et dommageables, sans connaissance des tenants et aboutissants, sans apprĂ©hender tout le chemin parcouru avec patience et mĂ©thodologie. Pour cela, une politique volontariste des Ă©lus du conseil d’administration amorcĂ©e depuis 2018 et confortĂ©e par les salariĂ©s faisant preuve du mĂŞme volontarisme exemplaire, a consolidĂ© l’ouvrage dès les fondations. Un bon chantier se rĂ©alise par une bonne maitrise d’œuvre en ne nĂ©gligeant ni les choix techniques, ni les choix des matĂ©riaux adaptĂ©s. Le chantier est-il terminĂ© ? Evidemment non, mais il n’a pris aucun retard. La FAL a la satisfaction de le voir progresser pierre par pierre avec le respect du cahier des charges.

Un enjeu capital planait au-dessus du rĂ©sultat financier 2019. Le succès de la feuille de route mise en place Ă©tait une question vitale de pĂ©rennitĂ© et d’un retour Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ©. Grâce Ă  une intense motivation, la rĂ©ussite dĂ©passe toutes les espĂ©rances puisqu’il est trois fois supĂ©rieur aux prĂ©visions. L’équilibre budgĂ©taire est largement dĂ©passĂ©, ce qui n’était plus arrivĂ© depuis de très longues et inconfortables annĂ©es. Le très prudent budget prĂ©visionnel excĂ©dentaire prĂ©sentĂ© aux instances juridiques, dans le cadre de la procĂ©dure de sauvegarde engagĂ©e par la FĂ©dĂ©ration, a su fructifier par le travail effectuĂ© de manière collĂ©giale suivant des règles strictes dĂ©finies par la commission finances avec l’obligation de rĂ©pondre aux ambitions de progrès et de croissance. Dans tout concert philharmonique, la qualitĂ© de la musique est garantie par le chef d’orchestre. C’est Ă  lui que revient la tâche de coordonner et d’orienter l’interprĂ©tation des Ĺ“uvres. Depuis deux ans, le directeur gĂ©nĂ©ral de la fĂ©dĂ©ration porte cette responsabilitĂ© avec maitrise et professionnalisme. Dès le dĂ©part de sa prise de fonctions, ce fut un dĂ©fi marathonien Ă©puisant. Il faut rendre Ă  CĂ©sar ce qui est Ă  CĂ©sar. Philipp est le grand artisan de cette rĂ©ussite. Il a fait son job plus que de raison.

Pendant tout ce temps, la Ligue de l’enseignement du Puy-de-Dôme n’a pas délaissé ses missions émancipatrices d’éducation populaire, de défense et de valorisation de la laïcité, de l’éducation et de la démocratie. Ses actions sont reconnues et valorisées par ses fidèles partenaires en portant et défendant des valeurs identiques. Grâce à leurs soutiens inestimables, des projets prépondérants se réalisent dans la concertation. Le conseil départemental ne faillit pas à cet appui essentiel dans la vie de la FAL, ainsi que la ville de Clermont-Ferrand dont les rapports restent tout autant cordiaux et respectueux. La signature d’une convention d’objectifs entre la ville et la Ligue de l’enseignement du Puy-de-Dôme est venue conforter ce lien fondamental.

Face à l’adversité, la situation économique est plus enviable aujourd’hui. La vigilance reste obligatoirement en état de veille. La fédération a franchi l’épreuve de la procédure de sauvegarde et vient de rentrer dans le plan de sauvegarde. Ce n’est pas une raison de se congratuler mais face aux difficultés financières rencontrées, c’est une étape importante de sortie de crise. La circulation sur l’autoroute n’est pas encore permise, par contre les voies des routes nationales sécurisées lui sont ouvertes. La FAL est consciente de ce qu’elle vient de traverser, ce qu’elle va encore endurer. La grande leçon d’humilité retenue lui rappellera à chaque instant que rien n’est gagné et rien n’est acquis dans la vie.

Edouard FERREIRA, Président.

Assemblée Générale 2020 : rapport financier

par Philipp Tchilinghirian, Directeur GĂ©nĂ©ral de la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me

COMPTE DE RÉSULTAT

RĂ©sultat de l’exercice 2019 (rĂ©sultats d’exploitation + financier + exceptionnel) en milliers d’euros et arrondi :

  • Total Charges       2 819 M€       (3 466 M€ en 2018) 
  • Total Produits      2 931 M€      (3 255 M€ en 2018)    

RÉSULTAT        + 112 M€

RĂ©sultats des votes :

  • Bilan financier : adoptĂ© Ă  l’unanimitĂ©
  • Affectation du rĂ©sultat : adoptĂ© Ă  l’unanimitĂ©
  • Tarifs 2020/2021 (proposition de gel) : adoptĂ©s Ă  l’unanimitĂ©

Assemblée Générale 2020 : Rapport d’activité 2019

La Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, c’est :

  • 445 associations affiliĂ©es (451 en 2017/2018)
  • 192 associations socio-culturelles (8 819 adhĂ©rents)
  • 248 associations UFOLEP (17 751 licenciĂ©s)
  • 87 associations USEP (8 313 licenciĂ©s)
  • Parmi ces associations, 31 sont des structures nouvelles.

La Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, accompagne le dĂ©veloppement associatif avec :

  • Webaffiligue
  • Basicompta
  • APAC Assurances
  • Ressources Humaines (aide Ă  l’embauche, gestion des salariĂ©s, mutuelle santĂ©, adhĂ©rent au CNEA)
  • Formations (Ă©changes, accompagnement d’initiatives culturelles et artistiques)
  • Liaison SACEM-SACD
  • Services Civiques
  • Auvergne LaĂŻque

(Cf rapport prĂ©sentĂ© par Jean-Pierre Pradier, Vice-PrĂ©sident de la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, Ă  la Vie FĂ©dĂ©rative

La Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, c’est un important service Culture-Education-Jeunesse :

  • Rencontres sur le thème de la danse (De fil en chemin : 300 danseurs, 27 chorĂ©graphies, 15 associations, 12 communes et près de 400 spectateurs).
  • RĂ©unions annuelles sur le théâtre.
  • Importante activitĂ© de formation (158 personnes). Danses du Monde, rĂ©gie lumière, la prise de parole, comitĂ© de lecture de la Ligue, communication et mise en rĂ©seau, matĂ©riel scĂ©nique, appel Ă  projet FEIACA.
  • Aide Ă  la pratique en milieu scolaire. Trouvailles (30 reprĂ©sentations, 2 335 spectateurs), Ecole du jeune spectateur (secteur d’Ambert 12 classes, 235 enfants, 10 enseignants), Education aux mĂ©dias, Cartes de la FraternitĂ©.
  • Dispositif Lire et faire lire. 125 lecteurs actifs, 88 structures d’accueil, 1 150 enfants concernĂ©s, 8 journĂ©es de formation.
  • Relais dĂ©partemental des Juniors Associations (11 associations, 150 jeunes)
  • Relais du dispositif Service Civique (172 volontaires accueillis, 5 nouvelles associations, 11 journĂ©es de formation).
  • Participation au Service National Universel.

Lors de la Remise des rĂ©compenses 2019, le secteur Culture-Education-Jeunesse a souhaitĂ© valorisĂ© La Gauthière Culture et Loisirs, Danse-Plaisir de St-Ours, Pop’Danse Ă  Tauves, Le Chantou aux Martres-de-Veyre, CRAD, l’Amicale LaĂŻque d’Orcines et la classe de 1ère ES du LycĂ©e Ambroise Brugière de Clermont-Fd.

(Cf rapport prĂ©sentĂ© par Aleth Bador, Vice-PrĂ©sidente de la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, Ă  la Culture)

La Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, c’est un important service de Loisirs sans hĂ©bergement et Loisirs Ă©ducatifs :

  • Partenaire des collectivitĂ©s locales
  • Accompagnement pĂ©dagogique et formation
  • JournĂ©e Transmission des Savoirs
  • Formation des animateurs et directeurs (BAFA, BAFD)
  • Aide aux financements
  • Organisation de sĂ©jours

(Cf rapport présenté par Fred Bompied, chef de service)

La Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, ce sont des activitĂ©s vacances et des sĂ©jours Ă©ducatifs dans son village-vacances le Grand Panorama, au bord du lac Chambon :

  • Accueil de groupes et familles
  • Organisation de sĂ©jours et classes de dĂ©couvertes ( 1 257 Ă©lèves, 4 478 journĂ©es)

(Cf rapport prĂ©sentĂ© par Philipp Tchilinghirian, Directeur GĂ©nĂ©ral)

La Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, c’est une importante prĂ©sence institutionnelle :

  • JPA (Jeunesse au Plein Air),
  • CAPE (Collectif des Associations Partenaires de l’Ecole)
  • CDEN (Conseil DĂ©partemental de l’Education)
  • ESPE (Centre de Formation des Professeurs)
  • CDAL (ComitĂ© DĂ©partemental d’Action LaĂŻque)
  • URFOL (Union RĂ©gionale des Oeuvres LaĂŻques)

Rapport d’activitĂ© : interventions des services

Situation générale de la Fédération

par Philipp Tchilinghirian, Directeur GĂ©nĂ©ral de la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me

Plan de sauvegarde

Lors de la dernière AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale qui s’est dĂ©roulĂ©e Ă  Issoire en mai 2019, la FAL Ă©tait en procĂ©dure de sauvegarde et devait dĂ©finir une stratĂ©gie Ă  long terme quant Ă  la nature du plan qu’elle entendait dĂ©poser. En dĂ©cembre 2019, la FAL dĂ©pose son plan de sauvegarde et celui-ci est homologuĂ© par le Tribunal de Grande Instance le 13 janvier 2020.

  • La somme des dettes est arrĂŞtĂ©e Ă  916 308.26 €
  • Le remboursement de cette dette s’effectuera sur 10 ans, 10 % par an Ă  partir de janvier 2020.

En parallèle du plan, les commissions de la FAL ont travaillĂ© sur la rĂ©organisation des services et sur les actions Ă  mener. Le travail le plus important Ă©tait « le Grand Panorama Â» : nouvelle Ă©quipe, nouveaux produits, nouvelle communication.

Point sur 2020 par rapport Ă  la situation sanitaire exceptionnelle

Dès la dĂ©cision gouvernementale de confinement au mois de mars, toutes les actions de la FĂ©dĂ©ration se sont arrĂŞtĂ©es : centres de loisirs fermĂ©s, actions culturelles annulĂ©es et village de vacances fermĂ© aussi. Les mesures gouvernementales nous ont permis de mettre la plupart des salariĂ©s en activitĂ© partielle (chĂ´mage) jusqu’à mi-mai.

Depuis, plusieurs actions nous ont permis de passer cette dure pĂ©riode :

  • ExonĂ©ration de charges patronales
  • Prolongation du plan de remboursement des dettes (reprise des paiements qu’en dĂ©cembre 2020)
  • Nous avons pu avoir un PrĂŞt Garanti par l’Etat (PGE) de 150 000 € par le CrĂ©dit CoopĂ©ratif
  • Aides financières de la CAF (maintien de la PSO sur la base de l’annĂ©e 2019, aides financières pour les ALSH cet Ă©tĂ©)

Cette période difficile n’a malgré tout pas arrêté le dynamisme de l’équipe et les relations avec nos partenaires. Nous avons été à l’écoute des besoins comme, par exemple, celui du centre de loisirs de Beaumont qui a été ouvert pendant les vacances de printemps pour accueillir les enfants des personnels de santé et communaux qui travaillaient.

Nous avons Ă©tĂ© vigilants sur les dispositifs mis en place par le gouvernement, dont entre autre le dispositif « Vacances apprenantes Â». Ainsi, nous avons proposĂ© 7 sĂ©jours entre juillet et aoĂ»t dans notre village de vacances « Le Grand Panorama Â», permettant Ă  154 enfants d’avoir de vraies vacances.

La Ligue de l’enseignement du Puy-de-DĂ´me, malgrĂ© la situation, poursuit le dĂ©veloppement de ses actions. Outre l’aspect vacances, un travail important est fait actuellement dans la mise en place de formations et d’interventions socio-culturelles. Nous souhaiterions dĂ©velopper, avec nos partenaires, dont la CAF, des actions autour de la parentalitĂ©, de la famille, de la petite enfance, des actions autour de l’engagement des jeunes par le biais des « Junior Association Â» qui permettent Ă  des jeunes mineurs de se constituer en association et par le dispositif « Service Civique Â» que tout le monde connait. Nous souhaitons aussi dĂ©velopper des interventions, notamment dans les Ă©coles, collèges et lycĂ©es autour de thèmes comme la discrimination, la citoyennetĂ©, l’éducation aux mĂ©dias et bien d’autres. Nos formations BAFA prennent de l’ampleur et nous maintenons le partenariat avec la Ligue de l’enseignement de l’Allier, qui propose des formations professionnelles de l’animation (BPJEPS et CPJEPS) pour que des puydĂ´mois puissent intĂ©grer des formations de qualitĂ©.

Culture Education Jeunesse

par Aleth Bador, Vice PrĂ©sidente de la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me, Ă  la Culture

On pourrait comparer le service Culture-Education-Jeunesse à une grande malle aux trésors avec, à l’intérieur, de grosses boîtes à outils pleines de belles surprises.

Trois boîtes ont été ouvertes en 2019.

La Boîte à outils N°1

Elle accompagne les associations affiliées en danse, danses collectives, théâtre et les soutient dans leurs projets.

Danse
C’est « De fil en chemin Â» qui a rĂ©uni, en juin 2019, 300 enfants et jeunes venant de 15 associations du dĂ©partement, pour un spectacle de 27 chorĂ©graphies.
Le 2 juillet 2019, quatre de ces associations ont été récompensées pour leur initiative collective et pour leur engagement.

« Danses collectives du monde Â», ce sont 4 stages de pratique avec des intervenants professionnels qui ont proposĂ© d’apprendre des danses du Pays basque, d’Ecosse, du Sud de l’Europe ou autres danses collectives d’animation. 4 stages, ce sont 4 week-ends d’une grande qualitĂ© pĂ©dagogique et d’une rare convivialitĂ©.

Théâtre
Plus de 50 associations sont affiliées théâtre. Le 8 octobre 2019, elles étaient conviées à la traditionnelle réunion annuelle au cours de laquelle elles ont fait part de leurs désirs et de leurs difficultés.
Accompagner le théâtre en 2019, c’était, comme chaque année, proposer des stages, notamment celui de Régie lumière.
Soutenir les associations de théâtre, c’est aussi mettre à leur disposition du matériel scénique (projecteurs, tapis noirs). 28 prêts ont ainsi été accordés à une quinzaine d’associations affiliées et à des partenaires.

Tous ces projets danse et théâtre se construisent au sein de groupes spécifiques de travail composés de bénévoles adhérents à ces activités, accompagnés d’Anne-Sophie ou Anna du service CEJ.

La boîte à outils N°2

Elle contient tout ce que peut faire le service CEJ en direction de l’Ecole, la Ligue de l’enseignement étant le premier partenaire de l’Ecole.
Le service est sollicité pour différentes actions, projets pédagogiques, conseils et peut proposer aussi sa participation à un projet porté par l’Education Nationale.

Dans cette boîte N°2, on trouve de beaux outils d’éducation à la citoyenneté et notamment, en 2019, un module sur la thématique des FAKE NEWS, un module qui a passionné une classe de 1ère ES du lycée Ambroise Brugière, qui a fait appel à la FAL pour plusieurs interventions. Et cela dans le cadre du Parcours du jeune spectateur, car les élèves avaient d’abord vu un spectacle dans le cadre de l’événement Spectacle en recommandé.

Dans cette boîte N°2, un autre magnifique outil : Lire et faire lire.
Toujours dans le travail du service Culture Education Jeunesse, il y a la coordination du dispositif national Lire et faire lire. C’est une ouverture à la lecture et un espace de solidarité intergénérationnelle.
Dans 88 structures (maternelles, Ă©coles Ă©lĂ©mentaires, collèges, CMI, centres sociaux, structures petite enfance), ces lecteurs rĂ©galent et Ă©merveillent plus de 1 150 enfants en leur racontant de belles et fabuleuses histoires dans de beaux livres.
Le service culturel accompagne 125 lecteurs bénévoles actifs tout au long de l’année.
Six journées de formations gratuites sont proposées chaque année à ces lecteurs.

Il faut citer bien sûr l’outil Trouvailles, spectacles professionnels jeune public à l’échelle du département.


La boîte à outils N°3

Elle coordonne des actions nationales qui aident à l’engagement et à l’autonomie des jeunes.
Le service CEJ est le relais départemental du dispositif Juniors associations pour les 12/18 ans. En 2019, grâce à ce dispositif, 11 juniors associations ont pu développer leurs projets et donner de l’élan à leurs idées. Cela représente 150 jeunes d’une moyenne d’âge de 15 ans.

Le service CEJ est aussi un des relais du dispositif Service Civique dans le cadre de l’agrément national de la Ligue de l’enseignement.
Ce dispositif permet à des jeunes de 16 à 25 ans de se consacrer à une cause d’intérêt général pendant 6 à 8 mois en bénéficiant d’un accompagnement, d’un suivi individuel, de formations civiques et citoyennes organisées par le service.
41 volontaires accueillis au sein des associations affiliées et pour les accompagner.
11 journées de formation civique et citoyenne.

ALSH & loisirs Ă©ducatifs

par Fred Bompied, Responsable du service

Responsable du service ALSH & loisirs éducatifs, Fred Bompied a, lors de sa très éclairante intervention, fait le point sur l’activité d’un secteur essentiel de notre Fédération.

PassĂ© le temps oĂą les « colos Â» apportaient la manne salvatrice et donnait un incontournable rĂ´le social Ă  la FAL, la forme actuelle des ALSH – accueils de loisirs sans hĂ©bergement – rĂ©pond Ă  une demande des collectivitĂ©s alors que les intercommunalitĂ©s et autres mĂ©tropoles prennent le pas sur les structures communales. 35 salariĂ©s permanents et 2 services civiques encadrent l’activitĂ© de nombreux animateurs occasionnels (CEE) sont difficilement durant les vacances pour rĂ©pondre aux attentes de près de 1 900 enfants diffĂ©rents et plus de 1 300 familles. Une augmentation de plus de 8% des demandes est due au mercredi journĂ©e entière (semaine 4 jours) et Ă  l’accueil des 3 ans. Le financement est assurĂ© par les familles, les collectivitĂ©s et la CAF (PSO). Fred Bompied adresse les remerciements de la FAL Ă  la CAF dont le Directeur est prĂ©sent Ă  la tribune pour son soutien en gĂ©nĂ©ral et ses aides pendant la crise sanitaire : versement de la PSO sur la base des effectifs 2019 et prioritairement aux associations, de mĂŞme qu’à la DDCS pour son aide exceptionnelle et les facilitĂ©s administratives lors de la mise en place des vacances apprenantes.

L’activitĂ© de formation BAFA/BAFD est le second point d’activitĂ© du service. En 3 Ă©tapes (thĂ©orique, pratique), les stagiaires bĂ©nĂ©ficient d’un parcours complet avec stage pratique dans nos centres, d’une solution au problème de recrutement et permet Ă  l’organisation de fidĂ©liser des animateurs via le rĂ©seau FAL. Une piste Ă  approfondir : les stages conventionnĂ©s collectivitĂ©s BAFA solidaire ou citoyen.

L’organisation de la 3ème journée de transmission des savoirs a permis de réunir animateurs, directeurs, personnels communaux à Thiers dans une salle prêtée gracieusement par la municipalité. 50 personnes ont ainsi valorisé leurs savoirs et échangé sur leurs pratiques au service de l’Education Populaire.

La Ligue est un des premiers organisateurs de « colonies de vacances Â». Elle s’appuie sur le Grand Panorama pour proposer des sĂ©jours d’une semaine, Ă  proximitĂ© de Clermont, pendant les vacances scolaires (sauf NoĂ«l) et en fĂ©vrier 2019 avec l’Ecole des sorciers (CE Michelin). Conscient de la difficultĂ© Ă  faire de la diffusion, le service a dĂ©cidĂ© d’intĂ©grer la brochure rĂ©gionale AURA pour Ă©largir le bassin de population touchĂ© : dĂ©part de Lyon et St-Etienne, mutualisation des transports.

Toutes les actions de la FAL 63 se rĂ©fèrent au projet Ă©ducatif : mixitĂ© et solidaritĂ©. Le lien avec la JPA est rappelĂ© par la prĂ©sence Jean-Claude Montagne, son PrĂ©sident. Il a permis Ă  de nombreuses familles d’être aidĂ©es pour le dĂ©part en sĂ©jours des enfants. L’aide originale de l’Amicale LaĂŻque de Vertaizon est un bel exemple de solidaritĂ© Ă  saluer chaleureusement.

Dans ce contexte anxiogène et de plus en plus individualiste, Fred Bompied et tout son service souhaitent longue vie aux associations et à l’Education Populaire en général, qui s’avère plus indispensable que jamais.

Classes de découverte

par Philipp Tchilinghirian, Directeur GĂ©nĂ©ral de la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me

La Ligue de l’enseignement du Puy-de-DĂ´me propose depuis de nombreuses annĂ©es des classes de dĂ©couverte qui se dĂ©roulent dans son village de vacances « Le Grand Panorama Â» Ă  Chambon-sur-Lac mais surtout accompagne les enseignants du Puy-de-DĂ´me dans la conception et la rĂ©alisation de leur projet « classe de dĂ©couverte Â» en dehors du dĂ©partement.

Les classes de découverte que nous proposons s’adressent aux élèves de la maternelle jusqu’au lycée. Elles facilitent la complémentarité des apprentissages scolaires et de la découverte. Véritables motivateurs de curiosité, les activités proposées permettent de mettre en action et d’expérimenter des apprentissages fondamentaux.

Nos classes de découverte proposent prioritairement des thèmes adaptés aux programmes scolaires et en cohérence avec le socle commun de connaissances, de compétences et de culture de l’Education nationale.

C’est l’opportunitĂ© de pratiquer ensemble autrement. C’est aussi le moment pour porter un regard diffĂ©rent sur le groupe, sur les autres ; c’est la transformation de la vie en collectivitĂ©.

  • 26 Ă©coles du dĂ©partement ont ainsi organisĂ© leur sĂ©jour avec nous, ce qui reprĂ©sente :
    • 55 classes
    • 1 257 Ă©lèves
    • 4 478 journĂ©es

En 2019, la destination la plus prisée a été le Périgord.

Grand Panorama

par Philipp Tchilinghirian, Directeur GĂ©nĂ©ral de la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me

La Fédération a la chance d’être propriétaire d’un village de vacances situé sur la commune de Chambon-sur-Lac, tout au bord du lac. Il est au cœur du parc naturel des volcans d’Auvergne.

Le village vacances Ă  la particularitĂ© d’accueillir des publics très diffĂ©rents : tout d’abord les enfants – par le biais de classes de dĂ©couverte, de sĂ©jours, d’animations Ă©ducatives Ă  la demi-journĂ©e ou la journĂ©e – les adultes, par le biais d’associations qui souhaitent se rĂ©unir sur plusieurs jours ou tout simplement faire un repas ou avoir un lieu d’hĂ©bergement (mise Ă  disposition de salles de rĂ©union ou d’animation).
En effet, Le Grand Panorama est le lieu idéal, entre autre, pour la pratique de la randonnée, du loisirs « vert » et de la pratique de nombreux sports.
A noter : les associations affiliées bénéficient de tarifs préférentiels.

2019 fut l’annĂ©e de la mise en place du projet de rĂ©organisation :

  • Nouvelle Ă©quipe
  • Nouvelle organisation administrative
  • Nouvelles propositions de classes de dĂ©couverte et de sĂ©jours, crĂ©ation d’animations Ă  la demi-journĂ©e ou journĂ©e
  • Nouvelle communication : le site internet a Ă©tĂ© totalement refait et un travail de communication a Ă©tĂ© engagĂ© (nouvelles plaquettes) auprès des entreprises (sĂ©minaires, colloques…), des associations (WE, rĂ©pĂ©titions…), des institutions (rĂ©unions…) et des acteurs du territoire (office de tourisme, mairie, prestataires…)
  • RĂ©alisation de travaux de rĂ©novation et de mise aux normes handicap grâce aux aides financières du Conseil DĂ©partemental, crĂ©ation d’une cuisine en autonomie.
  • CrĂ©ation d’une carte de restauration pour les familles et les groupes qui souhaitent faire un bon repas avec vue sur le lac.

Intervention des personnalités

A la tribune, les intervenants Dominique Briat, Eric Gold et Jacques Gelly ont saluĂ© l’action de redressement menĂ©e par la Ligue de l’enseignement, FĂ©dĂ©ration du Puy-de-DĂ´me.
Respectivement au nom de la ville de Clermont-Ferrand, du Conseil Départemental et de l’URFOL, les intervenants ont assuré le Président, le Conseil d’Administration et les salariés de la FAL63 de leur attentif et bienveillant soutien.
Dans la salle, les représentants de la FOL 03, les anciens députés Alain Néri et Jean-Paul Baquet, de même que le Président de la JPA et du CDAL, Jean-Claude Montagne, ont, par leur présence, marqué leur soutien à la FAL 63 et aux missions qu’elle se donne.

Le Comité Départemental UFOLEP

Avec ses 248 associations affiliées comptant 17 751 adhérents (13 325 adultes, 1471 jeunes, 2955 enfants), l’UFOLEP 63 est un maillon important de la FAL 63 et première structure au niveau national en nombre d’adhérents.

L’UFOLEP 63 anime 30 sports différents aux effectifs variables allant des activités de la forme ,7 800 licenciés, à l’aïkido qui en compte 49.

Les publications de l’UFOLEP concernant la randonnée et le sport cycliste sont des documents incontournables et très attendus dans la littérature sportive puydômoise.

En 2019, l’UFOLEP a organisé 52 stages de formation (hors PSC1) soit 945 stagiaires et 1 087 journées.

Par ailleurs, le comité 63 est agréé pour la formation Prévention et secours civiques depuis 7 ans. Ainsi 97 diplômes ont été délivrés en 2019.

En quelques mots d’actualité, le président Dauphant a fait le point sur la réactivité de l’UFOLEP et sur les nécessaires adaptations que la pandémie actuelle a rendu nécessaires sans préjuger des évolutions qu’elle continue à imposer.

Le Comité Départemental USEP

Laurent Cheminal, Président de l’USEP 63 ayant dû quitter l’assemblée puisque pris par d’autres obligations, c’est Philippe Béraud, délégué départemental, qui a apporté les éclaircissements utiles quant au fonctionnement de l’USEP face à la pandémie.

Les activités ayant pour l’essentiel lieu dans le cadre scolaire et périscolaire, elles sont soumises aux injonctions de l’autorité de tutelle et aux directives données par l’USEP nationale. C’est dire que face aux incertitudes du moment, le risque est avéré que peu d’écoles s’engagent pour l’heure dans une pratique sportive s’opposant aux échanges inter-écoles.

Au temps regrettĂ© d’une pratique « normale Â», l’USEP 63 comptait 8 070 adhĂ©rents, soit 6 894 en Ă©lĂ©mentaires et 1 176 en maternelle, rĂ©partis sur 15 Ă©coles maternelles, 33 Ă©coles primaires, 66 Ă©coles Ă©lĂ©mentaires, 68 associations, 18 sections et 114 Ă©coles.

Actions et formations : 9ème journĂ©e Youpi-sport, 21ème Ă©dition des vacances sportives en REP+, 57 Ă©lèves en classes sportives en FAL 15, opĂ©ration « sport de haut niveau avec le Conseil DĂ©partemental, stage dĂ©partemental pour 12 Professeurs des Ă©coles et 10 ETAPS, UE Libre USEP dans le cadre de la formation UFRSTAPS, 15 journĂ©es dites « rencontres dĂ©partementales Â».

Conviction, implication, reconnaissance, récompense : émotion

« Le blé et la reconnaissance ne poussent qu’en bonne terre » a dit le poète qui s’y connaissait dans l’art de manier le verbe. La surprise a été à la hauteur de l’action pour le président Edouard Ferreira en conclusion de l’Assemblée Générale 2020 à Maringues. Infatigable laboureur d’idéal au sein de la FAL 63, il a reçu des mains du sénateur Eric Gold la médaille de reconnaissance du Sénat pour son implication et son travail parfois-souvent- ingrat qui a conduit au redressement de la Fédération des Associations Laïques du Puy-de-Dôme.

C’est en tant que militant laĂŻc convaincu et en connaisseur Ă©clairĂ© du fonctionnement de la FAL qu’Eric Gold a tenu Ă  honorer Edouard Ferreira . « Mes remises de mĂ©dailles sont plutĂ´t rares car je veux  leur garder toute leur valeur confĂ©rĂ©e par leur caractère exceptionnel Â» dira l’Elu fĂ©licitant et remerciant le PrĂ©sident. Et Edouard Ferreira l’a bien compris quand, surprise aidant, l’émotion a pris le pas sur la solennitĂ© du discours.

Son humanisme coutumier a vite repris le dessus : en quelques mots de remerciements  Ă  l’attention du SĂ©nateur et de l’AssemblĂ©e, il a associĂ© Philipp Tchilinghirian, le directeur des services, le personnel de la FAL et les Ă©lus du Conseil d’Administration qui ont su faire cause commune pour sortir le bateau FAL 63 de la tempĂŞte mĂŞme si, tous le savent, la route est encore longue et pentue. « La libertĂ© est une mĂ©daille Ă  deux faces, la vĂ´tre est celle d’autrui » : FĂ©licitations et merci, cher Edouard, de nous donner l’occasion de faire vivre l’idĂ©al laĂŻc de l’Education Populaire.

DOSSIER

Des femmes au Panthéon

Dossier constituĂ© par Alain BandiĂ©ra d’après les textes de Françoise Fernandez, professeure d’histoire, fĂ©vrier 2020

Le 12 juillet 2018, la dĂ©pouille de Simone Veil entrait au PanthĂ©on accompagnĂ©e de celle de son mari Antoine. Trois ans plus tĂ´t, le 27 mai 2015 pour la première fois, deux hommes et deux femmes Ă©taient entrĂ©s ensemble au PanthĂ©on en mĂŞme temps que Pierre Brossolette et Jean Zay. Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle rejoignaient ainsi Marie Curie et Sophie Berthelot, qui les avaient prĂ©cĂ©dĂ©es en cet auguste lieu dĂ©diĂ© Aux Grands Hommes par la Patrie reconnaissante. Cet honneur confĂ©rĂ© Ă  des femmes pour leur seul mĂ©rite peut Ă©clairer la comprĂ©hension de l’évolution de la place des femmes dans la citĂ© ; il permet de questionner l’imaginaire d’un pays qui a honorĂ© pour leurs mĂ©rites des hommes qualifiĂ©s de Grands alors qu’une grande femme ne l’est que par la taille ! et qu’on emploiera plutĂ´t l’expression « une Grande Dame Â». Grands Hommes ou hĂ©ros, hĂ©roĂŻnes de l’Histoire de France sont ainsi dĂ©finis dans la dernière Ă©dition du Robert: « l’hĂ©roĂŻne est une femme qui fait preuve de vertus exceptionnelles ou le principal personnage fĂ©minin d’une Ĺ“uvre. Quant au hĂ©ros, il est dĂ©fini comme un personnage lĂ©gendaire auquel on prĂŞte un courage et des exploits extraordinaires ; un homme qui se distingue par son courage au combat, un homme digne de gloire par son courage et son gĂ©nie. Â»

Aujourd’hui en 2020 le Panthéon abrite 75 hôtes dont 5 femmes emblématiques de l’Histoire ou le silence des femmes en référence à l’ouvrage publié en 1999 par l’historienne Michelle Perrot, il est l’un des symboles de la difficulté ancienne des femmes de notre pays à être intégrées à leur juste place dans le roman national et dans la vie politique, scientifique, artistique, à l’égal des hommes.

Comme la basilique de Saint Denis et la Sainte Chapelle sont les nĂ©cropoles des rois de France, la RĂ©volution de 1789 instaure ‘un nouveau culte laĂŻc des grands hommes, saints et martyrs de la libertĂ© nouvelle. Le PanthĂ©on a dĂ©sormais vocation Ă  honorer les grands personnages qui ont marquĂ© l’histoire de France. Y cohabitent l’hĂ©ritage monarchique et chrĂ©tien de la France « fille aĂ®nĂ©e de l’Eglise Â» et l’hĂ©ritage rĂ©volutionnaire du XVIIIe, les grandes figures rĂ©publicaines de la RĂ©publique, Ă©crivains, hommes de sciences et ou hommes politiques, de Voltaire Ă  Jean-Jacques Rousseau, de Victor Hugo Ă  Sadi Carnot, d’Émile Zola Ă  Jean Jaurès, de Jean Moulin Ă  Jean Monnet, de Pierre et Marie Curie Ă  AndrĂ© Malraux ou encore Alexandre Dumas,

Les panthĂ©onisations sont des moments ou le Politique, propose Ă  la Nation, un hĂ©ros, une hĂ©roĂŻne exemplaire incarnant Ă  leurs yeux du moment les Vertus dignes de MĂ©moire ; elles en disent autant sur la personne honorĂ©e que sur l’époque et ceux qui les donnent en exemple. Dis-moi qui tu panthĂ©onises, je te dirai qui tu es. Si certaines sont consensuelles – Victor Hugo, Alexandre Dumas, Pierre et Marie Curie – d’autres sont plus polĂ©miques, et sujettes Ă  crispations, comme celles de Zola en 1908, de Jaurès en 1924, de Jean Zay en 2015.

25 mars 1907, Sophie Berthelot, femme de Marcellin Berthelot, est admise au PanthĂ©on seulement en qualitĂ© de « femme de », dĂ©cĂ©dĂ©e le 18 mars 1907 ; son mari, chimiste, biologiste, philosophe de l’histoire des sciences et par ailleurs Ministre des Affaires Ă©trangères puis de l’Instruction Publique, meurt subitement quelques minutes après son Ă©pouse tant aimĂ©e. Pour respecter leur dĂ©sir de ne pas ĂŞtre sĂ©parĂ©s après leur mort, les autoritĂ©s dĂ©cident d’inhumer le couple au PanthĂ©on. Aristide Briand, alors PrĂ©sident du Conseil, fait son Ă©loge funèbre, Ă©loge datĂ©, rĂ©vĂ©lateur de l’idĂ©al fĂ©minin de cet ardent rĂ©publicain qui, comme bon nombre de ses pairs, dĂ©clinait la femme comme Marianne, dont on dĂ©veloppait les reprĂ©sentations, en plâtre, muette et sur une Ă©tagère dans l’ombre des Grands Hommes !

« Madame Berthelot avait toutes les qualitĂ©s rares qui permettent Ă  une femme, belle, gracieuse, douce, aimable, cultivĂ©e, d’être associĂ©e aux prĂ©occupations, aux rĂŞves et aux travaux d’un homme de gĂ©nie. Elle vĂ©cut avec Berthelot dans une communautĂ© de sentiments et de pensĂ©es qui les groupa en un couple parfait oĂą n’aurait tressailli qu’un cĹ“ur et brillĂ© qu’un seul esprit « 

De manière prĂ©monitoire, pourrait-on dire, Nelly Roussel Ă©crivait dans La Libre PensĂ©e du 2 janvier 1907 : « Ah ! Nous en avons trop souvent rencontrĂ© de ces prĂ©tendus rĂ©publicains, socialistes, voire libertaires, qui après avoir pĂ©rorĂ© dans toutes les rĂ©unions publiques sur l’égalitĂ©, la fraternitĂ©… oublient en rentrant chez eux toutes leurs belles thĂ©ories, parlent en maĂ®tres, se font servir, oppriment et humilient leur entourage… Â»

LES GRANDES DAMES DU PANTHEON
25 mars 1907, Sophie Berthelot, femme de Marcellin Berthelot,
20 avril 1995, Pierre et Marie Curie, un couple de savants renommés
27 mai 2015, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle, deux patriotes, résistantes, déportées, engagées dans le combat pour la dignité humaine
12 juillet 2018, Simone Veil et Antoine son Ă©poux

Simone Veil

et Antoine son Ă©poux

En cette journĂ©e de la RĂ©sistance le 5 juillet 2017, lors de l’hommage rendu Ă  Simone Veil, aux Invalides, au lendemain de sa mort, le PrĂ©sident Macron Ă©voque « l’invincible ardeur, l’élan profond vers ce qui est juste et bien et l’énergie inlassable Ă  le faire triompher Â»

« A ce mystère d’existence, de caractère, Ă  ce mystère qui dĂ©fie la raison commune, nous donnons en France un nom bien ancrĂ© dans notre gĂ©nie national. Ce nom c’est la grandeur…. grandeurs des combats qu’elle livra les uns après les autres, parfois les uns en mĂŞme temps que les autres et qui ne furent ni plus ni moins que les combats du siècle Â» 

Il rappelle son engagement pour l’Europe – elle fut la première prĂ©sidente du Parlement europĂ©en – pour les plus faibles, pour les femmes, contre le racisme et l’antisĂ©mitisme, son action dĂ©terminĂ©e comme prĂ©sidente de la fondation pour la mĂ©moire de la Shoah et la reconnaissance pour les Justes de France […] une morale de vie inaltĂ©rable oĂą la souffrance ne donne aucun droit sinon celui de dĂ©fendre le droit de l’autre Â»

La panthéonisation du 12 juillet 2018

La jeunesse tient, dans la cĂ©rĂ©monie, une place dĂ©terminante : musique, dĂ©ambulations, chants mimĂ©s par des jeunes malentendants, portraits le long de la rue Soufflot et ce moment unique des sons enregistrĂ©s un matin d’étĂ© dans la clairière de Birkenau, hymne Ă  la vie après le chant des marais

Le choix de la crypte numĂ©ro 6 est hautement symbolique des engagements de Simone Veil avec RenĂ© Cassin pour la justice et la DĂ©claration des Droits de l’Homme, la justice pour les femmes Â» Entrent ici ces gĂ©nĂ©rations de femmes qui ont fait la France sans que la nation ne leur offre la reconnaissance et la libertĂ© qui leur Ă©taient dues Â», avec Jean Monnet pour l’Europe de la paix et de la concorde entre les peuples « elle qui voulut l’Europe par rĂ©alisme, non par idĂ©alisme, par expĂ©rience non par idĂ©ologie, par luciditĂ© et non par naĂŻvetĂ© […] notre plus bel horizon »

Et aussi avec André Malraux car éprise d’art et de littérature qui continua de croire que la culture grandit l’homme et l’éclaire, œuvrant pour la réhabilitation des prisonniers ou comme ministre pour la protection des plus fragiles, avec Jean Moulin qui se battit pour que la France reste fidèle à elle-même leur crypte commune jouxtant celle des Justes de France

Et enfin au cĂ´tĂ© d’Antoine qui la soutint dans les moments difficiles de l’injure immonde et de la menace physique comme des joies et des peines d’une famille d’aujourd’hui Â».

Le PrĂ©sident conclut en saluant « la grandeur […] de la femme, de la rĂ©publicaine, la grandeur de l’une ayant fait celle de l’autre Â» et cette mise en garde « Puissent vos combats continuer Ă  couler dans nos veines, Ă  inspirer notre jeunesse et Ă  unir le peuple de France Â».

Nous avons changé dès lors de paradigme, un siècle après les Berthelot où Sophie accompagnait son époux à la demande de sa famille, d’épouse de à époux de. La reconnaissance de la place des femmes trop longtemps absentes des livres d’histoire, des académies savantes, a fait un pas de plus à l’heure où le combat pour l’égalité, le respect de leur dignité, est toujours d’une brûlante actualité.

Dans son Petit traitĂ© des grandes vertus, AndrĂ© Comte-Spontville Ă©crit : « Il ne s’agit pas de donner des leçons de morale, mais d’aider chacun, chacune, Ă  devenir son propre maĂ®tre et son unique juge […] Pour ĂŞtre plus humain, plus fort, plus doux. […] Les vertus sont nos valeurs morales mais incarnĂ©es autant que nous le pouvons, mais vĂ©cues, mais en actes, toujours singulières comme chacun d’entre nous, toujours plurielles comme les faiblesses qu’elles combattent ou qu’elles redressent Â»

Toutes les femmes Ă©voquĂ©e ici peuvent illustrer cette conception des valeurs, cette incarnation des vertus qui leur ont valu la mĂ©moire d’une nation, et leur panthĂ©onisation.

Germaine Tillion
et Geneviève de Gaulle

Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz

Deux femmes et deux hommes ayant incarnĂ© les valeurs de la France quand elle Ă©tait Ă  terre qui, en cette journĂ©e de la RĂ©sistance, entrent au PanthĂ©on. Cette cĂ©rĂ©monie est la dernière du long cycle de commĂ©morations qui ont marquĂ© le 70ème anniversaire de la LibĂ©ration de la France et la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mettant en Ĺ“uvre la paritĂ© au sein de son gouvernement, le PrĂ©sident François Hollande, aux cĂ´tĂ©s de Pierre Brossolette et de Jean Zay, a choisi deux femmes, parmi de nombreux noms proposĂ©s lors d’un sondage au cour duquel avaient Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©es Olympe de Gouges, George Sand, Colette, Maria Desraimes, Simone de Beauvoir, Charlotte Delbos, Lucie Aubrac, JosĂ©phine Backer…, alors que depuis une dizaine d’annĂ©es de nombreuses associations fĂ©ministes s’étaient mobilisĂ©es. Deux femmes « pour rappeler la contribution de toutes celles, anonymes le plus souvent, qui ont fait partie de l’armĂ©e des ombres Â»

Germaine Tillion (1907-2008), ethnologue, Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1920-2002), nièce de Charles de Gaulle, étudiante en histoire, résistantes de la première heure, au sein du réseau du Musée de l’Homme et de Défense de la France, toutes deux trahies au sein de leur propre organisation. Arrêtées en 1943, elles survécurent à la terrible épreuve de la prison puis de la déportation au camp de Ravensbrück, le pont des corbeaux, camp réservé aux femmes au nord de Berlin où elles noueront une indéfectible amitié et une solidarité sans faille envers les femmes humiliées. Ce sera un temps fort de leur initiation en inhumanité comme le dit Germaine, dans Ravensbrück, une des premières analyses scientifiques et sociologiques de l’univers concentrationnaire et La traversée du mal, entretiens avec Jean Lacouture. Geneviève décrira avec infiniment de pudeur et de force dans La traversée de la nuit ses longues semaines d’isolement au mitard du camp dont elle sort presque aveugle. Ma vie professionnelle m’a permis de les côtoyer au début des années 80… La force, la combativité, la conviction et la foi dans l’Homme, malgré les terribles épreuves traversées, en faisaient des femmes Debout, à l’aura exceptionnelle, qui ont marqué bien des femmes de ma génération et suscité en nous le devoir civique de transmission, d’histoire aux jeunes générations

Citons le PrĂ©sident Hollande : « Aujourd’hui la France a rendez-vous avec le meilleur d’elle-mĂŞme. Ils sont quatre insĂ©parablement liĂ©s dans cette cĂ©lĂ©bration qui veut que des personnalitĂ©s remarquables soient donnĂ©es Ă  la France toute entière pour inspirer les gĂ©nĂ©rations nouvelles[…] Quatre destins, quatre chemins, quatre histoires qui donnent chair et visage Ă  la RĂ©publique et en rappellent les valeurs. Quatre hĂ©ros si diffĂ©rents par leurs origines et leurs parcours[…] Qu’y a-t-il donc de commun entre ces deux catholiques qui mirent leur vie au service de la dignitĂ© humaine et ces deux francs-maçons qui eurent très jeunes des responsabilitĂ©s politiques importantes ? […] gouvernĂ©s par les mĂŞmes forces, animĂ©s par les mĂŞmes passions, soulevĂ©s par le mĂŞme idĂ©al de dĂ©passement, indissociablement liĂ©s par le mĂŞme amour, l’amour de leur patrie […] ils incarnent l’esprit de RĂ©sistance. Face Ă  l’humiliation, Ă  l’Occupation, Ă  la soumission, ils ont apportĂ© la mĂŞme rĂ©ponse : ils ont dit non, tout de suite, fermement, calmement. Â»

Il fait ensuite l’éloge du courage de Germaine, courage physique et intellectuel dans son souci de comprendre, ne pas se laisser abattre, de son courage politique quand, en 1948 aux cĂ´tĂ©s de David Rousset, elle dĂ©nonce l’univers concentrationnaire du goulag derrière le Rideau de fer, la torture en AlgĂ©rie en 1957, les victimes de l’excision, cherchant « Ă  protĂ©ger les victimes de l’avenir plutĂ´t que de venger celles du passĂ©, le courage comme un cri d’indignation, comme un appel Ă  la justice, rĂ©pĂ©tĂ© autant de fois qu’il faut pour que l’intolĂ©rable ne soit pas tolĂ©rĂ© […] elle voulait comprendre pour porter l’idĂ©e lumineuse de l’HumanitĂ© Â». Cette infatigable lutteuse pour l’égalitĂ© s’Ă©teint en 2008 Ă  101 ans .

« En RĂ©publique, la compassion s’appelle FraternitĂ© […] c’est au nom de la FraternitĂ© que Geneviève Anthonioz-de Gaulle s’était convaincue Ă  RavensbrĂĽck que ce qui reste Ă  un ĂŞtre affamĂ©, Ă©puisĂ©, battu, c’est son identitĂ© […] Un soir d’octobre 1958, elle visite un regroupement de 250 familles Ă  Noisy le Grand sur un terrain clos de grillages, elle y voit des visages qui lui rappellent les fantĂ´mes de son passĂ©. Sa vie sera alors dĂ©sormais avec les invisibles : ne pas ĂŞtre leur voix mais les faire parler, ne pas les assister mais les libĂ©rer, ne pas les soulager mais les relever. Elle utilisera son nom de Gaulle comme un drapeau pour mobiliser le peuple du Quart Monde. Une vie de principes, de vertus, de dĂ©vouement, ne vaut pas Ă  elle seule d’entrer dans ce haut lieu de la RĂ©publique, le PanthĂ©on, et d’être Ă©rigĂ© en exemple […] Il faut y ajouter une trace, un legs, une Ĺ“uvre […] Pour elle, ce fut la loi du 29 juillet 1998, loi relative Ă  la lutte contre les exclusions… Ces deux femmes, ces deux hommes ont en commun d’avoir fait de leur vie un destin et d’avoir donnĂ© Ă  leur patrie une destinĂ©e […] Tel est le sens de cette cĂ©rĂ©monie. Â»

Combattantes déterminées pour la liberté, l’égalité des droits, la fraternité, elles ont décliné ces valeurs en femmes de leur temps, de leurs milieux où elles ont souvent été en butte à l’incompréhension, la condescendance mais n’ont jamais changé de cap. C’est pourquoi la panthéonisation de Simone Veil née Jacob, accompagnée de son mari Pierre, s’est inscrite comme une évidence dans cette continuité

Pierre et Marie Curie

Marie Curie

Pour Pierre et Marie Curie point de Santo subito ! Pierre est mort accidentellement en 1906, Marie en 1934. La cĂ©rĂ©monie se dĂ©roule en prĂ©sence du PrĂ©sident de la RĂ©publique polonaise, Lech Walesa, figure emblĂ©matique du syndicat Solidarnosc. C’est dans un nouveau contexte europĂ©en, que le PrĂ©sident François Mitterrand rend hommage Ă  deux grands savants dont une de ces Ă©trangères qui ont fait la France (cf Pascal Ory, directeur de rĂ©daction du Dictionnaire des Ă©trangers qui ont fait la France). NĂ©e Ă  Varsovie en 1867, Maria Sklodowska poursuit en France des Ă©tudes de mathĂ©matiques et de physique Ă  la Sorbonne couronnĂ©es par une thèse de doctorat soutenue en 1903, Ă©poque Ă  laquelle moins de vingt jeunes femmes frĂ©quentent les bancs de l’universitĂ© dans les disciplines scientifiques.

Reprenons des extraits du discours de François Mitterrand :

« En transfĂ©rant les cendres de Pierre et de Marie Curie, dans le sanctuaire de notre mĂ©moire collective, la France […] affirme sa foi dans la science, dans la recherche, et son respect pour celles et ceux qui y consacrèrent, comme naguère Pierre et Marie Curie, leurs forces et leurs vies. La cĂ©rĂ©monie au PanthĂ©on prend un Ă©clat particulier puisque entre au PanthĂ©on la première femme de notre histoire honorĂ©e pour ses propres mĂ©rites[…] Dès l’enfance Marie rĂ©siste : Elle veut gouverner sa vie et se faire un destin[…] Elle Ă©pouse Pierre Curie en 1905 : […] Bien des choses les rapprochent […]une mĂŞme mystique de la science, un commun souci de la justice sociale, un mĂŞme goĂ»t littĂ©raire pour les romans de Zola […] l’amour de la nature, le sens du dĂ©sintĂ©ressement matĂ©riel et de la libertĂ© Â»

Prix Nobel de physique en 1903 avec Henri Becquerel, marie, professeure à la Sorbonne s’associe à l’Institut Pasteur pour créer l’Institut du radium qui va développer les applications de la radioactivité dans les champs de la biologie et de la médecine.

 DĂ©cision unique dans l’histoire de l’institution, elle obtient un second prix Nobel en chimie en 1911 au moment oĂą en France, elle est l’objet d’une violente polĂ©mique xĂ©nophobe Ă  la suite de la rĂ©vĂ©lation de sa liaison avec un de ses collègues. Tout est bon pour traĂ®ner dans la boue la femme, la scientifique dont les talents font enrager des mĂ©diocres qui lui refuseront l’entrĂ©e Ă  l’AcadĂ©mie des sciences ! La guerre rĂ©vèle son esprit de solidaritĂ©, de courage, de gĂ©nĂ©rositĂ© ; elle crĂ©e Â« les petites Curie Â» pas moins de 200 postes fixes et une vingtaine de voitures, au plus près des combats pour sauver des vies, empĂŞcher des amputations inutiles.

Et le PrĂ©sident de la RĂ©publique de reprendre : Â»Mais il est un autre symbole qui retient ce soir l’ attention de la Nation […] celui du combat exemplaire d’une femme qui a dĂ©cidĂ© d’imposer ses capacitĂ©s dans une sociĂ©tĂ© qui rĂ©serve aux hommes les fonctions intellectuelles et les responsabilitĂ©s publiques […] je forme le vĹ“u au nom de la France que partout dans le monde progresse l’égalitĂ© des droits des femmes et des hommes tant l’exemple que nous venons de dĂ©crire Ă  l’instant dĂ©montre cette distinction et cette sorte de prĂ©fĂ©rence accordĂ©e depuis trente siècles, indigne et injuste d’une sociĂ©tĂ© civilisĂ©e Â»

D'une amicale à l'autre

Festival Les Trans’urbaines 2020

L’association Prémudanse a le plaisir de vous présenter la 23e édition du festival Les Trans’urbaines 2020 qui se déroulera du 24 octobre au 7 novembre 2020 à la Maison de la Culture à Clermont-Ferrand.

Dans cette pĂ©riode si dĂ©stabilisante, si atypique et si inĂ©dite, ils mettent tout en Ĺ“uvre pour que cette vingt troisième Ă©dition des Trans’urbaines puisse exister. Festival hypothĂ©tique et rempli d’incertitudes ! Il ont cependant la ferme intention d’offrir, malgrĂ© tout, au public, du rĂŞve, du partage et du vivre ensemble.

Suite Ă  l’annonce du couvre-feu par le gouvernement, le Festival s’adapte en modifiant les horaires des spectacles.

Les artistes clermontois sont mis Ă  l’honneur, les compagnies Daruma, Espace des Sens, Origin’s Krew vous offriront dans leurs crĂ©ations les multiples facettes de la danse hip hop pour insuffler de l’imaginaire, de la crĂ©ativitĂ©, du dynamisme et de la joie.

Le festival accueillera deux artistes prestigieux, Kader Attou et Mourad Merzouki, chorégraphes des compagnies Accrorap et Kafïg et directeurs de Centres Chorégraphiques Nationaux. Leur création internationale commune «Danser Casa», met en scène huit jeunes danseurs marocains sur une musique envoutante et des chorégraphies haletantes.

La compagnie Stylistik, associée au festival, sera présente dès le mois de septembre pour ouvrir des espaces de partages avec des ateliers, des performances et des rencontres.
Des ateliers de danse, de beatmaking, de graff jalonneront le festival. Ils vous permettront d’aller Ă  la rencontre des artistes.

Deux nouveautĂ©s pour cette Ă©dition : un concours de shows chorĂ©graphiques ouverts aux crews et groupes amateurs en danse hip hop, dance All et Afro Jazz pour remporter un money price et le prix du public. 

N’hĂ©sitez pas, pour plus d’informations, Ă  consulter le site Les trans’urbaines.

Un dĂ©placement Ă  Bron est organisĂ© pour assister Ă  la finale de France du Hip Hop Games au festival  Karavel. Plus d’infos : Hip-hop games

Des tarifs réduits sont proposés aux associations affiliées à la FAL (groupe de 5 personnes minimum, tout âge) pour tous les spectacles sur présentation d’un justificatif.

Pour son universitĂ© d’automne, le Cercle Mendès-France s’est intĂ©ressĂ© Ă  l’immigration dans les Combrailles

par Alain Bandiéra

Toujours attentif Ă  l’histoire des citoyens – en particulier Ă  son histoire locale – aux problèmes sociaux de notre temps et de nos territoires, le cercle Pierre Mendès France de Clermont-Ferrand a « installé » sa dernière rĂ©union Ă  Saint-Eloy-les-Mines. Une grande partie des adhĂ©rents, quelques invitĂ©s et quelques amis du Cercle que la situation sanitaire n’a pas dĂ©couragĂ©s, se sont retrouvĂ©s Ă  la mĂ©diathèque accueillis par le maire de Saint-Eloy, Anthony Palermo. Jean-Marc Sautereau, maire de Montaigut, et Claire Lempereur, première adjointe, ont honorĂ© la rĂ©union de leur prĂ©sence. Sous la prĂ©sidence de Patrick Pochet et animĂ©e par Alain BandiĂ©ra, cette traditionnelle universitĂ© d’automne s’est intĂ©ressĂ©e Ă  l’immigration dans les Combrailles.

En ouverture de la journĂ©e, Patrick Pochet et le maire de Saint-Eloy, accueillant et remerciant les participants et les intervenants, ont soulignĂ© l’importance et l’actualitĂ© du thème. Les Combrailles portent en effet le souvenir – en particulier dans les noms propres – et la mĂ©moire des grands courants d’immigration que l’industrie minière, en particulier, a suscitĂ©s, courants identiques Ă  ceux qui ont traversĂ© le pays tout entier.

Katherine Deschère, prĂ©sidente de la section Combrailles de la Ligue des Droits de l’Homme, a prĂ©sentĂ© un tableau infiniment dĂ©taillĂ© et richement documentĂ© de l’immigration polonaise, Ă©voquant en particulier la vitalitĂ© du club sportif de Montjoie, le KSP, qui a fourni en la personne de Mitoraj, un joueur de football international. Anthony Palermo s’est livrĂ© Ă  une analyse sociale et politique de l’immigration contemporaine ; il s’est penchĂ© sur le devenir des descendants des populations immigrĂ©es, et s’est interrogĂ© sur les Ă©ventuelles solutions des problèmes que pose incontestablement le phĂ©nomène dont on oublie parfois qu’il est très ancien, et continu dans l’histoire de l’Europe.

Grâce Ă  la contribution de Clotilde Pompili, prĂ©sidente du CADA de Saint-Eloy-les-Mines, il a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© l’accueil des nouveaux immigrants Ă  Saint-Eloy-les-Mines. Cette immigration « politique Â» est efficacement gĂ©rĂ©e par le CADA qui a permis Ă  un grand nombre d’immigrants d’obtenir le statut lĂ©gal de rĂ©fugiĂ©s ; aspirant Ă  l’intĂ©gration, quelques-uns d’entre eux ont choisi de vivre Ă  Saint-Eloy, ajoutant leurs particularitĂ©s Ă  la variĂ©tĂ© ethnique issue de l’ancienne immigration « Ă©conomique Â».

Alain BandiĂ©ra – enfant d’immigrĂ©s italiens – et Tonio Escamez, issu de la vague espagnole, ont apportĂ© leurs tĂ©moignages personnels.

Les acteurs de cette journĂ©e n’ont jamais sombrĂ© dans les polĂ©miques, ni dans des constats dramatisĂ©s ; ils ont aussi Ă©voquĂ© les richesses que l’immigration importe – richesses de toute nature. Et c’est pourquoi la chanson a servi d’heureuse conclusion Ă  cette journĂ©e, commencĂ©e avec « l’Italien Â» de Serge Reggiani. Antonio Escamez, chanteur local, a rendu hommage, en deux textes, Ă  ses racines espagnoles ainsi qu’Ă  son enfance Ă  Saint-Eloy, au cĹ“ur d’une famille de mineurs : exemple flamboyant du mĂ©tissage des cultures et des identitĂ©s.

(un prochain dossier sera consacrĂ© aux actes de cette universitĂ© d’automne).

Avec les DDEN

Pourquoi l’école est-elle la grande affaire de la République ?

Le propre du citoyen de la rĂ©publique, qui est avant tout rĂ©gie par des lois, explique Rousseau, c’est d’être en mĂŞme temps civique et souverain : civique quand il obĂ©it aux lois et souverain quand il participe Ă  leur Ă©laboration. Si bien qu’il n’obĂ©it qu’aux lois qu’il s’est lui-mĂŞme donnĂ©es par une souverainetĂ© qu’il partage avec tous les autres. C’est en quoi chaque citoyen, ainsi libre par l’autonomie de sa propre volontĂ©, est partie constituante du grand tout qu’est la rĂ©publique. Il la constitue mais est en retour constituĂ© par elle. C’est lĂ  le secret du contrat social et du rĂ´le de l’école.
« Trouver une forme d’association, Ă©crit Rousseau, qui dĂ©fende et protège de toute la force commune, la personne et les biens de chaque associĂ©, et par laquelle chacun s’unissant Ă  tous n’obĂ©isse pourtant qu’à lui-mĂŞme et reste aussi libre qu’auparavant ? Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution. Â»

Mais comment l’individu peut-il devenir cet homme capable d’être Ă  la fois civique et souverain pour former cette association politique d’homme libres ?
Dans L’école ou le loisir de penser, Jacques Muglioni, qui fut Inspecteur GĂ©nĂ©ral de Philosophie, donne sa rĂ©ponse au chapitre « La rĂ©publique et l’instruction Â» en expliquant que c’est l’école qui institue le citoyen.
« C’est dans le gouvernement rĂ©publicain que l’on a besoin de la toute-puissance de l’éducation. Quelle est donc cette vertu qui, Ă  elle seule, fait la rĂ©publique et comment peut-elle s’acquĂ©rir ? La difficultĂ© rĂ©side en ce que la rĂ©publique et l’éducation ainsi comprises se règlent l’une sur l’autre […] Il n’est besoin d’aucune Ă©ducation dans un rĂ©gime oĂą il n’y a que des sujets, car la seule menace de la force, c’est-Ă -dire la crainte, suffit Ă  tout. L’éducation par instruction vraie (par les connaissances rationnelles) y serait subversive. Se gouverner soi-mĂŞme, c’est peut-ĂŞtre toute la vertu, et bien plus encore quand il s’agit d’homme assemblĂ©s. Il faut donc que gouvernants et gouvernĂ©s ne soient pas deux espèces sĂ©parĂ©es, mais soient en quelque façon les mĂŞmes. La vertu est la force de commander Ă  soi-mĂŞme, ce qui est obĂ©ir sans crainte. La rĂ©publique est donc le seul Ă©tat politique oĂą l’obĂ©issance prenne son vrai sens. […] Un esclave n’obĂ©it pas, il sert. ĂŠtre en RĂ©publique c’est ĂŞtre libre dans un Etat libre. L’obĂ©issance vraie exclut la docilitĂ©. L’homme courbĂ© n’est jamais un bon citoyen. Le premier devoir de la rĂ©publique est plutĂ´t d’instituer des citoyens incommodes. Il est donc assez clair que l’école de l’Etat, entendons l’école instituĂ©e par la rĂ©publique, n’est pas une Ă©cole d’Etat, entendons asservie au pouvoir. En tant que de citoyen, l’homme n’a de consigne Ă  recevoir de personne. Il a donc besoin d’apprendre, non point tout ce qu’il faut penser, mais Ă  l’opposĂ©, comment s’y prendre pour penser par lui-mĂŞme. Le vrai maĂ®tre d’école est celui qui, par la seule puissance de l’instruction, apprend Ă  ses Ă©lèves Ă  grandir assez pour se passer de maĂ®tre. […] On revient toujours Ă  ce point de difficultĂ© : la rĂ©publique est le seul rĂ©gime qui veuille des citoyens car elle a besoin d’eux et en retour ils ont besoin d’elle ; les citoyens font la rĂ©publique mais en retour la rĂ©publique fait les citoyens. […]
L’éducation est l’ensemble des influences ou des actions, volontaires ou non, qui ont pour effet de former les enfants à la ressemblance des parents et des adultes en général. Elle est, en ce sens, la somme des précautions prises par une société pour que la succession des générations ne mette pas en cause son existence […]. L’essentiel réside en ceci que l’éducation ainsi comprise avalise ou produit des comportements sans relation nécessaire avec un savoir rationnel ou une morale soumise à l’épreuve de la réflexion. Elle ne se règle pas sur la recherche de la vérité […] mais elle vise seulement l’adaptation aux conditions empiriques de la vie dans une société attachée à sa propre conservation. […]
Si l’éducation est conçue en fonction d’une situation donnĂ©e, d’un type dĂ©terminĂ© de sociĂ©tĂ© ou de rĂ©gime, elle ne peut se proposer que des objectifs Ă  atteindre sous forme de comportements adaptĂ©s. Cet empirisme n’a d’autre projet que la socialisation, l’intĂ©gration, la conformitĂ©. […].
La rĂ©publique, [qui est toujours Ă  rĂ©aliser], n’existe que par des citoyens libres, d’une libertĂ© Ă©clairĂ©e et exigeante. […] 
Comment l’école peut-elle prĂ©parer les Ă©lèves Ă  cette citoyennetĂ© exigeante ?
Il s’agit en premier lieu d’apprendre une langue dont les plus belles œuvres ont consacré la valeur universelle. Lecture et écriture réduiront à ce qu’il vaut le parler familial. Tout parler maternel est en quelque façon dialectal. La langue de l’école doit être une langue qui par ses œuvres appartienne à l’humanité. […]
L’école rĂ©publicaine n’est pas le super marchĂ© des savoirs oĂą l’on se servirait soi-mĂŞme […] sans s’interroger sur la dĂ©marche intellectuelle supposant un sujet pensant […]. Elle a pour mission d’apprendre Ă  s’approprier le plus humble savoir. […]
Quand on abandonne l’enfant à la séduction des machines ou de façon plus générale, aux moyens d’une réussite étrangère à ses facultés propres, intellectuelles ou physique, ce n’est plus une école et il n’y a plus de république.
Un enseignement digne de ce nom se doit d’être Ă©lĂ©mentaire (…), commencer par le simple pour suivre l’ordre du vrai [qui est celui de l’instruction par le travail des Ă©lèves sur les disciplines scolaires : NDL].
Et la clĂ´ture de l’école sur la sociĂ©tĂ© extĂ©rieure est la condition de sa vĂ©ritable ouverture. A l’école, l’enfant n’est pas seulement de ce pays-ci ou alors ce n’est pas une Ă©cole. L’instruction n’est pas un service comme les postes ou les chemins de fer. Elle ne concerne pas des consommateurs, des usagers, ou des partenaires. […] Sans cette clĂ´ture, ce qui pourrait bien se perdre, c’est la conscience du lien unissant l’idĂ©e rĂ©publicaine et l’instruction des citoyens [qui est la condition d’une Ă©ducation Ă  la libertĂ©].
Il faut enfin garder présent à l’esprit que l’existence politique n’épuise pas la signification de l’homme. […] L’homme doit être citoyen, mais il n’est pas seulement citoyen et l’Etat n’est pas la réalité suprême. Il faut placer bien au-dessus de toute politique, la science, l’art, la sagesse. Telle est la vraie noblesse républicaine.
L’école est faite pour rĂ©vĂ©ler Ă  l’homme dans l’enfant, ce que le monde lui cache […] 
C’est en ce sens que l’école de la rĂ©publique est selon la belle expression aujourd’hui si souvent oubliĂ©e ou incomprise par ceux-lĂ  mĂŞmes qui en ont reçu l’hĂ©ritage, l’école libĂ©ratrice Â».

Tel est le sens de l’école rĂ©publicaine que nous, DDEN dĂ©fendons, celle qui prĂ©pare l’homme libre et le citoyen dans l’enfant. Et nous devons rĂ©sister aux sirènes de la « modernisation Â» qui, par des actes comme par une novlangue nous fait dire et accepter un monde et une Ă©cole qu’en rĂ©alitĂ© nous ne voulons pas car elle n’a d’autre but que d’adapter les Ă©lèves au monde actuel ce qui est le meilleur moyen de les y aliĂ©ner. 

Pour les DDEN 63, Anne-Marie Doly

Avec le Cercle Condorcet

La violence est-elle en augmentation ou en rĂ©gression dans notre sociĂ©tĂ©. C’est le sujet d’Ă©tude choisi par le Cercle Condorcet pour 2019-2020. Sans prĂ©tendre Ă  l’exhaustivitĂ©, le sujet est Ă©tudiĂ© Ă  travers quelques formes de violence qui font rĂ©gulièrement la une des medias dans notre actualitĂ© pour tenter d’Ă©lucider, abstraction faite du caractère dramatique des Ă©vĂ©nements relatĂ©s, la part respective du rĂ©el et du ressenti dans l’Ă©volution du phĂ©nomène.

Les travaux sont prĂ©sentĂ©s et dĂ©battus au cours des rĂ©unions mensuelles du Cercle et sont rĂ©unis dans une publication, un « cahier », diffusĂ© Ă©galement par voie numĂ©rique sur le site de l’association https://condorcetclermont.fr oĂą les prĂ©cĂ©dents cahiers sont en consultation et tĂ©lĂ©chargement.

« La violence faite aux femmes dans le couple » est une des formes de la violence Ă©tudiĂ©es dans le cadre de l’Ă©tude en cours.

Les violences conjugales faites aux femmes

par Claire Chaussade, mars 2020

« Les droits de l’homme rĂ©sultent uniquement de ce qu’ils sont des ĂŞtres sensibles susceptibles d’acquĂ©rir des idĂ©es morales et de raisonner sur ces idĂ©es. Ainsi les femmes ayant ces mĂŞmes qualitĂ©s ont nĂ©cessairement des droits Ă©gaux. Ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de vĂ©ritables droits, ou tous ont les mĂŞmes Â»

C’est la réponse de Nicolas de Condorcet à Olympe de Gouges sur sa requête pour opposer les droits des femmes à ceux des hommes.

Les contes racontĂ©s aux enfants donnent une vision idyllique de la relation amoureuse : « ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants Â». Dans la vraie vie, le prince charmant peut se transformer rapidement et faire subir Ă  sa compagne humiliations, reproches, injures, coups et aller mĂŞme jusqu’au meurtre.

C’est de cette violence là que vont traiter ces quelques lignes.
            En 2018 : 121 femmes tuĂ©es au sein du couple en France : 1 femme tuĂ©e tous les 3 jours.
           En 2019 : 138 femmes tuĂ©es jusqu’en dĂ©cembre 2019                

Parler des violences faites aux femmes dans leur couple, c’est parler de la violence qu’un humain fait subir Ă  un autre humain ; enfin, pas tout Ă  fait, parce que le regard portĂ© sur la victime est particulier. En effet, dans toutes les sociĂ©tĂ©s humaines, une hiĂ©rarchie a toujours existĂ© : celle des sexes, entraĂ®nant selon les Ă©poques et les lieux des disparitĂ©s culturelles, juridiques et politiques reflĂ©tant cette diffĂ©rence.

Ainsi,  dans de nombreuses sociĂ©tĂ©s les femmes Ă©taient purement et simplement la propriĂ©tĂ© des hommes, le plus souvent de leur père, de leur mari ou de leurs frères. Dans beaucoup de systèmes juridiques, dont certains existent encore, le viol entre dans la catĂ©gorie des violations de propriĂ©tĂ© ; autrement dit, la victime n’est pas la femme qui est violĂ©e mais le mâle qui en est propriĂ©taire. Violer une femme qui n’appartenait pas Ă  un autre homme n’était alors pas considĂ©rĂ© comme un crime ; de mĂŞme, un mari qui violait sa femme ne commettait pas de crime. De fait, l’idĂ©e qu’un mari pĂ»t violer sa femme tenait de l’oxymore, car un mari Ă©tait ĂŞtre le maĂ®tre absolu de la sexualitĂ© de son Ă©pouse. Cette façon de penser n’était pas l’apanage du Moyen-Orient : en 2006 on dĂ©nombrait 53 pays oĂą  un mari ne pouvait ĂŞtre poursuivi pour le viol de sa femme ; mĂŞme en Allemagne, la lĂ©gislation n’a Ă©tĂ© amendĂ©e qu’en 1997 pour crĂ©er une catĂ©gorie  pĂ©nale de « viol conjugal Â» ; et en France ce n’est qu’en 1992 qu’il s’agit d’un facteur aggravant, la notion de « devoir conjugal Â» Ă©tant une notion obsolète, le mariage ne donnant plus le droit de disposer du corps de sa partenaire.

On peut se demander si les systèmes religieux monothĂ©istes ont jouĂ© un rĂ´le dans ces reprĂ©sentations …. Pourtant dans la Bible et le Talmud, se trouvent des passages oĂą ce sont les femmes qui sauvent l’histoire juive (Ruth, ancĂŞtre du roi David et donc du Messie) ; mais cela ne fait pas oublier que dans la mythologie, c’est Eve qui perd l’accès au Paradis et le fait perdre Ă  Adam. Tous les textes fondateurs juifs, chrĂ©tiens et musulmans sont issus de sociĂ©tĂ©s patriarcales et donc porteurs de ce patriarcat et de sa culture. Par exemple : une bĂ©nĂ©diction rĂ©citĂ©e encore le matin par des juifs orthodoxes dit : Â»BĂ©ni sois Tu de ne pas m’avoir fait femme Â» !

C’est assez récemment que les violences physiques subies par des femmes du fait de leur vie présente (ou passée) en couple ont davantage attiré l’attention des médias et fait l’objet de nombreuses publications de sociologues, philosophes, psychologues jusqu’à ce que le monde politique s’en empare enfin , expose au grand jour qu’il s’agit là de l’autonomie et du corps et de la pensée des femmes, légifère et commence à mettre en place des systèmes de protection des victimes enfin reconnues.

En France c’est dans les annĂ©es 1970 qu’est dĂ©couverte « la violence conjugale Â» et dès lors les articles de presse se succèdent. La ligue des Droits des Femmes dont la prĂ©sidente est Simone de Beauvoir dĂ©nonce ce scandale des femmes battues et l’association « SOS Femmes Alternative Â» est crĂ©Ă©e en 1976. Mais si dans une interview, Simone Veil reconnaĂ®t la prise de conscience des violences conjugales, l’Etat ne s’implique pas dans le problème. Il faudra attendre 1989 pour que la secrĂ©taire d’état aux droits des Femmes, Michèle AndrĂ©, s’empare du sujet et dĂ©cide de faire une campagne d’information. Puis, de nouvelles lois vont apporter quelques Ă©clairages et ,en 1994, le Code PĂ©nal reconnaĂ®t un dĂ©lit spĂ©cifique pour les violences commises au sein du couple.

Une petite rĂ©volution !

Alors, le 03/09/2019 le gouvernement lance un « Grenelle des violences conjugales Â» Ă  l’issue duquel quelques propositions ont Ă©tĂ© remises au gouvernement  qui a dĂ©voilĂ© le 25/11/2019 des propositions concrètes :
   Assouplissement du secret mĂ©dical ;
   RedĂ©finition de la notion d’emprise conjugale ;
   Meilleure formation des forces de l’ordre ;
   Confiscation des armes Ă  feu dès le premier dĂ©pĂ´t de plainte ;
   CrĂ©ation de centres de prise en charge des hommes auteurs de violences conjugales ;
   Le numĂ©ro spĂ©cifique pour les victimes et tĂ©moins, le 3919,  ouvert 24/24h et 7 jours sur 7 ;
   Financement de davantage d’hĂ©bergements d’urgence pour les femmes ;
   Et surtout une meilleure rĂ©activitĂ© entre gendarmerie et justice. En effet, 80% des plaintes pour violences sont classĂ©es « sans suite Â».

Ce sujet des violences conjugales pose de nombreux problèmes. D’abord un problème de vocabulaire : l’apparition d’un mot : fĂ©minicide, qui dĂ©signe le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme. Ce terme « fĂ©minicide Â» ne fait cependant pas partie du Code PĂ©nal. Bon nombre de  juristes estiment que le droit français a des dispositions suffisantes, tout en encourageant l’usage du mot dans le langage courant. Ce mot existe dans le petit Robert depuis 2015, mais pas dans le Larousse, et l’AcadĂ©mie française ne le reconnaĂ®t pas. A l’étranger, plusieurs pays ont choisi d’introduire ce terme : Italie, Espagne, AmĂ©rique du Sud.

En 2016 la Commission nationale consultative des droits de l’homme a estimĂ© que l’introduction du terme « fĂ©minicide Â» comporterait le risque de porter atteinte Ă  l’universalisme du droit dès lors qu’elle ne viserait que l’identitĂ© fĂ©minine de la victime . Le terme reste donc dans le dĂ©bat, mais pas dans le droit. Selon de nombreux juristes, les dispositions actuelles sont suffisantes : art 221-4 du Code pĂ©nal : « le meurtre est puni de rĂ©clusion criminelle Ă  perpĂ©tuitĂ© lorsqu’il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime, ou le partenaire liĂ© Ă  la victime par un pacte civil de solidaritĂ© Â».

Et pourtant le MOT a un poids et un sens : ainsi, dans le dictionnaire Robert : « N. m. Meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe Â»

Ensuite, un problème d’identification de l’auteur. Qui est-il ? A-t-il un profil particulier ? Y a-t-il une possibilitĂ© de prĂ©voir le passage Ă  l’acte ? D’après le docteur Roland Coutanceau, psychiatre, expert national, prĂ©sident de la Ligue française de santĂ© mentale, il semblerait que l’on puisse identifier 3 profils :
  *   Le premier est dit Ă  tonalitĂ© immature-nĂ©vrotique, et reprĂ©sente 20% des auteurs.
   *  Le second prĂ©sente des fragilitĂ©s diverses : instabilitĂ©, agressivitĂ©,                                                    jalousie, peur de la perte. Les agresseurs sont les plus nombreux dans                                    cette catĂ©gorie.
  *   Le troisième concerne des hommes avec un Ă©gocentrisme fort, paranoĂŻa-que et/ou mĂ©galomaniaque. Leur violence se traduit alors sous forme d’emprise, dĂ©bouchant parfois sur l’agression physique.

Mais d’autres facteurs interviennent comme les coutumes et les traditions qui autorisent le recours à la violence et la perpétuent, le poids des stéréotypes sexistes, l’abus d’alcool et d’autres drogues.

Chaque annĂ©e depuis 2006 le Ministère de l’intĂ©rieur Ă©tudie « les morts violentes au sein du couple Â» ; le rĂ©sumĂ© du profil de l’auteur est quasiment le mĂŞme : il n’a pas de maladie mentale mais de forts troubles de la personnalitĂ©.

Et alors, se pose la question du passage Ă  l’acte. D’après le psychiatre Philippe Jeammet de l’Institut Montsouris Ă  Paris, il semblerait que la rĂ©ponse renvoie Ă  des mĂ©canismes très primaires : chez tous les ĂŞtres vivants, le sentiment de menace , qui active les circuits aversifs dans le cerveau, dĂ©clenche des rĂ©actions de dĂ©fense. C’est comme si l’agresseur se sentait obligĂ© de dĂ©fendre son territoire par des insultes, un dĂ©nigrement rĂ©pĂ©tĂ© des paroles et des actes de l’autre, puis parfois par des coups et Ă©ventuellement par la destruction . C’est donc comme si une situation de stress ressenti par l’homme nĂ©cessitait une rĂ©ponse active pour rĂ©tablir une sorte d’équilibre ; en agissant ainsi il se sent exister, et il s’ensuit un moindre dĂ©plaisir, voire une sensation immĂ©diate d’apaisement. Le meurtrier est un ĂŞtre totalement rĂ©gi par ses Ă©motions, et juste avant le passage Ă  l’acte, les Ă©motions sont si envahissantes, si insupportables qu’il faut les faire cesser ; le geste violent de destruction de l’autre lui semble apporter une sorte de soulagement, peut-ĂŞtre mĂŞme perçu comme le seul soulagement possible. Comme si, sur l’instant, la seule chose qui compte, la plus urgente est de faire cesser ce mal ĂŞtre ; et, plus le sujet est Ă©motif (sujet d’émotions), plus il se sent attaquĂ©, menacĂ©, il est devenu incapable de raisonner, de reprendre le contrĂ´le, de mettre des digues, de ne pas dĂ©raper. Car rien n’est plus insupportable Ă  l’être humain que l’impuissance ; il lui faut donc agir, quitte Ă  agir contre l’autre, ou mĂŞme contre soi , ce qui explique que certains meurtriers se suicident après leur geste. Lors de leur audition par le juge on peut entendre ce genre de propos : Â»je ne comprends pas ce qui m’a pris, « c’était trop Â», « elle l’a bien cherchĂ© Â».

Par quels moyens peut-on enrayer ce mĂ©canisme dĂ©lĂ©tère ? Et est-ce possible ?

On peut penser que la parole, la verbalisation des Ă©motions des protagonistes est capable de dĂ©sarmer l’agressivitĂ© par la mise en lumière des mĂ©canismes de stress, de colère, parfois de haine. Car violence et langage peuvent sembler ĂŞtre deux contraires comme le montre Paul Ricoeur : « c’est pour un ĂŞtre qui parle, qui en parlant poursuit le sens, pour un ĂŞtre qui a dĂ©jĂ  fait un pas dans la discussion et qui sait quelque chose de la rationalitĂ©, que la violence fait problème Â». Bien sĂ»r, mais pour cela il faut ĂŞtre en Ă©tat d’entendre l’autre, de l’écouter, de le comprendre… Mais mĂŞme le langage lui-mĂŞme peut devenir violence si on ne voit pas qu’il fait appel Ă  la raison. Et d’ailleurs quand la violence croĂ®t, la raison s’estompe. Et de plus, l’expression verbale n’est pas aisĂ©e pour tous ; et constater l’inefficacitĂ© d’un effort d’explication peut mĂŞme entraĂ®ner une envie supplĂ©mentaire de recourir Ă  une expression physique ; surtout si on est le plus fort et que l’on pense que cette façon de faire est plus rapide : un bon coup de poing est plus rapide qu’une explication dĂ©taillĂ©e d’un ressenti !

 Ce n’est que dans le conte oriental  les «Mille et une nuits Â» que ShĂ©hĂ©razade par sa parole ou plutĂ´t son talent de conteuse arrive Ă  inverser les plans du sultan Schahriar dĂ©cidĂ© Ă  appliquer la loi suivante : après la nuit passĂ©e chaque fois avec une femme diffĂ©rente, au matin cette femme serait tuĂ©e. ShĂ©hĂ©razade, après la nuit de noces raconte au sultan une histoire dont elle prend soin de ne pas dĂ©voiler la fin le jour mĂŞme, mais le lendemain. Nuit après nuit le sultan, envoĂ»tĂ©, remplace son Ă©motion nĂ©gative et meurtrière par un sentiment amoureux.

Mais cela se passe dans un conte…….

Restent alors des solutions juridiques et administratives. C’est en effet par les dĂ©pĂ´ts de plaintes instruites et judiciarisĂ©es, par les peines sĂ©vères encourues, par la publicitĂ© faite autour de tels procès, donc en actionnant une volontĂ© punitive sans faille. Avec bien sĂ»r au prĂ©alable une Ă©coute par la police et la gendarmerie des femmes victimes avant que l’irrĂ©parable se produise. C’est aussi par la crĂ©ation accrue de refuges oĂą femmes et enfants menacĂ©s peuvent se rĂ©fugier ; mais aussi d’appartements oĂą les conjoints violents obligĂ©s de quitter le domicile pourront ĂŞtre hĂ©bergĂ©s. Et aussi des cellules d’écoute pour les deux parties et des soins psychologiques pour l’une et l’autre. C’est aussi la mise en place de stages destinĂ©s aux hommes violents faisant l’objet d’une procĂ©dure pour violences conjugales.

Il faut aussi Ă©voquer les consĂ©quences de ces violences pour la sociĂ©tĂ© : un coĂ»t Ă©conomique pour les femmes victimes de syndromes dĂ©pressifs, de traumatismes profonds, de blessures physiques invalidantes, la mort parfois. Pour les enfants cela entraĂ®ne des structurations psychopathiques ou perverses de la personnalitĂ©, des troubles psychologiques divers, des conduites d’addiction et/ou Ă  risques. De plus, des phĂ©nomènes de rĂ©pĂ©tition ne seront pas rares, induisant ainsi une spirale de la violence ; car ce qui apparaĂ®t clairement, c’est que la violence engendre souvent la violence.

Notons tout d’abord que les chiffres diffusĂ©s ne reprĂ©sentent pas l’ensemble des actes de violence conjugale effectivement commis, mais seulement ceux dĂ©clarĂ©s. Et surtout que les instruments de mesure ne sont pas les mĂŞmes dans les diffĂ©rents pays ; les statistiques disponibles donnent seulement un ordre de grandeur.

Peut-on faire une Ă©valuation mondiale de ces violences ?

Ainsi plus d’un tiers des femmes aux Etats-Unis ont Ă©tĂ© victimes de viol, violence physique ou harcèlement par leurs partenaires Ă  un moment donnĂ© de leur vie (National Center for injury Prevention and control, 2011). Mais c’est en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est qu’on trouve les pourcentages les plus Ă©levĂ©s, jusqu’à 78 % des femmes dans certains pays d’Afrique du Nord et Centrale. (source : ONU et OCDE). On observe Ă©galement des taux très importants dans certains pays andins.

Pourtant, « la violence Ă  l’égard des femmes, c’est partout, dans les pays dĂ©veloppĂ©s comme dans les pays dits sous-dĂ©veloppĂ©s, c’est un phĂ©nomène global Â» dit Papa Seck, chef statisticien Ă  ONU Femmes. Bien sĂ»r, il n’existe pas de donnĂ©es pour plusieurs pays : dans les pays du Golfe ou d’Afrique du Nord ou Centrale, le sujet est toujours tabou ; et lĂ  oĂą on dispose de donnĂ©es, il faut savoir que celles-ci peuvent ne pas ĂŞtre fidèles Ă  la rĂ©alitĂ© ; la prĂ©valence de ce genre de violence est difficile Ă  mesurer du fait de la honte ou de la crainte de reprĂ©sailles.

Alors, augmentation de ce flĂ©au ? Il y a, c’est sĂ»r, une meilleure visibilitĂ© du problème surtout dans les pays europĂ©ens.  Il y a quelques dizaines d’annĂ©es on parlait alors de « drame de la jalousie Â», ou, pudiquement de « violences dans le couple Â» ; dorĂ©navant l’usage du mot fĂ©minicide Ă©clate dans les colonnes de nos journaux, et donne lieu Ă  de nombreuses explications et digressions diverses dans les mĂ©dias. Et on peut toujours constater que parler d’une façon rĂ©pĂ©titive d’un Ă©vĂ©nement ou d’une personne, c’est lui donner plus de consistance et la faire mieux exister.

MAIS……

Le 5 janvier 2020 Ă  Montauban, une femme tue sa compagne.

Ce fait divers rappelle que le coupable ne s’accorde pas toujours au masculin, et la victime toujours au fĂ©minin, ce que le Grenelle contre les violences conjugales a nĂ©gligĂ© : le couple oĂą surviennent les violences est supposĂ© associer deux personnes de sexe opposĂ©.

Se pose alors la question : les couples homosexuels vivent-ils la mĂŞme violence ? certaines Ă©tudes font apparaĂ®tre que la violence dans les couples homosexuels est deux fois plus frĂ©quente que dans les couples hĂ©tĂ©rosexuels, d’autres qu’elle est la mĂŞme. Cependant la majoritĂ© des Ă©tudes s’entendent pour dire que la violence entre partenaires de mĂŞme sexe est devenue le troisième problème de santĂ© chez les gays et les lesbiennes (après le sida et l’alcool et autres psychotropes). Une Ă©tude faite aux Etats-Unis de 1989 Ă  2015 montre que par rapport aux femmes hĂ©tĂ©rosexuelles, les femmes bisexuelles ont un risque plus de deux fois supĂ©rieur de subir de graves violences physiques de la part d’un ou d’une partenaire intime. Chez les lesbiennes, le taux de victimisation est Ă  minima Ă©quivalent Ă  celui de la population gĂ©nĂ©rale. Du cĂ´tĂ© des hommes, les gays semblent un tout petit peu moins touchĂ©s par les violences entre partenaires intimes que les hĂ©tĂ©rosexuels, mais les bisexuels le sont davantage. Chez les personnes transgenres, les travaux sont plus rares.

Qu’en conclure ?

Qu’une dĂ©finition de la violence conjugale « excluant les couples de mĂŞme sexe Â» entrave probablement la prĂ©vention et une prise en charge efficace de leurs victimes. Cela part d’une bonne intention, comme si les lĂ©gislateurs tentaient d’élaborer des solutions protĂ©geant les femmes contre leurs partenaires masculins violents. Mais il ne faut pas oublier que reconnaĂ®tre l’égalitĂ© des femmes signifie leur reconnaĂ®tre une Ă©gale aptitude Ă  la violence, et ne pas ignorer toutes les dimensions animales et mortifères de l’humain.

ET ENCORE :

L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, produite chaque annĂ©e par le Ministère de l’intĂ©rieur, rapporte qu’en 2018, 28 hommes ont Ă©tĂ© tuĂ©s par leur conjointe ou ex-conjointe. Aussi, ne porter l’attention que sur les violences faites aux femmes revient Ă  occulter une part du problème des violences conjugales (extrait d’un propos de Pascal Combes prĂ©sident de l’association « Stop hommes battus Â» paru dans  Le Monde du 24/08/2020). Cela montre qu’il s’agit d’un problème sociĂ©tal plus large et plus complexe que ce que l’on peut en penser de prime abord.  En effet, plus que le rapport de genre ce qui emporte c’est la relation particulière d’agression et d’emprise qui s’instaure entre un agresseur et son conjoint ; la mĂ©canique de domination ne se situe pas toujours oĂą on le pense.

Alors, rappelons-nous cette pensĂ©e d’EmpĂ©docle, philosophe, poète et mĂ©decin du V° siècle avant notre ère :  « le temps et le cosmos sont rĂ©gis par deux principes, l’amour et la haine qui les gouvernent alternativement ; le premier unit et apaise, le second casse, divise, dĂ©construit Â»

Loisirs

L’encadrĂ© des lecteurs bĂ©nĂ©voles de Lire et faire lire

Dans le cadre (!) des rencontres dĂ©partementales de Lire et faire lire, il a Ă©tĂ© proposĂ© aux lecteurs qui le souhaitaient de prendre la pose afin de prĂ©senter l’album jeunesse qu’ils aimaient particulièrement partager avec leur jeune auditoire.

Plusieurs sĂ©ries de photos seront prĂ©sentĂ©es lors des parutions successives d’Auvergne LaĂŻque. 

Avec les remerciements de Fotografix.

Coronavirus (TragĂ©die antique) – Acte II

par Michel Collonge

Raymond
Il n’y a que la guerre que sait prĂ©parer Rome
qui dit toujours « Si vis pacem para bellum Â».
Le jour oĂą l’on mettra autant de volontĂ©
à faire des monuments de vie dans la cité
les gens vivront heureux « Sol lucet omnibus Â»
et n’auront jamais peur d’un coronavirus.
Mais pour l’heure il n’y a rien pour se protĂ©ger
de ce qui était pour Rome un mal à négliger.

NĂ©ron
Soldat ça veut dire quoi « sol lucet omnibus Â» ?

Raymond
Que « le soleil brille pour tous Â», si je ne m’abuse
(Ă  l’autre garde, tout bas) :
Voir un niveau si bas chez un homme si haut
Pour gouverner les peuples, choisit-on des idiots ?

NĂ©ron
Soldat, tu parles bien, tu as trop de bon sens,
c’est chose Ă  Ă©viter dans toute gouvernance.
Ce n’est pas le bonheur qui fait tourner la terre,
qui remplit ton assiette et qui remplit ton verre.
Ce n’est pas le bonheur, c’est la guerre, c’est l’argent
et la citĂ© est riche par l’Ă©pĂ©e et le sang.
Oui, on le dit : « Si vis pacem para bellum Â»
elle se fait par les armes la renommée de Rome
et surtout la richesse de ceux qui la gouverne
en exploitant le peuple qu’on amuse et qu’on berne
et les aigles romaines de leur monde aérien,
mépriseront toujours les gens qui ne sont rien.
Mais assez discutĂ© ! Gardes, allez-vous en,
et dites Ă  Diafoirus de venir sur le champ !

Agrippine
Par Junon, Diafoirus ? Enfin tu te dĂ©cides
Ă  prendre par les cornes le taureau du Covid.
Mais pourquoi Diafoirus ? C’est un incompĂ©tent
qui un jour te dit blanc et noir le jour suivant.

NĂ©ron
C’est ce qu’il me faut. C’est ce qu’il faut Ă  CĂ©sar
pour aux yeux de la foule justifier le bazar !
Les avis qu’il aura seront suivis de suite
s’ils sont bons j’en aurai aussitĂ´t le mĂ©rite
et s’ils ne le sont pas ce me sera facile
de me dire entourĂ© que par des imbĂ©ciles !
Dans les deux cas j’accrois mon prestige de chef
dans les deux cas pour moi ce n’est que du bĂ©nef !
Diafoirus ! Diafoirus ! OĂą est-il ce rectum ?

Diafoirus (qui entre)
J’Ă©tais au Capitole, et ensuite au Forum
Ă  expliquer aux gens que c’Ă©tait inutile
de se couvrir d’un masque ou de tricostĂ©ril
que ce coravirus

Agrippine
c’est coronavirus !
Le masque est inutile ? Mais que faut-il penser ?
Ah, on ne sait jamais sur quel pied danser !

Diafoirus
Ce co…ra…novirus est un rhume qui couve
qui ne saurait atteindre les enfants de la Louve
c’est un chat dans la gorge un tout petit chaton
qui veut se faire les griffes aux bronches des poumons…

NĂ©ron
Que dis-tu, le poumon ? Parfois je respire mal
les lendemains d’orgies pendant les Saturnales…
J’ai souvent des nausĂ©es, j’ai souvent des vertiges
et tu dis, le poumon ?

Diafoirus
c’est le poumon  vous dis-je !

NĂ©ron
Et que font nos soignants ?

Agrippine
ils se comptabilisent
et se trouvent bien peu pour affronter la crise.
Tu aurais pu, NĂ©ron, les doter de moyens….

NĂ©ron
Pour quoi faire, Agrippine ? Ça ne rapporte rien
tous les hĂ´pitaux et maisons de retraite
c’est du pognon de dingue jetĂ© par les fenĂŞtres….
A l’instant Diafoirus tu prends les choses en main
et demain c’est rĂ©glé ! Tu entends bien ? Demain !
(Diafoirus sort)

NĂ©ron
J’en ai marre plus que marre de ce confinement
Je veux aller au Cirque et revoir tous ces gens
qui demandent ma grâce ou ma condamnation
pour ceux qui ont bouffĂ© du chrĂ©tien ou du lion ?

Aggripine
Je crains bien que les jeux soient délocalisés
tu n’auras pas besoin d’aller au ColisĂ©e.
Hors du cirque, bientĂ´t, ils te diront, les gens
« Ave CĂ©sar, morituri te salutant Â» !

PassĂ© le moment du sourire face Ă  ces jeunes, sans doute apprentis chez Komilfo, cette photo prise dans une manifestation Ă  Toulouse dans un quartier minĂ© par les affrontements meurtriers entre dealers, met de facto en accusation La RĂ©publique et ses Institutions, quand leur faillite, apparaĂ®t ainsi sous le ciel blafard d’un petit matin sans espoir.

Divers

Le dernier hiver du Cid (Jérôme Garcin – Gallimard Editeur)

… « Que se passe-t-il Valda ? Â» (1)

« La pluie a cessĂ©. Anne sourit en Ă©crasant une larme. L’heure des retrouvailles et de la sĂ©paration approche… Â»
Il y eut « Le temps d’un soupir Â» d’Anne Philipe. Il y en eut d’autres dont le beau « GĂ©rard Philipe Â» (2) paru en 1960. Il y a aujourd’hui le livre de JĂ©rĂ´me Garcin son gendre avec « Le dernier hiver du Cid Â».
Le 25 novembre I959, celui qui avait Ă©tĂ© Rodrigue, Perdican, Monsieur Ripois, l’ange de Sodome et Gomorrhe, Octave dans les Caprices de Marianne, le Prince de Hombourg, mais aussi et bien avant le combattant de 20 ans, participant Ă  la libĂ©ration de Paris, le manifestant contre la guerre d’AlgĂ©rie, le militant au Mouvement de la Paix, le PrĂ©sident fondateur du Syndicat français des acteurs et surtout l’image symbolique de la jeunesse française des annĂ©es 50, mourait d’un cancer inguĂ©rissable.
«  … La mort a frappĂ© haut. Elle a fauchĂ© celui-lĂ  mĂŞme qui pour nos filles et nos garçons, pour nos enfants, pour nous-mĂŞmes, exprimait la jeunesse… Â» murmurait Jean Vilar d’une voix crĂ©pusculaire sur le ton de la confidence dans son costume de scène avant la reprĂ©sentation de « Meurtre dans la cathĂ©drale Â» de T.S. Eliot en s’adressant au public du théâtre de Chaillot.
Jérôme Garcin nous raconte les derniers jours de cette vie somptueuse – car le théâtre est toujours somptueux quels que soient ceux que le pratiquent – dans ce court récit à la fois tragique et plein de délicatesse.
Tout commence à Ramatuelle au mois d’aout. On y voit Gérard Philipe en vacances et débordant de vie et d’activité.
Puis c’est Paris et le retour Ă  la maison, des examens mĂ©dicaux inquiĂ©tants, l’opĂ©ration dont on peut croire un moment que ce n’est qu’une infection amibienne, le sĂ©jour Ă  la clinique…
L’auteur tient un vĂ©ritable journal oĂą apparaĂ®t très tĂ´t celle qui deviendra sa femme « Anne-Marie Â» et qui n’est encore qu’une petite fille de cinq ans qui joue avec son papa, avec son frère, qui se chamaille et qui va Ă  l’Ă©cole…
Dans un des très beaux chapitres du livre est Ă©voquĂ©e la carrière de cet acteur « affublĂ© d’un timbre de voix proche de l’infirmitĂ© Â» selon François Truffaut qui n’Ă©tait pas de ses amis, mais si vibrant de vie et d’engagements avec sa femme Anne qui l’entraine Ă  signer l’appel de Stockholm en I950 et Ă  manifester en tĂŞte des cortèges sur les grands boulevards parisiens : « Nous exigeons l’interdiction absolue de l’arme atomique… Â» Et c’est aussi Anne qui l’a conduit Ă  rejoindre Vilar Ă  Chaillot et devant les publics ouvriers de Suresnes, Ă  Avignon oĂą il a donnĂ© sa vie et son talent Ă  Rodrigue mais aussi au roi Richard II, au Caligula d’Albert Camus ou Ă  Lorenzo de MĂ©dicis avec ce talent dont la « beautĂ© droite lavait la France de l’après-guerre de sa laideur naturelle Â» …
L’auteur Ă©voque ainsi en moins de 200 pages, pratiquement jour après jour, les dernières Ă©tapes de cette vie magnifique, de Ramatuelle en Ă©tĂ©, Ă  Ramatuelle en novembre…  le samedi 28 novembre I959, jour de l’enterrement.
Il ajoute ce dĂ©tail bouleversant « au milieu de la nuit Anne est descendue dans le garage … elle a caressĂ© jusqu’au petit matin le drap noir qui recouvrait le cercueil. A voix basse elle a psalmodiĂ© « je suis lĂ , je t’aime, je suis lĂ , je t’aime… Â» Et Ă  la fin du livre JĂ©rĂ´me Garcin conclut avec les mots de Maria Casares : Â«  C’Ă©tait un homme qui cherchait avidement, farouchement, Ă  devenir homme Â»

(1) Boutade lancĂ©e Ă  la fin d’une interview un peu trop sĂ©rieuse Ă  son grĂ© dans le journal « Arts » oĂą GĂ©rard Philipe avait cependant dit ce qu’il dĂ©testait le plus (la mauvaise foi … la mollesse…) ce qu’il admirait (le mĂ©tier des autres) et les personnalitĂ©s qu’il prĂ©fĂ©rait (Molière, Paul Eluard, LĂ©nine…)
(2) « GĂ©rard Philipe » – Souvenirs et tĂ©moignages recueillis par Anne Philipe et prĂ©sentĂ©s par Claude Roy. Editions de l’Air du Temps – ( la photo jointe est tirĂ©e du livre )

Marcel COL

Jean DEGOUTE

par l’Atelier Théâtral Riomois

Jean DEGOUTE nous a quittĂ©s. Le syndicaliste, le militant laĂŻque et aussi le musicien attitrĂ© de l’ATR Ă©tait un homme de conviction qui savait dĂ©fendre les idĂ©es qu’il portait et au besoin descendre dans la rue quand il le fallait. Il Ă©tait aussi un conseiller patient et chaleureux et il avait Ă©tĂ© depuis GuĂ©ret qui l’avait vu naĂ®tre en I944 jusqu’aux lycĂ©es de Clermont-Ferrand, un professeur efficace et Ă©coutĂ©.
Jean est dĂ©cĂ©dĂ© le 14 septembre. On pleure le copain, l’ami fidèle qui ne refusait pas le coup de main pour transporter et installer les dĂ©cors, mais qui savait aussi partager le plaisir d’ĂŞtre ensemble dans les rĂ©unions de l’Ă©quipe auxquelles souvent Colette son Ă©pouse participait avec un dessert de sa fabrication.
Son tabouret est toujours sur la scène, Ă  sa place, cĂ´tĂ© jardin, jamais dans la lumière. Il y restera sans sa musique et l’ATR jouera en sa mĂ©moire.
Jean avait une prĂ©dilection pour les chansons de Jean Ferrat … « Ma France », « 400 enfants noirs »… Aujourd’hui c’est PrĂ©vert que nous lui offrons, sans accompagnement :

«   Homme
Tu as regardé la plus triste la plus morne de toutes les fleurs de la terre
Et comme aux autres fleurs tu lui as donné un nom
Tu l'as appelé Pensée
Pensée
C'était comme on dit bien observé
Bien pensé
(…)
Aux marguerites tu as donné un nom de femme
Ou bien aux femmes tu as donné un nom de fleur
C'est pareil
Enfin tu as donné les noms simples à toutes les fleurs simples
Et la plus grande la plus belle
Celle qui pousse toute droite sur le fumier de la misère
Celle qui se dresse à côté des vieux ressorts rouillés
A côté des vieux chiens mouillés
A côté des vieux matelas éventrés
A côté des baraques de planches où vivent les sous-alimentés
Cette fleur tellement vivante
Toute jaune et toute brillante
Celle que les savants appellent HĂ©lianthe
Toi tu l'as appelée...
Soleil   »
Jacques Prévert  : Fleurs et couronnes (extraits)
FORUM

Face aux intégrismes

par Alain Vernhes

Tous les intégrismes (musulman, israélite, catholique, protestant, bouddhiste…) sont porteurs et vecteurs d’obscurantisme. L’intolérance et souvent la violence qui les animent altèrent forcément le nécessaire débat voire l’utile controverse culturelle et politique. L’attitude des institutions, associations, et autres collectifs qui privilégie la bienveillance, la résilience a inéluctablement diminué la nécessité de l’explication et de l’éducation citoyenne et civique.

A la suite du discours de Monsieur Le PrĂ©sident de La RĂ©publique, je vais essayer d’apporter ma pierre Ă  l’édifice ! Les excès en tout genre, les provocations mettent en danger l’intĂ©gritĂ© de La RĂ©publique. Ainsi pourrions-nous Ă©voquer les « anti- viande Â» qui cassent les boucheries, les anti-Ă©levages qui prĂ©tendent que les vaches polluent plus que les avions et les bateaux de croisière… et bien d’autres… Pour revenir au thème essentiel qui faisait l’objet de l’intervention prĂ©sidentielle, je ne crois pas qu’il faille parler de « sĂ©paratisme Â» mais plutĂ´t des intĂ©grismes religieux qui se nourrissent mutuellement et qui alimentent les thèses d’extrĂŞme droite.

La volontĂ© de prendre en compte, de ne pas choquer les uns ou les autres ouvrent le champ libre aux intĂ©grismes et favorisent l’amalgame nocif. L’emploi systĂ©matique du terme « communautĂ© Â» galvaude et altère le tissu rĂ©publicain. Ce mot est synonyme d’étroitesse, de particularisme d’obscurantisme contraire Ă  l’esprit des lumières Ă  la dĂ©mocratie Ă  la laĂŻcitĂ©.

Je vais prendre quelques exemples pour Ă©tayer mon propos : les hommes et femmes politiques, les mĂ©dias ne cessent d’employer le terme « communautĂ© Â».

  • La communautĂ© internationale : c’est un leurre qui rend bien service Ă  ceux qui veulent Ă©vacuer les problĂ©matiques posĂ©es… tous les pays sont en concurrence, la conduite de cette dernière Ă  son paroxysme a conduit Ă  de douloureux et nombreux conflits armĂ©s (cf les diffĂ©rentes guerres). Seuls les Ă©changes et les nĂ©gociations peuvent prĂ©server la paix.
  • La communautĂ© musulmane : est un raccourci qui tend Ă  faire croire que tous les musulmans sont arabes, maghrĂ©bins et vice versa.
  • La communautĂ© juive : idem, tous les citoyens d’origine juive ne sont pas forcĂ©ment croyants, et pratiquants ; il en va de mĂŞme pour la communautĂ© catholique…
  • La communautĂ© nationale : la nation se compose de citoyens aux croyances multiples. Dans la sphère publique, chacun, français ou pas, contribue Ă  la richesse et la diversitĂ© du pays, qu’il soit croyant, athĂ©e ou agnostique. Le cultuel et la croyance s’inscrivent dans la sphère privĂ©e.
  • La loi du 9 dĂ©cembre 1905 prĂ©cise Ă  l’article 1 : La RĂ©publique assure la libertĂ© de conscience ; l’article 2 prĂ©cise que La RĂ©publique ne reconnait ni ne salarie ni ne subventionne aucun culte.

Ce terme restrictif, est contraire à la Laïcité, il nourrit l’intolérance. La recherche véritable du retour à l’équilibre passe obligatoirement par la lutte efficace contre l’échec scolaire et la ségrégation sociale, pour le rééquilibrage fiscal et le plein emploi. Toutes les difficultés et les souffrances générées par les crises économiques, sociales et sanitaires ne peuvent qu’être le terreau favorable à l’abandon des valeurs de la République.

L’école est Ă  coup sĂ»r le moyen le plus efficace pour lutter contre ces dĂ©rives nĂ©fastes et dangereuses ; encore faut-il qu’elle soit prĂ©sente sur l’ensemble du territoire national… Aujourd’hui l’école est-elle encore un « ascenseur social Â» ? La question mĂ©rite d’être posĂ©e.

L’école laïque publique et républicaine est un enjeu depuis fort longtemps, elle a été combattue par tous les réactionnaires, et extrémistes de tous poils. Elle doit être le bras actif de l’Etat garant de l’équité républicaine sur l’ensemble du pays.

Evoquer tous les combats et les adversaires qu’elle a dĂ» affronter serait fastidieux, il est cependant intĂ©ressant de noter que mĂŞme François Guizot, a dĂ» lutter contre l’influence des jĂ©suites qui visaient une hĂ©gĂ©monie scolaire en 1833 ! Le plan Langevin-Wallon Ă©laborĂ© dans le cadre du programme du Conseil National de la RĂ©sistance n’a jamais Ă©tĂ© appliquĂ©. Les diffĂ©rentes lois promulguĂ©es et mis en place depuis 1959 ont contribuĂ© Ă  affaiblir l’école LaĂŻque et publique (DebrĂ©, Marie, BarangĂ©, Guermeur, Carle) et par voie de consĂ©quence favoriser  l’enseignement privĂ© confessionnel et patronal, le tout accentuĂ© par l’échec du grand service public de l’éducation recalĂ©e par le PrĂ©sident Mitterrand en 1984.

Par ailleurs, les incohĂ©rences et les inĂ©galitĂ©s de « la carte scolaire Â», favorisent les « passe – droits Â» la publication des rĂ©sultats aux examens, plaçant de facto les Ă©tablissements en concurrence confortent les dĂ©calages dans lesquels est embourbĂ©e l’école laĂŻque publique et rĂ©publicaine.

L’ampleur du travail qui reste à accomplir demeure une tâche tout à fait d’actualité et pleine d’embuches qu’il faudra surmonter en clarifiant le débat et les enjeux