par Gilbert Cambe
« Une maniĂšre d’ĂȘtre et d’agir dans le conflit, qui respecte l’autre. […]
La non-violence, c’est se servir de la vie pour gagner, tandis que dans la violence tu menaces toujours l’autre de la mort, de sa mort. » Jacques SĂ©melin – La non-violence expliquĂ©e Ă mes filles.
La non-violence, depuis les grandes campagnes de dĂ©sobĂ©issance civile de Gandhi, bĂ©nĂ©ficie d’un renouveau tant dans les principes que dans la pratique. Nombreux sont les auteurs et actions qui sont influencĂ©s par l’approche gandhienne, mĂȘme si le mot non-violence n’est pas toujours prononcĂ©.
Elle est d’abord pratique collective de lutte, avant d’ĂȘtre attitude fondamentale dans la vie individuelle, mĂȘme si les deux sont souvent liĂ©s. L’image de passivitĂ© rattachĂ©e souvent au terme de la non-violence ne rĂ©siste pas Ă la lecture des auteurs qui partent souvent prĂ©cisĂ©ment du conflit pour l’expliquer. La non-violence est aussi une philosophie qui dĂ©lĂ©gitime la violence et promeut le respect de l’autre dans le conflit. La non-violence est en outre une stratĂ©gie d’action politique proactive et pacifique qui rejette l’utilisation de la violence dans la rĂ©solution des conflits. Elle est enfin un moyen de sensibiliser l’opinion publique qui contribue Ă exercer une contrainte sur l’adversaire pour l’amener Ă nĂ©gocier.
L’attitude de non-violence prĂ©suppose que ce sont dâabord les situations de violence, ainsi que l’injustice et le non-respect de l’adversaire, qui engendrent des rĂ©actions violentes ; elle s’appuie aussi sur les ressorts psychologiques qui empĂȘchent un adversaire, face Ă l’opinion publique, de paraĂźtre lĂąche en ayant recours Ă la force contre des personnes dĂ©sarmĂ©es.
En quoi la non-violence participe-t-elle de nos rapports sociaux dâaujourdâhui
Notre approche sera celle des rĂ©formateurs sociaux, le premier dâentre eux Henri David Thoreau, fondateur de bien des penseurs/acteurs de la non-violence, puis LĂ©on TolstoĂŻ, Gandhi, Martin Luther King avec Nelson Mandela mais aussi Jean Marie Muller, Romain Rolland et Peter Gelderloos.
A travers ces penseurs et leurs thĂ©ories, nous allons essayer de montrer lâactualitĂ© criante des principes violence/non-violence appliquĂ©s aux Ă©vĂ©nements que nous vivons pour ensuite Ă©changer sur nos reprĂ©sentations de ces concepts.
Le philosophe amĂ©ricain Henri David Thoreau 1849 Ă©crit Civil Disobedience (dĂ©sobĂ©issance civile, concept essentiel pour la comprĂ©hension des thĂ©ories de la non-violence) ; il sera remarquĂ© au XIXe siĂšcle, par son refus de payer ses impĂŽts Ă lâĂtat du Massachusetts afin de dĂ©noncer sa politique esclavagiste.
Nos dĂ©mocraties, dit-il, ne sont que des dĂ©mocraties de reprĂ©sentation fondĂ©es sur la loi du nombre. Mais la loi de la majoritĂ© ne garantit pas le respect du droit. Ătre vĂ©ritablement dĂ©mocrate, ce nâest pas respecter la loi, mais respecter le droit : dĂšs lors, la dĂ©sobĂ©issance aux lois injustes est « civique » en ce sens quâelle est une action citoyenne.
De mĂȘme, la dĂ©sobĂ©issance civile nâest pas criminelle, puisque respectueuse de la vie de tous les citoyens, fussent-ils des adversaires politiques, câest-Ă -dire, en dĂ©finitive, quâelle est non-violente. La dĂ©sobĂ©issance « criminelle », câest-Ă -dire qui nâest pas « civile », câest la violence : toute violence est une dĂ©sobĂ©issance Ă la loi, celle qui interdit aux citoyens tout recours Ă la violence.
Selon sa dĂ©finition classique, lâĂtat est lâinstitution qui, sur un territoire donnĂ©, possĂšde le monopole de la violence lĂ©gitime. LâĂtat justifie ce monopole, qui dĂ©sarme les citoyens, en affirmant quâil assure ainsi la paix publique. Nous savons bien que, dans la rĂ©alitĂ©, les choses se passent souvent diffĂ©remment et que lâĂtat nâhĂ©site pas Ă recourir Ă la violence pour faire prĂ©valoir sa raison en privant les citoyens de leurs libertĂ©s fondamentales. « La dĂ©sobĂ©issance civile, Ă©crira par la suite Gandhi, est une rĂ©volte, mais sans aucune violence. Celui qui sâengage Ă fond dans la dĂ©sobĂ©issance civile ne tient simplement pas compte de lâautoritĂ© de lâĂtat ; en effet, il tire argument du fait quâun Ătat nâaccorde de libertĂ© personnelle que dans la mesure oĂč le citoyen se soumet Ă la loi : cette soumission aux dĂ©cisions de lâĂtat est le prix que paye le citoyen pour sa libertĂ© personnelle ». Du reste, Marshall B Rosenberg, spĂ©cialiste de la communication non-violente au quotidien le dit autrement : « Lâusage de la force protectrice vise Ă Ă©viter des dommages corporels ou des injustices, tandis que la force rĂ©pressive vise Ă faire souffrir des individus pour les punir de leurs actes perçus comme des mĂ©faits. »
Allons plus loin : toute action directe non-violente, et plus particuliĂšrement toute action de dĂ©sobĂ©issance civile, est un dĂ©fi aux pouvoirs publics. Celui qui enfreint la loi se met de lui-mĂȘme, et dĂ©libĂ©rĂ©ment, dans une situation oĂč il risque de subir la rĂ©pression de lâĂtat. Le fait mĂȘme dâobliger lâĂtat Ă recourir Ă des moyens de coercition Ă lâencontre des citoyens dĂ©sobĂ©issants constitue un Ă©lĂ©ment essentiel de la stratĂ©gie de lâaction non-violente. Cette rĂ©pression va faire apparaĂźtre sur la place publique les vĂ©ritables enjeux du conflit et, dĂšs lors, lâopinion publique va ainsi se trouver prise Ă tĂ©moin et en quelque sorte obligĂ©e de se prononcer (gilets jaunes pour un exemple rĂ©cent).
Un Ă©lĂ©ment complĂ©mentaire : la lutte non-violente nâa pas une structure bi-polaire ; elle ne se rĂ©duit pas Ă lâaffrontement entre, dâune part, les rĂ©sistants et, dâautre part, ceux qui ont le pouvoir de dĂ©cision, les dĂ©cideurs. La structure de la lutte non-violente est tri-polaire : le troisiĂšme pĂŽle du conflit, câest lâopinion publique. Et la bataille dĂ©cisive est prĂ©cisĂ©ment celle de lâopinion publique. Câest pourquoi nous devons nous employer Ă convaincre lâopinion publique, câest-Ă -dire, non pas la majoritĂ© de nos concitoyens, mais au moins une forte minoritĂ© dâentre eux. Le choix de la non-violence peut ĂȘtre dĂ©cisif pour gagner cette bataille de lâopinion publique : elle ne permet pas dâĂ©viter la rĂ©pression, mais elle la prive de toute justification ; câest la violence de la rĂ©pression qui risque fort de discrĂ©diter les pouvoirs publics. Le choix de la non-violence nâest pas une question de morale, mais de rĂ©alisme et dâefficacitĂ©.
Une question complĂ©mentaire et actuelle se pose : la destruction de biens matĂ©riels peut-elle trouver sa place dans le cadre dâune stratĂ©gie de lâaction non-violente ? de telles destructions vont encore servir Ă justifier la rĂ©pression. Il convient donc, toujours par rĂ©alisme, de les Ă©viter. En revanche et par exemple, un certain sabotage technologique peut parfaitement sâintĂ©grer dans une stratĂ©gie de lâaction non-violente. Il sâagit alors de mettre hors dâusage certains instruments ou certains Ă©quipements de lâadversaire.
Il convient encore de souligner que lâaction directe non-violente sans passer par lâintermĂ©diaire des institutions sociales ou politiques est nĂ©cessaire Ă la respiration mĂȘme de la dĂ©mocratie. Tout lâenjeu des mouvements de rĂ©sistance civile, câest de crĂ©er un espace public oĂč les citoyens peuvent prendre la parole pour sâexprimer directement Ă lâintention Ă la fois de lâopinion publique et des pouvoirs publics.
Henri David Thoreau affirme enfin que, pour remplir son devoir de citoyen, lâindividu ne doit pas orienter son comportement selon les obligations de la loi, mais selon les exigences de sa conscience ; seule la responsabilitĂ© individuelle peut guider le destin des hommes : la loi nâest quâune forme de violence qui se prĂ©tend lĂ©gitime ; lâĂtat de droit est un oxymore. « Je crois que nous devrions ĂȘtre hommes dâabord, des sujets ensuite ».
Mais ce concept de dĂ©sobĂ©issance civile, sâil signifie « rĂ©sistance passive » par lâisolement du reste du monde, ne correspond pas Ă lâidĂ©al de lutte de Gandhi qui pendant vingt ans, de Durban Ă Johannesburg (dĂ©fense de la main dâĆuvre indienne en Afrique du Sud), lutte afin non seulement de libĂ©rer la diaspora en terre africaine dont il est le reprĂ©sentant, mais Ă©galement pour organiser de concert la rĂ©sistance tactique et spirituelle de lâInde face Ă la couronne britannique.
Bien quâinitiĂ© Ă la pensĂ©e chrĂ©tienne et Ă son principe dâamour inconditionnel du prochain par LĂ©on TolstoĂŻ – LĂ©on TolstoĂŻ pense quâil faut chercher Ă faire cesser les assassinats commis par les chefs dâĂtat, les convaincre quâils sont eux-mĂȘmes des assassins, surtout ne pas leur permettre de tuer, ou refuser de tuer sur leur ordre et Ă mettre un terme aux tueries entre les peuples, non par dâautres assassinats, mais en provoquant le rĂ©veil des citoyens : la non-violence en est un moyen-, il refuse dâabdiquer lâusage de la force. Ainsi se comprend le passage cĂ©lĂšbre dans lequel il explique : « Jâaimerais mieux que lâInde dĂ©fendĂźt son honneur par la force des armes plutĂŽt que de la voir assister lĂąchement et sans se dĂ©fendre Ă sa propre dĂ©faite⊠Mais je nâen crois pas moins que la non-violence est infiniment supĂ©rieure Ă la violence et que la clĂ©mence est autrement plus noble que le chĂątiment. […] LâidĂ©e ne nous viendrait pas que la souris est clĂ©mente parce quâelle se laisse dĂ©vorer par le chat »
La non-violence ne consiste pas Ă renoncer Ă toute lutte rĂ©elle contre le mal ; c’est au contraire une lutte plus active et plus rĂ©elle que la loi du talion. La grande idĂ©e de Gandhi, câest quâil faut dĂ©sobĂ©ir parce que le pouvoir repose sur lâobĂ©issance des opprimĂ©s. Cette idĂ©e se retrouve chez Ătienne de La BoĂ©tie, ce jeune Girondin qui Ă©crit au dĂ©but du XVIe siĂšcle « ils ne sont grands que parce que nous sommes Ă genoux« .
Lâexemple de dĂ©sobĂ©issance donnĂ©e exige « que ses militants soient prĂ©parĂ©s Ă supporter la violence de la rĂ©pression qui ne manque pas de se dĂ©ployer lors des manifestations ou des actions symboliques : dâabord les coups, les arrestations et les emprisonnements, quand ce nâest pas la mort elle-mĂȘme ; mais la rĂ©pression a encore un autre visage : elle rend impossibles la vie professionnelle et la vie familiale, elle fait peser une pression quotidienne sur les foyers, sans que des actions soient en cours. DâoĂč cette nĂ©cessitĂ© de prĂ©paration et dâendurance ». Il nâest ainsi guĂšre surprenant que Martin Luther King Jr. et Nelson Mandela aient fait leur sa parole, qui donnĂšrent tous deux leur vie Ă la libĂ©ration de leur peuple respectif.
Quelle Ă©tait lâanalyse de Gandhi par rapport au colonialisme britannique ? CâĂ©tait de dire : ce qui fait la force de lâoppression coloniale britannique, ce nâest pas tant la capacitĂ© de violence des Anglais que la capacitĂ© de rĂ©signation, de soumission, dâobĂ©issance passive des Indiens. Il affirmait : « Ce ne sont pas tant les fusils britanniques qui sont responsables de notre sujĂ©tion que notre coopĂ©ration volontaire. » DĂšs lors, pour se libĂ©rer du joug qui les opprime, les Indiens doivent cesser toute coopĂ©ration avec le systĂšme colonial, avec ses lois et avec ses institutions. Plus gĂ©nĂ©ralement, le citoyen responsable se doit de dĂ©sobĂ©ir aux lois injustes. Ce qui fonde la citoyennetĂ©, ce nâest pas la discipline mais la responsabilitĂ©. Ătre responsable, câest apprendre Ă juger la loi avant de lui obĂ©ir. Lâobligation de la loi ne doit pas effacer la responsabilitĂ© de la conscience des citoyens. En janvier 1942, lorsque Gandhi dĂ©fend sa politique devant le CongrĂšs de toute lâInde, câest en faisant valoir son efficacitĂ© quâil justifie le choix de la non-violence comme stratĂ©gie en vue dâobtenir lâindĂ©pendance. « La non-violence mâest un credo, affirme-t-il, le souffle de ma vie. Je lâai proposĂ©e au CongrĂšs comme une mĂ©thode politique destinĂ©e Ă rĂ©soudre des problĂšmes politiques. » Ce texte est trĂšs important, car il montre clairement que si pour Gandhi, la non-violence est ce quâil appelle un « credo », câest-Ă -dire un choix existentiel qui donne sens Ă sa vie, câest-Ă -dire le principe mĂȘme de la vĂ©ritĂ©, il propose la mĂ©thode de lâaction non-violente Ă ceux-lĂ mĂȘmes qui ne font pas ce choix.
Romain Rolland, qui fut lâun des premiers Ă faire connaĂźtre lâĆuvre de Gandhi en France par sa biographie de 1924, sâengage dans la lutte pacifiste et anticoloniale avec pour conviction gandhienne « quâil faut aimer la vĂ©ritĂ© plus que soi-mĂȘme et les autres plus que la vĂ©ritĂ©. » Rolland, prix Nobel de la paix et grand lecteur de TolstoĂŻ rejoint Gandhi pensant que chaque homme doit se consacrer Ă trouver sa vĂ©ritĂ©, ce qui suppose le renoncement Ă ses pulsions malĂ©fiques, Ă sa haine dâautrui et Ă son dĂ©sir de nuire.
Pasteur, Martin Luther King Jr. est bien sĂ»r avant tout un thĂ©ologien de lâamour chrĂ©tien qui interdit de faire Ă autrui ce que lâon ne voudrait pas subir soi-mĂȘme. Câest en constatant lâefficacitĂ© de cette modalitĂ© du combat non violent quâil formule sa thĂ©orie de la rĂ©sistance passive. Lecteur de Thoreau bien sĂ»r, il refuse le principe dâobĂ©issance Ă des lois injustes et de par ses convictions prĂŽne lâAgapĂš (lâabandon de soi). Son point de vue stratĂ©gique est Ă©galement liĂ© aux progrĂšs technologiques : lâentrĂ©e de la tĂ©lĂ©vision dans les foyers amĂ©ricains jouera un rĂŽle dĂ©terminant dans lâissue de la campagne des droits civiques : jouant de la culpabilitĂ© de lâoppresseur, il est conscient que les Ătats du Nord ne pouvaient tolĂ©rer des manifestations aussi criantes de leurs contradictions dĂ©mocratiques : plus lâennemi est publiquement cruel, plus la cause apparaĂźt juste. Gandhi avait dĂ©jĂ thĂ©orisĂ© cette dialectique consistant Ă subir la souffrance imposĂ©e par lâadversaire afin de gagner son respect et peut-ĂȘtre sa sympathie. Mais dĂ©sormais, il existe un troisiĂšme Ćil, celui de lâĂ©cran de tĂ©lĂ©vision, qui reste une arme redoutable et dĂ©cisive dans la lutte menĂ©e par les dĂ©fenseurs de la justice raciale. « La non-violence est une arme puissante et juste, qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une Ă©pĂ©e qui guĂ©rit. » (Martin Luther King – 1929-1968 – Why we can’t wait, 1964)
-Propos du DalaĂŻ Lama qui, Ă sa maniĂšre, confirme : « L’histoire nous montre que la violence engendre et rĂ©sout rarement les problĂšmes ; en revanche elle crĂ©e d’insondables souffrances. On voit aussi que mĂȘme lorsqu’elle paraĂźt sage et logique pour mettre fin Ă des conflits, on ne peut jamais savoir si au lieu d’Ă©teindre un feu, on n’est pas en train d’allumer un brasier »-.
Conclusion
Comme dit en introduction, la non-violence ou bien la maniÚre de sa mise en actes, actualité criante des événements actuels⊠« Ah, la violence, cette force faible ! » Vladimir Jankélévitch
La non-violence en France a Ă©tĂ© fortement prĂ©sente dans les annĂ©es 1950-1960, notamment antimilitariste contre le nuclĂ©aire militaire Ă lâĂ©poque. Dans les annĂ©es 1960-1970, on en retrouve dans certains mouvements, avec le Larzac notamment. Mais dans les annĂ©es 1980-1990, on notera une disparition de la non-violence, en tout cas, un affaiblissement. Aujourdâhui, elle refait surface, rĂ©active ce lien originel entre dĂ©sobĂ©issance civile et non-violence pour des causes environnementales.
De plus, la non-violence aurait ce cĂŽtĂ© paradoxal que dâune part elle serait un moyen dâempĂȘcher la mise en acte de la violence elle-mĂȘme, considĂ©rĂ©e par certains mouvements ou idĂ©ologies comme seul moyen de gagner une lutte et dâautre part elle dĂ©clencherait quasi automatiquement la violence car la non-violence ne permet pas souvent dâaboutir Ă un rĂ©sultat rĂ©el. « Une violence, juste et comme dernier recours, est parfois nĂ©cessaire pour mettre fin Ă la violence mĂȘme ». Mazouz HacĂšne
On raconte lâhistoire de ce barbier qui avait accrochĂ© sur sa boutique une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Demain, je rase gratuitement », mais qui, chaque matin, oubliait de changer sa pancarte. Si bien que le jour du rasage gratuit Ă©tait toujours repoussĂ© Ă plus tard et quâil fallait chaque jour payer la facture… Je crois que les violents portent une pancarte de la mĂȘme sorte : « Demain, nous apporterons la paix » et quâils oublient Ă©galement, chaque matin, de changer de pancarte.
Je citerai comme propos final, dâune grande logique, presque syllogisme, celui de lâanthropologue Françoise HĂ©ritier, assez rĂ©cemment disparue : « sans idĂ©aux, il nây a ni libĂ©ration ni rĂ©sistance aux pires formes de la violence, surtout pas de rĂ©sistance collective ; et cependant, il ne peut y avoir aucune garantie concernant le âbon usageâ ou le âmauvais usageâ des idĂ©aux. Disons mieux, il y a certainement des degrĂ©s dans la violence qui accompagne la formulation et la mise en Ćuvre des idĂ©aux, mais pas de degrĂ© zĂ©ro. Il nây a donc pas de non-violence. »