Auvergne laïque n° 489 - décembre 2021


EDITO

par Édouard Ferreira (extrait du rapport moral)

Un an. Une année peut paraître courte ou longue. Certaines sont interminables. Nous venons d’en vivre une sans précédent dans un contexte anxiogène. Il y a un an l’humanité pensait avoir pratiquement tourné une page catastrophique des annales pandémiques de la planète. Le manque flagrant d’humilité, ajouté à une inconscience collective face à un ennemi impitoyable jusqu’ici inconnu, a fini par nous rattraper de nouveau. Ce fut une nouvelle remise en cause de nos modes de vie, de nos attitudes, de la solidarité collective de nouveau défaillante et érodée par l’impatience. La dernière lueur de cette maudite année vient de s’éteindre. Est-on plus rassurés par celle qui a la charge de reprendre le flambeau ? C’est à chacun de décider par ses actes qu’elle soit plus confiante, plus bienveillante et plus légitimement optimiste. Quand une situation devient impossible à changer, le défi de nous changer nous-même devient vital.

Gardons-nous d’imaginer qu’aujourd’hui tout est imprimé dans les livres d’histoire. Le dénouement n’est pas encore connu, impossible d’écrire la chute et de nous réjouir d’en avoir terminé la lecture. La preuve en est, la "bête" sous la forme d’une mine sous-marine flotte toujours, irrémédiablement, à son bon vouloir. Elle nous fait quotidiennement la démonstration de sa puissance destructrice. Rusée, elle possède aussi bien l’art de muter à sa guise que celui de nous ôter ce que nous possédons de plus précieux. Elle est tout autant imprévue dans son cheminement, que son apparition put l’être. Nous sommes toujours plongés dans une mésaventure inconnue et dangereuse. Dans un récent entretien avec la presse, Edgar Morin avait pu dire :

«L’imprévu peut arriver, en bien ou en mal. Et moi, je compte donc sur l’improbable. L’histoire n’est jamais écrite d’avance Â».

Le paradoxe de Saint-Just

« Jusqu'où peut aller notre liberté d'expression ? Notre démocratie ne court-elle pas le risque d'en être parfois l'otage ? Si la loi sur la liberté de la presse a permis de mieux la définir, et si la provocation à la haine et l'apologie du terrorisme en sont opportunément bannies, nos périodes de crises économiques, sanitaires, politiques, restent propices à la quête d’utiles boucs émissaires ou de sujets polémiques détournant de l'essentiel. La liberté d'expression peut alors devenir une arme dangereuse comme toutes les armes Â»
Fabienne Pascaud, Editorial de Télérama (1)

« Tous les coups sont permis Â» Ainsi un magazine intitule-t-il un article consacré à la liberté d'expression (1). Depuis quelques années, autour des attentats qui ont endeuillé le monde, aujourd'hui avec le périple – triomphal ? - d’Éric Zemmour, ses propos et ses livres, se pose la question de la liberté d'expression.

L'article 11 de l, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789) proclame le caractère inaliénable de ce droit, et il en fixe discrètement les limites : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi Â».

La question des libertés a souvent fait surgir des paradoxes et des contradictions qui leur ont parfois conféré une dimension tragique, tristement illustrée dans l'assassinat de Samuel Paty. C'est Saint-Just, grande voix des Montagnards sous la Révolution qui proclame le premier paradoxe inhérent au problème particulier de la liberté d'expression : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté Â». Autrement dit, Saint-Just préconise de sanctionner tout ce qui peut être considéré comme une atteinte aux libertés fondamentales ; en particulier certains débordements liés à l'exercice même de la liberté d'expression quand elle bafoue les obligations éthiques liées à cet exercice.

C'est ainsi que deux opinions inconciliables ont surgi au moment des attentats contre Charlie Hebdo, et à l'occasion du meurtre de Samuel Paty. D'un côté les inconditionnels de la liberté d'expression qui ont affiché « je suis Charlie Â», reconnaissant au magazine le plein droit à la publication de caricatures, et au blasphème et dénonçant le crime terroriste qui les en a punis ; de l'autre, des citoyens qui ont refusé d'être Charlie, et ont proclamé l'exigence d'une prudence éthique, destinée à réguler l'usage de la liberté d'expression ; au fond Charlie « l'avait bien cherché Â» en prenant le risque de blesser la communauté musulmane dans ses croyances et dans sa foi.

Même dilemme concernant Samuel Paty. Pour les uns, le droit imprescriptible d'un professeur en particulier, et de l'école en général, de former les élèves à l'esprit critique, de résister à toute forme de pression idéologique et religieuse, d'être ainsi conforme au principe de laïcité. Pour les autres, une imprudence coupable, une injure faite au public scolaire qui mettent en danger l'institution scolaire dans son ensemble.

Ces débats ramènent essentiellement à la question fondamentale de la liberté d'expression : a-t-on le droit de tout dire, dans l'espace public et dans les médias ? Cette question s'applique largement aux agissements d’Éric Zemmour dans sa campagne – car c'en était une – dans ses déclarations, dans sa candidature, et pour finir, dans l'organisation de son meeting à Villepinte.

Pour répondre à ces questions, et en préalable à notre analyse du phénomène Zemmour, plongeons-nous une fois de plus dans l'histoire pour évoquer la loi de 1881 sur la liberté de la presse ; pour faire entendre le discours - toujours enflammé - de Victor Hugo s'alarmant avec véhémence contre un projet de loi visant à instaurer le contrôle et la censure des journaux.

Victor Hugo : discours à l'assemblée 11 septembre 1848

« LIBERTE DE LA PRESSE, C'EST SACRE Â»

Victor Hugo prend part à la discussion d'un projet de décret sur l'état de siège ayant pour objet de transmettre au pouvoir judiciaire le droit de suspendre les journaux, qui était du ressort du pouvoir exécutif.  Il s'élève violemment contre la suspension des journaux.

« Suspendre par l'autorité directe, arbitraire, violente, du pouvoir exécutif, cela s'appelait coups d'État sous la monarchie, cela ne peut pas avoir changé de nom sous la République. Ceux qui défendent, ceux qui soutiennent cette opinion, sont donc les amis de l'ordre en même temps que les amis de la liberté. La suspension des journaux crée un état de choses inqualifiable [...] Je ne pense pas que le droit de suspension des journaux, même retiré au pouvoir exécutif et donné aux tribunaux, je ne crois pas que ce soit une bonne chose.

Le droit de suspension des journaux ! [...] Ce droit participe de la censure par l'intimidation, et de la confiscation par l'atteinte à la propriété. La censure et la confiscation sont deux abus monstrueux que votre droit public a rejetés ! et je ne doute pas que le droit de suspension des journaux qui se compose de ces deux éléments abolis et détestables, confiscation et censure, ne soit jugé et prochainement condamné par la conscience publique [...] Quant à moi, je verrais avec douleur ce droit fatal entrer dans nos lois ; je m'inclinerais devant la nécessité, mais j'espère que s'il y entrait aujourd'hui, ce serait pour en sortir demain ; j'espère que les circonstances mauvaises qui l'ont apporté l'emporteront.

Je ne puis m'empêcher de vous rappeler à cette occasion un grand souvenir. Lorsque le droit de suspension des journaux voulut s'introduire dans notre législation sous la restauration, M. de Chateaubriand le stigmatisa au passage par des paroles mémorables. Eh bien, les écrivains d'aujourd'hui ne manqueront pas à l'exemple que leur a donné le grand écrivain d'alors. Si nous ne pouvons empêcher de reparaître ce droit odieux de suspension, nous le laisserons entrer, mais en le flétrissant.

Permettez-moi, messieurs, de déposer dans vos consciences une pensée qui devrait dominer cette discussion : c'est que le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s'appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre.

La liberté de la presse, c'est la raison de tous cherchant à guider le pouvoir dans les voies de la justice et de la vérité. Favorisez, messieurs, favorisez cette grande liberté, ne lui faites pas obstacle ; songez que le jour où, après trente années de développement intellectuel et d'initiative par la pensée, on verrait ce principe sacré, ce principe lumineux, la liberté de la presse, s'amoindrir au milieu de nous, ce serait en France, ce serait en Europe, ce serait dans la civilisation tout entière l'effet d'un flambeau qui s'éteint !

Messieurs, vous avez le plus beau de tous les titres pour être les amis de la liberté de la presse, c'est que vous êtes les élus du suffrage universel !

Je voterai, tout en rendant justice aux excellentes intentions du comité de législation, je voterai pour tous les amendements, pour toutes les dispositions qui tendraient à modérer le décret Â»

La loi sur la liberté de la presse sera votée en 1881 ; Franck Riester, ancien Ministre de la Culture, l'évoquera dans un autre discours en faveur de la liberté de la presse qu'il prononce les 24 janvier 2019, se référant encore à la diatribe de Victor Hugo.

Discours de Franck Riester


« Il n'y a pas de démocratie sans une presse libre.
Cela ne date pas d'hier.
Le 11 septembre 1848, dans son discours à l'Assemblée constituante, Victor Hugo affirmait que « Le jour où [...] on verrait la liberté de la presse s'amoindrir [...], ce serait en France, ce serait en Europe, ce serait dans la civilisation tout entière l'effet d'un flambeau qui s'éteint ! »
Ce flambeau, nous ne pouvons pas le laisser s'éteindre.
Et nous ne le laisserons pas s'éteindre.
Si nous voulons le maintenir allumé, il faut aujourd'hui raviver sa flamme.
Défendre la liberté de la presse, c’est également protéger la loi de 1881, garante de la liberté d‘expression.
Oui, les réseaux sociaux permettent d’en abuser [...] il faut apporter une réponse spécifique aux délits d’injure et de diffamation, lorsqu’ils sont réalisés sur internet.
Mais est-ce qu’il faut pour autant sortir l’injure et la diffamation de la loi de 1881 et de son régime procédural spécifique ?
Je ne crois pas que ce soit une réponse satisfaisante.
Davantage responsabiliser les plateformes numériques, renforcer leur devoir de coopération avec les pouvoirs publics : voilà une réponse satisfaisante.
Pas modifier la loi de 1881. Le Premier ministre l’a très clairement affirmé la semaine dernière, lors d’une réunion organisée avec les représentants des journalistes et des éditeurs de presse.
Cette loi, c’est un tout : elle proclame une liberté, elle permet la répression de ses abus, elle organise une procédure particulière et protectrice, adaptée au fait que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme Â».
C’est cet équilibre qui la fonde.
Cet équilibre, nous devons le préserver.
Défendre la liberté de la presse, permettre aux journalistes de pouvoir informer, c’est également s’assurer que les citoyens aient confiance dans leurs médias Â»

171 ans après le discours de Victor Hugo, la liberté de la presse, et son corollaire, la liberté d'expression sont toujours considérées comme les outils – et les garants - de la démocratie.

La liberté d'expression : un droit, des limites

Fondement de la démocratie

En écho à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui énonce le droit de « tout individu à la liberté d'opinion et d'expression Â» ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit Â», l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, rappelle que cette liberté constitue « l'un des fondements essentiels d'une société démocratique Â».

Le Conseil constitutionnel a réaffirmé en 1994 que la liberté d'expression était une " liberté fondamentale d'autant plus précieuse que son existence est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés." ; elle fait partie des libertés fondamentales, piliers de notre démocratie et favorise l’émergence d'une société ouverte, tolérante et respectueuse de l’état de droit.

Limites et sanctions

Certaines limites s'imposent à l'exercice de la liberté d'expression. Le droit européen prévoit des restrictions dans des situations clairement définies ; toute incitation à la discrimination ou la violence ne peut être considérée comme l’exercice légitime du droit à la liberté d’expression.

En droit européen, elle est encadrée par les dispositions du second paragraphe de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'exercice de la liberté d'expression est soumis à « certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire Â».    

Le paradoxe de Saint-Just se trouve donc résolu ; tout citoyen dispose donc pleinement de la liberté d'expression. Toutefois, la loi définit l'expression de certaines opinions comme délictueuse et prévoit donc des sanctions pour frapper « les ennemis de la liberté Â», ceux qui la contestent autant que ceux qui la dévoient.

                                      Synthèse réalisée par Alain Bandiéra

Tapis rouges

La candidature d’Éric Zemmour à l'élection présidentielle est maintenant officielle au terme d'une campagne particulièrement spectaculaire. Souvent acclamé par ses partisans, cet homme de scène et de plateaux n'a pas réussi à provoquer les ovations des marseillais, et ce qu'il espérait être l'épopée marseillaise n'a été qu'un four ! L'initiative gestuelle (et particulièrement triviale) du nouveau candidat nous a valu, sur France Inter, une belle émission sur les connotations historiques du doigt d'honneur ; déjà, dans la Rome et la Grèce antiques, la signification érotique est en Å“uvre, sur le mode du mépris ; Au Moyen-Âge, il est porteur d' intentions belliqueuses : Zemmour s'est souvent réclamé de ces connotations, flagrantes dans tous ses textes, récurrentes dans ses discours, et dans ses agressions à l'égard de ses interlocuteurs, et surtout de ses interlocutrices.

Bien d'autres candidatures insolites se sont manifestées dans l'histoire de l’élection présidentielle : jugés farfelues et sans dangers, elles apportaient un peu de fantaisie au sérieux de l'événement. Mais bien des citoyens s'étaient réjouis de la provocation et de l'impertinence d'un Coluche dont l'engagement n'avait pas manqué d'inquiéter les autres candidats, totalement dépourvus d'humour et aspirant à la fonction suprême : « il va nous faire perdre des voix Â» déploraient-ils.

L'événement qui agite aujourd'hui l'opinion pose, de manière acérée, le problème de la liberté d'expression. On sait bien que les dictateurs, une fois en place, s'empressent de faire brûler les livres, d'exiler les artistes, d'emprisonner les journalistes, voire de les exécuter. Une conception autre de cette même liberté considère qu'elle doit se soumettre à une éthique nécessaire, la protégeant de ses dérives et débordements qui transforment un outil républicain en arme de guerre.

De toute évidence, Zemmour s'est réclamé d'une radicale liberté et c'est en toute impunité, avec arrogance, qu'il s'est autorisé à proférer des opinions et des injures dont on pouvait croire qu'elles étaient désormais punies par la loi : ainsi de l'homophobie, de la xénophobie, du racisme ethnique ou religieux, pourtant considérés comme des infractions. Condamné à plusieurs reprises pour les avoir commises publiquement, accusé d'incitation à la haine, l'actuel candidat s'est vu acclamé à la sortie des tribunaux, y compris par quelques élus notoires.

D'autres questions se posent encore, tout aussi alarmantes que celle d'un bas usage de la liberté d'expression. Quels seront les auteurs des 500 signatures de soutien offert à un candidat qui se rit des valeurs républicaines, au même titre que son acolyte Marion Maréchal-Le-Pen, déclarant à l'occasion d'une élection « les valeurs républicaines, ça me gave ! Â» ? On peut se demander aussi quels citoyens font partie des 14 % des Français qui manifestent leur intention de voter Zemmour.

Mais il y a pire. Alors qu'il n'était pas encore candidat, le personnage a réussi à susciter un formidable engouement médiatique, qui a favorisé sa popularité, et finalement contribué à sa gloire. Dans un hebdomadaire bien connu, un journaliste a intitulé sa chronique « les idiots utiles de Zemmour Â» fustigeant les journaux qui ont diffusé sa photo à l'infini aux vitrines des kiosques et de tous les étals de magazines, et tous les plateaux de télévision qui lui ont ouvert les bras. Aux yeux du chroniqueur, il s'est agi là d'une véritable prostitution de la liberté de la presse, autre outil de la démocratie.

Sans compter avec un paradoxe. Certes, la plupart des journalistes ont entamé le procès d’Éric Zemmour, ils ont dénoncé ses opinions nauséabondes, mais par un curieux renversement des intentions (si tant est qu'on puisse les débusquer), ces réquisitoires ont pris la forme sournoise d'une interminable apologie ; ce qui était d'abord présenté comme un réquisitoire, une condamnation s'est mué en propagande obsessionnelle, assurant la renommée du futur candidat bien plus que sa disgrâce.

C'est dans le domaine de la photographie que les journalistes se sont surpassés. Toutes les ressources de l'image – dont on sait bien de quelle(s) manipulation(s) elle est porteuse – ont été mises en Å“uvre pour glorifier le personnage. Dans le dernier numéro de Marianne, on voit par exemple, une photographie de Zemmour, les bras levés en signe de victoire - à la « De Gaulle Â» - photographié de plain-pied ; sauf qu'il ne repose sur rien et ne se détache sur rien d'autre que la marge blanche de l'article qu'il illustre ; si bien qu'on a l'impression qu'il marche sur l'eau et qu'il s'envole vers le ciel. Roland Barthes eût trouvé là une occasion magnifique de nourrir ses « mythologies Â». C'est l'Obs. qui, dans l'organisation d'une photographie, remporte la palme. On y voit Zemmour de dos – et c'est aussi bien diront ses détracteurs – assis derrière une table et qui fait face à une armada de journalistes braquant sur lui appareils photos et caméras ; c'est le procédé bien connu – et toujours efficace – de l'image dans l'image, de la photo dans la photographie, et qui produit une mise en abyme dont le sujet sort grandi.

C'est ainsi que la presse, la télévision, sont parvenues à construire le phénomène Zemmour, à lui fabriquer un charisme dont il est totalement dépourvu, voire à l'affubler d'une séduction qui lui fait cruellement défaut, déroulant sans fin pour lui le tapis rouge qu'on réserve aux héros.

Par bonheur, il est une justice des symboles qui nous console de l'ignominie. Déjà largement discréditée par la trivialité insupportable de son doigt d'honneur à l'égard d'une citoyenne, la pseudo-gloire de Zemmour s'est vue largement éclipsée, le temps d'une cérémonie. Le long de la rue Soufflot, on déroulait un autre tapis rouge, sans contrefaçon celui-là, et qui, enluminant tout un quartier de Paris, traçait le parcours ultime d'un héros véritable (qu'on nous concède le masculin, elle ne l'aurait pas renié), d'une héroïne qui s'est consacrée aux nobles causes, dont la plus prestigieuse à ses yeux étaient la cause de la fraternité : elle l'avait incarnée dans l'adoption d'une kyrielle d'enfants de toutes origines. A jamais marquée par le massacre des Noirs, dont elle fut témoin pendant son enfance, elle a partagé le rêve de Martin Luther King et combattu sans relâche pour l'égalité de toutes les ethnies. Elle a enfin mené une vraie bataille, en vrai soldat, pour sauver la liberté d'un pays, lui manifestant ainsi sa gratitude de l'avoir accueillie, et de l'avoir aimée.

 Joséphine Baker entrait au Panthéon quand un néo-fasciste annonçait sa candidature à la présidence de la France: une vignette du « canard enchaîné Â» montre une danseuse noire gigantesque, se moquant, à bananes déployées, d'un minable candidat qu'elle écrase de sa moquerie, et de sa gloire posthume : le dessin a valeur de fable. Cette coïncidence improbable, cette croisée fugitive de destins contraires doivent nous émerveiller, et l'émotion, visible sur tant de visages pendant la cérémonie de panthéonisation, les sourires et les larmes, la joie des enfants, la ferveur des adultes, nous permettent peut-être de ne pas désespérer d'un scrutin et de ne pas perdre tout à fait confiance en l'humanité.

Le meeting de Villepinte met le feu aux poudres

Outre l'escalade de la violence qu'il a provoquée, le meeting de Zemmour au parc des Expositions de Villepinte, a relancé avec vigueur le paradoxe de Saint-Just et remis à l'ordre très bousculé du jour – en l'occurrence très bousculé - la question de la liberté d'expression et ses tergiversations. Fallait-il couper la parole à Zemmour quand il n'était pas encore candidat officiel ? Et le reste aussi, aurait ajouté le pittoresque San Antonio, dont on publie aujourd'hui une belle anthologie, et tant il est évident que Zemmour souffre d''une véritable pathologie de la virilité. De la même manière, fallait-il empêcher Sardou d'enflammer son public en chantant « je suis pour Â» ? Etait-il possible de museler Le Pen dans ses délires négationnistes ? Et comment empêcher l'immonde Elisabeth Lévy de cracher son venin sur les antifascistes et ceux qu'elle nomme « les droits de l'hommiste Â» ?

Les déclarations de quelques élus au sujet du meeting s'inscrivent dans le dilemme que nous venons de mettre en lumière.

Face à Stéphane Roussel, président de la Seine-Saint-Denis qui lance une pétition pour interdire le rassemblement autour de Zemmour dans sa commune, Jean-Luc Mélenchon s'élève, au nom même de la démocratie, contre l'interdiction :

 Â« Stéphane Roussel a tort [...] Ce n'est pas juste parce que le principe de la démocratie même, c'est d'écouter aussi ce qui nous déplaît. Si on écoute que ce qui nous plaît, tout le monde est du même avis, ça ne sert plus à rien ». Quand on est un démocrate, il n'y a pas cinquante recettes. Il faut discuter, il faut débattre...

Ce n'est pas en interdisant un meeting qu'on fait avancer les idées Â»

Stéphane Roussel, quant à lui, s'est montré intraitable, et envers Zemmour lui-même, et à l'entreprise qui lui a permis de tenir son meeting au parc des Expositions ; Et c'est précisément parce que la démocratie est, dans ce cas, doublement bafouée : « mais cela fait 30 ans qu'il y a dans notre pays la banalisation des idées d'extrême-droite". Et d'exiger une véritable intégrité démocratique de la part d'une entreprise : "Ces engagements (de l'entreprise en faveur de la diversité) sont incompatibles avec l'accueil d'un polémiste qui [...] conduit aujourd'hui une campagne dont le seul fondement est le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, la haine des musulman.e.s.".

Quant à Clémentine Autain, députée insoumise de Seine-Saint-Denis, elle se défend de proférer l'interdiction, mais elle pose à son tour, de la même manière que Stéphane Roussel, les questions éthiques :

« Je ne suis pas pour interdire, je n'interdis pas à Eric Zemmour d'être candidat à la présidentielle, ni de venir à la télévision, j'interroge [...] J'interroge les citoyennes et les citoyens que nous sommes pour savoir si on lui fait tapis rouge, si on va lui faciliter la tâche ou si l'on décide de se battre. La liberté, l'égalité, la fraternité, il a toujours fallu se battre pour les faire vivre ; aujourd'hui, je dis au groupe Viparis – gestionnaire du parc des expositions où se tiendra le meeting - je dis à ce groupe : Â« Que faites-vous, à laisser cette salle, au cÅ“ur de la Seine-Saint-Denis [...] Je crois que c'est une provocation. Il est de la responsabilité du groupe de dire non, non, nous ne louons pas la salle à un acteur politique qui sème la haine et le mépris de la population de la Seine Saint-Denis Â».

Aux yeux de la loi

S'il est vrai donc, dans le champ tumultueux de la liberté d'expression, que La loi garantit son exercice démocratique en même temps que la protection des personnes et des droits de la personnalité ; si donc elle interdit - et punit - la diffamation, l'atteinte à la vie privée, la provocation à la discrimination à la haine ou à la violence ; si elle condamne l'apologie de bon nombre de crimes : crimes de guerre, crimes contre l'humanité, crimes de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou crimes et délits de collaboration avec l'ennemi, ; et pour finir, la négation, la minoration ou la banalisation de ces crimes (articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881), nous sommes DONC en droit de considérer que Zemmour s'est conduit en délinquant de la liberté d'expression, se donnant impunément le droit au mépris, à l'injure, à l'égard de certaines citoyennes et certains citoyens, en raison de leur ethnie, de leur religion, de leur sexualité. Loin de mériter le tapis rouge que ses partisans et que les médias lui ont déroulé, Il devrait rendre gorge à la société et appartenir désormais à l'appareil judiciaire afin de répondre des crimes d'opinion qu'il n'a cessé de commettre envers ses frères humains et ... ses sÅ“urs humaines (voir notre forum)

(1) Télérama n°3748 du 13 au 19 novembre 2021. Que faisons-nous de notre liberté d'expression ?

                                                                                     Alain Bandiéra

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Fonds d’encouragement aux initiatives artistiques et culturelles des amateurs – Appel à projets 2022

La Ligue de l'enseignement relaie l'appel à projets lancé par le Ministère de la Culture et de la Communication pour soutenir les initiatives artistiques des amateurs ! Dépôt des dossiers en ligne avant le 15 mars 2022

Cet appel à projets s'adresse aux amateurs qui font le choix de se regrouper pour développer leur pratique de façon plus autonome et aller ainsi au-delà d’une participation à un cours, un stage ou des ateliers. Ils s’engagent ainsi dans une aventure différente, dans un projet collectif au sein duquel leurs choix et leur démarche artistique s’affirment et évoluent.

Pour cela, les groupes (au moins quatre personnes) travailleront leur projet artistique avec un artiste ou un professionnel de la culture confirmé. Ils peuvent bénéficier d'un accompagnement par les Fédérations nationales partenaires (dont fait partie la Ligue de l'enseignement) et par la Direction régionale des affaires culturelles de leur territoire.

Un volet spécifique "jeunesse" a été créé afin de favoriser la constitution de groupes de jeunes amateurs désirant développer une pratique collective autonome.

Certaines de nos associations affiliées ont déjà bénéficié de cet appel à projet lors des précédentes éditions.

Le fonds d'encouragement aux initiatives artistiques et culturelles des amateurs peut vous accompagner financièrement pour développer votre projet.

Les dossiers sont à renvoyer en ligne avant le 15 mars 2022.  Vous trouverez l’ensemble des éléments d’information sur le site culture.gouv.fr et sur le portail de la démarche dématérialisée : mesdemarches.culture.gouv.fr

2022 - Réglement Appel à Projet FEIACA

Pour toutes questions, contact : amartinez@fal63.org

Appel à projets pour Danse en amateur et répertoire

Candidature jusqu'au 8 mars 2022 !

Photo - Rencontres danse amateur "De Fil en Chemin"

Danse en amateur et répertoire s’adresse à tout groupe composé d’au moins cinq danseurs, constitué depuis au moins deux ans, qui désire travailler, durant l’année scolaire, une Å“uvre chorégraphique créée depuis plus de cinq ans ou pratiquer des danses non rattachées à un répertoire d'Å“uvres (danses régionales, danses du monde, etc.).
Cette expérience chorégraphique s’accompagne obligatoirement d’un volet d’actions culturelles autour du répertoire travaillé, son contexte artistique et historique. Tous les styles de danse peuvent relever de ce programme.
Dans tous les cas, le projet comporte deux volets :

— le premier volet est centré sur la découverte ou l'approfondissement d'un répertoire soit par l'appropriation d'une Å“uvre ou d'un extrait d'Å“uvre, soit par l'exploration d'un corpus de danses ;
— le second volet consiste en la mise en place d’actions culturelles autour du répertoire travaillé et son environnement culturel.


Le travail est présenté lors d’une journée nationale qui réunit tous les groupes ayant bénéficié de l’aide.

Le dossier de candidature est à remplir en ligne avant le 8 mars 2022.

Retrouvez toutes les informations sur cet appel à projets ici.

Journée découverte rubgy USEP

Après 18 mois d'arrêt presque complet de l'activité USEP en présentiel, l'année scolaire 2021/2022 commence sur une première rencontre exceptionnelle, puisque plus de 350 enfants de l'association de coordination USEP de Clermont-Ferrand (ASCO) ont vécu le mardi 5 octobre dernier une "Journée découverte rugby" qui s’est déroulée dans le temple du rugby Clermontois : le stade Marcel Michelin, mis à notre disposition gracieusement par l'ASM.

Rencontre avec Cécile Gambini

Le lundi 6 décembre 2021, les bénévoles Lire et faire lire ont pu rencontrer Cécile Gambini, auteure et illustratrice clermontoise à l'occasion d'une journée organisée sur la commune de Chappes, accueillant Lire et faire lire depuis de nombreuses années.

Le matin, Cécile Gambini est intervenue auprès de deux classes de l'école communale (CE1 et PS - MS) afin de leur présenter ses méthodes d'illustration, de leur lire un de ses albums et d'effectuer quelques travaux manuels.
Les enfants ont pu ainsi découvrir les coulisses d'albums tels que Margherita, Rocky Cat, ou bien Le grand voyage de M. Merlu, avant de créer des animaux fantasques à partir de découpage et de collage, méthodes chères à l'illustratrice.

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L'après-midi, ce fût au tour des lecteurs de profiter de la présence de Cécile Gambini lors d'un temps privilégié dans l'espace culturel mis à disposition par la mairie.
Elle a pu parler de son parcours en tant qu'artiste aux nombreuses casquettes, et présenter plusieurs de ses créations, dont des originaux.


Plusieurs de ses albums jeunesses sont disponibles aux locaux de la Ligue de l'Enseignement.


Bibliographie de Cécile Gambini

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Assemblée Générale 2021 : rapport moral

Suite de l’édito

« Plus jamais ça Â» ! Elle est loin la pénurie du papier toilette. Plus jamais de restrictions, de confinement, d’interdictions, ne sont que des expressions restrictives à la suite d’un état de mal être en conséquence d’une anxiété viscérale. Mais comment aboutir « au plus jamais Â» quand un manque flagrant d’empathie se laisse dominer par l’indifférence. La réussite ne viendra que par nos comportements, autant individuels que collectifs, en modifiant notre façon d’interagir avec les autres et avec le monde qui nous entoure. La peur obsessionnelle d’évènements incontrôlables peut engendrer des phobies. La bienveillance et la compassion sont les antidotes contre cette anxiété. Le besoin instinctif de nous mobiliser pour une chose commune, pour une communauté, est essentiel. On ne peut se réaliser en étant enfermé dans son propre égoïsme, mais on peut participer à l’évolution de l’humanité grâce à l’intelligence collective.

« Plus jamais ça ! Â» est avant tout un refus viscéral de revivre une page terrifiante qui peine à tourner. Les poilus de la Grande guerre l’ont crié maintes fois après l’apocalypse des tranchées, et n’oublions pas non plus celle qui suivit avec ses atrocités. Aujourd’hui, les rescapés de la COVID-19 peuvent également s’octroyer cette liberté de parole après avoir vécu l’enfer de la réanimation. Et que dire des trois millions de personnes qui vivent dans la grande pauvreté en France, 6ème puissance économique mondiale et la 2ème en Europe. Malheureusement, le constat d’une injustice sociale existe bien. « Plus jamais ça Â» ne sera jamais à leur portée tant qu’elles se trouveront ignorées dans une précarité persistante. Une militante ATD Quart Monde attire notre attention en disant: « Le plus dur, ce n’est pas de vivre sans rien, mais d’être considéré comme rien Â»

Il existe des règles morales dictées par la conscience. Quand on s’affranchit de ces règles en choisissant la voie du détachement d’événements existentiels, on exclut l’exigence d’une solidarité exemplaire dans le respect d’autrui et de la vie. « Plus jamais ça Â» ne peut être accaparé.

Favoriser la pratique d’activités émancipatrices permet de développer des facultés cachées, de s’exprimer et s’accomplir. La culture et le sport sont des vecteurs d’éducation à la citoyenneté, à la solidarité et à la cohésion sociale. Le Covid-19 n’a pas épargné le monde associatif en le forçant de se soumettre à l’arrêt brutal de ses missions de vivre ensemble, et en conséquence la mise à l’épreuve de ses valeurs. L’épidémie fait vaciller ce pilier sociétal. Il vient de subir deux saisons très perturbées et dérangeantes. De plus, le passe sanitaire vient jouer les trouble-fêtes. L’impact de son application aura certainement des retombées négatives immédiates sur le retour attendu à la vie associative. Cette attente, accompagnée de la crainte, existe. Espérons que les effets indésirables seront limités mais certaines structures sont déjà à la recherche de nouveaux intervenants ou animateurs. La crise du salariat vient s’ajouter à celle du bénévolat.

Confrontées à cette inconnue du futur, les associations qui ont pu résister jusqu’à maintenant à la crise sanitaire peuvent s’en réjouir mais certaines ne s’en remettront peut-être pas, fragilisées économiquement et humainement. Triste constat quand on connaît l’importance du tissu associatif au lien social coupé trop longtemps de sa valeur fédératrice. La perte de ce lien a nui à la vie associative avec des répercussions non encore réellement mesurées sur la fréquentation, et tout particulièrement sur le bénévolat déjà en souffrance au fil du temps. L’évaluation ne pourra se faire que quand celle-ci aura repris son rythme de croisière de confiance et de mobilisation. Face à l’adversité et aux incertitudes de la reprise d’activité, les acteurs associatifs ont besoin d’accompagnement. La priorité reviendra à recréer le lien avec les adhérents, les bénévoles et les partenaires.

Résister : résister comme remobiliser car rien n’est jamais terminé. Ne pas fléchir. Insuffler un nouveau départ en modulant une nouvelle réalité de fonctionnement. La transition numérique s’est imposée et reflète la réalité de nouvelles pratiques, soumises aux nouveaux outils de communication et de développement. Résister comme réagir et ne pas abdiquer.

Remobiliser : remobiliser comme sensibiliser. Comment remobiliser? La réponse est en chacun d’entre nous suivant notre sensibilité altruiste et empathique. Il est temps de faire revivre le dynamisme rescapé de l’inactivité.

Relancer : relancer comme rebondir en forçant la machine associative de se révolter comme par le passé et redonner espoir et détermination à de nouveaux partenaires de route. Relancer comme accélérer la transformation écologique et sociale dans nos valeurs associatives.

Pédaler : pédaler comme continuer à pédaler. On se motive. On reprend des forces et on avance. Surtout ne pas s’arrêter au risque de briser la synergie de groupe. Le virus du covid-19 l’a interrompu. A nous d’insuffler de l’énergie, de la passion. Avec des recharges émotionnelles neuves, on persiste à pédaler.

Recréer : recréer comme faire revivre le lien social émoussé durant cette pandémie. Le défi d’une rentrée sans Covid est impossible, mais le défi de se réinventer sera déterminant dans la qualité de nos engagements. Recréer comme renforcer l’indispensable résilience en se donnant une voie à suivre pour façonner une société résiliente et inclusive.

Redonner : redonner comme donner de nouvelles envies de participer pour la collectivité, de partager les valeurs et compétences, de s’investir en évitant l’excès du "toujours plus", de repenser l’engagement associatif dans une société toujours plus mobile. C’est à nous de nous adapter au monde.

Les associations ont besoin de bénévoles. Elles ne peuvent fonctionner sans l’engagement exemplaire de cette force, entrainée dans une démarche volontariste au sein de la société. Les vertus d’humilité et de fraternité alimentent leur engagement. Faire ensemble s’impose comme la fédération des consciences en mutualisant le meilleur de chacun.

Les associations et les bénévoles jouent un rôle primordial sur tous les territoires grâce à leur dynamisme et en portant avec dévouement leur contribution à l’animation dans nos villes et nos villages. Ils sont le poumon essentiel de la solidarité, du vivre ensemble, de l’innovation. Le souci du renouvellement des bénévoles est récurrent. Il ne faut pas chercher particulièrement une relève, ce serait se priver d’une richesse humaine. L’arrivée d’une équipe nouvelle n’est efficace que seulement si elle a le temps de s’imprégner, d’épauler et d’assurer ensuite la relève.

Chômage partiel, arrêt maladie pour garde d’enfant, télétravail, allègement de charges, report de créances, fonds de solidarité, PGE, autant de dispositifs de l’État en soutien aux associations employeuses, complétés par des mesures exceptionnelles de la CAF, qui ont pu maintenir la FAL hors de l’eau. Le conseil départemental et la ville de Clermont-Ferrand, fidèles partenaires, ont également contribué à son maintien au-dessus de la ligne de flottaison.  C’est une réalité, le Covid-19 n’a pas non plus ménagé la fédération. Å’uvrer dans un environnement économique et social plus complexe fût une nouvelle épreuve. Avec sa composante vie fédérative, la mise en place d’un accompagnement aux associations affiliées fut activée. Garder le lien devenait primordial. Pour ce faire, toutes les informations utiles sur les décrets ou aides de l’État furent diffusées avec la lettre d’actualité et le site internet.

Le maintien de l’emploi s’imposait une nouvelle fois. La FAL s’est démenée dans les aides gouvernementales et dans les économies capitales à appliquer. Les conséquences sur le pouvoir d’achat des salariés sont malgré tout évidentes. Incidence regrettable car, sous l’impulsion irréprochable du directeur général, ils firent un travail remarquable dans la sauvegarde de la maison et de leur outil de travail. Leurs efforts ne sont pas récompensés durant toute cette période angoissante, ce qui n’a pas exclu la solidarité fraternelle hors du commun autour du directeur. Chacun a pu coopérer dans un esprit d’intérêt général au défi d’urgence du maintien de l’activité.

La situation actuelle, plombée par une fatigue physique, psychique et morale, n’est guère plus enjouée. Une nouvelle vague épidémique viendrait emporter ce travail collégial, brisant tous les efforts consentis. Il est clair que l’issue salutaire ne proviendra que par la disparition du virus avec ses conséquences sanitaires drastiques. Autrement, nous n’aurons de nouveau pas d’autre choix que résister, remobiliser, relancer, recréer et, tant que la force mentale le permettra, continuer à pédaler.

Une mobilisation citoyenne pour une société unie et solidaire répond à ce que l’humanité a de meilleur. Sans conteste, la solidarité s’affirme en dénominateur commun. Cette dynamique collective éradique les tensions provoquées, de-ci de-là, par les querelles partisanes politiciennes et autres clivages sociaux, sources de fragmentation et de fragilisation de nos valeurs associatives. Que chacun fasse sa part, si modeste soit-elle. Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Les "colibris" exaltent les consciences de chaque femme, chaque homme, chaque bien-pensant, en prenant en toute liberté la réelle mesure de sa propre responsabilité et de son implication pour l’ensemble de la collectivité.

« Il ne peut y avoir plus grand don que celui de donner son temps et son énergie pour aider les autres sans rien attendre en retour. Â» Nelson Mandela.

Assemblée Générale 2021 : rapport d’activité 2020

La Ligue de l'enseignement, Fédération du Puy-de-Dôme, c’est :

  • 424 associations affiliées (445 en 2018/2019)
  • 184 associations socio-culturelles (8 839 adhérents)
  • 240 associations UFOLEP (18 476 licenciés)
  • 84 associations USEP (9 362 licenciés)
  • Parmi ces associations, 12 sont des structures nouvelles.

La Ligue de l'enseignement, Fédération du Puy-de-Dôme, accompagne le développement associatif avec :

  • Affiligue, logiciel en ligne gratuit pour faciliter la gestion administrative et la communication vers la Fédération et auprès de ses membres
  • Basicompta, logiciel de comptabilité en ligne conçu spécifiquement pour les associations pour simplifier la fonction de Trésorier
  • APAC Assurances, assurance de proximité, solidaire et mutualiste
  • Ressources Humaines (aide à l’embauche, gestion des salariés, mutuelle santé)
  • Formations (échanges, accompagnement d’initiatives culturelles et artistiques)
  • Liaison SACEM-SACD
  • Services Civiques, dispositif pour lancer une nouvelle dynamique et faire vivre votre projet associatif via l'accueil d'un jeune de 16 à 25 ans
  • Supports de communication : le journal Auvergne Laïque et la Lettre d'actualités

La Ligue de l'enseignement, Fédération du Puy-de-Dôme, c’est un important service Culture-Education-Jeunesse :

  • Rencontres sur le thème de la danse (De fil en chemin, stages Danses collectives du Monde).
  • Réunions annuelles sur le théâtre, formations et stages de pratique (A la recherche de sa voix, une journée proposée pour les ateliers ados, Come Give us a speech, Mime, bruitage et lypsinc etc.).
  • Aide à la pratique en milieu scolaire. Trouvailles (6 représentations, 500 élèves), École du jeune spectateur, Éducation aux médias, Cartes de la Fraternité.
  • Dispositif Lire et faire lire. plus de 100 lecteurs bénévoles, 72 structures d’accueil, près de 1 000 enfants concernés.
  • Relais départemental des Juniors Associations (18 associations, 198 jeunes)
  • Relais du dispositif Service Civique (43 volontaires accueillis, 20 associations, 20 journées de formation).

Plusieurs dates annulées et reportées en raison de la crise sanitaire.

La Ligue de l'enseignement, Fédération du Puy-de-Dôme, c’est un important service de Loisirs sans hébergement et Loisirs éducatifs :

  • Partenaire des collectivités locales
  • Accompagnement pédagogique et formation
  • Journée Transmission des Savoirs, annulée
  • Formation des animateurs et directeurs (BAFA, BAFD) avec aide au financement, 3 sessions annulées
  • BAFA solidaire avec la Communauté de communes Plaine Limage, en partenariat avec la Mission Locale, conventionnement reconduit en 2021
  • Organisation de séjours

La Ligue de l'enseignement, Fédération du Puy-de-Dôme, ce sont des activités vacances et des séjours éducatifs dans son village-vacances le Grand Panorama, au bord du lac Chambon :

  • Accueil de groupes et familles
  • Organisation de séjours et classes de découvertes
  • Gîte "Le Chalet"

La Ligue de l'enseignement, Fédération du Puy-de-Dôme, c’est une importante présence institutionnelle :

  • JPA (Jeunesse au Plein Air),
  • CAPE (Collectif des Associations Partenaires de l’École)
  • CDEN (Conseil Départemental de l’Éducation)
  • ESPE (Centre de Formation des Professeurs)
  • CDAL (Comité Départemental d’Action Laïque)
  • URFOL (Union Régionale des Å’uvres Laïques)

Assemblée Générale 2021 : rapport financier

par Edouard Ferreira, Président de la Ligue de l'enseignement, Fédération du Puy-de-Dôme

Résultats des votes :

  • Bilan financier : adopté à l’unanimité

  • Affectation du résultat : adopté à l’unanimité

  • Tarifs 2021/2022 (proposition de gel pour la seconde année consécutive) : adoptés à l’unanimité
  • | ||| | | | Avec les DDEN

    Assemblée générale des DDEN à Maringues le 9 octobre dernier

    Ce furent de joyeuses retrouvailles après tant de mois de réunions en “distancielâ€. La tribune avait elle aussi retrouvé ses couleurs, avec M. Denis Beauvais, Maire de Maringues et son adjointe, M. Yves Léon (IEN, pour le DASEN), M. Eric Gold, sénateur.

    Notre Président, Gilles Begon s’est félicité du grand nombre de collègues qui avaient retrouvé les chemins de la défense de l’école républicaine, d’autant que comme il l’annonçait d’entrée, de nombreuses tâches les attendaient dont l’étude du texte du gouvernement, déjà voté par l’assemblée nationale, encore en débat au Sénat, sur la modification de la fonction de directeur d’école qui avait fait l’objet de notre dernier article de juin.    

    Notre collègue Catherine Haensler, membre de notre bureau local et du bureau fédéral, a ouvert les débats avec ce texte de réflexion sur cette réforme

    Loi Rilhac : nouveau statut des directeurs

    Déposée par la députée LERM Cécile Rilhac, une nouvelle proposition de loi envisage de modifier la fonction de directeur d'école. Sans changer le statut du directeur, la proposition de loi prévoit de lui donner autorité dans l'école et de nouvelles responsabilités en échange d'un meilleur système de décharges et d'une meilleure rémunération. Cette proposition de loi affirme le statut décisionnel du directeur sur le plan pédagogique et administratif : le directeur deviendrait le supérieur hiérarchique des enseignants ayant délégation d'autorité du DASEN. Une autorité "fonctionnelle" donnée par les inspecteurs qui en théorie peut aller jusqu'à l'évaluation des enseignants comme le Grenelle de l’Éducation l'envisage. Exactement comme le font les chefs d'établissements du second degré: la direction d'école à l'heure du management en quelque sorte!

    Les directeurs demandent-ils cette autorité?

    Il semble que non d'après plusieurs consultations organisées par le ministère lui-même. Majoritairement les directeurs d'écoles et les professeurs des écoles ne veulent pas de supérieurs hiérarchiques au sein des équipes d'école. Par contre ils espèrent que des moyens supplémentaires seront donnés aux directeurs notamment des temps de décharges plus ambitieux. Dans le projet de loi, les décharges ne sont plus définies par rapport à un nombre d'élèves mais en fonction de "spécificités" de l'école. Ces décharges seraient ainsi attribuées au cas par cas par les académies. Autrement dit à une règle nationale de définition des décharges se substitue un "dialogue "personnel avec l'académie. Inutile de préciser ce qui attend les directeurs qui échangent une règle nationale contre la bonne volonté d'un DASEN !

    Le 2 septembre, le président de la République a annoncé, dans le cadre de son plan "Marseille en grand", une expérimentation dans 50 écoles de la ville pour inventer "l'école du futur" en contrepartie de la rénovation des 174 écoles marseillaises qualifiés par le maire comme "indignes de la République"( au passage je vous rappelle qu'en 2019  la Fédération organisa les visites d'école en accord avec l'Inspection Académique des Bouches du Rhône pour alerter sur la vétusté des écoles de la deuxième ville de France). Ainsi donc, dans ces 50 écoles, les directeurs pourront "choisir les enseignants " pour être sûr qu'ils sont pleinement engagés ; ils pourront aussi associer des acteurs extra-scolaires. Le président de la République entend " adapter, repenser les projets d'apprentissage, les rythmes scolaires, les récréations, la durée des cours, les façons d'enseigner" en définissant les projets avec les élus et les associations. Chacun comprend que cette mesure accroîtrait la dépendance de l'Ecole Publique envers les municipalités. Dépendance déjà amorcée lors de la mise des "rythmes scolaires". L'annonce de la généralisation de cette mesure dès la rentrée 2023 prépare donc l'éclatement du cadre national de l'Ecole Publique : des programmes nationaux seraient ainsi remplacés par des projets locaux dépendant des options politiques des majorités municipales en place.

    L'autonomie et la transformation du rôle des directeurs ne sont pas des idées neuves loin de là! Dès 1952 une première fronde vint à bout de la création d'un grade spécifique pour les directeurs. Trois décennies plus tard ce même projet est abrogé devant l'opposition des syndicats et de la base des enseignants. Sous la présidence Sarkozy, la question revient sur le tapis dans le cadre de la refonte de l’École Primaire portée par le ministre Darcos. L'idée est encore une fois remisée. Et le ministre Blanquer ressort actuellement des tiroirs ministériels cette vieille idée de formaliser le pouvoir hiérarchique du directeur dans le premier degré.

    Les pères fondateurs de l'école publique avaient jugé que l'école où doivent aller tous les jeunes français doit donner une éducation démocratique. Et cela passe par un fonctionnement démocratique de l'école elle-même. Jules Ferry y voyait la garantie d'une école vraiment républicaine. En lieu et place Mr Macron propose un fonctionnement managérial en accord avec la société ultra libérale.

    Depuis plusieurs années l'autonomisation des établissements éducatifs est en œuvre à travers les lois LRU et LPRR. Un économiste spécialiste de l'enseignement supérieur écrit " dans le supérieur bien plus avancé en la matière, ce qui est vite venu après l'autonomie c'est une politique de différenciation et de mise en concurrence : soit une université à deux vitesses". Il ajoute " ce n'est pas un risque c'est déjà à l'œuvre".

    Enfin avant de débattre, nous vous soumettons une dernière information venue de l'Organisation de Coopération et de Développement Économique, l'OCDE qui comme vous le savez est une organisation internationale. Selon son secrétaire général: " pour la France, l'important est de poursuivre l'effort engagé de réformes " et développer la culture d'autonomie des établissements scolaires.

      La délégation DDEN 63

    | ||| | | | Avec le Cercle Condorcet

    Introduction au débat sur la cancel culture

    par Alain Roume

    Quelques réflexions et références

    C’est en lisant l’ouvrage de Caroline Fourest, paru en 2020 et intitulé « Génération offensée Â» et sous-titrée « De la police de la culture à la police de la pensée Â» que je me suis intéressé à ce mouvement de pensée et aux pratiques qu’il induit, connu plus largement aujourd’hui sous le nom de Cancel culture.

    Selon Madame Wikipédia, "la cancel culture" (culture de l‘annulation) ou call-out culture (culture de la dénonciation), est une pratique née aux États-Unis consistant à dénoncer publiquement en vue de leur ostracisation, les individus ou les groupes responsables d’actions ou de comportements perçus comme problématiques. La cancel culture va au-delà du « woke Â» - terme apparu en 2010 aux États-Unis - décrivant un état d’esprit militant et combatif en faveur de la protection des minorités.

    D’un point de vue sémantique, l’expression a été traduite diversement par culture du bannissement, de l’annulation, de l’ostracisme ou de l’ostracisation, de la négation, de l’anéantissement, de l’effacement, de la suppression, du boycott, de l’humiliation publique, de la dénonciation…

    Du changement de titre du roman d’Agatha Christie « Dix petits nègres Â» rebaptisé « Ils étaient dix Â» jusqu’à la dernière exigence d’un journaliste algérien demandant que la Tour Eiffel soit restituée à son pays parce que fabriquée à partir de minerai de fer exploité en Algérie, en passant par la destruction de statues de Victor SchÅ“lcher en Martinique ou encore le refus opposé à François Hollande de donner une conférence à l’université de Lille en 2019, ces formes d’expressions ou d’actions ont tendance à se multiplier ces dernières années. Hier encore on apprenait qu’une polémique était ouverte à propos de la traduction des textes de la jeune poétesse noire Amanda Gorman qui a ravi la vedette à Joe Biden lors de son investiture : une traductrice « blanche Â» était récusée.

    En élargissant notre champ de vision, on pourrait rattacher à ce mouvement, des mouvements sociaux comme « #MeToo », la question des études de genre, des études « postcoloniales Â», de l’intersectionnalité (lier les inégalités de classe et/ou de genre aux questions du racisme), le débat entre identitaires de la race et identitaires de la classe, tout cela se ramenant, en grossissant le trait, à la défense des minorités considérées comme dominées. L’exemple le plus récent qui alimente une très vive polémique est celui du syndicat étudiant l’UNEF, qui organise des réunions (ateliers ou groupes de parole) non mixtes (blancs d’un côté, noirs de l’autre ou encore hommes et femmes séparés), seule possibilité de laisser les minorités s’exprimer sans entrave… Et « l’islamo-gauchisme Â» serait une exacerbation de cette orientation qui, selon ses contempteurs, serait devenue tellement majoritaire à l’université qu’elle en interdirait tout débat ou toute critique.

    Sans entrer dans ces derniers concepts complexes qui nourrissent abondamment des affrontements d’intellectuels, on se contentera ici d’ouvrir des pistes de réflexion sur la « cancel culture Â» à travers quelques citations ou références bibliographiques.

    1.  Caroline Fourest : « c’est l’histoire de petits lynchages ordinaires, qui finissent par envahir notre intimité, assigner nos identités, et censurer nos échanges démocratiques. Une peste de la sensibilité. Chaque jour, un groupe, une minorité, un individu érigé en représentant d’une cause, exige, menace et fait plier. Au Canada des étudiants exigent la suppression d’un cours de yoga pour ne pas risquer de s’approprier la culture indienne. Aux Etats-Unis la chasse aux sorcières traque les menus asiatiques dans les cantines et l’enseignement des grandes Å“uvres classiques, jugées choquantes et normatives, de Flaubert à Dostoïevski. Des étudiants s’offusquent à la moindre contradiction qu’ils considèrent comme des micro-agressions au point d’exiger des safe-space. Où l’on apprend en réalité à fuir l’altérité et le débat.
      Selon l’origine géographique ou sociale, selon le genre et la couleur de peau, selon son histoire personnelle, la parole est confisquée. Une intimidation qui va jusqu’à la suppression d’aides à la création et au renvoi de professeurs. La France croyait résister à cette injonction, mais là aussi, des groupes tentent d’interdire des expositions ou des pièces de théâtre… souvent antiracistes ! La police de la culture tourne à la police de la pensée. Le procès en offense s’est ainsi répandu de façon fulgurante. L’appropriation culturelle est le nouveau blasphème qui ne connait qu’une religion : celles des origines.
    2. Critique de l’ouvrage de Caroline Fourest : extraits d’un article de M. Marzouki
      « […] le livre ne mentionne pas le terme de cancel culture, c’est pourtant de cette nouvelle dimension du débat médiatique qu’il est fortement question : la possibilité de nuire ou d’éliminer un supposé coupable des maux auxquels notre époque et le camp progressiste sont le plus sensibles : racisme, sexisme, violence sexuelle. Génération offensée croise donc ces deux dimensions du débat public : la montée en puissance de revendications d’une hypersensibilité identitaire - en matière de genre, de race, de sexualité - et l’intensification de lynchages médiatiques, nouvelles formes de l’hystérisation des conflits sur les réseaux sociaux.
      Pour Caroline Fourest , le fond idéologique de l’affaire s’explique par la victoire d’une gauche antiraciste « identitaire Â», « communautariste Â» voire « indigéniste Â», contre une gauche « Charlie Â» « laïque et républicaine Â» à l’antiracisme universaliste. La première aurait désormais le monopole de l’agenda culturel au sein de l’Université, dans les médias et le monde de la culture. Elle serait également coupable d’avoir perverti le combat antiraciste par des revendications politiques qui compromettent désormais la transmission des savoirs dans l’Université, la création et la diffusion des Å“uvres, le débat public et finalement, l’idée même de contrat social.
    3. Extraits du résumé d’une conférence sur France Culture
      Tyrannie des minorités, appel à la censure, intolérance, ostracisme, culture de l’élimination : que n’entend-on depuis des mois sur les dérives liberticides dans le débat public américain et français ? La dérive que certains prêtent à une certaine gauche radicale tient en une expression fétiche, comme l’image de l’enfer du politiquement correct : la « cancel culture Â».
      Une nouvelle guerre culturelle serait ainsi à l’œuvre, avec un large registre d’actions – de la critique à l’insulte, de cyberharcèlement au boycott, du sit-in au déboulonnage de statues- qui traduit la violence d’un moment fracturé et irrespirable de la vie civique. Cette culture de l’annulation est ainsi devenue l’outil actif de la contestation politique issue des minorités « excédées par l’impunité du pouvoir et la passivité des institutions face au racisme, à l’injustice sociale, au sexisme, à l’homophobie, à la transphobie, entre autres Â»
      Black Lives Matter et #MeToo sont les deux grands mouvements sociaux qui puisent dans la « cancel culture Â» des ressources rhétoriques pour dénoncer des situations iniques, exiger des institutions qu’elles prennent leurs responsabilités en cessant d’honorer des personnalités accusées d’agressions sexuelles ou d’œuvres racistes.
      Un mot « cancel Â» qui suffit en lui-même à disqualifier les valeurs qu’il incarne : la censure d’où qu’elle vienne n’est pas défendable, et la liberté d’expression est un principe démocratique inaliénable.
    4. Extrait d’un débat Élisabeth Roudinesco/Sandra Laugier (L’OBS du 25/02)
      A propos des études des sciences sociales actuelles et des mouvements activistes :
      ER : […] En descendant dans la rue ces études ont fini par servir de support à une position victimaire et une volonté punitive. On en arrive à la Cancel culture, à l’effacement de l’histoire mémorielle, au déboulonnage des statues et à une culture de la dénonciation, toujours dangereuse pour la démocratie.
      SL : la déploration de la cancel culture, c’est pour moi, comme celle du « politiquement correct Â», l’expression de gens qui ont très largement accès aux médias et à la parole et qui se sentent tout à coup vulnérables du fait que d’autres personnes peuvent venir les contester dans l’espace public. Je vous rejoins en revanche sur la réécriture des Å“uvres et je crois que nous sommes nombreux à penser ainsi : l’éducation est indispensable ; pour connaître le passé, il faut y avoir accès tel quel.
    5. Un lecteur de l’OBS (courrier des lecteurs) du 11 mars
      […] moi aussi j’aime Gainsbourg, Ferré me fait pleurer, San-Antonio me remplit de joie. Un bon Woody Allen est un pur bonheur. Apollinaire et Baudelaire, de sacrés poètes. Céline a été un écrivain génial. Et « le Pianiste Â» de Roman Polanski est du bon cinéma. Pourtant je n’épouse pas tout ce que disent, écrivent, font ou ont fait ces artistes. Alors s’il fallait anéantir tout ce qui gêne, rasons le château de Versailles construit sur des cadavres d’ouvriers et au prix d’impôts insupportables, démolissons la Sainte Chapelle, voulue par un Saint Louis antisémite, démontons les édifices religieux, symboles d’un clergé tout puissant et prévaricateur. La liste est longue…On y gagnerait quoi ? Ça n’aurait pas de fin ! L’intolérance et le communautarisme quel qu’il soit sont des poisons lents et mortels.
    6. Michel Onfray : entretien sur France 2 du 6 mars
      Il estime que la société actuelle est une tyrannie des minorités qu’il juge dangereuse. Il prend l’exemple du discours d’Aïssa Maïga qui avait dénoncé la sous-représentation des minorités ethniques dans le cinéma français lors de la cérémonie des Césars en 2020. « Moi, je n’ai jamais affaire à des femmes, des blancs, des musulmans, des juifs… J’ai affaire à des êtres humains. C’est la fin de l’universalisme, c’est terrible. On ne peut pas faire une communauté si chacun revendique sa subjectivité, sa couleur de peau, sa religion, on n’arrive pas à faire République Â»
      Se disant de gauche, socialiste libertaire, il déplore qu’il y ait aujourd’hui « un catéchisme progressiste Â» auquel on serait forcé d’adhérer, « sur l’identité, sur le changement climatique Â» sous peine d’être assimilé à un fasciste. Le débat n’est plus possible, on se fait insulter. Pour moi la gauche c’est le débat, ce n’est pas l’interdiction ; la dictature de l’émotion, c’est le refus de la raison Â»

    Exigence de plus de justice pour les « dominés Â» ou véritable censure, le débat sur la cancel culture et ses prolongements est de plus en plus vif et tourne à l’affrontement. Un peu de sagesse nous est proposée dans le dernier livre de Jean Birnbaum, « Le courage de la nuance Â». Citant Albert Camus : « Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison Â», il considère que : Â« nous sommes nombreux à ressentir la même chose aujourd’hui, tant l’air devient proprement irrespirable. Les réseaux sociaux sont un théâtre d’ombres où le débat est souvent remplacé par l’invective, chacun craignant d’y rencontrer un contradicteur, préfère traquer cent ennemis. Au-delà même de Twitter ou de Facebook, le champ intellectuel et politique se confond avec un champ de bataille où tous les coups sont permis. Partout de féroces prêcheurs préfèrent attiser les haines plutôt qu’éclairer les esprits. Â»

    | ||| | | | Education & Culture

    Journées internationales pour les droits des femmes

    L'ATR présente « FEMMES AFGHANES Â» - Lectures poétiques des textes de Sayd Bahodine Majrouh (Le suicide et le chant) et de Atik Rahimi (Pierre de patience).

    Qu'y a-t-il de commun entre ces trois dames photographiées en 1927 dans leur pays, l’Afghanistan, et les sinistres Burkas imposées par le régime des talibans ?

    L'historien nous répond par quelques dates :

    1973 :  la république est proclamée mais les milieux ruraux et musulmans restent très conservateurs, notamment à l'égard des femmes.

    1978 – Coup d'état communiste avec l'aide de l'URSS : les femmes retrouvent-elles une place nouvelle dans une société plus occidentalisée : éducation, santé, vie publique et même politique ?

    « Officiellement les russes sont venus pour sauver le régime communiste afghan Â» … pas davantage !

    1996 – les talibans s'emparent du pouvoir et mettent en place un émirat islamiste avec le mollah Omar. Les femmes sont à nouveau exclues du travail et de l'éducation. Le port de la burka leur est imposé. Musique, danse et jouets sont interdits.

    2001 – les USA interviennent à leur tour militairement en Afghanistan, le régime des talibans s'effondre (élimination de Oussama Ben Laden) : les femmes ont retrouvé quelques droits : sortir de leurs foyers et s’impliquer dans la vie publique.

    2014 – Départ des américains.

    2021 – Les Talibans sont au pouvoir en Afghanistan.

    Le journaliste  et écrivain Tahar Ben Jelloun évoquant le situation des femmes en Afghanistan ne fait pas dans la dentelle : «  Si dans le monde, écrit-il, les femmes se battent pour préserver leur dignité et améliorer leur condition, certains état comme l'Afghanistan viennent en aide aux hommes en proposant un projet de loi obligeant la femme à se donner à son mari , même s'il est éjaculateur précoce, s'il a mauvaise haleine ou si tout simplement il ne fait naître chez elle aucun désir … l'intégrisme tremble devant le corps de la femme, a peur de son sexe et réagit avec la violence du frustré ou du perturbé par la sexualité … cela se traduit par le port du voile , de la burqa ou de la djellaba. La femme doit être cachée, invisible, éloignée des regards de la vie ... Â»

    Une seule lecture de « FEMMES AFGHANES Â» a pu avoir lieu le 10 mars 2020 dans la salle des « Abattoirs Â» à Riom, la tournée prévue ayant été interrompue pour les raisons sanitaires que l'on connaît. D'autres circonstances permettent aujourd'hui de reprendre ce travail. Il sera présenté à Vic Le Comte (12 novembre), au Cabaret rural « Le Poulailler Â» de Saint Pierre Roche, à Riom, à Marsat, à Romagnat, à Bourg Lastic, à Orcines… jusqu'en mars 2022.

    Une enfance bourbonnaise

    Mémoire(s) de Bernard GILLIET (suite)

    Pour la 3è fois, nous offrons à nos lecteurs des extraits du texte écrit par notre ami, Bernard Gilliet, témoignage d'une grande précision sur « son enfance bourbonnaise Â». Nous avons déjà souligné l'importance documentaire de ce texte qui brosse un tableau de la France paysanne au début du siècle précédent. L'extrait choisi évoque les premiers moments de l'expérience scolaire vécue par Bernard Gilliet ; au regard porté sur l'attachement qu'il a toujours marqué à l'école publique, à son engagement dans l'éducation on peut mesurer l'importance, dans son enfance et dans sa vie, de cette expérience scolaire des commencements. On verra combien il se montre sensible aux détails de l'architecture, de l'organisation ; combien il est observateur de ses maîtres et combien son souvenir est vif, empreint d'une véritable gratitude envers les lieux et les êtres qui lui ont insufflé ses premiers savoirs.

    Étroitement lié à l'histoire, le récit des « débuts à l'école Â» s'inscrit dans « les débuts de la guerre Â», réalisant une fois encore cette filiation étroite entre l'histoire personnelle et l'histoire collective.

    Voilà pourquoi le récit de Bernard nous concerne tous aujourd'hui, et pourquoi aussi il éveille en nous une nostalgie infinie inhérente à l'émergence mélancolique de nos souvenirs.

    Débuts à l'école

    Cette première enfance [...] allait être modifiée par l'entrée à l'école et par le déclenchement de la seconde guerre mondiale.

    [...] Né en décembre 1932, je devais donc faire connaissance avec le monde scolaire en avril 1938. Cette perspective m'effrayait à l'avance et me tirait des larmes : pour moi l'école était le lieu de la lecture ; ne sachant pas lire, alors que les enfants déjà scolarisés maîtrisaient parfaitement ce savoir fondamental, je n'imaginais pas comment j'allais pouvoir apprendre des leçons ; d'avance je me sentais désarmé et honteux. Ces inquiétudes se révélèrent vaines et furent tôt dissipées. D'abord à cinq ans je n'étais plus totalement illettré ; comme tous les enfants, j'aimais colorier des images et leur accoler des gribouillis. Voyant que j'y avais goût et habileté, on m'avait, vers mes quatre ans, pourvu d'un petit calepin quadrillé et je l'avais entièrement rempli, au crayon à papier, en prenant grand soin de suivre les lignes, de boucles enchaînées qui ne formaient pas des lettres mais dont la régularité m'étonna plus tard ; et puis le grand-père, me tenant sur ses genoux quand il lisait son journal, "La Tribune Républicaine", m'avait appris mes lettres ; je savais même les assembler quelque peu en syllabes. L'école, jouxtant la mairie, n'était qu'à trois cents mètres de notre demeure ; mais il fallait pour s'y rendre franchir le pont du canal et emprunter l'étroit trottoir bordant la route nationale où circulaient quelques rares autos et davantage de charrois. Pour m'y conduire et m'en ramener, on avait convenu de me confier au Louis Battagion, un grand de treize ans réputé pour son sérieux et sa gentillesse, fils d'immigrés italiens qui habitaient plus haut dans le chemin du dépôt d'essence ; quand il passait à la maison, il me prenait de sa main libre, l'autre étant déjà occupée par la menotte d'une de mes petites camarades, l'Aline Mascarell. J'ai souvenir que quelques jours seulement après ma rentrée, il avait découvert mes talents précoces et m'avait fait faire devant ses camarades une démonstration encore hésitante de lecture : à sa grande fierté, je parvins à déchiffrer les noms de quelques élèves inscrits sur les étiquettes des porte-manteaux.

    Selon un schéma classique sous la Troisième République, entre rue principale et route de Gilly, la seule bâtisse du bourg, avec la poste, édifiée en pierre de taille rassemblait la mairie et, de part et d'autre, les locaux des écoles de filles et de garçons. Sauf dans les villes où existaient des écoles maternelles dont les maîtresses accueillaient ensemble fillettes et garçonnets, et dans les communes les moins peuplées qui ne pouvaient fournir l'effectif de deux classes, la ségrégation des sexes était en effet de règle dans l'enseignement primaire, y compris chez les enseignants, et il fallut la guerre pour voir des femmes nommées dans des écoles de garçons ; en revanche les cours complémentaires, en avance sur les lycées, étaient mixtes. A l'étage de l'ensemble étaient aménagés trois logements pour les instituteurs et autant pour les institutrices. Du toit en ardoises qui couvrait le grenier surplombant la mairie se détachait fièrement une niche de pierre. C'était le cadre de l'horloge communale que dominait un fronton triangulaire marqué des initiales RF de la République Française. De part et d'autre chaque école était prolongée par un préau couvert, au sol cimenté et à la charpente apparente.

    S'étendant devant locaux scolaires et préaux, les deux cours bordées de murs surmontés de grilles en fer forgé ont, quoique depuis longtemps désaffectées, encadré jusqu'en 2006 l'accès à la mairie devant laquelle la fanfare donnait alors concert la veille du 14 juillet. Les filles disposaient en outre d'une seconde cour, plus petite et triangulaire aboutissant, à la jonction des deux routes, au monument aux morts de la guerre de 1914-1918, déplacé depuis. Cette courette était séparée de l'école proprement dite par un bâtiment rassemblant sous le même toit un WC public pas plus doté d'eau courante que ceux de la plupart des particuliers, le garage de la pompe à incendie et [...] la prison communale, qui n'hébergeait qu'épisodiquement, pour une nuit ou deux, quelque vagabond surpris par le garde-champêtre en état d'ivresse [...]

    Dix minutes avant le début de la classe, le directeur donnait un coup de sifflet, ouvrait la porte de la cour et nous entrions sans omettre de le saluer et de nous découvrir en passant devant lui. Le sifflet marquait de même la fin des récréations et nous enjoignait de nous mettre en rangs par deux pour avancer, au signal et en silence, vers la porte de notre classe. A la saison froide ou par temps de pluie, on avait auparavant accroché aux porte-manteaux alignés aux murs du préau et étiquetés au nom de chacun, qui son "capuchon", un manteau sans manche muni en effet d'une capuche, qui son "caoutchouc" comme on nommait un imperméable effectivement recouvert de gomme bleue brillante. Bien entendu, pour entrer en classe, chacun quittait son "béret basque", qui n'avait de basque que le nom, étant bien plus petit que le couvre-chef des riverains de l'Adour, mais coiffure quasi-universelle des garçons d'alors, que l'on suspendait ensuite au coin de son banc. Comme on m'apprenait, à la maison comme à l'école, que les enfants doivent être polis avec les "grandes personnes", je soulevais mon béret presque chaque fois que je croisais un adulte. La raie que ma grand-mère m'avait soigneusement dessinée sur le côté gauche du crâne ne résistait pas à ces saluts répétés ; j'avais donc presque toujours les cheveux qui me retombaient devant des yeux déjà pas très clairvoyants. Or la mode n'était pas à la coupe en brosse, et le devint encore moins lorsque les soldats allemands, coiffés très courts, occupèrent le village. Vers mes huit ans, je fus doté d'une barrette destinée à contenir la mèche rebelle ; bien entendu des camarades me traitèrent de fille et je m'en plaignis.

    Chacune des deux écoles comptait alors trois classes, "petite", "moyenne" et "grande", elles-mêmes partagées en "divisions". La petite et la moyenne classes occupaient deux salles ouvrant sur le préau ; pour accéder à la grande classe, il fallait le traverser, passer par une courette donnant sur la route de Gilly, où était le bûcher ; les plus grands allaient y chercher la réserve de bois dont on alimentait le poêle trônant au milieu de chaque salle de classe et prolongé de longs tuyaux qui assuraient, la saison venue, un chauffage satisfaisant. Les filles de la grande classe faisaient un chemin symétrique, mais sans qu'on les voie, car la courette était partagée par un haut mur joignant les écoles à la cantine, commune mais elle aussi partagée en deux pièces. Qu'on ne s'imagine pas un restaurant scolaire : les salles étaient meublées de tables et de bancs, où chacun des élèves qui demeuraient trop loin pour rentrer chez eux à la mi-journée prenait le repas qu'il avait apporté le matin dans son panier. En effet très rares étaient les enfants qui venaient en classe à bicyclette ; certains, de qui les parents tenaient des fermes éloignées, parcouraient matin et soir, sabots aux pieds, par des chemins qu'on ne devait goudronner que bien plus tard, trois ou quatre bons kilomètres. La mère Porterat, la cantinière, qui était aussi chargée du ménage des classes et de l'allumage des poêles, faisait réchauffer sur une cuisinière le "quadrain" qui contenait le mets principal. Ce quadrain, que l'on utilisait aussi pour emporter la soupe aux champs quand on ne revenait pas la manger à la ferme et qui servait parfois de pot à lait, était un récipient métallique cylindrique fermé d'un couvercle et muni d'une anse, dont la contenance était, malgré son nom, généralement supérieure à un quart de litre.

    Les vacances d'été, instituées non pas - comme on le croit communément - pour le repos des élèves ou des enseignants, mais pour les besoins de l'agriculture (les enfants constituant une main d'œuvre d'appoint au moment des plus gros travaux, fenaison, moisson, battages et vendanges) duraient du 14 juillet au 1er octobre. Les classes vaquaient aussi de la veille de Noël au 2 ou 3 janvier et pendant la "semaine sainte" qui précède Pâques ; de ce fait, si le premier trimestre avait une durée fixe, celle des deux autres variait chaque année au gré du comput ecclésiastique [...] la pause du jeudi, déplacée plus tard au mercredi, avait été instaurée, en théorie du moins, pour que les enfants des écoles publiques pussent recevoir, si leurs parents le souhaitaient, une instruction religieuse en-dehors du temps scolaire. C'était la concession qu'avaient dû faire à la puissante et hostile Église catholique les fondateurs de l'école laïque, dont bon nombre étaient protestants et davantage encore francs-maçons. [...] Le jeudi représentait surtout une pause bienvenue dans une semaine très studieusement occupée.

    Le maître de la "petite classe" était Monsieur Dubos, un homme jeune, court et trapu, peu aimé car il était sévère, parlait de tout abondamment et fort, et, de surcroît, affichait des opinions communistes. Nous étions dotés d'un livret de lecture et d'écriture à méthode rigoureusement syllabique : il me souvient que les premiers personnages en étaient Lili et Toto bientôt rejoints par la vache Mumu. En revanche je n'ai pas mémoire du déroulement de nos journées de classe ; je sais seulement que le soir j'avais page de lecture à revoir, modèles d'écriture à recopier longuement et petites additions à résoudre. Je réussissais assez bien au cours préparatoire pour que le maître me confiât le soin de faire reprendre leurs lettres à quelques-uns de mes camarades plus lents, et j'usais même de l'autorisation qu'il m'avait donnée d'utiliser la baguette sur la tête de ce pauvre Charles Goursault, pourtant amblyope et qui apprenait d'autant moins qu'il ne voyait pas grand-chose. Il ne m'en a jamais voulu, mais j'ai encore honte aujourd'hui de ce sadisme infantile.

    A la rentrée de 1938, l'école avait été désorganisée quelques jours par la mobilisation d'un million de réservistes consécutive à la crise des Sudètes qui se conclut par le honteux accord de Munich où France et Angleterre, pour complaire à Hitler et éviter - croyait-on - la guerre, renièrent les accords qui garantissaient l'intégrité de la Tchécoslovaquie. C’est à cette occasion, je crois, que mon père était venu à vélo de Lyon, où il travaillait à la construction de nouveaux hangars à l’aéroport de Bron, pour rejoindre ensuite son unité par le train. Les accords signés, les mobilisés regagnèrent leurs foyers. Un an plus tard, l’Allemagne envahissait la Pologne, la France entrait en guerre et les trois instituteurs de l'école de garçons, y compris Dubos, qui avait juré de déserter, et le directeur Monsieur Marion, largement quadragénaire, étaient mobilisés. La directrice de l'école de filles, Madame Girard, fut chargée de la direction des deux écoles et pendant quelques semaines, ce furent deux "grandes" de treize ans, "la" Georgette Chabin - "la Noute" - et "la" Luce Pottier qui furent provisoirement chargées de nous faire classe. Je savais déjà bien lire et je me plongeais dans les numéros du magazine « Match Â» que quelqu’un de plus fortuné nous donnait après les avoir lus. Je revois encore la photographie, en noir et blanc bien sûr, montrant des skieuses fusils au dos ; elle illustrait un article qui exaltait le courage des "lottas" finlandaises se battant, pendant l’hiver 1939-1940, contre l’armée soviétique. J'ai souvenir qu'un jour Madame Girard m’avait fait venir dans sa classe pour m’interroger sur les capitales de quelques pays européens et des sujets d’actualité, entre autres la filiation de la famille royale britannique, me proposer à l’admiration de ses grandes élèves et faire honte à celles qui en savaient moins que moi. Je passai dans la petite division de la classe des moyens, au cours élémentaire première année.

    Elle fut confiée à une toute jeune maîtresse réfugiée de Moselle, Mademoiselle Vervins, petite blonde d'une grande gentillesse au doux sourire et aux yeux bleus que j'ai revue près de quarante ans plus tard à Vichy, où elle venait d'achever sa carrière, mais ayant conservé les mêmes yeux et le même sourire [...] Le seul souvenir net que je garde de cette année scolaire, c’est qu’elle me montra sur une carte routière de sa région la localité de Courcelles-sur-Nied que mon père, mobilisé au 236ème régiment d'artillerie, avait, en violation du règlement, mentionnée dans une lettre comme étant son cantonnement. Car la guerre était bien là.

    Ce fut d'abord ce qu'on a appelé "la drôle de guerre", de septembre 1939 à mai 1940. Certains stratèges ont par la suite regretté qu'on n'eût pas lancé une attaque immédiate pendant qu'une partie de l'armée allemande était occupée à massacrer les malheureux Polonais, que l'Union Soviétique avait attaqués de son côté, peut-être pour ménager un glacis entre l'armée allemande et sa propre frontière, mais aussi sans doute avec l'intention de réoccuper des territoires qui avaient longtemps été annexés par la Russie. Mais l’État-major français décida d'attendre, à l'abri de la "ligne Maginot" - du nom d'un sergent, ancien combattant de 1914-18, devenu Ministre de la Guerre -, un ensemble de positions enterrées et fortifiées qu'on avait édifiées en Alsace et en Lorraine, tout le long de la frontière franco-allemande, mais non le long de la frontière belge ; agir autrement eût été inamical à l'égard d'un pays allié […] et eût coûté fort cher. Les Allemands s'étaient pareillement protégés en construisant de l'autre côté du Rhin "la ligne Siegfried". Sur le moment cet attentisme était apprécié, comme un gage de relative sécurité, aussi bien par les soldats présents au front que par leurs familles à l'arrière.

    | ||| | | | Loisirs

    Lectures d’été… pendant la pandémie !

    par Marcel Col

    Qui ne connaît pas Arthur Rimbaud ? Tout le monde a lu « Le Bateau Ivre » ou « Le Dormeur de Val », « Voyelles » ou « Le bal des pendus » … à l'école ou entre amis !

    Au mois de janvier 2021, l'écrivain Jean-Michel Djian avait offert à son ami et comédien Jean-Pierre Darroussin un « Rimbaud en feu » (1) plein de fureur et de désespoir comme l'était l'auteur lui-même et dont l'œuvre composée à 16 ans marque la fin et l'origine de notre poésie contemporaine...

    « On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans Â» ...

    De son côté, par ces mois de canicule – à moins que ce soit d'été pourri ! - Sylvain Tesson nous a proposé « Un été avec Rimbaud » (2) On en a beaucoup parlé pendant l'été mais un petit rappel nous a semblé nécessaire et pas forcément désagréable.

    Sylvain Tesson est un voyageur. Un auteur aussi, qui a écrit en 2018 « Un été avec Homère » … Homère ... Tiens donc ! … Il écrit aussi « La panthère des neiges », remarquable petit roman, qui a reçu le Prix Renaudot en 2019 et récemment été réédité en poche. (3)

    « Un été avec Rimbaud » commence par un récit mémoriel : celui du voyage à pied accompli par Arthur Rimbaud en octobre 1870. Profitant d'un répit dans le confinement, en janvier 2021, Tesson est parti lui aussi vers le Nord en compagnie d’Olivier Frébourg, pour suivre l'itinéraire du poète en fugue … « Rimbaud était allé en train à Fumay, puis il était passé par Givet, avait franchi la frontière discrètement, s'était arrêté à Charleroi et avait marché vers Bruxelles ... » explique-t-il au début du livre.

    Lire Rimbaud est en effet une longue marche qui nous mène depuis son Ardenne natale jusqu'au Harar là-bas en Afrique …

    « J'espérais des bains de soleil, des promenades infinies, des voyages, des aventures, des bohémienneries enfin Â»

    Le livre s'organise ensuite en trois grandes parties correspondant aux trois périodes de la vie du poète. C'est d'abord « Le Chant de l'aurore Â» où l'on montre la « précocité monstrueuse Â» de celui qui à 16 ans écrit au poète Moulinois Théodore de Banville : « Je ne sais pas ce que j'ai là … qui veut monter ... Â»

    « Devenir Faust Â» … « Allégeance au réel Â» … « Le musée imaginaire Â» … et puis « Les illuminations Â» et « Le saccage de soi-même Â» … sont quelques-uns des sous-titres qui émaillent la deuxième partie du livre que Tesson intitule « Le chant du verbe Â». On y lit l'ascension folle du poète qui se déplace sans répit, changeant de point de vue. Son projet dit l'auteur : transformer le monde par les mots

    Et puis c'est fini. Le poète se tait, s'en va , « Loin de chez nous, en Afrique â€¦ » , puis revient pour mourir à Marseille après avoir écrit à sa sÅ“ur Isabelle : « Si stupide que soit son existence, l'homme s'y rattache toujours Â»

    Il faut lire le petit essai de ce grand voyageur. Il faut aussi et surtout lire et relire Rimbaud.

    (1) : Actes-Sud Papiers
    (2) : Équateurs – France-Inter
    (3) : Folio n°6968

    Coronavirus (Tragédie Antique) V

    Néron – Cassanus

    Néron

    Te voilà Cassanus ! Quelles sont les nouvelles ?

    Cassanus

    Si le soleil brillait, la journée serait belle

    Néron

    Non sol lucet omnibus !

    Cassanus              Je venais te parler

    de ces fameux péplums. Ils se sont envolés !

    Néron

    Comment ça envolés ? Par un tour de magie ?

    Cassanus

    A ta dernière orgie !

    Néron                   à ma dernière orgie ?

    Cassanus

    Tu t'étais déguisé, comme chacun de nous

    Tu avais un long bec

    Néron                  emmanché d'un long cou !

    Cassanus

    Et tu boudas, Néron, Carpediem et Hortanche

    Rien ne te convenait, ni menu, ni boutanche,

    tu attendais toujours le meilleur de la foire

    et quand tu as eu faim, il restait qu'une poire !

    Néron

    Pourtant le vieux Sénèque me l'avait enseigné :

    On hasarde de perdre en voulant trop gagner

    Cassanus

    Et tous les invités à la fin de la fête

    se sont retrouvés nus. La nuit étant frisquette

    chacun de tes convives s'est couvert de péplums

    pour revenir chez lui

    Néron                   mais y'en avait des tonnes !

    des caisses entières ! Il en reste bien un  peu ?

    Cassanus

    Pour qu'on te voie chanter, tu y as mis le feu !

    Néron

    Ah oui je me souviens, la belle nuit de Rome !

    Néron dans la lumière !... on prendra des velums !

    Néron – Diafoirus (ils entrent ensemble)

    Néron

    Pressons-nous Diafoirus, je n'ai pas bien dormi.

    J'ai rêvé à mes lions, ils souffraient d'anémie

    et la nuit résonnait de leurs rugissements...

    Diafoirus

    Ce n'étaient pas vos lions, c'étaient les lavements.

    Néron

    C'étaient les lavements ? Que dis-tu Diafoirus ?

    Diafoirus

    Commençons par le début, Néron. Ce virus,

    un village gaulois peut en être la cause

    avec les sangliers qu'on mange aux festoù-noz

    le sanglier gaulois est un danger en soies

    que l'on a côtoyé au siège d'Alésia.

    Néron

    Ces Gaulois bien chez eux, c'est grâce à nous vraiment

    qui leur avons appris tout du confinement.

    Diafoirus

    Mais il y a sans doute d'autres feux de départ

    Le Covid serait sur les navires du tsar

    Donc il faut dans les ports se garder du virus

    en n'ayant pas affaire encore aux navires russes.

    Néron

    Diafoirus, même nos vaches sont inquiètes :

    à cause des pis démis elles n'auront pas de traite.

    Diafoirus

    La corne aura virus ! Ce qui confirme bien

    qu'entre l'homme et la bête un sacré lien nous tient

    on espérait d'ailleurs avec leur colostrum

    tenir la panacée qui pourrait sauver Rome.

    Mais retrouvons la nuit où vous dormîtes mal.

    On faisait des essais de thérapie anale

    sur de jeunes esclaves et de vieux condamnés

    pour vaincre par le cul ce qui nous pend au nez !

    Pendant que le virus attaque par la face

    on le prend à revers en passant par les fesses.

    Néron

    Comment cela se fait-ce ? par les fesses ? Mais comment ?

    Diafoirus

    On le prend à revers avec un lavement

    on détruit un foyer qu'on appelle un cluster

    avec un lavement qu'administre un clystère !...

    On ne sait pas encore quel produit injecter...                                                                                                                    

    Néron

    Mais, mais ce n'est pas le cul qui est infecté !

    Diafoirus

    Ce qu'on injectera par cette voie anale

    remontera la pente jusqu'à nos amygdales

    et, tel César à Alésia, fera le siège

    du virus gaulois qui sera pris au piège.

    Néron

    Tu as l'arc peut-être, mais tu n'as pas la flèche

    Que vas-tu y mettre, dans ta seringue ? De l'eau fraîche ?

    Diafoirus

    Certainement pas du froid. Mais du chaud au contraire

    Il n'y a pas de sangliers dans le désert,

    c'est trop chaud ! Donc on met du chaud, du brûlant même

    c'est la seule façon de régler le problème.

    Il nous faut un produit à la chaleur d'étuve

    l'idéal serait la lave du Vésuve

    mais le temps d'arriver

    Néron                                                 ce serait déjà froid

    Mais alors cette nuit, ces hurlements d'effroi

    qu'aviez-vous mis, toi et ta clique, dans les seringues

    pour faire retentir Rome de ces clameurs de dingues ?

    Diafoirus

    D'abord précisons bien que les hommes choisis

    n'ont vu dans ces essais aucune poésie.

    Ils auraient pu se voir, en nous prêtant leur derche

    les héros de demain, héros de la Recherche.

    Hélas il n'y a plus de solidarité

    Le pauvre ne veut plus sauver l'humanité.

    Il n'y a plus ni courage, ni amour surtout...

    Qu'avions-nous mis dans nos seringues ? Un peu de tout

    de l'acide et du chlore, puis de l'huile bouillante

    et c'est là qu'ils ont joué aux sirènes hurlantes...

    Dans quelques jours on publiera les résultats.

    Ce matin nos cobayes ils ne se plaignent pas

    ils sont un peu rigides, ils sont un  peu livides

    mais je les crois guéris à jamais du Covid.

    Si seulement on avait une sorte de cuve

    pour garder, prisonnière, la lave du Vésuve !

    Néron

    Nous n'avons pas encore cette cuve isotherme

    mais ne peux-tu, ta lave, la réchauffer aux thermes ?

    Daifoirus

    Jamais, jamais la chaîne du chaud ne s'interrompt !

    Néron (qui a comprit « c'est tes ronds »)

    Oui, ce sont mes ronds ! Ce sont les ronds de Néron !

    N'y a-t-il pas un moyen plus économique

    pour tuer ce virus ? Peut-être un antibiotique ?

    Je dois voir Agrippine au sujet des Finances,

    voir comment regagner tout l'argent... Mais j'y pense !

    As-tu vu Agrippine, as-tu eu ce bonheur ?

    Diafoirus

    Pas depuis le conseil d'aller vous voir ailleurs...

    Néron

    Je crains bien, Diafoirus, qu'elle soit contaminée.

    Diafoirus

    Ça vous permet, Néron, d'apprendre à gouverner

    car souvent dans la ville les Romains s'interrogent

    pour savoir de vous deux qui porte enfin la toge !

    Néron

    Saint-Martin n'a-t-il pas partagé son manteau ?

    On gouverne tous deux. Moi tout seul, bientôt !

    On parlait d'Agrippine, alors revenons-y

    Il y a plusieurs jours qu'elle ne paraît ici

    J'ai le pressentiment qu'il lui faudrait ton aide

    et qu'elle attend peut-être ton prometteur remède.

    Diafoirus

    Mon prometteur remède n'est pas encore au point

    Elle me demandera quand elle aura besoin.

    L’encadré des lecteurs bénévoles de Lire et faire lire

    Dans le cadre (!) des rencontres départementales de Lire et faire lire, il a été proposé aux lecteurs qui le souhaitaient de prendre la pose afin de présenter l’album jeunesse qu’ils aimaient particulièrement partager avec leur jeune auditoire.

    Avec les remerciements de Fotografix.

    | ||| | | | FORUM

    L’étymologie maltraitée

    par Alain Bandiéra

    Nous avons suffisamment, dans notre journal, célébré les combats des femmes à travers l'histoire, nous nous sommes suffisamment réjouis des conquêtes qu'elles ont réalisées contre tous les pouvoirs qui les ont opprimées, pour ne pas être taxés, à cause de cet article, d'intolérance, d'injustice, pour tout dire de misogynie.

    Bravo à Simone Veil, bravo à Louise Michel, bravo à Joséphine Baker dont la panthéonisation récente est la plus belle réponse, le plus beau démenti, au racisme, à la xénophobie, à l'humiliation sexuelle dont souffrent les femmes en général, et les femmes de couleur en particulier.

    Bravo aussi à toutes les femmes qui aujourd'hui, journalistes, écrivain(e)s, femmes politiques, se battent au risque de leur vie et de leur liberté contre les tyrannies de tous ordre et les tabous des religions qui les condamnent à des rôles subalternes, au silence, à la soumission.

    Le respect des hommes et des femmes dont nous nous réclamons est constitutif aussi de la laïcité, qui est notre flambeau. C'est pourquoi nous approuvons tous les choix intimes assumés par les individus qui assument leur différence, en particulier dans le domaine de l'identité sexuelle. A cet égard, les participants à « la manif pour tous Â», leurs slogans assassins, les relents de pétainisme glorifiant la famille, appartiennent, à nos yeux, aux nouveaux barbares de notre temps ; ils participent à ces « invasions barbares Â» dont Denis Arcan a fait un film si bouleversant.

    Cependant, il nous semble que les initiatives linguistiques qui veulent accompagner ces libertés nouvelles, et ces récentes émancipations, par une syntaxe appropriée, ces initiatives manquent singulièrement de pertinence, et... de sérieux.

    Qu'on inscrive dans le vocabulaire français le terme d'écrivaine, à la place du terme masculin, l'innovation est tout à fait acceptable puisqu'on a de nombreux cas similaires : la châtelaine, les pays lointains et les terres lointaines... Que faire cependant d'une demi-mondaine quand il existe aussi des … demi-mondains ?

    Car cette écriture inclusive, défendue par des féministes plutôt forcenées, voir par des linguistes éminents, aboutit à des absurdités, en particulier sur le plan de l'euphonie que la langue protège soigneusement. Allons-nous consulter notre médecine ? Et faut-il enlever le « e Â» de spécialiste, quand le praticien est un homme ? Le « e Â» de ministre, le e de juge ? les exemples sont innombrables, et si l'existence d'une boulangère n'a rien à envier au boulanger, que dire alors d 'une sapeuse-pompière, ou d'une chauffeuse de poids lourds ?

    Il y a, dans la volonté d'établir une écriture inclusive, quelque chose qui va à l'encontre de l'universalité. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'affirmer que la femme est une êtresse humaine qui mérite, à ce titre, le respect ; et lorsqu'on affirme que « la femme est un homme comme les autres Â», on dépasse, sur le mode discret de la boutade, le critère de l'identité sexuelle pour adopter celui dune appartenance universelle. C'est ainsi que ces pratiques langagières risquent d’instaurer de nouveaux communautarismes, d'engendrer de nouvelles discriminations (même si elles se veulent positives), et de mettre en lumière ce qu'elles veulent combattre.

    Mais c'est la langue elle-même que l'on maltraite par ces pratiques nouvelles qui relèvent d'un véritable terrorisme. Dans la langue latine, dont est issue notre langue française, la lettre finale « O Â» marquait le masculin : Homo, et la lettre finale « A Â» marquait le féminin : Fémina. Cette particularité subsiste intégralement dans l'italien avec les mots uomo et dona. Il se trouve que dans l'évolution du français vers le latin, les lettres finales se sont affaiblies, et le « o Â» comme le « a Â» sont devenues « e Â» et ont donné des mots masculins et féminins indifféremment terminés par un « e Â». Le « e Â» final peut aussi être un appui qui permet la prononciation d'une double consonne, et le « populo Â» italien est devenu le « peuple Â» français. Quant au suffixe « eur Â» auquel les inclusifs veulent absolument ajouter un « e Â» (après tout une auteure, une professeure...) il faut savoir que le suffixe latin « ora Â» qui en est l'origine était déjà un féminin ; d'où la fameuse règle des noms féminins en « eur Â» qui ne prennent pas de « e Â» ; ajouter un « e Â» à des mots masculins en « eur Â» pour les féminiser constitue donc une surcharge étymologique. En bref, le e qui termine un mot français n'est pas la marque obligatoire du féminin, sa manipulation inclusive est complètement artificielle.

    Cerise sur le gâteau : l'émergence du nouveau pronom personnel « iel Â» ; je ne sais pas où ses partisans en ont trouvé l'origine mais l'argumentation qui soutient ce néologisme est parfaitement insensée sur le plan linguistique. « iel Â» n'est absolument pas identique au « they Â» anglais, il ne remplit pas un vide pronominal. Il serait tout aussi simple de laisser à la personne concernée le choix du pronom qui la désigne : il pour les transgenres masculins, elle pour les transgenres féminins ; favoriser l'intégration de toutes les situations non conformes, ou ambiguës ne suppose pas qu'on leur attribue un pronom personnel approprié ; on cède alors à la tentation arbitraire d'installer une révolution imbécile qui va couvrir de ridicule ceux à qui on souhaite rendre une dignité sociale ; il est regrettable qu'on mette un outil si insensé au service d'un dessein si généreux.