Auvergne laïque n° 491 - janvier-mars 2023


EDITO

L’Ă©cole encore

Alain Bandiera, pour le comité de rédaction

Sous le gouvernement de Giscard d'Estaing, un dĂ©putĂ© – de droite, faut-il le prĂ©ciser-, dĂ©clarait Ă  l'assemblĂ©e nationale que l'enseignement « n'Ă©tait plus un investissement rentable Â». Ainsi s'amorçait un discrĂ©dit qui ne cesse de frapper l'Ă©cole et ses agents, entraĂ®nant une vĂ©ritable dĂ©sacralisation de l'institution scolaire et de sa vocation.

On n'a pas oublié les imprécations lyriques de Victor Hugo, défendant ardemment l'école de la République, au service de tous les enfants, accueillant les plus démunis longtemps écartés de voies du savoir.

Depuis l'AntiquitĂ©, tous les rĂ©gimes politiques ont mesurĂ© l'importance de l'Ă©cole, y compris les rĂ©gimes despotiques qui l'ont instrumentalisĂ©e ; Une Ă©cole favorisant certes les Ă©lites et confiant presque toujours au clergĂ© le soin de l'enseignement et de l'Ă©ducation. « De toutes nos institutions, l’éducation publique est la plus importante. Tout dĂ©pend d’elle, le prĂ©sent et le futur. Il est essentiel que les idĂ©es morales et politiques de la gĂ©nĂ©ration prĂ©sente, ne soient plus dĂ©pendantes des nouvelles du jour ou des circonstances du moment..... Â» Ainsi s'exprimait NapolĂ©on, dont la gloire militaire a Ă©clipsĂ© la prĂ©occupation Ă©ducative, et dont les philosophes ne renieraient pas les propos. L’empereur se consacra très activement Ă  l'organisation de l'Ă©cole, en particulier de l'enseignement secondaire et mĂŞme supĂ©rieur. Quand Hugo affirmait que « les maĂ®tres d'Ă©cole sont les jardiniers en intelligence humaine Â», NapolĂ©on de  son cĂ´tĂ© soulignait l'importance des enseignants, le rĂ´le majeur qu'ils avaient Ă  jouer, et suggĂ©rant mĂŞme Ă  leur encontre une exigence de cĂ©libat qui leur aurait permis d'exercer pleinement ce qu'il conviendrait alors de considĂ©rer comme un sacerdoce :on ne tarderait pas Ă  sentir l’importance de la corporation de l’enseignement, lorsqu’on verrait un homme, d’abord Ă©levĂ© dans un lycĂ©e, appelĂ© par ses talents Ă  enseigner Ă  son tour, avançant de grade en grade, et se trouver, avant de finir sa carrière, dans les premiers rangs de l’État.

L'apologie d'une Ă©cole de la RĂ©publique, rĂ©alisant la mise en Ĺ“uvre de la devise rĂ©publicaine, facteur de progrès social autant que de justice, nourrit Ă©videmment les convictions des grands fondateurs de notre Ă©cole laĂŻque, gratuite et obligatoire ; elle Ă©clate dans les propositions de Condorcet, elle enflamme les discours de Jaurès, elle s'exprime dans la lettre de Jules Ferry aux instituteurs.

On se souvient aussi de l'hommage rendu par Albert Camus à son propre instituteur, et de tant d'autres écrivains célébrant la découverte des savoirs, l'enchantement qu'ils en éprouvaient et exprimant leur gratitude envers l'école et ses maîtres.

Cependant, notre Ă©cole n'a cessĂ©, dès son avènement, d'ĂŞtre l'objet d'attaques ; de la part d'abord de la coalition clĂ©ricale longtemps opposĂ©e Ă  « la laĂŻque Â», Ă©cole diabolique de la corruption des esprits. De nos jours encore, la laĂŻcitĂ© ne cesse d'ĂŞtre mise en questions, de la part mĂŞme des pouvoirs qui devraient veiller Ă  sa sauvegarde. AccusĂ©e d'inutilitĂ©, d'immobilisme, frappĂ©e d'archaĂŻsme, obĂ©issant aux injonctions de la modernitĂ©, l'Ă©cole a dĂ» souffrir toutes sortes d'engouements qui ont favorisĂ©, dans son enceinte, les intrusions les plus nĂ©fastes. Au cours de sa campagne Ă©lectorale, SĂ©golène Royal prĂ©conisait « un ordinateur  par Ă©lève Â», cĂ©dant Ă  l'illusion numĂ©rique dans le domaine de l'efficacitĂ© des apprentissages. Devenus experts dans ce domaine, les Ă©lèves ont une pratique très diversifiĂ©e de l'ordinateur. Le philosophe Alain soutenait que l'Ă©cole devait ĂŞtre « rĂ©solument retardataire Â» ; et pourtant, on a voulu l'ouvrir sur le monde du travail, on a tentĂ© d'y introduire, sans lendemain, toutes les formes d'expression susceptibles de lutter contre l'Ă©chec scolaire : expĂ©riences fugaces dĂ©fendues par des rĂ©formes successives qui s’avĂ©raient stĂ©riles autant que capricieuses.

Les offenses faites Ă  l'Ă©cole ne dĂ©passaient pas jusque-lĂ  une dimension symbolique dont on n'a pas mesurĂ© la gravitĂ©. Aujourd'hui, nous sommes confrontĂ©s au pire ; aujourd'hui un enseignant est sauvagement dĂ©capitĂ© ; l'Ă©vĂ©nement plonge l'opinion et l'institution dans la terreur... et la prudence. Un Ă©lève poignarde son professeur en pleine classe ; un autre, voilĂ  quelque vingt ans, tue son ancien professeur d'anglais en pleine liesse des fĂŞtes de Dax. On ne compte plus les injures, les insultes, les violences perpĂ©trĂ©es par les Ă©lèves mais aussi par leurs parents.

C'est dire que les coups portĂ©s Ă  l'Ă©cole le sont par ceux-lĂ  mĂŞmes Ă  qui elle destine sa mission. Nous sommes loin de l'optimisme Ă©ducatif de Victor Hugo, convaincu qu'en ouvrant la porte d'une Ă©cole on fermait celle d'une prison : aujourd'hui l'Ă©cole doit lutter en son sein contre toutes les formes d'infractions et de dĂ©linquances.

Pour toutes ces raisons, l'Ă©cole et ses professeurs mĂ©riteraient le soutien assidu, autant que l'estime, d'un pouvoir politique qui restaurerait l'exercice de leurs missions Ă©ducatives et rĂ©habiliterait leur crĂ©dit et leur prestige. L'Ă©tat actuel de l’institution scolaire illustre la thèse de Jean-Marie Domenach qui, dans son livre intitulĂ© « le retour du tragique Â», montre que les idĂ©ologies les plus gĂ©nĂ©reuses, les projets les plus humanistes, succombent sous la barbarie qu'ils se proposaient de combattre ; c'est sans doute le paradoxe le plus terrible qui frappe aujourd'hui le destin de notre Ă©cole.

D’une guerre Ă  l’autre

Par Alain Bandiéra.

« Vous tous, toutes les mères, tous les pères, tous les frères et sœurs, votre accueil nous cause une  joie immense …. toute cette joie, nous la devons à la victoire.... Mais nous n'oublierons jamais ceux qui sont restés sur le champ de bataille. Le temps peut passer, nous reconstruirons les villages et les villes ; toutes nos blessures se cicatriseront. Mais nous garderons toujours une haine féroce de toute les guerres.

        Nous ressentons au fond du cĹ“ur le grand malheur de ceux qui,  aujourd’hui,   ne peuvent accueillir Un ĂŞtre chĂ©ri. Et nous allons tout faire  afin que nos jeunes filles n'aient plus de chagrin et qu'elle gardent leur fiancĂ© ; que toutes les mamans de la terre n'aient plus Ă  redouter pour la vie de leurs enfants ; afin que tous les pères, en secret, n'aient plus Ă  ravaler leurs larmes.

        Nous avons vaincu, nous sommes restĂ©s vivants non pour la destruction mais  pour l'Ă©dification d'une vie nouvelle. Â»

        Cet ardent plaidoyer pour la paix est extrait d'un discours prononcĂ© par un personnage dans la dernière sĂ©quence du film russe, « Quand passent les cigognes Â» qui a fait pleurer des salles entières. Ce film rompt avec la tradition d'une propagande belliciste en vigueur jusque lĂ  dans le rĂ©gime soviĂ©tique.

        Wladimir Poutine n'a sans doute pas vu ce film, ou du moins il en a oubliĂ© le message.

________________________________

        Le 18 mars 2022, alors que la France cĂ©lĂ©brait les 60 ans des accords d'Evian qui mettait fin – d'une manière illusoire – au conflit algĂ©rien auquel on avait reconnu la dĂ©nomination de « guerre d'AlgĂ©rie Â» une autre  guerre ravageait l'Ukraine depuis près de 3 semaines.  La coĂŻncidence entre les  deux situations historiques a provoquĂ© – comme chaque fois qu'un Ă©vĂ©nement en vaut la peine - un dĂ©ferlement d'images en mĂŞme temps qu'elle en engendrĂ© une confusion immense dans leur perception ; on ne savait plus en effet de quelle guerre il s'agissait, et sur le « théâtre de la guerre Â» – selon la formule de Voltaire – les scènes Ă©taient identiques ,  relevant  du mĂŞme spectacle  de destruction et de panique. C'Ă©taient des ruines fumant sous les bombes ou les explosions, des gens Ă©perdus courant dans les rues pour Ă©chapper aux tirs, des enfants pĂ©trifiĂ©s hurlant de peur, des cadavres jonchant le sol,des exĂ©cutions sommaires,  des blessures atroces....On aurait pu glisser, dans le dĂ©roulement des reportages, les images d'un film, celui de Rossellini par exemple – Allemagne annĂ©e zĂ©ro– oĂą une sĂ©quence nous montre un enfant errant dans les ruines de Berlin dĂ©truite par l'armĂ©e russe,  et qui finit par se jeter du haut d'un immeuble dĂ©mantelĂ©  par les bombardements  : la fiction passerait pour rĂ©elle et s'ajouterait Ă  la dĂ©nonciation des atrocitĂ©s.     Quelle que soit la guerre, l'horreur est la mĂŞme. On pourrait penser que les progrès de la technologie ont aggravĂ© « l'efficacitĂ© Â» des armes et on a mĂŞme tentĂ© de nous faire croire que la guerre des 6 jours serait une « guerre propre Â»  or, Ă  toutes Ă©poques, le nombre des victimes – morts et blessĂ©s -  d'une guerre est toujours considĂ©rable,  y compris des victimes « collatĂ©rales Â», c'est-Ă -dire de tous les innocents massacrĂ©s. Et c'est ainsi que les seules baĂŻonnettes ont fait, pendant la guerre de sĂ©cession, 600 000 victimes parmi les nordistes, et 500 000 parmi les sudistes.

        Des voix s' Ă©lèvent  dans toute l'histoire des hommes cependant – y compris dans l'antiquitĂ© -l la voix des Ă©crivains, des poètes, des philosophes,  auxquelles s'ajoutent les images des peintres et plus rĂ©cemment, des photographes et des cinĂ©astes,  plaidant pour la paix et protestant contre la barbarie de la guerre.  « Lysistrata Â» - signifiant en grec « qui dĂ©fait les armĂ©es Â» est le prĂ©nom d'une femme hĂ©roĂŻne de la pièce du mĂŞme nom Ă©crite par le poète comique Aristophane. Lysistrata organise avec toutes les femmes de la citĂ© une grève singulière : elles refuseront leurs faveurs Ă  leurs guerriers de maris  tant que ces  derniers dĂ©serteront le foyer conjugal pour conquĂ©rir  sur les champs de bataille leur honneur viril. La pièce d'Aristophane Ă©tait en rĂ©alitĂ© une critique violente – et satirique – de la guerre du PĂ©loponnèse.

        Plus près de nous,  et beaucoup plus solennellement  aussi, Jean Giono reprend le mĂŞme thème dans sa « lettre aux paysans sur la pauvretĂ© et sur la paix Â». S'adressant aux paysannes, il leur confie la mission d'empĂŞcher les guerres en faisant la grève du blĂ©. L'injonction de Giono relève d'une utopie pacifiste qui traverse une grande partie de son Ĺ“uvre.

        « ... payez. Plus rien n’est Ă  vous, mĂŞme pas vos mains. Marchez. On n’a mĂŞme pas besoin de vous expliquer les raisons de cet abattoir vers lequel on vous pousse avec vos enfants ...les musiques militaires sonnent en fanfare l’article du règlement qui le proclame : Aux armes, citoyens !

...Je ne suis plus du tout disposĂ© Ă  dĂ©fendre la paix au profit d’hommes qui ne cessent de rendre ainsi la guerre logique et raisonnable. Il ne suffit pas d’être pacifiste, mĂŞme si c’est du fond du cĹ“ur et dans une farouche sincĂ©rité ; il faut que ce pacifisme soit la philosophie directrice de tous les actes de votre vie. Toute autre conduite n’est que mĂ©prisable lâchetĂ© Â»

        Wladimir Poutine n'a sans doute pas lu non plus ce court ouvrage de TolstoĂŻ auquel l'Ă©crivain, catholique fervent, donne pour titre un des dix commandements de l'Evangile : « Tu ne tueras point Â». Évoquant le meurtre des puissants – rois et empereurs cĂ©lèbres, souvent victimes des ressentiments populaires – TolstoĂŻ, loin de s'apitoyer, inscrit ces meurtres dans un cycle d’assassinats : 

        «... Ces meurtres provoquent, parmi les empereurs, les rois et leur entourage, une violente indignation et un grand Ă©tonnement, comme si ces princes ne participaient pas eux-mĂŞmes Ă  des assassinats, n’en profitaient et ne les ordonnaient point. Parmi les rois assassinĂ©s, les meilleurs... Ă©taient auteurs ou complices du meurtre de milliers et de milliers d’hommes qui pĂ©rirent sur les champs de bataille ; quant aux empereurs et rois mauvais, c’est par centaines de mille et par millions d’hommes qu’ils ont fait pĂ©rir.

        Avec des accents qui rappellent les imprĂ©cations de Voltaire, TolstoĂŻ dĂ©nonce aussi l'embrigadement auquel les masses sont soumises et tourne en ridicule le cĂ©rĂ©monial militaire.

« La masse est comme hypnotisĂ©e :Elle voit, chez les monarques ou les prĂ©sidents, le souci constant de la discipline militaire, les revues, parades et manĹ“uvres auxquelles ils assistent et dont ils tirent vanitĂ© c’est tout bonnement la prĂ©paration Ă  l’assassinat ; c’est l’abrutissement des hommes en vue d’en faire des instruments de meurtre Â».

La conclusion du texte n'est rien d'autre qu'un appel Ă  la raison, seule arme contre le fanatisme belliciste .

«  C’est pourquoi il faut chercher Ă  mettre un terme aux tueries entre les peuples, non par d’autres assassinats, - car au contraire, ils ne font qu’accroĂ®tre l’hypnose, - mais en provoquant le rĂ©veil qui dĂ©truira cette hypnose Â».

        La guerre d'Ukraine a soulevĂ©, chez les peuples  europĂ©ens, un effroi immense, en mĂŞme temps qu'une immense compassion Ă  l'Ă©gard du peuple ukrainien.  Question de proximitĂ© gĂ©ographique sans doute, qui a rendu tangible – et menaçante – l'Ă©vidence de la guerre.  Question aussi d’identitĂ© ethnique et religieuse, favorisant la conscience d'une fraternitĂ© avec  un peuple occidental, de religion chrĂ©tienne, dont les drames  nous sembles  proches.

        Cette vague de solidaritĂ© frise pourtant une forme d'injustice humanitaire. L'opinion française ne s'est guère Ă©mue de l'annexion de la CrimĂ©e par la Russie, après que Poutine a ordonnĂ© l'invasion militaire de ce pays. L'acteur Omar Sy vient de mettre les pieds dans le plat,  provoquant une polĂ©mique, et les protestions de quelques ministres de droite ; il rappelle en effet que le continent africain est dĂ©chirĂ© par des guerres intestines, par des massacres, que  la situation de l' Ukraine a effacĂ©s de la conscience (et de la solidaritĂ©) des nations europĂ©ennes. L'Afrique ne bĂ©nĂ©fice pas de la mĂŞme proximitĂ© avec l'Europe, l'indignation de l'acteur noir est peut-ĂŞtre excessive mais bien d'autres pays de la planète sont ravagĂ©s par des guerres, provoquant l'immigration massive de ceux qui veulent Ă©chapper Ă  la violence ou Ă  la persĂ©cution. Proches ou lointains, ils connaissent la mĂŞme misère et mĂ©ritent la mĂŞme solidaritĂ©.

PLAIDOYER(S) POUR LA PAIX

        Ils sont innombrables, ces discours ardents, qui dĂ©noncent la guerre ; ils se sont multipliĂ©s depuis la crĂ©ation en dĂ©cembre 1901 du prix Nobel de la paix. Mais depuis l'antiquitĂ©, la littĂ©rature Ă©tait traversĂ©e par la protestation pacifiste. Rappelons la belle invocation de Malherbe, Ă  l’intention du roi Henry le grand, au lendemain des guerres de religion :  « et les fruits passeront les promesses des fleurs Â». Nous avons dĂ©jĂ  publiĂ© le vibrant discours de Victor Hugo, prononcĂ© en 1849,la ferveur de  son  espĂ©rance de  paix « un jour viendra oĂą les armes vous tomberont des mains Â». Ce discours aurait-il inspirĂ© le poème d'Aragon que nous Ă©voquons plus loin ?

        Nous avons choisi de publier  un bref extrait du « discours pour la paix Â» de l'Ă©crivain oubliĂ©, Laurent Tailhade, texte qui fait Ă©galement Ă©cho au discours de Victor Hugo, et prend parfois des allures de prophĂ©tie :

         « Les plus rudes soldats, les tragiques moissonneurs de cadavres, les guerriers pour qui la bataille est un jeu oĂą s’accoise leur manie homicide, ont eux-mĂŞmes, entre deux carnages, appelĂ© ces jours bĂ©nis. Les princes politiques et les furieux capitaines en ont uniformĂ©ment rĂŞvĂ©. Charles XII et NapolĂ©on, Cromwell et FrĂ©dĂ©ric le Grand, au milieu des gestes sanguinaires, des hĂ©catombes humaines, des sièges, des combats, des sacs et des exterminations, tendaient Ă  l’apaisement universel, demandaient aux armes la rĂ©alisation d’un idĂ©al pacifique, la rĂ©union de tous les hommes dans le mĂŞme bercail, sous la houlette d’un pasteur magnanime et triomphant. Cette ambition des rois, des princes, des chefs militaires, les peuples, aujourd’hui, l’ont reprise Ă  leur compte. Justement parcimonieux de leur vie et de leur fortune, ils demandent, pour trancher leurs diffĂ©rends et juger les procès de nation Ă  nation, un tribunal plus Ă©quitable, une justice plus humaine que le hasard des combats. Au patriotisme Ă©troit, agressif et bornĂ© des Ă©poques lointaines succède le patriotisme intelligent, respectueux du droit universel, qui n’estime pas absolument nĂ©cessaire de tuer ou de mourir pour vider une querelle et revendiquer son bien. Le pacifisme a conquis les plus nobles intelligences, Ă©mu les cĹ“urs d’un zèle fraternel. La ConfĂ©rence de La Haye, oĂą savants, hommes d’État, lĂ©gistes et docteurs ont prĂ©parĂ© le Code pacifique, la lĂ©gislation qui mettra fin aux victoires sanglantes, aux entreprises meurtrières, marque une Ă©tape glorieuse de l’HumanitĂ©. Â» 

                  La mobilisation littĂ©raire et les grandes paroles pacifistes n'ont pourtant rien empĂŞchĂ© ; le commerce des armes n'a jamais Ă©tĂ© aussi florissant et la barbarie est toujours Ă  nos portes . Ainsi le constate Albert Messein, Ă©diteur de poĂ©sies, dans sa prĂ©sentation du discours de Tailhade :

         « Depuis le jour oĂą ces lignes fulgurantes ont Ă©tĂ© tracĂ©es, la guerre horrible est venue dĂ©cimer et avilir l’Europe. Les plus nobles espoirs ont Ă©tĂ© submergĂ©s par la boucherie misĂ©rable, imposĂ©e par une tyrannie sans nom. Les anathèmes portĂ©s par le merveilleux Ă©crivain que fut Tailhade contre le militarisme et la guerre n’en ont que plus de valeur. Â»

Est-il encore permis de croire avec Aragon que :

« Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d'Ă©paules nues oĂą les gens s'aimeront Â».

| ||| | | | LE DOSSIER

Sauver Pierre Mendès-France : de l’indiffĂ©rence Ă  l’oubli

Synthèse réalisée par Alain Bandiéra avec l'accord de Michel PROMÉRAT

Voir site de l'Institut PMF

Alors que la France cĂ©lèbre très discrètement l'anniversaire de la mort de Pierre Mendès-France, dĂ©cĂ©dĂ© le 18 octobre 1982, le cercle Pierre Mendès-France  de Clermont-Ferrand prĂ©sidĂ© par Patrick Pochet, qui entretient la mĂ©moire du grand homme, a tenu Ă  lui rendre hommage et Ă  ranimer la flamme de sa mĂ©moire et de son rayonnement.  Michel PromĂ©rat, ancien Inspecteur RĂ©gional  d'histoire-gĂ©ographie  et PrĂ©sident du CIERV (Centre d’Etudes et de Recherches de Vichy), s'est acquittĂ© de cette mission Ă  la faveur d'une confĂ©rence, donnĂ©e le 22 octobre dernier devant les adhĂ©rents du cercle.

S'il dĂ©plore la discrĂ©tion de la commĂ©moration nationale Ă  l'Ă©gard de Mendès-France, Michel PromĂ©rat s’interroge Ă  propos de la rĂ©union organisĂ©e par Emmanuel Macron qui  rassemblait  Ă  l'ElysĂ©e des membres de la famille et des proches de Mendès-France afin de cĂ©lĂ©brer l'anniversaire de sa mort et de rendre un hommage lyrique Ă  ce grand rĂ©publicain ; faut-il y voir une tentative de rĂ©cupĂ©ration politique ?

Il ne nous a pas été possible de publier la conférence intégrale de Michel Promérat. Nous nous sommes appliqués à en dégager les grandes idées, celle qui nous ont paru les plus propres à dessiner la figure et l’œuvre de Pierre Mendès-France, qui ne se réduit pas aux quelques lignes que nous lui consacrons. Il s'agissait essentiellement de participer à l'hommage rendu par le cercle et à célébrer aussi l'héritage des valeurs qui l'ont fondé.

L’hommage du cercle Pierre Mendès-France

 «  Mendes-France a laissé une trace, qui s’efface, alors que de Gaulle a laissé une marque, pour partie encore bien visible. » Ainsi pourrions-nous, d'après les propos du conférencier, caractériser le destin, et la postérité de Pierre MENDES-FRANCE, tels que les évoque aussi l'historien Jean-Pierre Rioux, opposant deux géants de notre histoire.

LA GRANDEUR ET L'OUBLI

Ainsi pourrions-nous, d'après les propos du confĂ©rencier, caractĂ©riser le destin, et la postĂ©ritĂ© de Pierre MENDES FRANCE, tels que les Ă©voque aussi l'historien Jean-Pierre Rioux, opposant deux gĂ©ants de notre histoire : «  Mendes France a laissĂ© une trace, qui s’efface, alors que de Gaulle a laissĂ© une marque, pour partie encore bien visible. Â»

Pourtant – Michel PromĂ©rat le rappelle - Mendès France fut un grand homme politique, d'action et de vertu « il fut incontestablement important dans la vie de notre pays, ... on lui doit quelques dĂ©cisions de grande importance, la paix en Indochine, l’autonomie interne de la Tunisie, les accords de Paris qui intègrent l’Allemagne dans l’UEO (Union de l’Europe Occidentale), l’engagement des travaux prĂ©paratoires Ă  l’élaboration de l’arme nuclĂ©aire, plus tard son engagement en faveur de la paix au Proche-Orient ; ... son personnage est aujourd’hui une incarnation de la rigueur et de l’honnĂŞtetĂ© en politique Â».

Parce qu'il a du mal Ă  accepter l'oubli qui a frappĂ© Mendès France, Michel PromĂ©rat s'interroge, presque avec mĂ©lancolie, sur les raisons de cet effacement: « Comment expliquer que cet homme Ă©minent, intellectuellement agile, courageux, soucieux d’être efficace, n’a pas rĂ©ussi Ă  laisser derrière lui, la marque de rĂ©alisations durables ? A l’égal d’un Jules Ferry, d’un Clemenceau, et bien entendu de de Gaulle Â»

Une mémoire qui s'éloigne

Rares par exemple, dĂ©plore Michel PromĂ©rat, sont les Ă©tablissements scolaires qui portent son nom : aucun Ă  Louviers, sa ville d’élection; deux en Auvergne (un collège Ă  Riom, une Ă©cole primaire Ă  Clermont-Ferrand).

C'est pourquoi, Ă©vitant le parti d'une biographie linĂ©aire, le confĂ©rencier va tenter de mettre en lumière les raisons qui pourraient expliquer l'oubli - et l'indiffĂ©rence – posthumes qui frappent Mendès France. Il en voit 2 principalement :

-sa fidĂ©litĂ© Ă  une culture politique qui a pu ĂŞtre un frein, voire un carcan qui l’a empĂŞchĂ© d’aller plus loin ;

-l’insuffisance de son assise politique, qui a souvent réduit son parcours à celui d’un homme seul.

L’homme d'une culture

La culture politique de Pierre Mendes France était celle des Républicains tels qu’ils se définissaient depuis la fin du 19e siècle, culture à laquelle il a ajouté son coefficient personnel et quelques novations qui font son originalité. Mais, fondamentalement, il ne remet pas en cause les éléments structurants de cette culture... C’est peut-être là que se trouvent certaines origines d’un parcours politique inabouti.

La culture rĂ©publicaine de Mendès France imprègne encore aujourd'hui les dĂ©bats et travaux des cercles qui se rĂ©fèrent Ă  ses valeurs :

  • L’hĂ©ritage des Lumières, de 1789, l’attachement aux idĂ©aux et aux rĂ©alisations de la RĂ©volution Française ; ses sources doctrinales Ă©tant Rousseau, Condorcet et les Jacobins
  • La suprĂ©matie de la raison : Pour Mendes France, l’action politique est affaire de raison et non d’émotion. D’oĂą son souci de la pĂ©dagogie : expliquer, expliquer toujours et encore son cĂ´tĂ© parfois raisonneur, un peu austère, sa mĂ©fiance vis-Ă -vis des emportements lyriques …
  • L 'attachement Ă  la jeunesse et Ă  l'Ă©cole, et la dĂ©fense, sans sectarisme de l'Ă©cole laĂŻque  oĂą s'Ă©duque la libertĂ© de conscience. Pour lui, la libertĂ© d’opinion doit ĂŞtre totale et le droit de croire ou de ne pas croire est absolu. L’Etat doit ĂŞtre absolument neutre en matière religieuse. Il le rĂ©affirme fortement en 1955 et affirme, dans la tradition radicale, que l’Etat ne doit, d’aucune manière subventionner l’école privĂ©e.
  • Le refus de la guerre scolaire : Mendès France ne se rĂ©clame pas d'un anticlĂ©ricalisme primaire (il n’est pas un « bouffeur de curĂ© Â»), il Ă©prouve simplement une mĂ©fiance envers les religions rĂ©vĂ©lĂ©es, dont le principe heurte sa raison. Dans sa profession de foi pour les lĂ©gislatives du 2 juin 1946, il Ă©crit : « Nous maintiendrons la laĂŻcitĂ© de l’Etat et de l’école ; nous repoussons toute idĂ©e de lutte nouvelle Ă  cet Ă©gard Â».
  • les rĂ©ticences sur l'Europe telle qu’elle se construit dans les annĂ©es 1950: on peut voir dans cet attachement Ă  la laĂŻcitĂ© l’une des raisons de ses rĂ©serves Ă  l’égard d’une Europe qui se construit Ă  partir des options de la dĂ©mocratie chrĂ©tienne
  • le goĂ»t de la vĂ©ritĂ© :

Expliquer, expliquer, dire ce qui est, quitte Ă  dĂ©plaire.   « Le premier devoir, c’est la franchise. Informer le pays, le renseigner, ne pas ruser, ne pas dissimuler la vĂ©ritĂ© ni les difficultĂ©s, ne pas Ă©luder ou ajourner les problèmes, car dans ce cas, ils s’aggravent ; les prendre en face et les exposer loyalement au pays, pour que le pays comprenne l’action du gouvernement Â». Il publie, le 10 novembre 1951, un article dans La DĂ©pĂŞche de Louviers, intitulĂ© « Dire enfin la vĂ©ritĂ© au pays Â». Et le 16 mai 1953, un entretien dans L’Express intitulĂ© « La France peut supporter la vĂ©ritĂ© Â».

A cela s'ajoutent la fidĂ©litĂ© aux valeurs de la devise rĂ©publicaine – valeurs de LibertĂ©, d’égalitĂ©, de FraternitĂ© et l'adhĂ©sion entière aux principes fondateurs de la dĂ©mocratie : l'Ă©lection, la souverainetĂ© de la nation (seule source de lĂ©gitimitĂ© du pouvoir qui incite Ă  rejeter toute forme de pouvoir personnel fondĂ© sur la force ou le charisme).

- La rĂ©forme plus que la rĂ©volution : Mendès France n'est pas l’homme des « grands soirs Â» et ses adversaires lui reprocheront souvent sa prudence rĂ©formiste ; il est un homme attachĂ© au changement dans l’ordre, changement qui doit ĂŞtre prĂ©parĂ©, organisĂ©, planifiĂ©, mis en Ĺ“uvre avec mĂ©thode. Il est un rĂ©formiste qui cherche le Progrès par avancĂ©es successives.

Il n’a jamais souhaité la Révolution sociale et politique, non seulement par refus de la violence, mais également parce qu’à ses yeux, la révolution ne fait souvent que retarder les évolutions et parce qu’il craint qu’elle ne débouche sur un général à cheval type Bonaparte ou sur un régime d’oppression et de dictature, fut-elle du prolétariat, type 1917.

C’est une des raisons qui expliquent sa relative prudence quant au Front Populaire en 1936, et sa distance à l'égard du parti communiste, jusqu'à refuser des voix qui auraient pu lui être utiles.

Pour Mendès France, la démocratie se fonde aussi sur Le respect d’autrui et de ses opinions. Ses interventions à la Chambre des députés se signalent par l’absence de paroles blessantes à l’égard de ses adversaires politiques, la volonté d’éviter les polémiques; il plaide pour un débat public exigeant, fondé sur l’échange d’arguments plus que sur l’échange d'injures et d'insultes.

- l'universalisme , conviction de Mendès France issue naturellement des valeurs rĂ©publicaines ; non seulement elles doivent concourir Ă  une Ă©mancipation des Français, mais Ă©galement des autres peuples, pour lesquels la France peut ĂŞtre un modèle et un guide. D’oĂą son attitude en matière coloniale : il a bien compris assez tĂ´t qu’il faut changer la relation entre la France et les territoires qui sont sous sa tutelle, mais il n’est pas pour autant un bradeur d’empires. Il fut l'artisan de la paix en Indochine, mais il souhaite ardemment que la France demeure prĂ©sente en Tunisie, au Maroc, et jusqu’en 1957, il pense aussi que l’AlgĂ©rie doit demeurer française. Il sera un des rares hommes politiques Ă  dĂ©plorer la contrainte d'un exil inhumain infligĂ©e aux pieds noirs dans l'indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale. On retiendra les grandes lignes de sa politique coloniale  dictĂ©e par une exigence d'Ă©volution....dĂ©mocratique :

  • faire la paix en Indochine
  • quitter l’Inde
  • faire Ă©voluer la relation avec les protectorats
  • rĂ©former le système colonial en AlgĂ©rie : maintenir une prĂ©sence française, au nom de la dĂ©fense des intĂ©rĂŞts nationaux, mais aussi au nom de l’universalisme français. D’oĂą sa rĂ©action aux Ă©vĂ©nements de novembre 1954 en AlgĂ©rie

Ainsi est tracé, dans ses grandes lignes essentiellement, le portrait politique de Mendès-France, dont bien des conceptions se révèlent exemplaires, fondatrices d'une république héritière de 1789 qu'il convient d'adapter aux situations et aux objectifs présents. Pour Mendes France, l’action politique consiste à pousser jusqu’à son terme cet héritage de 1789 et d’un siècle et demi de démocratisation, par une action politique afin de donner à ces valeurs et ces principes leur champ d’application maximal. Soit à donner leur extension maximale aux potentialités ouvertes en 1789. En 1956, l’emblème du Front républicain, dont Mendes France est le chef de file, est le bonnet phrygien.

De ces valeurs et de ces principes dĂ©coulent quelques axes de sa pensĂ©e politique qui guident son action .

- Le refus du pouvoir personnel :

le refus tant de la monarchie que du bonapartisme ;

le refus du coup d’Etat ou de ce qui peut lui ĂŞtre assimilĂ© ;

  • d’oĂą son refus des conditions dans lesquelles De Gaulle revient au pouvoir en 1958
  • d’oĂą ses rĂ©ticences Ă  parler de mendĂ©sisme, dĂ©fini comme un mouvement attachĂ© Ă  un homme
  • d’oĂą son refus d’une candidature Ă  la prĂ©sidence de la rĂ©publique en 1965, sĂ©rieusement envisagĂ©e notamment par Gaston Deferre, et Ă  laquelle Mendes France se refusera, pour ne pas cautionner un mode d’élection qu’il rĂ©prouve. Les conditions dans lesquelles cette rĂ©ticence initiale furent levĂ©es, en 1969, lorsque Mendes France se lança dans l’aventure d’une candidature aux cĂ´tĂ©s de Gaston Defferre, demeurent encore mĂ©connues.

- Le Parlement reprĂ©sentant de la Nation souveraine :

  • Principe de la responsabilitĂ© gouvernementale
  • Refus de la monarchie prĂ©sidentielle, mĂŞme s’il milite pour corriger les abus du parlementarisme.

-L’attachement aux institutions de la IIIe République et au bicamérisme.

Avec le parti radical, il appelle à voter non aux deux questions posées lors du référendum de 1945, dont l’une mettait fin aux institutions de 1875.

Cependant, le destin de Mendès France sera frappé du paradoxe de la vertu et sa carrière politique va tourner court. Alors que le coup de force qui a conduit à la chute de la IVe République est légitimé par les urnes, en septembre puis en novembre 1958, et encore en 1962, il se refuse à donner sa caution au nouveau régime, trop en décalage avec ses conceptions, avec pour conséquence de se priver d’un rôle dans le nouveau régime, et ce, presque définitivement. Il est possible – et tragique - que son intransigeance, sa conception farouche de la souveraineté et de l’organisation du pouvoir l’aient empêché de trouver un rôle à la dimension de son envergure.

Ainsi Michel PromĂ©rat a-t-il passionnĂ© son auditoire en traçant le portrait d'un vĂ©ritable « albatros Â» de la politique dont la prudence et l'intĂ©gritĂ© devraient aujourd'hui servir d'exemple et de rĂ©fĂ©rence Ă  tous ceux qui briguent le pouvoir ou en corrompent l'exercice.

Dans la dernière partie de son exposé, Michel Promérat fait l'historique d'une autre fidélité de Mendès France, celle qu'il manifesta à l'égard du parti radical. Cette appartenance ne favorisa pas toujours la réussite de sa carrière politique et il ne trouvera pas, au sein de ce parti, le soutien nécessaire à une carrière politique plus aboutie.

« Quelques Ă©lĂ©ments de conclusion Â»

Voici les grandes idées – les grandes vertus – que Michel Promérat, au terme d'un exposé qu'il juge encore incomplet, nous invite à retenir d'un personnage politique hors du commun.

  • une Ă©thique politique qui inspire le respect, par sa haute valeur morale, le souci constant de la dĂ©mocratie, son sens de l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral, sa volontĂ© permanente de refuser la mĂ©diocritĂ© et les petits compromis.
  • des rĂ©alisations importantes : la paix en Indochine, une Ă©volution en matière coloniale.
  • un grand rĂ©publicain qui a bien mĂ©ritĂ© de la Patrie
  • pourtant, le sentiment que des attachements Ă  des instruments politiques datĂ©s, l’ont empĂŞchĂ© Ă  deux ou trois reprises, d’imprimer une marque dĂ©cisive et durable sur la vie du pays.

Un destin prodigieux, totalement exempt d'ambitions personnelles et que ne devrait pas engloutir « une mĂ©moire qui s’éloigne Â».

Synthèse réalisée par Aain Bandièra

avec l'accord de Michel Promérat

Emmanuel Macron : Mendès France comme si je l’avais connu

Par Alain Bandiéra.

Le 18 octobre 2022, Le prĂ©sident de la rĂ©publique rĂ©unit Ă  l’ÉlysĂ©e une quinzaine de personnes proches de Mendès France, Ă  l'occasion de l'anniversaire de sa mort  Il ne manque pas d'affirmer son admiration pour ce grand homme qui  "avait la France dans son nom et la RĂ©publique dans la peau", et dont « Â«Les leçons  sont toujours vivantes» .

          Emmanuel Macron Ă©voque le parcours de Mendès-France, les valeurs dont il s'est rĂ©clamĂ©, et se montre moins pessimiste que Michel PromĂ©rat  au sujet de « la mĂ©moire qui s'Ă©loigne Â». On affirme, dans l'entourage du prĂ©sident, qu'il s'est inspirĂ© des leçons exprimĂ©es par « cette grande voix Â». On a du mal cependant Ă  dĂ©celer, dans la politique du prĂ©sident – et dans sa personnalitĂ© – les traces de ces leçons mĂŞme si,  dans son discours, il s'applique Ă   confronter  les engagements de Mendès France avec certaines situations et certains problèmes du monde contemporain ; difficile enfin de soutenir qu'Emmanuel Macron a suivi, lui aussi, un itinĂ©raire « de gauche Â».

          L'hommage prĂ©sidentiel Ă  Mendès France demeure donc ambigu et pourrait bien relever d'une stratĂ©gie de rĂ©cupĂ©ration, comme le craint Michel PromĂ©rat dans sa confĂ©rence.

En voici quelques extraits , constamment Ă©logieux :

"Homme de devoir", de "vérité", de "confiance", "Mendès France n’a passé que sept mois à la tête du gouvernement, mais il n’a pas quitté depuis quarante ans la mémoire de notre nation",

Le régime de Vichy le fit arrêter "parce qu'il était juif et franc-maçon", "parce qu'il était profondément républicain, "parce qu’il était incorruptible".

"A chaque fois, Mendès agit en conscience" 

« Durant la guerre d'AlgĂ©rie, il "refusa d'appeler Ă  la dĂ©sertion les soldats qui combattaient" mais "reconnut la vĂ©ritĂ© sur la torture".

« Pierre Mendès France a ensuite "cheminĂ© avec la gauche socialiste et dĂ©mocratique en reconstruction" jusqu'Ă  l'Ă©lection de François Mitterrand en 1981 et oeuvrĂ© pour tenter de "dessiner un chemin de paix au Moyen-Orient".

…..Face à la haine, à l’antisémitisme et au racisme, ne rien céder des valeurs forgées en 1789"

"Face à un monde tenaillé par les conflits, dresser une France indépendante, puissance d’équilibre dans une Europe souveraine, et qui a toujours un idéal universel à formuler pour le monde"..

          Au cours de ce repas, l'idĂ©e de l'accueillir Mendès France au PanthĂ©on est Ă  nouveau mise Ă  l'ordre du jour ; voilĂ  une vingtaine d'annĂ©es qu'elle est Ă©voquĂ©e,  promue notamment par des Ă©lus de centre-gauche.

          Le discours prĂ©sidentiel est incontestablement Ă©logieux, mais nous ne voyons pas, dans le gouvernement de Macron, les traces des valeurs incarnĂ©es par Mendès France ni le souffle d'humanisme qui l'animait.

Mendès France à ses risques et périls

L'aventure patriotique

L'attachement de Mendès France Ă  La Patrie, indĂ©pendamment de toute forme de nationalisme, est aussi la marque de la fidĂ©litĂ© Ă  sa propre histoire : son père fut en effet lieutenant d’artillerie, pendant la Première Guerre mondiale, sous les ordres de Dreyfus. La patrie, un  hĂ©ritage de 1792, mais aussi de 1914/1918, est une valeur inscrite aussi dans  les fondements de la RĂ©publique  qui doit susciter une  volontĂ© de dĂ©fendre  un territoire, un rĂ©gime politique et les valeurs qui s'y rattachent.

Dès le milieu des annĂ©es trente, alors qu’il s’est situĂ© jusque-lĂ , dans l’hĂ©ritage d’Aristide Briand, il se convainc du risque grandissant de guerre et prend conscience du danger de ce qui se passe en Allemagne. Il sera le seul dĂ©putĂ© Ă   refuser le voter des crĂ©dits pour envoyer une dĂ©lĂ©gation française aux JO de Berlin ; il apporte son    soutien au plan de rĂ©armement lancĂ© en fĂ©vrier 1938 par LĂ©on Blum. Il fait surtout le  choix d'un engagement militaire. Dès 1937, il se forme au rĂ´le d’aviateur et devient sous-lieutenant de rĂ©serve d’aviation. Le 4 septembre 1939, alors que, parlementaire, rien ne l’y oblige, il demande une affectation Ă  un poste de combat. Il est affectĂ© dans l’aviation Ă  Beyrouth au bataillon de l’air 139. D’abord affectĂ© Ă  l’Etat-Major du colonel Lucien, patron des forces aĂ©riennes françaises au Liban, il souhaite passer dans le personnel navigant. Sa demande traĂ®ne, et lors d’une permission Ă  Paris en janvier 1940, il tente de faire accĂ©lĂ©rer les choses ;   Ă  la demande du colonel Lucien, il plaide pour que l’on accĂ©lère la livraison de matĂ©riel volant. A partir de fin janvier 1940, il est affectĂ© Ă  Rayack, près de la frontière avec la Syrie oĂą il suit une formation d’observateur sous les ordres du colonel Le Coq de Kerland. Il obtient son brevet d’observateur le 22 avril 1940.  Il demande, en vain Ă  intĂ©grer une unitĂ© combattante.

Toujours par patriotisme, il souhaite poursuivre le combat hors des frontières et dĂ©cide d’embarquer sur le Massilia. C’est vers l’Afrique du Nord qu’il faut aller, son escadrille y ayant Ă©tĂ© affectĂ©e. Ce mĂŞme jour, est annoncĂ© le transfert en Afrique du Nord du prĂ©sident de la RĂ©publique et du gouvernement conduit par le vice-prĂ©sident du conseil Chautemps. Le gouvernement partirait de Port-Vendres, les parlementaires de Bordeaux, par le Massilia qui doit appareiller le 20. Mendès France dĂ©cide donc de partir, d’autant qu’on lui annonce qu’il pourra emmener les siens qu’il va rĂ©cupĂ©rer Ă  Jarnac. Il retrouve nombre de ses amis qui, comme lui, ont dĂ©cidĂ© de poursuivre la guerre : ViĂ©not, Zay, Wiltzer. Les accompagnent Daladier, Mandel, Campinchi, Delbos, Le Troquer. Le bateau appareille le 21. Ce que les passagers ne savent pas, c’est que le gouvernement a opĂ©rĂ© un revirement et a dĂ©cidĂ© de ne pas partir, quelles que soient les clauses de l’armistice, alors en discussion. Le 22, Laval devient vice-prĂ©sident du conseil ; le 23, l’armistice avec l’Allemagne est signĂ©. Pour l’opinion, manipulĂ©e  par la propagande gouvernementale depuis Bordeaux, les passagers du Massilia sont au mieux des fuyards, voire des dĂ©serteurs. MalgrĂ© des tergiversations, le navire poursuit sa route et accoste Ă  Casablanca le 21 juin oĂą PMF et ses amis comptent sur Noguès, rĂ©sident gĂ©nĂ©ral, pour continuer le combat. Celui-ci choisit son camp, celui de PĂ©tain, et se justifie en affirmant que le gouvernement a Ă©tĂ© reconnu internationalement, notamment par les Etats-Unis. Le 26, Mandel qui a dĂ©barquĂ©, est arrĂŞtĂ©. MendĂ©s veut rejoindre son unitĂ© Ă  MeknĂ©s, mais est bloquĂ© Ă  l’Etat-major Ă  Rabat, sous les ordres de François d’Astier de La Vigerie qui va le « couvrir» autant qu’il le pourra. Le 20 juillet, un journal publie sa photo sous le titre  « DĂ©serteur ». Le 26, l’on annonce que Zay, Vienot, Wiltzer et Mendès seront dĂ©fĂ©rĂ©s aux tribunaux militaires pour « abandon de poste ». Le 12 aoĂ»t, Jean Zay est arrĂŞtĂ©. Le 22, D’Astier, que les milieux antisĂ©mites de Rabat appellent dĂ©sormais « D’Astier de la Juiverie » est relevĂ© de ses fonctions. Pierre Mendes France perd son principal soutien. Le 31, Pierre Mendes France est arrĂŞtĂ©, emprisonnĂ© Ă  Casablanca. Il est transfĂ©rĂ© Ă  Clermont-Ferrand oĂą il est mis au secret. DĂ©chu de tous ses mandats Ă©lectifs en janvier 1941, il riposte par un courrier Ă  PĂ©tain. Trois accusations contre lui : dĂ©sertion le 10 mai 1940, car il n’aurait pas regagnĂ© immĂ©diatement son unitĂ© ; dĂ©sertion le 10 juin, car il ne s’est pas prĂ©sentĂ© immĂ©diatement Ă  MĂ©rignac, dĂ©sertion le 20 juin avec l’embarquement sur le Massilia. Le 9 mai 1941, le colonel Legache qui a requis la peine de mort contre De Gaulle et contre Leclerc, prĂ©side le tribunal militaire de Clermont-Ferrand ;   malgrĂ© les tĂ©moignages en sa faveur de D’Astier, de Lucien, de Le Coq de Kerland, Pierre Mendes France est condamnĂ© Ă  six ans de prison ferme.

Pierre Mendes France s’est senti outragĂ© lorsqu’il fut accusĂ© de dĂ©sertion en 1940. Il n’a eu de cesse d’obtenir que son innocence soit reconnue par la cour de Riom en 1945  puis d’obtenir sa pleine rĂ©habilitation en 1954. D’oĂą, après son Ă©vasion de la prison de Clermont-Ferrand le 21 juin 1941 (la veille de l’invasion de l’URSS), sa volontĂ© de gagner Londres (il a entendu l’appel de De Gaulle le 18 juin). Il y parvient le 1er mai 1942 et  y retrouve certains de ses proches, dont Georges Boris. Il est d’abord soucieux d’y rejoindre son unitĂ© d’aviation, le groupe Lorraine, qui vient d’être transfĂ©rĂ©e du Proche-Orient. C’est un groupe de bombardement Ă  moyen rayon d’action, qui ne peut aller jusqu’en Allemagne et doit se limiter Ă  des actions au-dessus des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Il participe Ă  une douzaine d’opĂ©rations (sur la rĂ©gion de Roissy notamment), certaines sous la direction de son commandant de bord, Romain Gary. C’est pour lui une façon de laver la souillure qu’il a ressenti après l’accusation de dĂ©sertion portĂ©e contre lui.

Donc, un patriotisme inconstatable et revendiqué auquel s’ajoute la défense des valeurs auxquelles il est attaché. Il en ressort chez lui, non une idéalisation de la France comme chez de Gaulle qui la conçoit de façon charnelle, mais une conception intellectualisée d’un pays porteur de progrès et de valeurs universelles. Pour lui, la France doit donc conserver sa pleine souveraineté et il sera toujours très réservé vis-à-vis de toutes les formes de supranationalité. D’où peut-être son attitude lors du vote sur la CED en 1954 (les centristes du MRP ne le lui pardonneront pas), puis son vote contre le traité de Rome en 1957. Dans les deux cas, alors qu’il s’affirme européen et comprend que la France, puissance moyenne, a besoin de se situer dans un ensemble plus grand qu’elle, il marquera son refus, fondé sans doute sur une volonté d’indépendance farouche, mais aussi sur une méfiance vis-à-vis de l’Allemagne et surtout peut-être par le fait que le Royaume-Uni n’est inclus ni dans la CED, ni dans le traité de Rome, alors que lui, PMF, considère, par anglophilie, que l’alliance avec la Grande-Bretagne doit être le pilier de la politique étrangère française.

      Aussi prĂ©cise, aussi dĂ©taillĂ©e, aussi vivante qu'un documentaire, l'Ă©vocation du combattant Mendès France, mobilisĂ© contre l'envahisseur et dĂ©fenseur de sa patrie, l'Ă©vocation de ses combats par Michel PromĂ©rat ajoute au portrait politique le visage d'un authentique hĂ©ros.

| ||| | D'une amicale à l'autre

Saint-Eloy-les Mines : jeunesse d’une amicale laĂŻque

Présidée par Jean-Pierre PRADIER,  L'assemblée générale de l'amicale laïque de St-Eloy-les mines a célébré l'anniversaire de sa création à l'occasion de l' assemblée générale du 20 octobre 2022 . Déposée en 1960, l'amicale a donc plus de 60 ans, et c'est toujours le bel âge pour une association qui ne cesse de donner les marques d'une inlassable activité. Elle a résisté à l'épidémie et au confinement et compte aujourd'hui 400 licenciés qui se répartissent dans 18 sections et ateliers. Le nombre d'adhérents a sérieusement augmenté en raison de l'existence de nouvelles sections, comme le Pilates, la badminton et l'atelier de médiation artistique.

Jacques Bernard Magnier, sénateur, Christine Pirès-Beaune, députée de la circonscription, et Antony Palermo, maire de Saint-Eloy-les-Mines, assistaient à l'assemblée générale. Ils n'ont pas manqué de se réjouir devant le dynamisme de l'amicale laïque et la conviction active de son président. Au cours de son intervention, le maire de St Eloy a souligné la place importance de l’association dans la vie de la cité éloysienne et de ses alentours. Le sénateur a mis en avant le "vivre ensemble dans la laïcité" avec l’ouverture vers les jeunes et les étrangers, par le biais de ses relations avec les écoles et le CADA, et salué l’embauche d’un contrat de service civique. La députée a insisté sur la qualité du bénévolat et la nécessité de sa reconnaissance. Tous soulignent ainsi la fonction citoyenne de l'amicale.

Jean-Pierre Pradier a procédé à la présentation puis à la distribution du livret où figure la description détaillée des 15 sections ; chaque représentant des sections est venu tracer pour l'auditoire le bilan d'une année d'activités.... et de succès sportifs, et présenter ses projets.

Non seulement ces ateliers sont, pour les adhérents, des lieux de divertissement – et aussi d'apprentissage – mais ils deviennent également, en coopération avec le CADA, des lieux d'intégration ,  comme en témoigne le grand succès de l'atelier si bien intitulé «la cuisine partagée » , également en coopération avec le secours populaire. On y vient découvrir les recettes exotiques de nos concitoyens demandeurs d'asile et développer, à l'occasion des repas, une véritable convivialité solidaire. « Faites la cuisine, pas la guerre »,  pourrait bien être la devise pacifique (et pacifiste) de cet atelier.

Vient le moment des projets, des perspectives,  des hommages, et des récompenses.

Frédéric Nowak, vice-président de la section Basket, s’est vu remettre par Jean-Pierre Pradier, en tant que vice-président de la FAL63, et René Pouille, membre du bureau, la médaille d’or de la Ligue de l’enseignement, ainsi que la médaille de la ville de Saint-Eloy par son maire, Anthony Palermo. Elles récompensent son action, depuis bientôt 40 ans, au sein de la section basket. Jean-Pierre Pradier, et à travers lui l’Amicale Laïque, s’est vu remettre avec émotion la médaille du Sénat des mains de Jacques-Bernard Magner.

L'association est aujourd'hui en pleine évolution. Jusque là,  tournée essentiellement vers des activités sportives, l'amicale laïque prend aujourd'hui des orientations culturelles. Jean-Pierre Pradier espère qu'elles se développeront. Il a le projet de créer un cercle de réflexion au service des citoyens locaux qui pourraient y débattre de leurs problèmes de vie. Il compte également entretenir la convivialité qui est un des objectifs majeurs de l'association ; dans ce domaine, l'amicale laïque a la chance – Le président  s'en réjouit- de disposer de locaux, de salles (y compris une cuisine équipée) permettant d'accueillir les amicalistes et leurs amis. Il exprime sa volonté  d'offrir aux habitants de St-Eloy des activités et des animations originales partageant  dans ce sens, les objectifs de la municipalité.

Un hommage amical est rendu à trois amicalistes particulièrement engagés, et disparus en 2022 : Jean-Pierre Fauchon, Michel Huguet et  Joseph Duron.

Enfin, Le président évoque la figure de ses prédécesseurs, dont Paul Grand, le fondateur, à qui ont succédé René Peyronnet et Jean-Pierre Lamartine, qui tous ont contribué à la permanence et au rayonnement de l'amicale.

Au terme de l’assemblée générale, le verre et le buffet  de l'amitié – et de la convivialité –ont  donc  réuni les participants.

| ||| | | | Avec les DDEN

De la nécessité des DDEN dans les écoles

Motion adoptée au Congrès du Kremlin-Bicêtre – Novembre 2022

L’histoire des Délégués Départementaux de l’Éducation Nationale (DDEN), ex-Délégués Cantonaux, est étroitement liée à celle de notre système éducatif institutionnalisé depuis 1833. C’est la loi Goblet de 1886 qui confère à notre fonction ses lettres de noblesse en parachevant les fondations de l’École publique gratuite, laïque et obligatoire.


Depuis lors, les DDEN ont le souci permanent de veiller aux bonnes conditions de vie des élèves à l’École. Notre priorité est l’intérêt supérieur de l’Enfant. Ses Droits sont l’objectif principal que s’assignent les DDEN en défendant tout particulièrement, dans l’école, l’intérêt des élèves, raison d’être de notre action. Pour nous, DDEN, l’École publique laïque a l’obligation d’accueillir tous les jeunes, au-delà de l’origine des familles, des inégalités sociales et des convictions particulières des uns et des autres.
L’intérêt des élèves implique l’allégement des journées scolaires, la mise en place d’activités périscolaires gratuites, la promotion de la santé avec des moyens en personnel indispensables. L’école doit devenir véritablement inclusive, dans le respect de la liberté de conscience des futurs citoyens en construction.


De notre fonction para-administrative à notre mission associative, c’est d’abord notre implication, pas toujours connue, auprès des écoles, qui assure notre crédibilité et notre légitimité à travers nos unions et notre Fédération. Notre fonction et le rôle que nous voulons y tenir sont de plus en plus nécessaires dans l’environnement éducatif complexe d’aujourd’hui.
Mais pour continuer à assumer nos engagements, notre administration de tutelle, le ministère de l’Éducation nationale, doit nous donner les moyens de recruter de nouveaux DDEN et d’assurer notre fonctionnement pour les missions officielles définies par le Code de l’Éducation. Aujourd’hui notre fonctionnement est exclusivement assuré par les seules cotisations des membres de notre Fédération reconnue d’utilité publique, qui sont des bénévoles.


Le renouvellement quadriennal et le recrutement de DDEN deviennent problématiques aujourd’hui, aussi nous demandons la transformation de l’obligation du renouvellement quadriennal des DDEN. En effet, tous les 4 ans, tous les DDEN ont obligation de renouveler leur engagement. À chaque fois nous perdons de nombreux collègues qui ne font pas cette démarche administrative. Nous réclamons un recrutement « au fil de l’eau », tout au long de l’année, sous la responsabilité du Directeur Académique (DASEN) de chaque département qui informera a posteriori les membres du Conseil Départemental de l’Éducation Nationale (CDEN).

Nous sollicitons notre présence au sein du Conseil supérieur de l’éducation pour y représenter une composante nécessaire du système éducatif aux missions et fonctions officielles, inscrites dans le Code de l’Éducation.
En juin 2019, à notre demande, le Sénat à l’unanimité a voté un amendement à la « loi sur la Confiance » pour étendre l’action des DDEN aux collèges. Nous continuons à demander cette extension de notre fonction, (le cycle 3 allant du CM1 à la 6e), ce qui semble nécessaire pour nombre d’élus de la Nation.


Lors de la mise en place des « Cités éducatives » nous avons souhaité, au regard du caractère que notre fonction confère à notre statut, la désignation officielle d’un référent DDEN pour intervenir dans ces territoires éducatifs. Cette proposition avait, avec notre accord, l’aval du Coordinateur national des Cités éducatives.
Une de nos préoccupations majeures concerne notre absence dans deux des trois départements de la région Est, où nous attendons la nomination de DDEN pour épauler les écoles de Moselle et du Bas-Rhin dans un esprit d’égalité républicaine avec le département du Haut-Rhin. Nous exerçons pleinement notre fonction de DDEN dans les écoles de ce département depuis trois ans. Cette situation est pour nous incompréhensible et totalement dépourvue de logique au regard des distorsions de traitements départementaux que subissent les DDEN.
La présence des DDEN dans les écoles apparaît d’autant plus urgente aujourd’hui que la cohésion nationale est menacée par des explosions sociales mais plus encore par une individualisation du rapport à l’École nécessitant de plus en plus de médiation.
Notre absolue indépendance constitue la garantie de notre crédibilité de médiateur au sein de l’École entre toutes ses composantes associatives, syndicales et institutionnelles.


Pour nous DDEN, les Droits de l’enfant restent indissociables de la Laïcité et de l’égalité en éducation par la mixité sociale. Les missions dévolues à l’École publique laïque, l’éducation à la Citoyenneté, l’éveil au sens critique, à la lucidité et à la responsabilité de soi, constituent pour nous DDEN, les valeurs cardinales de l’acte éducatif de transmission des idéaux de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. Ces objectifs sont inscrits dans toutes nos résolutions et guident notre action.


Motion adoptée à l’unanimité,
le 20 novembre 2022.

| ||| | | | Avec le Cercle Condorcet

Des retraites et des chiffres

Pierre Miele, février 2023

Si, comme il semble, l'histoire se répéte, une nouvelle réforme des retraites sera proposée en 2033, rapport du COR et chiffres à l'appui, pour reporter l'âge de départ, et cette fois sans doute à 67 ans !

En 2013, le Cercle Condorcet ouvrait un chantier de réflexion sur le thème "Informer et/ou manipuler"(1) et, dans le cadre de cette étude, une réforme des retraites qui était en préparation avait servi d'illustration pour un procédé manipulatoire s'appuyant sur les chiffres.

Il s'agissait de la réforme pilotée par Marisol Touraine. Pour mémoire, François Hollande avait inscrit le retour de l'âge légal à 60 ans dans un programme qui lui valut son élection ; il allait revenir sur la réforme de 2010 qui repoussait cet âge légal de départ à 62 ans, et à 67 celui maxi de la retraite à taux plein. L'élection passée, il y revint ; mais pour maintenir les dispositions précédentes, allongement de l'espérance de vie oblige(2), et pour leur ajouter un allongement progressif de la période de cotisation que le gouvernement précédent n'avait pas réussi à faire passer.

Tandis que le précédent gouvernement avait prétendu en 2010 que sa réforme assurerait l'équilibre des caisses à partir de 2018, le nouveau affirmait en 2013 que, sans cette mesure complémentaire, le déficit allait au contraire se creuser pour atteindre 20 milliard en 2020 ! Cette décision s'appuyait sur un rapport du COR (Conseil d'orientation des retraites), mais plus exactement sur l'un des trois scénarios étudiés par le COR, celui où la situation de l'emploi et des salaires ne serait pas améliorée dans la période à venir.

Les radios, télés et journaux répétaient en boucle, à longueur de semaines, cette menace des 20 milliards de déficit en 2020 ! A l'époque, notre étude fustigeait cette insistance dans l'emploi de "chiffres choisis pour marquer les esprits" et faisait observer qu'au même moment les grandes entreprises du CAC annonçaient des bénéfices si gigantesques qu'une petite taxation eut probablement suffit à combler le déficit des caisses de retraite. Ces chiffres là n'étaient pas répétés en boucle et l'opinion publique n'était pas encore alertée comme elle l'est aujourd'hui tant le phénomène s'est amplifié au fil des années. La réforme 2013 est donc passée, difficilement mais passée.

En 2023, l'équilibre attendu semble momentanément atteint, mais l'actuel gouvernement reprend le dossier et recommence presque à l'identique, avec un nouveau rapport du COR. Toujours basé sur l'hypothèse de plus en plus douteuse d'un allongement de la vie(2), le scénario retenu s'alarme du déficit qu'entrainera une baisse tendancielle de la productivité, un indice qui cache mal la dégradation prévue de la situation de l'emploi et des salaires qui dépendent directement de la productivité. Selon cette projection, l'équilibre reviendrait en 2033 si l'âge légal était reporté à 64 ans. Dans le même temps, les entreprises du CAC annoncent de fabuleux dividendes.

Puisque l'histoire semble se répéter, doit-on penser qu'à défaut de meilleures solutions entrevues puisqu'il n'est pas envisagé d'améliorer sensiblement la situation de l'emploi et des salaires, ni de taxer sérieusement les dividendes, une nouvelle réforme sera nécessaire en 2033 qui reportera l'âge légal sans doute à 67 ans ?

  1. Chiffres à l'appui : justes nombres et raisonnements faux - Cercle Condorcet de Clermont-Fd - Cahier n°15 "informer et/ou manipuler", 2014 - https://condorcetclermont.fr/liste-des-livrets-publies/informer-et-ou-manipuler/
  2. Voir la tribune du démographe Hervé Le Bras parue dans Le Monde du 15 février 2023


Au programme du Cercle, cette année

En 2023, le Cercle Condorcet prend comme thème d'étude "Montée des extrêmes-droites : quelles causes ?".
Les rencontres (un lundi par mois) sont ouvertes à toute personne intéressée.
Les associations, les collectivités, les enseignants peuvent solliciter le Cercle pour une intervention sur un de nos récents thèmes d'étude
.
Voir https://condorcetclermont.fr
Contact : condorcetclermont@laposte.net

| ||| | | | Loisirs

L’ATR fait aussi des lectures 

Pour la « Cause des Femmes Â»

Depuis plus de dix ans l'ATR a lu des textes de Franca Rame, Annie Ernaux, Florence Aubenas, Paola Pigani , Agnes Desarthe, Laetitia Colombani, Michelle Lesbre et aujourd'hui Rosa Parks dont le geste qui consista à refuser de céder sa place assise dans un bus à un voyageur blanc déclencha en I955 la grande lutte pour les Droits Civiques aux USA.

Cette lecture qui a été inaugurée le mardi 5 avril 2022 est toujours disponible pour les associations qui en feront la demande en téléphonant au 06 86 02 59 97 .

Avec « Des mots et des notes Â»

En association avec Piano à Riom , lecteurs et musiciens invitent les Riomois pour une cinquième saison à la Maison des Associations ( salle du Tribunal ) .

Après les premiers textes de poĂ©sie grecque de Kiki Dimoula qui ont eu lieu  le 12 octobre dernier, suivront :

  • Pablo Neruda le  14 dĂ©cembre 2022
  • GĂ©rard de Nerval le 15 mars 2023
  • Philippe Jaccottet le 10 mai 2023

Les lectures ont lieu Ă  18h30 et durent environ 1 heure. Elles sont accompagnĂ©es de musiques en rapport avec les thèmes poĂ©tiques : Bernard AndrĂ©s ( Dimoula ) , Ludwig van Beethoven ( Neruda ) , Franz Schubert ( Nerval ), Jean-SĂ©bastien Bach ( Jaccottet ).

L'entrée est libre et gratuite dans la limite des places disponibles

UNE ENFANCE BOURBONNAISE (suite)

LA LAĂŹCITE DES COMMENCEMENTS

            Nous n'avons pas voulu laisser sans lendemain « la vie et l’œuvre Â» de notre ami Bernard Gilliet qui nous a lĂ©guĂ©, dans un rĂ©cit très personnel,  le riche tĂ©moignage de son enfance. Bien loin de cĂ©der Ă  un pittoresque villageois, Bernard Gilliet produit un texte qui a valeur de documentaire ; d'abord par la minutie des descriptions – des paysages, mais aussi des vĂŞtements, de l'architecture locale, du  mobilier, des instruments de travail ; on se « promène Â» dans ce livre comme on visiterait un musĂ©e des traditions anciennes. Documentaire aussi parce que le rĂ©cit est constamment ancrĂ© dans l'histoire des hommes, Ă  la dimension d'un village qui a vĂ©cu, comme tous les Français,  la « drĂ´le de guerre Â», l'occupation, les combats sociaux du siècle dernier,  le dĂ©but de l'industrialisation.

        Dans l'extrait que nous publions aujourd'hui, on pourra mesurer l'emprise de l'Ă©glise et la place de la religion dans les mentalitĂ©s villageoises. Comme nous le signalons dans l'article sur la laĂŻcitĂ© et le droit de grève, il apparaĂ®t que l'Ă©glise n'a pas renoncĂ© – sinon  Ă  ses pouvoirs –du moins Ă  la main mise sur la population. Comme tous les enfants de son village (et sans doute de la France entière) Bernard Gilliet suit la catĂ©chèse pendant 3 ans et il y met le mĂŞme zèle qu'Ă  l'Ă©cole ; au point d'ailleurs qu'on envisage d'en faire un curĂ©, ce qui lui vaut de sĂ©vères rĂ©primandes de la part de sa grand-mère, radicalement anticlĂ©ricale. Autant que  l'Ă©crivain Colette (elle le rĂ©vèle dans ses souvenirs d'enfance), il succombera au charme des liturgies, Ă  la mĂ©lopĂ©e des chants, Ă  l'harmonie des rĂ©pons, aux pastels des images religieuses, Ă  l'attrait des rĂ©cits dont les personnages religieux sont les hĂ©ros. Par bonheur, il rejoint le droit chemin de l'Ă©cole normale, et se consacrera Ă  un autre sacerdoce.

MON ENTRÉE EN RELIGION … ET MA SORTIE.

« L'automne 1940 fut fertile en nouveautĂ©s : avec l'occupation du village par des soldats Ă©trangers et le dĂ©mĂ©nagement de l'Ă©cole, il fut marquĂ© par mes dĂ©buts au "petit catĂ©chisme". A l'Ă©poque, dans notre campagne, l’Église catholique rĂ©glait encore les grandes Ă©tapes de la vie d'un individu. ...Que l'on fĂ»t pratiquant ou non, croyant ou incroyant, on n'imaginait pas un mariage - sauf celui des divorcĂ©s, mais ils Ă©taient très rares - qui ne se rende en cortège de la mairie Ă  l'Ă©glise ; tout bĂ©bĂ© Ă©tait baptisĂ© dans les semaines suivant sa naissance ; et tous les enfants devaient "faire leur communion". Si ces cĂ©rĂ©monies Ă©taient dĂ©jĂ  pour beaucoup essentiellement des occasions de retrouvailles familiales et de ripailles, on eĂ»t Ă©prouvĂ© de la gĂŞne et mĂ©ritĂ© une rĂ©probation au moins tacite en les privant de leur caractère religieux.

La "première communion" devait obligatoirement être précédée de trois ans d'instruction religieuse, à raison d'une séance quotidienne de catéchisme pendant les périodes scolaires, avant le début de la classe du matin. Mais, l’Église ayant décrété qu'à sept ans un enfant avait atteint "l'âge de raison" lui permettant d'assimiler les "vérités de la foi", il était aussi d'usage de suivre auparavant une année de "petit catéchisme", facultative mais vivement recommandée, qui se limitait à une séance hebdomadaire le jeudi, jour où, on l'a déjà dit, les classes vaquaient théoriquement à cette fin. Je me rendis donc chaque semaine, comme beaucoup de mes petits camarades, chez les Bernachez du bourg, qui occupaient une imposante demeure construite au XVIIIe siècle....

Je n'ai conservé qu'un souvenir assez confus de ces réunions qui se tenaient non pas dans le "château" mais dans une pièce des "communs", et j'y appréciais des séances au cours desquelles, à grand renfort d'images, on nous présentait Dieu le Père sous la forme d'un majestueux et bienveillant vieillard à la barbe blanche, flottant dans le ciel entouré de nuages et d'anges, Jésus en homme jeune et affable écartant les bras de ses vêtements flottants en un geste d'appel et d'accueil ou bien attaché sur une croix, mais la tête toujours belle et douce même couronnée d'épines, et la Vierge Marie qui nous souriait avec tendresse de son visage à l'ovale parfait émergeant de voiles bleus et blancs....

Nous apprîmes donc d'abord des bribes de ce que l'on appelait "l'histoire sainte". A huit ans à peine, la description du Jardin d’Éden - le paradis primitif - m'émerveillait ; je m'attristais de la curiosité qui avait conduit Eve à écouter le Serpent : des images pieuses nous montraient le Tout-Puissant, cette fois courroucé, désignant d'un index impérieux la direction de la sortie à un couple pitoyable et terrorisé dont la nudité était chastement estompée. …. Moïse surtout nous impressionnait ; les images nous le montraient bravant le Pharaon, déclenchant les dix plaies de l’Égypte, faisant s'écarter les flots de la Mer Rouge ou recevant sur le Sinaï les tables de la Loi dans un grand fracas d'éclairs.

Les Ă©pisodes les plus touchants de la vie de JĂ©sus nous Ă©taient aussi racontĂ©s et illustrĂ©s. Et l'histoire de ce fils de Dieu se faisant Fils du Peuple au point de naĂ®tre dans une Ă©table ne pouvait qu'Ă©mouvoir et Ă©merveiller nos âmes enfantines, comme le faisait aussi le rĂ©cit de ses miracles dont pourtant la vĂ©racitĂ© ne me paraissait pas aller de soi … Nous dĂ»mes sans doute apprendre tĂ´t les prières fondamentales, le "Notre Père" et le "Je vous salue, Marie". Dès l'annĂ©e suivante en tout cas je les rĂ©citais scrupuleusement chaque soir au moment du coucher. Et malgrĂ© leur anticlĂ©ricalisme, ni ma mère ni mes grands-parents ne m'en dĂ©tournèrent, pas plus qu'ils n'essayèrent de semer le doute sur des "vĂ©ritĂ©s de la foi" que je tins vite pour certaines. Pendant les trois annĂ©es de catĂ©chisme quotidien qui suivirent cette initiation, j'eus Ă  cĹ“ur d'apprendre ses leçons aussi scrupuleusement que celles de l'Ă©cole â€¦.

Tous les "enfants du catéchisme", comme on disait, devaient obligatoirement, sous peine de réprimandes, dont les parents avaient éventuellement leur part, assister à la messe dominicale ; les garçons avaient leurs chaises réservées dans la chapelle et le bas-côté gauches ; les filles étaient à droite, près de l'harmonium qui accompagnait les chants du prêtre. Certains de mes camarades "servaient la messe". En aube et en surplis, ils présentaient à l'officiant les accessoires de la cérémonie, faisaient les "répons" à ses prières et force génuflexions chaque fois qu'ils passaient devant le tabernacle. Je connaissais parfaitement ce rituel, savais les prières en français et en latin, mais ne devins pas "enfant de chœur"...

 Et dès ces annĂ©es ces dames de la paroisse caressaient l'espoir de me voir entrer au sĂ©minaire et m'orienter vers la prĂŞtrise. Je n'y pensais pas alors de façon prĂ©cise...

Lorsque, Ă  mon entrĂ©e en Cinquième, je devins pensionnaire au LycĂ©e Banville de Moulins, l'aumĂ´nier, l'abbĂ© Danjean, me recruta dans un mouvement dĂ©nommĂ© "la Croisade Eucharistique". Ce mĂŞme abbĂ©,  dans le secret du confessionnal, ne cessait de nous interroger sur les possibles pratiques, solitaires ou homosexuelles, que notre pubertĂ© lui faisait soupçonner. Cette inquisition me paraissait dĂ©placĂ©e, dangereuse car incitatrice et, pour tout dire, malsaine; j'en vins mĂŞme Ă  m'interroger sur les propres fantasmes de ce singulier directeur de conscience. De sorte que, dans le courant de la Troisième, ma prĂ©sence Ă  la messe dominicale devint Ă©pisodique et je cessai de pratiquer Â»

« ita missa est Â» : Bernard sortira indemne de cette première expĂ©rience religieuse ; il l'Ă©voque avec la bienveillance qu'il accorde Ă  ses souvenirs d'enfance, et n'en garde aucun ressentiment : « Je ne fus pourtant pas de ces renĂ©gats qui brĂ»lent ce qu'ils ont adorĂ© Â» Nous n’oublierons  pas qu'il fut un irrĂ©ductible dĂ©fenseur de la laĂŻcitĂ©.

Texte original de

Bernard GILLIET

publié et commenté par Alain Bandiéra

Coronavirus (Tragédie Antique)

NĂ©ron

Mais Chimène ? Elle n'est pas avec toi ? OĂą est-elle ?

Rodrigue

Oh ne m'en parlez pas ! Elle est avec Marcel !

Oui, Marcel, le metteur en scène. C'est lui qu'elle aime

à présent...

NĂ©ron

….....Ah Rodrigue ! Tu vois toutes les mĂŞmes!

Comme tu as du cœur tu dois souffrir beaucoup

Agrippine

Il est pareil Ă  moi il souffre plus du tout !

Néron (comédien)

Pourtant, Ecoute ! « PercĂ© jusques au fond du cĹ“ur

d'une atteinte imprĂ©vue aussi bien que mortelle.... Â»

N'est-ce pas le Covid qui arrive en vainqueur

pour faire de nos maisons des prisons Ă©ternelles ?

Rodrigue

Vous savez cette histoire, c'est pour la galerie

un mélange d'amour, famille, honneur, patrie...

Le théâtre c'est comme une boule de neige

on peut y voir la vie, les hommes et leurs manèges.

Et puis cette Chimène elle me tannait sévère

à balancer toujours entre moi et son père

dont tous les picaillons sont dans son escarcelle !...

Et pour monter des pièces ça sert bien Ă  Marcel !

Agrippine

C'est du passé Rodrigue. Ne reviens pas dessus.

NĂ©ron

Chacun porte sa croix, comme disait JĂ©sus

Agrippine

Écoutez-moi ! Écoutez les dernières nouvelles

(imitant NĂ©ron)

de « l'atteinte imprĂ©vue aussi bien que mortelle Â»

chacun derrière son masque devra faire le nez rond.

NĂ©ron

Il n'y a que NĂ©ron qui sait faire du NĂ©ron !

Agrippine

Attendre les symptĂ´mes pour avoir droit aux tests...

NĂ©ron

et de la barrière ne pas oublier les gestes !

                                                                                                                                                                                        19

Agrippine

Donc avant de reprendre la confection des masques

laissez-moi vous faire part de toutes les remarques

que nous avons reçues. Il y a du sérieux,

du farfelu...Ouvrez vos oreilles et vos yeux

(elle sort d'un sac plusieurs masques. Chacun aura le sien, pour le présenter, façon défilé de mode)

(à Bérénice)

Le masque soutien-gorge n'est pas fait pour le nez

qui va sur les poitrines toujours se promener

Bérénice

« HĂ© bien, Madame, hĂ© bien ! Qu'en peut-il arriver ?

Voyez-vous les Romains prĂŞts Ă  le soulever ? Â»

Agrippine (Ă  Octavie)

...et le masque-culotte c'est du mĂŞme au pareil

c'est attirer les ours avec un pot de miel.

Octavie

« Elles me reviennent toutes ces heures d'intimitĂ©

c'est quand l'amour arrive que l'on doit se quitter Â».

Agrippine

Ces deux masques, Mesdames, nous valent des reproches

de femmes convaincues qu'on pousse à la débauche,

qui sont choquées de voir la joie de leur mari,

Ă  se mettre le nez dans cette lingerie.

Ou alors nous accusent -les belles courtisanes-

de faire de nos bonnets, pour eux, des bonnets d'âne

et pour elles, des cloches où leur beauté s'efface

tandis qu'aux moins jolies, ils sauveraient la face

(Ă  Andromaque)

Le masque bas-collant, ça fait braqueur de banque

et il est si serré que souvent l'air vous manque.

Andromaque

« Oh dĂ©jĂ  son licou semble s'ĂŞtre adouci

depuis que c'est votre air que je respire ici Â».

Agrippine (Ă  Rodrigue)

Le masque-caleçon ? Confection Ă  l'arrĂŞt

car son cours Ă  la Bourse ne vaut pas plus qu'un pet !

Rodrigue

On sait comme un caleçon touche un homme de cœur

On me fait un affront, je tuerai les traders !

Agrippine

Bien lessiver son masque avant de le remettre

pour gagner la bataille, il faut des baillons nets.

(Ă  Flora)

Serviettes et torchons sont à déconseiller

ça donne l'impression de toujours s'essuyer.

                                                                                                                                                                                        20

Flora

Ils Ă©taient, autrefois, toujours Ă  se combattre

Aujourd'hui ils se mêlent pour essuyer les plâtres.

Agrippine (Ă  NĂ©ron)

Derrière ces étoffes pas toujours très seyantes

chacun peut deviner des faces bienveillantes.

Le masque-rideau fera penser peut-ĂŞtre

que l'on épie les gens de derrière sa fenêtre.

NĂ©ron

« J'ai parcouru des yeux la cour Rome et l'Empire Â»

mais c'est de ma fenĂŞtre que j'ai pu voir le pire !...

Le masque du cocu s'attache-t-il aux cornes ?

Agrippine

NĂ©ron ! NĂ©ron ! Parfois tu dĂ©passes les bornes !

(Ă  FĂ©licie)

Le masque-Salomé a besoin de sept voiles

c'est pour un seul masque gaspiller trop de toile...

FĂ©licie

Il permet de danser et de couper des tĂŞtes

et celle du covid y tombera peut-ĂŞtre.

Agrippine

N'est-il pas un nid Ă  poussière, ce masque-ci ?

Et de mauvaises odeurs ?....

NĂ©ron

…................................................ FĂ©licie aussi !

Agrippine

NĂ©ron ! Parfois....non rien ! Mettons-nous au travail...

Pour avoir les moissons, il faut faire les semailles.

Flora

Pour les masques, Agrippine, j'ai un nouveau patron...

NĂ©ron

Flora, belle Romaine, le patron c'est NĂ©ron !

Agrippine

Bien sĂ»r ! Toi et Rodrigue, vous ĂŞtes au dĂ©coupage.

« Je crois que vous serez heureux de votre ouvrage Â»

Compte-rendu de lecture « GUERRE »

Par Marcel Col

( Louis Ferdinand Céline – Editions Gallimard )

 Â« C'est pas pour vous fâcher il faut que je vous dise ... Â»  ...

La chanson de Boris Vian « Le DĂ©serteur Â» fut interdite Ă  la radio  en I954 ...

Il y a plus de cent ans , un garçon de 20 ans , enrĂ´lĂ© dans une guerre dont on n'a pas fini de dĂ©noncer les horreurs et les erreurs ! ...mais dont on n'oublie pas de cĂ©lĂ©brer chaque annĂ©e au 11 novembre la « victoire Â»  devant nos monuments aux morts, est devenu hĂ©las par la suite et Ă  juste titre l'immonde antisĂ©mite que l'on sait mais aussi l'un des Ă©crivains les plus inventifs du XXème siècle ?

Au printemps dernier il Ă©tait difficile de se procurer « Guerre Â» , le dernier texte retrouvĂ© et publiĂ© de Louis Ferdinand CĂ©line . Le livre Ă©tait Ă©puisĂ© dans la plupart des librairies.

Louis-Ferdinand Destouches était né à Courbevoie le 22 mai I894. Son père était employé d'assurances, sa mère ouvrière en dentelles. Son grand-père était professeur agrégé de lettres . En I914 il avait passé la première partie du baccalauréat . Il passa la deuxième partie après la guerre et devint par la suite le médecin des pauvres auprès des plus démunis.

Le 27 octobre I914 il fait la guerre en Belgique et il est grièvement blessĂ© au bras et Ă  la tĂŞte. Quand il reprend connaissance il est entourĂ© de cadavres … «  toute l'oreille gauche Ă©tait collĂ©e par terre avec du sang , la bouche aussi . Entre les deux il y avait un bruit immense Â»

C'est l'histoire de sa convalescence qui est racontĂ©e dans « Guerre Â» , de ses rencontres avec le personnel mĂ©dical et avec ses compagnons de misère . Ce n'est pas vraiment un roman , ni un tĂ©moignage mais semble-t-il , des notes de travail oĂą l'auteur Ă©voque les Ă©pisodes qu'il a vĂ©cus et qui ont nourri sa mĂ©moire et la matière de son futur roman « Le voyage au bout de la nuit Â». Il raconte une relation Ă©rotico-sentimentale avec son infirmière Mlle Lespinasse , sa dĂ©coration de la mĂ©daille militaire «  pour avoir tentĂ© seul de dĂ©gager le convoi dont il avait mission d'Ă©clairer la route … a Ă©tĂ© blessĂ© au cours de son exploit ... Â» l'histoire et la mort de son copain Cascade ( ou Bebert ? ) et sa compagne la prostituĂ©e AdĂ©le... dans cette langue fleurie, parfois vulgaire et mĂŞme ordurière et violente  qui rappelle les ballades en jargon de François Villon , mais n'exclut pas non plus une poĂ©sie fraĂ®che, naĂŻve et Ă©mouvante: … « C'est joli, c'est fragile les soleils du Nord. A gauche dĂ©filait le canal bien endormi sous les peupliers pleins de vent . Il s'en allait en zigzag murmurer ces choses-lĂ  jusqu'au bas des collines et filait encore tout au long jusqu'au ciel qui le reprenait en bleu avant la plus grande des trois cheminĂ©es sur la pointe de l'horizon ... Â»

On l'a beaucoup dit « Guerre Â» n'est pas un roman et Celine n'Ă©tait pas encore devenu Henri Barbusse ni Maurice Genevoix. Certains chercheurs  s'interrogent d'ailleurs encore sur l'authenticitĂ© et la valeur de ces notes retrouvĂ©es et reprises par des journalistes qui ne sont pas , tant s'en faut , des linguistes et des historiens. Il n'en reste pas moins que la lecture de ce document mĂ©rite qu'on s'y attache et qu'on rĂ©flĂ©chisse aux sujets qu'il traite et en particulier l'absurditĂ© de cette guerre qu'on surnommait si bien Ă  l'Ă©poque « La der des der Â» … Comme vous dites !

« â€¦ Adieu la vie ! Adieu l'amour !... Â»

Notes :Un autre roman de CĂ©line a Ă©tĂ© publiĂ© rĂ©cemment sous le titre de « Londres Â»

Le journaliste Laurent ValdiguiĂ© dans la revue « Marianne Â» a consacrĂ© plusieurs articles Ă  ce qu'il nomme  « L'imposture Gallimard Â».

| ||| | | | Idées

Francine Best : toute une vie

Par Alain Bandiéra.

«Aujourd’hui, nous mesurons la chance

d’avoir connu cette femme remarquable

 dont la pensĂ©e, comme l’action, sont des rĂ©fĂ©rences.»

Josiane Lowy

(présidente de la section locale

de la ligue des droits de  l'homme

d'HĂ©rouville)

         Depuis que je  participe Ă  l'Ă©laboration de notre journal,  je vais, pour la première fois,  Ă©crire Ă  la première personne, ayant toujours considĂ©rĂ© que l'action militante Ă©tait un engagement collectif. Je tiens aujourd'hui Ă  rendre un hommage personnel Ă  une grande dame dont l'amitiĂ© fut pour moi un privilège infini , et un immense bonheur auquel sa disparition a mis fin.

         Je pourrais sans peine Ă©crire un hommage posthume convenu, Ă©voquant une carrière inlassablement consacrĂ©e Ă  l'Ă©ducation. Je pourrais Ă©numĂ©rer toutes les fonctions qu'elle a assumĂ©es et qui furent pour elles autant de missions au service des enfants, et des citoyens . Professeur agrĂ©gĂ©e de philosophie, elle devient directrice d'Ă©cole normale, inspectrice pĂ©dagogique rĂ©gionale et enfin inspectrice gĂ©nĂ©rale de l’Éducation nationale. Poursuivant toute sa vie un travail de recherche sur l'enseignement et la pĂ©dagogie, elle fut vice-prĂ©sidente de l'institut national de recherche pĂ©dagogique Ă  Paris. Conseillère municipale Ă  HĂ©rouville-Saint-Clair, dans le Calvados, elle s'empresse de crĂ©er sur sa commune une Ă©cole Freinet et un collège-lycĂ©e expĂ©rimental. Je pourrais  cĂ©lĂ©brer sa gloire en rappelant qu'elle  fut commandeur de la LĂ©gion d'honneur, grand officier dans l'(Ordre national du mĂ©rite et chevalier des Palmes acadĂ©miques.

         Bien plus que ses titres, ce sont ses combats – et les valeurs qu'ils illustrent – qui m'ont toujours fascinĂ©. Elle est de toutes les causes humanitaires : secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de « France terre d'asile Â», prĂ©sidente de la dĂ©cennie des Nations-Unies pour l’éducation aux droits de l'homme,   elle dĂ©fend ardemment toutes les paroles opprimĂ©es,  dont la parole des enfants qu'elle veut libre et surtout entendue. Elle rĂŞve par-dessus tout d'instaurer l'Ă©cole de la fraternitĂ© : « â€™L’école de la rĂ©publique est ou devrait ĂŞtre une Ă©cole dĂ©mocratique oĂą le respect de toute personne, Ă©lève, enseignant, personnel de service devrait ĂŞtre la règle. Â» DĂ©pourvue de toute forme de sectarisme, elle appartient Ă  la lignĂ©e des grands hommes  de notre histoire,  fondateurs de l'Ă©cole laĂŻque Ă  laquelle elle se consacre et dont elle participe au rayonnement.

         C'est dans la lignĂ©e de ses combats qu'elle vient 3  fois Ă  Clermont ferrand ; une première fois dans les annĂ©es 80 au CRDP,  oĂą elle prĂ©sente la rĂ©forme Legrand et oĂą elle expose avec conviction la nĂ©cessitĂ© – et les bienfaits – d'une pĂ©dagogie diffĂ©renciĂ©e dans « la gestion de l hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© folle qui a gagnĂ© les collèges depuis 1975 Â». Une seconde fois, elle anime, au palais des congrès, une journĂ©e sur les droits de l'homme. Enfin, elle est l'invitĂ©e du cercle Condorcet oĂą elle traite de la raison chez Kant, son philosophe de prĂ©dilection. Ses auditoires sont chaque fois conquis par la richesse de ses interventions, et l'intelligence dont elle Ă©claire les sujets traitĂ©s.

         Cette grande dame, Francine Best,  n'est plus. Ce que je retiens pourtant de  cette femme notoire, au-delĂ  de tous ses mĂ©rites,  c'est une humilitĂ© immense, et c'est aussi une bontĂ© exceptionnelle qu'elle savait dispenser, en mĂŞme temps qu'un indĂ©fectible respect,  dans tous ses rapports humains.

         Je crois pouvoir dire que tout le charme de Francine Best rĂ©sidait aussi dans la capacitĂ© qu'elle avait de sauver l'enfant qui Ă©tait en elle, et dont elle dĂ©fendait la permanence et les  droits. Notre rencontre et notre amitiĂ© sont nĂ©es d'une infraction  comme ceux qu'en commettent les adolescents qui dĂ©sobĂ©issent. Francine Best  souffrait d'une grave insuffisance cardiaque (qui lui a cependant laissĂ© une longue vie) et les mĂ©decins lui avaient interdit de fumer. Au conseil des programmes oĂą nous nous retrouvions, elle n'avait pas manquĂ© de remarquer que j'Ă©tais le seul – et invĂ©tĂ©rĂ© – fumeur. Aussi, avant chaque rĂ©union m'attendait-elle devant le portail de la rue de Grenelle et elle me demandait une cigarette avec une lueur Ă  la fois coupable et gourmande qui illuminait son regard. Depuis nous nous sommes dĂ©couvert bien d'autres affinitĂ©s, et les leçons qu'elle m'a donnĂ©es – sans le moindre dogmatisme – me sont Ă  jamais salutaires.

         Mais n'est-ce pas d'avoir risquĂ© sa vie qu'elle mĂ©rite largement le titre de combattante ? Professeur de philosophie Ă  Alger, puis Ă  Oran, son activitĂ© de militante socialiste, ses positions affirmĂ©es contre les abus du colonialisme et en faveur de l'indĂ©pendance, lui valent d'ĂŞtre condamnĂ©e Ă  mort par l'OAS, Ă©pisode qu'elle Ă©voquera – quand on le lui demande – sans peur ni ostentation d'aucune sorte.

         Dans les dernières annĂ©es de sa vie, elle occupait un petit appartement non loin de la place de la RĂ©publique ; bien que provinciale, elle restait très attachĂ©e Ă  Paris, et quand je lui rendais visite, l'odeur tenace du tabac Ă©tait loin de m'importuner. Un soir de novembre, Elle sentit que son cĹ“ur lui jouait de mauvais tours et elle dĂ©cida de ne pas aller dĂ®ner dans la brasserie, au coin de la place de la RĂ©publique, oĂą elle prenait la plupart de ses repas. C'Ă©tait le 13 novembre 2015 : le lendemain matin elle apprenait que la terrasse de « la bonne bière Â», la brasserie qu'elle frĂ©quentait, avait Ă©tĂ© la cible des terroristes. Pour la deuxième fois de sa vie, Francine Best Ă©chappait Ă  la barbarie, et, Ă  la manière d'une hĂ©roĂŻne de tragĂ©die,  affrontait les mystères de son destin Ă  travers les alĂ©as de l’histoire.

         Cette inestimable amie nous a quittĂ©s le 7 avril dernier ; en sa mĂ©moire, en son honneur,  il me revient l'hommage de Jean-Paul Sartre rendu Ă  son adversaire, au lendemain de la mort d'Albert Camus, et dĂ©clarant « depuis hier, le monde nous est devenu un peu plus silencieux Â». Ce silence, cependant, ne parviendra pas Ă  couvrir la grande voix de Francine Best ni la clameur de ses engagements ; le monde s'en est enrichi et ils nous demeurent exemplaires.

| ||| | | | FORUM

Le parti des otages

Par Alain Bandiéra

La laïcité et le droit de grève n'ont apparemment aucun point commun, s'exerçant dans des domaines très différents, et concernant également des sujets et des situations très différents. Pourtant, laïcité et droit de grève ont bien quelque chose à voir avec les libertés des citoyens, que ce soit la liberté du travail  ou la liberté de pensée. Dans les deux cas, le citoyen est bel et bien protégé contre les abus de pouvoir, qu'ils soient commis par un pouvoir religieux ou par un patronat qui bafoue  les droits (et la dignité) du travail.

Cependant,  ni  les lois de 1905 – censées rétablir la paix religieuse en France – ni l'alinéa 7 du préambule de la constitution du  27 octobre 1946, date où le droit de vote est pleinement reconnu,  n'ont  réussi à mettre fin aux polémiques – voire aux affrontement  et  aux injustices – qui complexifient et continuent de miner l'exercice de ces deux libertés. Et il y a une convergence de manœuvres de la part des cléricaux, du patronat, des partis de droite, mais aussi d'une part importante des citoyens, qui n'ont toujours pas désarmé : on n'en finit pas de produire des amendements et des aménagements,  de consentir  à des  compromis,  ouvertement destinés à  restreindre les libertés acquises, à rendre les pouvoirs aux césars à qui ils ont été confisqués.

C'est dans le domaine des transports, en particulier, que la grève a très mauvaise réputation et–  ce n'est pas seulement une figure de style – très mauvaise presse. Il faut admettre qu'elle  inflige aux citoyens (qu'on appelle les usagers) des  préjudices notoires (en particulier sur le plan des transports liés à l'activité professionnelle). Les médias ne se privent pas alors de mettre de l'huile sur le feu ;  en multipliant les interviews de malheureux usagers bloqués dans une foule compacte qui attend vainement l'arrivée d'une rame de métro ; en publiant les images impressionnantes d'embouteillages gigantesques qui créent un véritable état de siège de la capitale ; aggravant ainsi le discrédit qui pèse sur les grévistes et l'hostilité dont ils sont victimes.

Incontestablement, la loi du 6 août 2019 est le produit de ce mécontentement ; elle donne en effet aux  collectivités locales le droit d' instaurer un service minimum dans certains domaines comme le ramassage des ordures, l'accueil dans les crèches ou la restauration collective. Et même si  Les conditions de la mise en place de ce dispositif doivent faire l'objet de discussions avec les organisations syndicales.  on peut considérer que cet aménagement  porte atteinte au libre exercice et aux objectifs du droit de grève, et surtout à son efficacité.

On peut se demander pourquoi la grève récente des médecins généralistes n'a engendré ni discrédit, ni indignation ; les grévistes réclamaient pourtant que le prix de la consultation soit doublé. La discrétion de la presse sur ce mouvement a sans doute favorisé l'indifférence de l'opinion et le silence du gouvernement.  

Emmanuel Macron en tout cas a choisi son camp en prenant ouvertement le parti de ceux qu'on appelle « les otages ». Dans une de ces diatribes dont il est coutumier, il a publiquement condamné les grévistes en conseil des ministres, les accusant de « gâcher les fêtes des Français » et faisant sans vergogne chorus avec les anathèmes  de la droite et de  l'extême-droite qui fustigent l'irresponsabilité des grévistes.

Une fois encore, le président montre son vrai visage :   une argumentation démagogique qui feint de compatir aux malheurs des citoyens,  le mépris de ceux qui travaillent (on passe sous silence les motifs d'une grève, conditions de travail, salaires) et surtout la tentation des représailles (pour ne pas dire de la répression)  qui pourrait bien être, en fin de compte, et à l'encontre du droit de grève,  l'irruption d'un nouveau  syndrome, le syndrome  de Fourmies.

On a sans doute oublié un film ancien qui raconte la grève des ouvrières dans une usine de textile ; quelques femmes organisent une grève de la faim devant le portail de la manufacture. Une de leur collègue arrive avec un panier de croissants, et affichant une naïveté solidaire, déclare « C'est pas une raison parce qu'on fait une grève de la faim pour pas manger un petit morceau » !

Une grève, comme en rêvent  les réactionnaires, avec des ouvriers qui travaillent, des usines qui tournent, des trains qui roulent et des grévistes responsables et de bonne volonté.