C’était Auvergne laïque
Vous venez de feuilleter le dernier exemplaire d’Auvergne Laïque dans son format-papier…
Une page est tournée.
Aussi loin qu’on remonte dans l’histoire de notre journal, on trouve les témoignages d’un combat permanent – le combat pour l’école républicaine, laïque – et de la promotion tenace de l’éducation populaire. Allons-nous découvrir dans les greniers de nos militants ces piles de journaux amoncelés ? On conservait de cette manière la mémoire des événements importants de l’histoire des hommes. « Laissez-parler les p’tits papiers » chantait Gainsbourg.
Des contraintes financières, des dispositions réglementaires relatives à l’abonnement, vont entraîner la disparition d’Auvergne Laïque sous sa forme-papier et en faire désormais un magazine « en ligne ».
On a prétendu que le numérique allait entraîner une révolution identique à la révolution Gutenberg consécutive à l’invention de l’imprimerie et la diffusion du livre. Toute révolution cependant s’accompagne de sacrifices.
Alfred de Vigny, affichant son pessimisme devant le développement des chemins de fer, regrettait le temps des diligences et la poésie des voyages lents.
Quelque chose d’irremplaçable s’attache au journalisme de papier, et le journal qui en est l’incarnation est un véritable outil de communication. On le plie dans sa poche, puis on le déplie sur une table de bistrot ; on le feuillette en hâte, on s’attarde sur les articles traitant de sujets qui nous passionnent ; on échange des opinions définitives, on le prête ou on le donne à ses voisins….Au fond, c’est toute une humanité qui se déploie autour du journal avec ses rites familiers, ses complicités et ses altercations ; ses emportements du lundi matin devant les résultats sportifs ; ses indignations politiques et ses affrontements dont on finit par sourire….
Une mention spéciale aux journaux militants, dont Auvergne laïque fait partie. Le magazine militant, c’est par excellence l’outil de la parole engagée, c’est l’outil aussi de la revendication, de la protestation, dans la lignée des pamphlets qui se moquaient des institutions et des pouvoirs….C’est, pour reprendre le titre d’un magazine que nous lisons, « les idées en mouvement ».
Que restera-t-il de ces écrans où désormais s’affichent l’information et la parole en abondance ?
Si prestigieuse et si efficace soit-elle, la technologie a aussi ses obstacles, elle a aussi ses exclus. N’est-on pas en train de reproduire sans violence les méfaits dénoncés par anticipation dans « Fareinheit 451 » et de réduire en cendres nos livres et nos journaux sous la lumière illusoire de nos écrans ?
Il faut s’en remettre cependant à la liberté et à la clairvoyance de nos lecteurs qui continueront assidûment à faire vivre « Auvergne laïque ».
Pour le comité de rédaction
alain bandiéra