Germaine Tillion
et Geneviève de Gaulle
et Geneviève de Gaulle
Deux femmes et deux hommes ayant incarné les valeurs de la France quand elle était à terre qui, en cette journée de la Résistance, entrent au Panthéon. Cette cérémonie est la dernière du long cycle de commémorations qui ont marqué le 70ème anniversaire de la Libération de la France et la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mettant en œuvre la parité au sein de son gouvernement, le Président François Hollande, aux côtés de Pierre Brossolette et de Jean Zay, a choisi deux femmes, parmi de nombreux noms proposés lors d’un sondage au cour duquel avaient été suggérées Olympe de Gouges, George Sand, Colette, Maria Desraimes, Simone de Beauvoir, Charlotte Delbos, Lucie Aubrac, Joséphine Backer…, alors que depuis une dizaine d’années de nombreuses associations féministes s’étaient mobilisées. Deux femmes « pour rappeler la contribution de toutes celles, anonymes le plus souvent, qui ont fait partie de l’armée des ombres »
Germaine Tillion (1907-2008), ethnologue, Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1920-2002), nièce de Charles de Gaulle, étudiante en histoire, résistantes de la première heure, au sein du réseau du Musée de l’Homme et de Défense de la France, toutes deux trahies au sein de leur propre organisation. Arrêtées en 1943, elles survécurent à la terrible épreuve de la prison puis de la déportation au camp de Ravensbrück, le pont des corbeaux, camp réservé aux femmes au nord de Berlin où elles noueront une indéfectible amitié et une solidarité sans faille envers les femmes humiliées. Ce sera un temps fort de leur initiation en inhumanité comme le dit Germaine, dans Ravensbrück, une des premières analyses scientifiques et sociologiques de l’univers concentrationnaire et La traversée du mal, entretiens avec Jean Lacouture. Geneviève décrira avec infiniment de pudeur et de force dans La traversée de la nuit ses longues semaines d’isolement au mitard du camp dont elle sort presque aveugle. Ma vie professionnelle m’a permis de les côtoyer au début des années 80… La force, la combativité, la conviction et la foi dans l’Homme, malgré les terribles épreuves traversées, en faisaient des femmes Debout, à l’aura exceptionnelle, qui ont marqué bien des femmes de ma génération et suscité en nous le devoir civique de transmission, d’histoire aux jeunes générations
Citons le Président Hollande : « Aujourd’hui la France a rendez-vous avec le meilleur d’elle-même. Ils sont quatre inséparablement liés dans cette célébration qui veut que des personnalités remarquables soient données à la France toute entière pour inspirer les générations nouvelles[…] Quatre destins, quatre chemins, quatre histoires qui donnent chair et visage à la République et en rappellent les valeurs. Quatre héros si différents par leurs origines et leurs parcours[…] Qu’y a-t-il donc de commun entre ces deux catholiques qui mirent leur vie au service de la dignité humaine et ces deux francs-maçons qui eurent très jeunes des responsabilités politiques importantes ? […] gouvernés par les mêmes forces, animés par les mêmes passions, soulevés par le même idéal de dépassement, indissociablement liés par le même amour, l’amour de leur patrie […] ils incarnent l’esprit de Résistance. Face à l’humiliation, à l’Occupation, à la soumission, ils ont apporté la même réponse : ils ont dit non, tout de suite, fermement, calmement. »
Il fait ensuite l’éloge du courage de Germaine, courage physique et intellectuel dans son souci de comprendre, ne pas se laisser abattre, de son courage politique quand, en 1948 aux côtés de David Rousset, elle dénonce l’univers concentrationnaire du goulag derrière le Rideau de fer, la torture en Algérie en 1957, les victimes de l’excision, cherchant « à protéger les victimes de l’avenir plutôt que de venger celles du passé, le courage comme un cri d’indignation, comme un appel à la justice, répété autant de fois qu’il faut pour que l’intolérable ne soit pas toléré […] elle voulait comprendre pour porter l’idée lumineuse de l’Humanité ». Cette infatigable lutteuse pour l’égalité s’éteint en 2008 à 101 ans .
« En République, la compassion s’appelle Fraternité […] c’est au nom de la Fraternité que Geneviève Anthonioz-de Gaulle s’était convaincue à Ravensbrück que ce qui reste à un être affamé, épuisé, battu, c’est son identité […] Un soir d’octobre 1958, elle visite un regroupement de 250 familles à Noisy le Grand sur un terrain clos de grillages, elle y voit des visages qui lui rappellent les fantômes de son passé. Sa vie sera alors désormais avec les invisibles : ne pas être leur voix mais les faire parler, ne pas les assister mais les libérer, ne pas les soulager mais les relever. Elle utilisera son nom de Gaulle comme un drapeau pour mobiliser le peuple du Quart Monde. Une vie de principes, de vertus, de dévouement, ne vaut pas à elle seule d’entrer dans ce haut lieu de la République, le Panthéon, et d’être érigé en exemple […] Il faut y ajouter une trace, un legs, une œuvre […] Pour elle, ce fut la loi du 29 juillet 1998, loi relative à la lutte contre les exclusions… Ces deux femmes, ces deux hommes ont en commun d’avoir fait de leur vie un destin et d’avoir donné à leur patrie une destinée […] Tel est le sens de cette cérémonie. »
Combattantes déterminées pour la liberté, l’égalité des droits, la fraternité, elles ont décliné ces valeurs en femmes de leur temps, de leurs milieux où elles ont souvent été en butte à l’incompréhension, la condescendance mais n’ont jamais changé de cap. C’est pourquoi la panthéonisation de Simone Veil née Jacob, accompagnée de son mari Pierre, s’est inscrite comme une évidence dans cette continuité