Un été avec Paul Valéry
Régis Debray – 2019 – Editions Equateur
« Paul Valéry est un lanceur d’alerte » affirmait Regis Debray en 2018 sur France Inter . Aujourd’hui il est en livre de poche.
Un Paul Valéry que l’on ne connaît pas…
Tout le monde ou presque en revanche connaît Régis Debray , écrivain , médiologue, journaliste , sa participation à la guérilla de Guevara, sa capture et son internement en Bolivie en I967, les nombreux ouvrages qu’il publie sur tous les sujets et notamment son guide pratique « La Laïcité au quotidien » (2015) ou ses « Rêveries de gauche » qu’il était venu présenter à Clermont-Ferrand à l’invitation des « Amis de l’Huma 63».
Il propose aujourd’hui un autre guide littéraire avec la lecture qu’il fait de l’oeuvre du poète Paul Valéry.
Le livre commence comme on pouvait s’en douter , par une référence au « Cimetière marin » de Sète ville natale du poète et bien entendu avec une citation de Georges Brassens : « … Déférence garder envers Paul Valéry / Moi l’humble troubadour sur lui je renchéris /Le bon maître me le pardonne / Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens / Mon cimetière soit plus marin que le sien / N’en déplaise aux autochtones » . La suite se décline en une trentaine de courts chapitres où l’auteur aborde – on pourrait dire qu’il butine – plusieurs aspects de la vie et de l’oeuvre du grand maître. Sa naissance « je suis né … dans un port de moyenne importance, établi au fond d’un golfe, au pied d’une colline dont la masse de roc se détache de la ligne générale du rivage … je suis né dans un de ces lieux où j’aurais aimé naître. » C’est aussi dans ce lieu qu’est apparu Jean Vilar et qu’ Agnès Varda a fait ses premiers films. Régis Debray évoque la jeunesse parisienne de Paul Valéry et ses rencontres aussi bien avec le libertin érudit Pierre Louÿs qu’ avec le huguenot homosexuel André Gide, sous l’égide du « maître » Mallarmé. « La littérature écrit Régis Debray, se nourrit d’émotions obscures, de passions irrationnelles, de faux mystères , de passions et de délires sexuels » Mais Valéry a été aussi un homme de son temps – ce temps que l’on a parfois appelé la « belle époque » – et dans le chapitre intitulé « Prospective »Debray évoque la pensée de celui qui resta toute sa vie un visionnaire quelque peu désabusé. Il parle de la guerre : « Rien n’a été plus ruiné par la dernière guerre ( 14-18 ) que la prétention de prévoir … c’est pourquoi je me garderai de prophétiser … » et plus loin « Un homme qui renonce au monde se met dans la condition de le comprendre » . En I895 dans un essai intitulé « Le Yalou » il fait parler un Asiatique « Tels nous semblons dormir et nous sommes méprisés … mais nous avons une durée plus forte que la force de l’Occident » . En I927 il écrit ( Notes sur la grandeur et décadence de l’Europe ) « L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine . Toute sa politique s’y dirige » . Ou encore en I929 « La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde » et en I934 à propos de la dictature : « Il est remarquable que la dictature soit à présent contagieuse comme le fut jadis la liberté ». Régis Debray précise également que Valéry fut antidreyfusard … Personne n’était parfait, surtout à cette époque.
L’auteur évoque enfin la liaison et le grand amour que Valéry eut avec Catherine Pozzi , la mère de Claude Bourdet résistant et homme politique. Il raconte aussi comment Jean Moulin, président du Conseil national de la Résistance imaginait en I942 que Paul Valéry pourrait être le président de la IVème République …Etait-ce une boutade de la part de Rex ? Mais Valéry n’était pas intéressé…
Et Debray de conclure en écrivant dans un dernier chapitre : « Les morts se transforment en même temps que les vivants parce que ce sont eux qui les font revivre »
Notes : Pour aller loin avec Paul Valéry on peut lire sa poésie et ses autres écrits : « Monsieur Teste » ( L’imaginaire Gallimard ) ou « Regards sur le monde actuel » ( Folio – Essais )
Pour Régis Debray : « L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque » ( 2015 ), « La laïcité au quotidien » ( 2015 ) « Rêverie de gauche » (2016 ) ainsi que ses romans ou commentaires sur le monde actuel..
Marcel Col