Auvergne laïque n° 489 - décembre 2021 / LOISIRS

Coronavirus (Tragédie Antique) V

Néron – Cassanus

Néron

Te voilà Cassanus ! Quelles sont les nouvelles ?

Cassanus

Si le soleil brillait, la journée serait belle

Néron

Non sol lucet omnibus !

Cassanus              Je venais te parler

de ces fameux péplums. Ils se sont envolés !

Néron

Comment ça envolés ? Par un tour de magie ?

Cassanus

A ta dernière orgie !

Néron                   à ma dernière orgie ?

Cassanus

Tu t’étais déguisé, comme chacun de nous

Tu avais un long bec

Néron                  emmanché d’un long cou !

Cassanus

Et tu boudas, Néron, Carpediem et Hortanche

Rien ne te convenait, ni menu, ni boutanche,

tu attendais toujours le meilleur de la foire

et quand tu as eu faim, il restait qu’une poire !

Néron

Pourtant le vieux Sénèque me l’avait enseigné :

On hasarde de perdre en voulant trop gagner

Cassanus

Et tous les invités à la fin de la fête

se sont retrouvés nus. La nuit étant frisquette

chacun de tes convives s’est couvert de péplums

pour revenir chez lui

Néron                   mais y’en avait des tonnes !

des caisses entières ! Il en reste bien un  peu ?

Cassanus

Pour qu’on te voie chanter, tu y as mis le feu !

Néron

Ah oui je me souviens, la belle nuit de Rome !

Néron dans la lumière !… on prendra des velums !

Néron – Diafoirus (ils entrent ensemble)

Néron

Pressons-nous Diafoirus, je n’ai pas bien dormi.

J’ai rêvé à mes lions, ils souffraient d’anémie

et la nuit résonnait de leurs rugissements…

Diafoirus

Ce n’étaient pas vos lions, c’étaient les lavements.

Néron

C’étaient les lavements ? Que dis-tu Diafoirus ?

Diafoirus

Commençons par le début, Néron. Ce virus,

un village gaulois peut en être la cause

avec les sangliers qu’on mange aux festoù-noz

le sanglier gaulois est un danger en soies

que l’on a côtoyé au siège d’Alésia.

Néron

Ces Gaulois bien chez eux, c’est grâce à nous vraiment

qui leur avons appris tout du confinement.

Diafoirus

Mais il y a sans doute d’autres feux de départ

Le Covid serait sur les navires du tsar

Donc il faut dans les ports se garder du virus

en n’ayant pas affaire encore aux navires russes.

Néron

Diafoirus, même nos vaches sont inquiètes :

à cause des pis démis elles n’auront pas de traite.

Diafoirus

La corne aura virus ! Ce qui confirme bien

qu’entre l’homme et la bête un sacré lien nous tient

on espérait d’ailleurs avec leur colostrum

tenir la panacée qui pourrait sauver Rome.

Mais retrouvons la nuit où vous dormîtes mal.

On faisait des essais de thérapie anale

sur de jeunes esclaves et de vieux condamnés

pour vaincre par le cul ce qui nous pend au nez !

Pendant que le virus attaque par la face

on le prend à revers en passant par les fesses.

Néron

Comment cela se fait-ce ? par les fesses ? Mais comment ?

Diafoirus

On le prend à revers avec un lavement

on détruit un foyer qu’on appelle un cluster

avec un lavement qu’administre un clystère !…

On ne sait pas encore quel produit injecter…                                                                                                                    

Néron

Mais, mais ce n’est pas le cul qui est infecté !

Diafoirus

Ce qu’on injectera par cette voie anale

remontera la pente jusqu’à nos amygdales

et, tel César à Alésia, fera le siège

du virus gaulois qui sera pris au piège.

Néron

Tu as l’arc peut-être, mais tu n’as pas la flèche

Que vas-tu y mettre, dans ta seringue ? De l’eau fraîche ?

Diafoirus

Certainement pas du froid. Mais du chaud au contraire

Il n’y a pas de sangliers dans le désert,

c’est trop chaud ! Donc on met du chaud, du brûlant même

c’est la seule façon de régler le problème.

Il nous faut un produit à la chaleur d’étuve

l’idéal serait la lave du Vésuve

mais le temps d’arriver

Néron                                                 ce serait déjà froid

Mais alors cette nuit, ces hurlements d’effroi

qu’aviez-vous mis, toi et ta clique, dans les seringues

pour faire retentir Rome de ces clameurs de dingues ?

Diafoirus

D’abord précisons bien que les hommes choisis

n’ont vu dans ces essais aucune poésie.

Ils auraient pu se voir, en nous prêtant leur derche

les héros de demain, héros de la Recherche.

Hélas il n’y a plus de solidarité

Le pauvre ne veut plus sauver l’humanité.

Il n’y a plus ni courage, ni amour surtout…

Qu’avions-nous mis dans nos seringues ? Un peu de tout

de l’acide et du chlore, puis de l’huile bouillante

et c’est là qu’ils ont joué aux sirènes hurlantes…

Dans quelques jours on publiera les résultats.

Ce matin nos cobayes ils ne se plaignent pas

ils sont un peu rigides, ils sont un  peu livides

mais je les crois guéris à jamais du Covid.

Si seulement on avait une sorte de cuve

pour garder, prisonnière, la lave du Vésuve !

Néron

Nous n’avons pas encore cette cuve isotherme

mais ne peux-tu, ta lave, la réchauffer aux thermes ?

Daifoirus

Jamais, jamais la chaîne du chaud ne s’interrompt !

Néron (qui a comprit « c’est tes ronds »)

Oui, ce sont mes ronds ! Ce sont les ronds de Néron !

N’y a-t-il pas un moyen plus économique

pour tuer ce virus ? Peut-être un antibiotique ?

Je dois voir Agrippine au sujet des Finances,

voir comment regagner tout l’argent… Mais j’y pense !

As-tu vu Agrippine, as-tu eu ce bonheur ?

Diafoirus

Pas depuis le conseil d’aller vous voir ailleurs…

Néron

Je crains bien, Diafoirus, qu’elle soit contaminée.

Diafoirus

Ça vous permet, Néron, d’apprendre à gouverner

car souvent dans la ville les Romains s’interrogent

pour savoir de vous deux qui porte enfin la toge !

Néron

Saint-Martin n’a-t-il pas partagé son manteau ?

On gouverne tous deux. Moi tout seul, bientôt !

On parlait d’Agrippine, alors revenons-y

Il y a plusieurs jours qu’elle ne paraît ici

J’ai le pressentiment qu’il lui faudrait ton aide

et qu’elle attend peut-être ton prometteur remède.

Diafoirus

Mon prometteur remède n’est pas encore au point

Elle me demandera quand elle aura besoin.