Défendre l’école de la République et défendre la laïcité
Pour les DDEN 63, Anne-Marie Doly
Dans sa « lettre des DDEN 63 » notre président rappelait que la fonction des DDEN, « particulièrement fondamentale aujourd’hui » était « de veiller à promouvoir et défendre l’école de la République » et de « défendre la laïcité », telle qu’elle est juridiquement cadrée et définie par la loi de 1905.
Or deux réformes sont en cours, l’une sur l’école et l’autre sur la laïcité.
Une majorité de syndicats enseignants, l’association des parents d’élèves PEEP, se sont élevées et ont manifesté contre la première et les DDEN 63 ont publié un communique de soutien : « Les DDEN qui défendent depuis toujours l’école publique laïque émancipatrice s’associent au mouvement syndical qui s’élève contre le projet de loi «pour l’école de la confiance» qui menace l’école républicaine par la mise en place d’une logique purement comptable et managériale de regroupement d’établissements qui conduit à augmenter les inégalités et à réduire les ambitions éducatives ; et d’une obligation scolaire à 3 ans qui, en étendant la loi Debré et la subvention publique à l’école maternelle privée, porte une nouvelle atteinte à la laïcité scolaire. »
Qu’avons-nous à craindre de ces deux réformes, et d’abord de la première ?
C’est en premier lieu le principe de la création de regroupements d’écoles et d’un collège au sein « d’un même établissement public local d’enseignement » appelé « établissement public des savoirs fondamentaux ». Ces regroupements seraient opérés à l’initiative des collectivités territoriales et là où «les communautés éducatives l’estiment utile » pour « regrouper les écoles d’un même bassin de vie .
Nous savons – car il y a eu bien d’autres tentatives de ce type dans un passé récent- que le principal effet des regroupements scolaires, c’est la suppression d’écoles et de postes d’enseignants. Et nous savons aussi que la logique comptable est celle qui prévaut actuellement, à l’école comme dans les autres services publics comme l’hôpital en particulier. D’ailleurs le nombre des postes mis au CAPE (concours de professeurs des écoles) en diminution de 9 % en atteste. On comprend alors les oppositions à une réforme qui ne vise que l’économie.
Mais il y a plus. Une autre disparition est programmée dans ce regroupement, celle des directeurs d’écoles primaires qui passent sous tutelle d’un collège. Et dans ce cas, ce qui est en cause n’est pas la seule disparition comptable des postes de directeurs, déjà très importante, c’est la disparition d’une fonction pédagogique essentielle à la vie de l’école primaire publique. Le directeur, enseignant du primaire lui-même, connaît tous les élèves, conçoit les projets pédagogiques avec les enseignants, est à l’écoute permanente de leurs questionnements, est en lien direct avec les inspecteurs et les conseillers pédagogiques, reçoit les parents et organise le conseil d’école. Un principal de collège, qui ne vient pas, le plus souvent, de l’enseignement primaire et que sa formation de CPE ne familiarise pas avec l’enseignement élémentaire et maternel, risque fort d’être davantage un directeur-manager, plus préoccupé de « rationalisation » et « d’optimisation » comme disent les économistes, que de pédagogie. On voit s’affirmer ici l’évolution libérale que nous avons maintes fois dénoncée, de l’école républicaine, en cours depuis le début des années 2000 avec, en particulier, l’école des compétences qui prépare plus directement les élèves à s’adapter aux demandes économiques de la société, de l’orientation par les résultats des élèves aux évaluations permanentes de ces compétences, une autonomie plus grande des établissements et des directeurs, créatrice de concurrence et d’inégalités pour les élèves. Les regroupements écoles-collège laissés à l’initiative des territoires, font courir ce risque d’inégalités puisque tous les enfants n’auront pas le même service éducatif selon leur lieu d’habitation.
Il faut aussi rétablir la vérité de l’école obligatoire à 3 ans présentée comme une avancée sociale. Près de 99% des enfant de 3 ans sont déjà scolarisés en maternelle, la loi ne concerne ainsi que 26000 enfants. Par contre,« La mise en œuvre du régime de contribution des communes au financement de l’enseignement privé sous contrat avec l’État sera également impacté par le caractère désormais obligatoire de l’instruction dès l’âge de trois ans ». C’est donc en réalité l’enseignement privé et 20000 élèves supplémentaires des écoles confessionnelles qui vont bénéficier de l’argent public ainsi que les enseignants qui seront recrutés, ce qu’anticipe déjà le CAPE qui prévoit d’augmenter de 38 % le nombre de postes dédiés au privé. Et si l’on ajoute qu’un amendement autorise la scolarisation des enfants de moins de 6 ans dans un « jardin d’enfants », qui pourra être municipal ou géré par des associations privées, c’est l’école maternelle de la République elle-même qui est en danger de disparition.
Quant à la réforme de la laïcité et de la loi de 1905, un très grand nombre d’associations dont la fédération des DDEN, s’y est opposé et les DDEN 63 ont envoyé une « lettre aux élus » qui a été publiée dans le dernier Auvergne Laïque.
Trois raisons ont été invoquées par le gouvernement pour la justifier :
a) la transparence du financement,
b) le respect de l’ordre public alors que l’article 35 de la loi règle déjà ce problème : « Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile ».
et c) de la consolidation de la gouvernance des associations cultuelles.
Ces raisons cachent en réalité une double volonté. Celle de contrôler une religion particulière, l’Islam : l’Etat cesse alors d’être neutre et de traiter toutes les religions à égalité. Et celle de subventionner les cultes en entretenant une confusion entre cultuel et culturel. Dans les deux cas et contrairement à ce qui est affirmé, c’est la neutralité de l’Etat et l’idée même de séparation qui est remise en cause. C’est bien pourquoi les associations laïques sont vent debout contre cette réforme. D’ailleurs les français sont très majoritairement attachés à la loi comme en attestent l’enquête de l’observatoire de la laïcité selon laquelle plus de 85% des sondés ne souhaitent pas la changer. Tous sont conscients que c’est une loi qui, telle qu’elle est, conforte la République dans ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et permet la vie en commun de ses citoyens avec leurs différences tout en les protégeant de toute possibilité de guerre des dieux.