Le cauchemar de l’hôpital du futur
Faut-il parler de crise d’hôpital public ou de casse ? Le projet de longue haleine, ne vise-t-il pas à livrer une institution emblématique au privé ?
Cette entreprise que les Tartuffe voient comme une évolution et les pragmatiques comme une démolition pose la pierre angulaire d’un système qui voit la santé comme un marché prometteur et, au-delà, comme un atout industriel majeur de la France. Ainsi parlait Emmanuel Macron en 2016, venu clore l’élégant pince-fesse de Chamonix organisé sous la houlette de Guy Valencien, Monsieur-Santé de Nicolas Sarkozy. Le Covid n’a pas encore frappé et les rêves sont à l’ordre du jour : « Grâce à la télémédecine, et à l’intelligence artificielle, la France va résoudre l’ensemble des problèmes chroniques de son système de soins tout en devenant un des leaders mondial de l’économie de la santé : double bénéfice pense l’inspecteur des finances Macron. Les petits soldats de plomb des ARS (Agences régionales de Santé), payés aux prorata du nombre de lits fermés, feront, ont fait et font encore le sale boulot.
Les années 2000 marquent le tournant néolibéral des politiques hospitalières. Dans la foulée, la pseudo gauche, conduite par l’indéfendable Hollande y perdra son âme et … les élections.
Ainsi les hôpitaux sont-ils sommés de se recentrer sur leur « cœur de métier « , les soins très spécialisés techniques et coûteux et les missions de service public et de faire cadeau du reste (le plus rentable) aux autres acteurs de l’offre de soin : médecins libéraux et cliniques privées. Cette évolution porte un nom « le virage ambulatoire ».
Pour ce faire, deux armes redoutables sont rendues opérationnelles par les Jean Castex et Roselyne Bachelot : la mise en concurrence et la contrainte budgétaire par la fameuse tarification à l’activité T2A. Maintenant, la Sécurité Sociale ne rémunérera plus les structures mais « l’argent suit le patient » (Merci madame Thatcher à qui l’on doit cette invention). Plus d’activités, plus de recettes, plus de personnels, plus d’investissements.
Mais la concurrence se déroule dans un cadre budgétaire aux contraintes grandissantes. Pour s’en défendre, les pratiques perverses entrent en scène : saucissonnage des séjours, codages optimisés par des « boîtes »privée pas toujours vertueuses. Pour éviter cette inévitable inflation, les pouvoirs de tutelle baissent autoritairement les tarifs. Et c’est la valse des exercices budgétaires déficitaires pour les établissements publics. Les gestionnaires ont alors des réponses imparables pour retrouver l’équilibre. L’optimisation mise en œuvre ce sont les fermetures d’établissements (les maternités sous couvert de sécurité sanitaire sont les premières visées), les fermetures de lits, l’intensification sans précédent du travail des soignants et du personnel d’accompagnement, l’allongement des temps d’attente, le recours aux emprunts toxiques, la ronde des faux-cul et l’omnipotence administrative.
Et au final, la fuite des patients vers le secteur 2 à honoraires libres et le secteur privé s’intensifie. La boucle est ainsi bouclée.
Mais le navire-hôpital n’est pas seul dans la tourmente : la vieille médecine libérale et le secteur médico-social tanguent au gré de la même houle.