Auvergne laïque n° 485 - juillet 2020 / DIVERS

Michel Charasse, toujours parmi nous

par Alain Bandiéra

La vie n’a pas suspendu son cours depuis le 22 février 2020, même si  ce jour-là, Michel Charasse, l’homme qui ne croyait pas au ciel, a quitté la terre. Pour ceux qui l’ont aimé, ceux qui l’ont côtoyé, le monde est devenu « un peu plus vide », comme l’écrivait Jean-Paul Sartre à la suite de la disparition de son ami-adversaire, Albert Camus.

Comment imaginer que cette grande voix s’est tue à jamais, et qu’elle n’exercera  plus  sa réprobation implacable  contre l’injustice, contre la malhonnêteté, contre la déloyauté ? Il fut l’emblème du moralisme politique bien avant les décrets du macronisme. Et si nous lui rendons aujourd’hui un hommage « différé » en raison des circonstances qui ont retardé la parution de notre journal, il nous suffirait, pour peindre ce grand homme,  de reproduire ici l’hommage magnifique que lui a rendu son ami, Jean-Yves Gouttebel : « Le 21 février 2020, s’est éteint un Grand Homme, la Nation française a perdu un grand serviteur de la République. Avec lui, c’est une figure incontournable de la vie politique et institutionnelle nationale qui s’en est allée et un enfant du Puy-de-Dôme à qui il est resté fidèle. Personnellement, j’ai perdu un ami très cher,… »

         Lorsque Michel Charasse honorait de sa présence les repas républicains organisés à Montaigut-en-Combraille par le parti socialiste local, l’auditoire n’attendait que lui. L’enthousiasme, la conviction de son verbe au service de ses idées et de ses engagements soulevaient l’admiration. La qualité chaleureuse de sa présence, l’humour  sans indulgence qu’il manifestait à l’égard de toute forme de médiocrité – dont la médiocrité politique – nous allaient droit au cœur bien plus efficacement que le prosélytisme d’un discours de propagande.    Jean-Yves Gouttebel a souligné  – plus que des qualités ou des mérites – les vertus d’un homme d’exception :  « tout était extraordinaire chez Michel Charasse. Sa personnalité d’abord : personnage truculent, bon vivant dans l’âme, la verve puissante et haute en couleur. Mais aussi son intelligence, son sens aigu de l’analyse, son savoir presque sans limites… »

         Nous garderons, pour notre part, le souvenir de ce que Jean-Yves Gouttebel  salue par « la passion de la République laïque et indivisible », et son attachement  irréductible à la laïcité. Il savait ériger ses convictions aux dimensions d’un spectacle ; aux obsèques de son grand ami François Mitterrand, il préféra tenir compagnie au chien du président sur le parvis de l’église plutôt que d’assister à la cérémonie religieuse. Nous osons dire que nous préférons cet anticléricalisme ostentatoire à  la tiédeur et  à l’hypocrisie des compromissions à l’oeuvre pendant la dernière campagne électorale. Comme Victor Hugo, qu’il admirait, Michel Charasse montrait ouvertement qu’il voulait « l’église chez elle ». « C’était un homme libre au service de la République » dira encore Jean-Yves Gouttebel ».

         Conformément à ses convictions, et à sa popularité, c’est dans la salle des fêtes de sa commune de Puy-Guillaume, loin des honneurs de la capitale,  que Michel Charasse a reçu l’hommage de ses amis venus de la France entière, de ses administrés venus ce jour-là témoigner de leur chagrin, mais aussi de leur gratitude : jamais, au cours de son mandat municipal,  Michel Charasse n’a sacrifié son engagement local au profit de ses différentes missions politiques et il doit à son art de la proximité une grande partie de sa renommée, du crédit que lui ont accordé ses partisans, et parfois même ses adversaires.

         Pour la dernière fois à ses côtés, digne autant que discrète, Danièle son épouse,  témoin des derniers combats, l’accompagnait sur le dernier chemin. Comme toute l’intimité d’un homme est empreinte de symboles, il n’est pas surprenant que Michel Charasse, au-delà de l’amour d’une femme, ait partagé sa vie avec une institutrice ; ainsi marquait-il dans sa vie privée son attachement à l’éducation, son respect des enseignants, sa foi – toute laïque – en l’éducation nationale et en ses acteurs. La présence – et le dernier hommage –  d’un autre ami – de taille – Lionel Jospin, illustrait aussi les valeurs du défunt.

         Nous laisserons le dernier mot – celui de l’émotion immense et de l’amitié – à Jean-Yves Gouttebel célébrant la postérité de Michel Charasse : « Michel, tu es et tu resteras une leçon de vie ».

         Dans ce monde où il n’est plus, le silence ni l’oubli ne sont près de couvrir la voix puissante de Michel Charasse, ni le souvenir de sa présence.