Auvergne laïque n° 482 - septembre/octobre 2019 / DIVERS

Un convoi pour la Casamance

A LA RENCONTRE DE L’HUMANITE

par Alain Bandiéra

Le film d’une mission insolite, la « Route de la Solidarité et de l’Amitié, à destination de la Casamance« , a été présenté à une centaine de spectateurs invités par l’Amicale laïque et le comité des fêtes de Saint-Eloy- les-mines. Au cours du débat qui a suivi la projection, le public a fait part de son émerveillement aux membres de l’association.

En novembre 2019, 18 voitures Renault Kangoo repeintes en sable crème blanc partiront de Clermont-Ferrand en convoi pour un périple de 6500 km à travers l’Espagne, le Sahara, le Maroc la Mauritanie et enfin le Sénégal, jusqu’en Casamance, sa région sud. Cette caravane des temps modernes est composée d’une vingtaine de véhicules et une quarantaine de bénévoles, dont un tiers de femmes ; des médecins, des mécaniciens, des cuisiniers participent à l’entreprise. C’est le 13è convoi de ce type, à raison d’un convoi tous les 2 ans, œuvre d’une association auvergnate : « les anciens et les amis de la Casamance ». Les véhicules emportent une cargaison importante de nourriture, de médicaments ainsi que du matériel scolaire, du matériel informatique et des pièces de rechange pour l’entretien mécanique.

Le film relate l’histoire des douze premières expéditions qui ont eu lieu à partir de 1993.

Les premières séquences du film montrent des femmes, des hommes, des enfants en costumes d’apparat chatoyants qui chantent et qui dansent pour exprimer leur joie et leur gratitude. Ils ont organisé une fête en l’honneur d’une ambulance remise par l’association. Dans tous les villages bénéficiant de cette mission c’est la même allégresse et la même gratitude. C’est ainsi – comme le soulignait le gouverneur de Zinguichor – « qu’un adolescent chu d’un palmier a pu être sauvé de justesse grâce à l’ambulance dont dispose le service médical » Chaque jour, souligne le notable, 150 ambulances, parcourent la Casamance pour évacuer les femmes enceintes, les blessés, les malades.

Une poignée de bénévoles, qui ne reculent pas devant les risques d’un périple autrefois dangereux et qui reste long et fatiguant, contribue ainsi à la survie, à la sécurité, et d’une certaine manière, au bonheur d’une population : c’est le miracle de la solidarité. Au bout du périple, les fêtes qui accueillent le convoi, la joie des populations, et l’enthousiasme des enfants sont, pour les membres de l’association, une récompense véritable.

Le film ressemble à un vrai film d’aventures où se multiplient les épreuves, et les obstacles à surmonter. Le long convoi des voitures sillonne, par tous les temps, les routes africaines, quand elles sont praticables. Jusque vers 2008, il fallait à travers le Sahara et la Mauritanie suivre une piste incertaine, exposée aux mines enfouies depuis le dernier conflit ; depuis une route a remplacé les pistes de sable, mais il faut parfois vaincre un vent de sable qui risque d’endommager les véhicules. Sur un passage délicat qui suit les berges du fleuve Sénégal, les convoyeurs doivent redresser un camion qui menace de se renverser dans le fleuve. La caméra saisit dans son champ une araignée monstrueuse et un scorpion effroyable qui se faufilent entre les roues ; le convoi double aussi des charrettes surchargées, tirées par des ânes, un troupeau de dromadaires, et traverse un parc naturel peuplé d’une faune extraordinaire. Ces images spectaculaires ne constituent pas cependant l’essentiel du reportage.

C’est l’émotion qui l’emporte dans ce témoignage. Émotion difficile à exprimer, selon une militante de l’association. Car l’équipage a fait, lui aussi, l’expérience de la solidarité dans cette coopération permanente au service de leur mission.

De nombreux bénévoles ont participé à sa préparation, à la récolte des véhicules et leur remise en état. Des élèves de lycées professionnels et de CFA se sont vus confier la réhabilitation d’un véhicule et ont ainsi trouvé un sens nouveau – et gratifiant – à leur apprentissage. Par exemple, après plusieurs mois de travail acharné, les apprentis du CFA de la FFC (Fédération Française de la Carrosserie), situé à Villeneuve-la-Garenne (92), ont remis les clés d’un Kangoo 4X4 entièrement remis en état (mécanique et carrosserie) à l’Association. Le véhicule interviendra dans le cadre de l’assistance médicale dans les régions reculées au Sud du Sénégal.  Si la notion du « vivre ensemble » a un peu disparu des préoccupations actuelles, c’est pourtant une autre expérience faite par l’équipage qui tire de l’aventure « une leçon de tolérance ».

Pour le spectateur, au-delà de l’exotisme et des particularismes des mœurs, des costumes, le film témoigne de la découverte de « l’humaine condition » au terme du voyage, toutes épreuves surmontées, c’est toujours les hommes qu’on retrouve et, grâce à cette rencontre, c’est la conscience de l’universel qui nous est donnée.

Dans une clairière minuscule, délimitée par des arbres gigantesques, voilà qu’on nous présente un vrai roi qui se réclame des racines et des traditions ; ce roi prend très au sérieux l’exercice du pouvoir qui lui est confié : « pour la paix, pour la prière, pour la médiation et pour l’aide aux indigents » ; un vrai programme politique fondé sur des valeurs auxquelles tous les hommes peuvent se rallier. Les mêmes convictions éthiques animent le proviseur du lycée Gignabo de Ziguinchor, également historien et très investi dans sa mission d’éducation, célébrant avec ferveur la culture et la vitalité de son peuple : « C’est surtout sa culture… C’est vraiment une des réserves très profonde de la tradition africaine, faite de solidarité, d’un certain nombre de valeurs structurées, forgeant des hommes et des citoyens avec des valeurs véritablement positives, pour construire une nation forte. C’est une richesse importante ».

Après un tel reportage, on n’accordera plus la même valeur aux termes de modernité et de civilisation. Des femmes se sont ardemment engagées dans un combat pour la reforestation des mangrove, et défendent leur environnement spécifique, partiellement détruit par les arrachages sauvages de palétuviers. A l’école, les enfants apprennent le français en plus de la langue de l’ethnie locale, mais aussi à chanter et à danser, sauvegardant ainsi l’âme du pays et de son peuple. Il n’est plus juste alors de maintenir désormais le mythe d’une supériorité occidentale.

Le voyage en Casamance n’est ni un voyage de charité, ni une entreprise touristique ; c’est la rencontre entre deux civilisations qui s’enrichissent mutuellement ; c’est la coïncidence entre une mission humanitaire et la volonté des peuples à affirmer et à défendre leur humanité (y compris dans le domaine tangible de la santé). Ainsi, malgré les 6500 kilomètres qui les séparent, malgré le désert et les pistes insalubres, des hommes marchent main dans la main pour accomplir ensemble un pas qui marque l’avancée de l’humanité.

Les 18 voitures Kangoo qui vont prendre le départ cette année ont été donnés par l’entreprise ENEDIS et la municipalité de Clermont-Fd.
Une équipe de bénévoles a assuré la remise en état en mécanique et carrosserie, en confiant une part du travail à des lycées et centres de formation : dans le Puy-de-Dôme, l’Institut des Métiers, rue des Vergnes à Clermont-Fd, et le lycée Roger Claustre ont apporté leur contribution.

Les voitures sont chargées de la nourriture et de pièces détachées, mais aussi d’équipements destinés à des centres de santé et des écoles : le Lycée Sidoine Apolinaire de Clermont-Fd donne des ordinateurs révisés par les élèves du BTS informatique ; le Conseil départemental donne des dictionnaires.

Le film « Route de la Solidarité et de l’Amitié », de Louis Pireyre, réalisé avec des images tournées à l’occasion des différents convois et missions médicales depuis 1993, a été sélectionné et projeté aux « Rendez-vous du Carnet de voyage » de Clermont-Ferrand, édition 2018, parmi les magnifiques documents que ce festival retient chaque année.
Prochaine projection du film : à Saint-Germain-sous -Meymont, 20h30, en présence du réalisateur

Pour la pousuite de son action, l’association recherche :
-des voitures de type Kangoo, en « bon état », ancienneté maxi 2008 ;
-des bénévoles pour travaux de mécanique dans l’atelier d’Olby ;
-des dons en euros (sans limite), possibles en ligne sur « Hello Asso »

Les Anciens et les Amis de la Casamance
solidarite-casamance@laposte.net
https://solidarite-casamance.fr