par Édouard FERREIRA
« Jaurès s’en va, la guerre arrive. » (Marcel Sembat, ministre 1914-1916)
La bête rôde ! L’ode pour la paix de Jean Jaurès dévoilait son inquiétude car il la savait agonisante. En clamant son opposition indéfectible à celle qui deviendra la "Grande Guerre", le grand tribun humaniste et pacifiste deviendra sa première victime la veille de l’affrontement armé, assassiné publiquement par un militant nationaliste exalté. Sa vision du piège meurtrier se confirmera par l’engrenage belliqueux des nations qui les entrainera dans une mécanique destructrice. Ce 31 juillet 1914, Jaurès avait évoqué son destin : « si la mobilisation se faisait, je pourrais être assassiné ». La défense de la paix fut sa bataille et causera sa perte. On déplore sa mort mais nul ne suivra son esprit. « L'affirmation de la paix est le plus grand des combats » avait-il dit !
La bête affamée montre ses crocs. Elle taillade les portes de la paix. La guerre prend inéluctablement ses quartiers. Personne n’y croit, personne n’en veut, sauf les nationalistes rêvant d’effacer l’affront et la honte de 1870. Récupérer les territoires perdus et cédés à son ennemi de toujours exacerbe les rancunes. De l’humiliante défaite au désir exalté de revanche, un excès de confiance délirante se noie orgueilleusement dans l’irrationnel. Battons-nous, la victoire nous appelle, nous vaincrons !... La France ridiculisée, vaincue, humiliée, doit retrouver son honneur, son prestige.
La bête a fini par mordre et diffuse son poison. La valse des alliances n’a pas failli avec sa ronde de fiançailles. Tout le monde se tient par la barbichette mais tout le monde est perdant et reçoit la tempête. La Triple-Entente (alliés) et la Triple-Alliance (Empire allemand) mènent la danse sanglante. Personne ne soupçonne que ce conflit, présagé prétentieusement bref par tous les pouvoirs, va s’enterrer sous une terrifiante symphonie de canons dévastateurs. D’abord local [...]