LE NEZ ET LA BOUCHE
Michel Collonge
Les temps de pandémie sont durs pour les amis
les liens les plus étroits peuvent casser parfois
Un nez et une bouche étaient en amitié
l’un au dessus de l’autre dans le même foyer
La bouche ne goûtait rien que le nez ne sentit
car chacun veut de l’autre connaître son avis
Un virus arriva et troubla l’amitié
et le port d’un masque finit par l’asphyxier
car ce qu’aucun des deux ne savait jusque là
le masque le révéla
Disons la chose même si ça fait de la peine
la bouche avait mauvaise haleine
Le nez ami discret l à-dessus plie ses ailes
mais « il n’est point de secret que le temps ne révèle »
La bouche sait bientôt pourquoi dans leur rapport
le nez se tord et lui tourne le dos
et qu’il faut in fine lui tirer les vers du nez
Qu’as-tu ami Pifou à frémir des narines
comme un loup qu’une odeur turlupine ?
Ainsi sollicité le nez vendit la mèche
et dit la vérité toute nue toute sèche
« En effet, ami Bée, une odeur me chagrine
une odeur de pourri, une odeur de latrines
une odeur de grand pouah
et qui viendrait de toi !
Ah là voilà bien la chanson populaire
accuser son voisin quand rien ne va sur terre !
Rassure-toi mon ami je ne vapote plus depuis la pandémie
cette odeur que tu sens – et c’est là ta fonction –
vient sans doute du monde en décomposition.
Le nez n’insista pas (après tout pourquoi pas ?)
il fit bien car le Covid vint le priver d’odorat.