Auvergne laïque n° 488 - juin 2021


EDITO

Technocratie et politique

« Les technocrates, si on leur donnait le Sahara, dans 5 ans, faudrait qu'ils achètent du sable ailleurs. Â» (Coluche)

La définition d’un technocrate n’est pas très élogieuse : personnage politique ou haut fonctionnaire qui fait prévaloir les données techniques ou économiques sur les facteurs Humains.

La technocratie a la réputation d'être sourde. Pour comprendre un technocrate il n’y a qu’un technocrate, un "crâne d'Å“uf" qui n'a jamais mis un pied sur le terrain. Pour ne rien gâcher, la technocratie dirige et gouverne en exerçant la subtile langue de bois. Ce n’est rien de plus que la maîtrise en politique de la bataille de mots. Quand on vit dans une caste avec des revenus et avantages indécents, c’est effectivement impossible de comprendre le supplice des fins de mois difficiles, la galère de millions de concitoyens. Quand on ignore aussi le prix de la baguette et du croissant, tout s’explique mais c’en est insolent.

  [...] 

Jaurès : la laïcité avant tout

Je ne sais pas si le terme de « prophète Â» peut s'appliquer à Jean Jaurès, lui qui combat toute forme d’intrusion religieuse qu'il juge incompatible avec les fondements de la République. Mais on est frappé, en lisant ses articles et ses discours consacrés à l'éducation, par le caractère novateur de ses propositions, par la modernité de ses réquisitoires dont notre société, particulièrement ébranlée dans le domaine de la laïcité, pourrait aujourd'hui tirer de magistrales leçons.

Répondant aux critiques dont il fut l'objet à la suite de la communion de sa fille, Jaurès publie, en 1901, un article intitulé « mes raisons Â» dans lequel – bien avant les conventions officielles qui définissent les droits de l'enfant – il établit un véritable programme de ces droits, fondé essentiellement sur le développement – précoce – de l'esprit critique et de la liberté de pensée qui doivent être les objectifs essentiels de toute éducation.

Dans la ligne éthique de cet article, et un an avant la loi de séparation, dans un discours qu'il prononce le 30 juillet 1904 à l'école laïque de Castres, Jaurès affirme, la nécessité irréductible de la laïcité, seule garant de toutes les libertés, refusant toute forme de pouvoir idéologique ou religieux, mais garantissant toutes les libertés privées de croyances et de pratiques. Selon Jaurès, la laïcité apparaît comme le fondement même de l'égalité entre tous les hommes, ne leur reconnaissant comme qualité commune que la qualité d'humanité. C'est sur les champs de bataille des nations en guerre que s'illustre tragiquement cette égalité : «Et quand sonne le tocsin de la patrie en danger, la démocratie envoie tous ses fils, tous ses citoyens, affronter sur les champs de bataille le même péril Â»

Les droits de l'enfant : la raison souveraine

Il est un droit primordial dont doit bénéficier l'enfant, c'est le droit à  [...] 

Vie fédérale

USEP : 5 tonnes de denrées et 6000 repas solidaires !

Sevré de rencontres sportives à organiser si ce n’est en « virtuel » et soucieux de poursuivre son action en accompagnant les associations d’écoles, en outillant les enseignants et en permettant aux enfants de maintenir une activité physique, le Comité USEP 63 s’inspirant d’une action menée en Haute-Garonne a pris contact avec les Restos du CÅ“ur du département en fin d’année 2020, pour mettre en place une « course solidaire » dont le principe essentiel était de « courir pour les autres ».  [...] 

Assemblée Générale, le 24 septembre

Cette année, compte-tenu des conditions sanitaires, l'Assemblée Générale de notre fédération, Ligue de l'enseignement du Puy-de-Dôme, est reportée au 24 septembre.

L'association théâtrale "Costières et Trapillons", que nous remercions par avance, nous accueillera à Chauriat pour l'occasion.

  [...] 
DOSSIER

L’éducation des femmes : « au bac citoyennes ! »

Lorsqu'on assiste au spectacle émouvant de toutes ces jeunes filles pleurant de joie à l'annonce de leur succès au baccalauréat, on n'imagine pas que le diplôme de bachelière leur a été longtemps refusé et qu'elles ont été exclues de toutes les réformes scolaires qui ont marqué la fin du 19è siècle, voire le début du 20è. C'est ainsi qu'il faut attendre 53 ans après la création du bac en 1808 pour qu'un ministre de l'éducation accepte de signer le diplôme de la première Bachelière, Marie Daubié. En 1892, on ne compte que 12 bachelières, et il faut attendre 1945 pour que les lauréates cessent d'être l'objet d'un mépris qui s'exprime sous la forme de quolibets et de moqueries.  [...] 

Une histoire simplifiée du bac

Le bac, premier grade universitaire, est donc institué par décret du 17 mars 1808 ; Napoléon avait créé l’université en 1806, mais elle ne sera vraiment organisée et prête à fonctionner que deux ans plus tard le 17 mars 1808. A la demande de l'Empereur, qui souhaitait la création de diplômes universitaires, le chimiste François Fourcroy (1755-1809), un « technocrate » proche de Condorcet, préconisa le baccalauréat  [...] 

La place des femmes

Pendant plusieurs siècles, une conception sexiste – autant que simpliste – réduit les femmes – et cela depuis l'origine de l'humanité – au rôle prépondérant de la femme au foyer : véritable métaphore qui nous renvoie à des mÅ“urs quasiment tribales. Elles sont sous le joug d’un chef « paterfamilias », seigneur ou mari. Les juristes, les penseurs approuvent cela, dans l’antiquité « leur faiblesse d’esprit légitime leur incapacité juridique» ; et les docteurs de l’église comme Saint Thomas d’Aquin la juge « incapable de tenir une position juridique » Jules Ferry lui-même, pourtant partisan de « l'école de filles » cantonnait les femmes à leur mission domestique, et même patriotique en fonction des tourmentes de l'histoire.  [...] 

Les premiers progrès

Le siècle des lumières (fin XVIIIème siècle) et son influence Condorcet (1743-1794) est connu pour ses réflexion sur le droit et la peine de mort et sa passion pour l’éducation. Dans sa Théorie de l’égalité des sexes, il écrivait : « songez, messieurs qu’il s’agit des droits de la moitié du genre humain ». Sous l’influence des philosophes et de encyclopédistes, au XVIIIème siècle les salons féminins se multiplient en France (Mme de Pompadour, Mme du Tencin, Mme de Staël) ils permettent aux femmes « éclairées », c'est-à-dire instruites, de jouer un rôle culturel, social voire politique et sont d’ailleurs plus admirés à l’étranger qu’en France même.  [...] 

« Et les fruits passeront la promesse des fleurs »

L'émancipation des femmes gagne du terrain et beaucoup de jeunes femmes au début du XXème siècle entreront dans l’enseignement surtout primaire ; dans le secondaire le mouvement sera plus tardif. Les premières femmes agrégées sont respectivement en 1912 Jeanne Raison en grammaire et en 1913 Marguerite Rouvière en sciences physiques et sortent de Normale Supérieure de Sèvres.  [...] 

Conclusion : aujourd’hui… (et demain ?)

Elles seront nombreuses, ces femmes diplômées, à devoir se battre pour être reconnues, et acceptées dans le monde des hommes. C'est ainsi que Madeleine Pelletier (1874-1939), première femme diplômée en psychiatrie, se coupe les cheveux et s’habille en homme pour se « fondre dans un service Â».

Reconnaissance

Toutefois l’une d’entre elles fait l’unanimité Marie Curie (1867-1934), physicienne, chimiste, naturalisée française par son mariage. Elle est la première femme à avoir reçu le prix Nobel en 1903 avec son mari et Becquerel, puis la seule femme à ce jour a en avoir 2, l’autre reçu en 1911. Après une brillante carrière universitaire, à partir de 1906 après la mort de son mari, elle est la première femme directrice d’un laboratoire où l’on recrute selon la compétence et non le sexe, la première femme professeur à la Sorbonne où son discours inaugural inquiète les journaux « la femme peut-elle dominer l’homme par sons savoir ? Â». Pendant la première guerre mondiale, après avoir passé son permis de conduire, elle parcourt le front avec « ses 18 petites curies Â» unités radiographiques ! Elle a cet autre privilège de faire partie des rares conductrices.

  [...] 
Avec les DDEN

Liberté d’enseignement, enseignement de la liberté. Enseignement à la maison, enseignement maison ?

Anne-Marie Doly, pour l'UD des DDEN 63

La loi « confortant le respect des principes de la République » dite loi sur le séparatisme, quelle que soit l‘analyse politique que l’on en fasse par ailleurs, soumet avec l’article 21, l’enseignement à la maison à de nouvelles conditions qui vont rendre son choix plus difficile, ce qui a déclencher de vives réactions de politiques et de parents s’élevant contre cette atteinte à la liberté d’enseignement. Il faut rappeler que la loi sur l’école publique ne pas fait obligation à la scolarisation mais à l’instruction, ce terme étant à distinguer de celui d’éducation. L’instruction est définie par un programme national de connaissances, régulièrement révisé jugées nécessaires pour répondre à la finalité de l’école publique qui est d’émanciper tous les enfants. Ces connaissances qui ne sont la propriété de personne mais appartiennent à tous et permettent de connaître le monde pour pouvoir y inscrire la vie humaine et construire la raison, qui est aussi liberté de penser et de juger qu’exige l’exercice de la citoyenneté.

Les parents peuvent donc choisir le mode d’instruction qui leur convient dans une école publique, privée ou à la maison. Ils doivent dans ce dernier cas le déclarer à la  [...] 

Avec le Cercle Condorcet

A propos de violence (3)

Comme dans les deux numéros précédents, le texte qui suit est une contribution présentée et discutée au Cercle Condorcet au cours d'une des réunions consacrées au thème de "la violence dans la société". L'ensemble des contributions sur ce thème seront réunies en un livret qui sera publié en septembre prochain et disponible en version numérique sur le site https://condorcetclermont.fr

Violence vs non violence

par Gilbert Cambe

"Une manière d'être et d'agir dans le conflit, qui respecte l'autre.
La non-violence, c'est se servir de la vie pour gagner, tandis que dans la violence tu menaces toujours l'autre de la mort, de sa mort
." Jacques Sémelin - La non-violence expliquée à mes filles.

La non-violence, depuis les grandes campagnes de désobéissance civile de Gandhi, bénéficie d'un renouveau tant dans les principes que dans la pratique. Nombreux sont les auteurs et actions qui sont influencés par l'approche gandhienne, même si le mot non-violence n'est pas toujours prononcé.

Elle est d'abord pratique collective de lutte, avant d'être attitude fondamentale dans la vie individuelle, même si les deux sont souvent liés.  L'image de passivité rattachée souvent au terme de la non-violence ne résiste pas à la lecture des auteurs qui partent souvent précisément du conflit pour l'expliquer. La non-violence est aussi une philosophie qui délégitime la violence et promeut le respect de l'autre dans le conflit. La non-violence est en outre une stratégie d'action politique proactive et pacifique qui rejette l'utilisation de la violence dans la résolution des conflits. Elle est enfin un moyen de sensibiliser l'opinion publique qui contribue à exercer une contrainte sur l'adversaire pour l'amener à négocier.

  [...] 

Le Cercle Condorcet en réunion de fin d’année

Enfin ! Pouvoir se retrouver, masqués ou pas ! C'est à Egliseneuve d'Entraigue que le Cercle Condorcet a pu tenir sa journée de fin d'année, sur invitation de ses membres autochtones. Occasion de découvrir quelques richesses naturelles de cette belle région aux confins du département, ainsi que sa gastronomie, car, même en journée d'étude, il faut bien se restaurer ! Malgré les absences, ce fut un bon moment !

Comme les autres associations, le Cercle Condorcet a fonctionné au ralenti pendant toute cette année de Covid. Les réunions mensuelles ont été maintenues grâce à la visio, mais non sans difficulté et avec une partie des effectifs seulement. Le thème de l'année était « la violence dans la société» ; un ou plusieurs nouveaux thèmes seront choisis à la rentrée prévue le 6 septembre.


Les réunions du Cercle sont ouvertes aux personnes intéressées par la réflexion sur des questions de société qui affleurent dans l'actualité et le débat citoyen argumenté : pour participer, contacter le président par un courriel à l'adresse condorcetclermont@laposte.net

Education & Culture

Présence de Bernard Gilliet

Étroitement associés aux rituels du deuil, les hommages posthumes sont vite dissipés par les exigences légitimes de la vie. Seuls les proches affrontent alors, pour le reste des jours, les épreuves de l'absence et de la séparation : « Au fond de moi, écrit un philosophe célèbre, pleure l'inconsolé Â».
C'est pourquoi nous n'avons pas voulu laisser sans lendemain l'hommage rendu à notre ami Bernard Gilliet dans notre précédent numéro. Nous n'avons pas voulu que s'efface trop vite le souvenir de cette grande vie, ni de cet homme de bien.
Nous publions donc de très larges extraits du texte dont il est l'auteur et qu'il a consacré à l'évocation de son « enfance bourbonnaise Â» ; nous en avions présenté de brefs extraits dans le numéro précédent.

Le texte témoigne d'abord d'une profonde maîtrise – voire d'une culture – de notre langue et mérite ainsi d'être considéré comme une Å“uvre à part entière. Authentiquement autobiographique, ce texte atteint, au-delà de la démarche intime, une dimension universelle. Bien des femmes et des hommes pourraient en effet se reconnaître et se retrouver dans le tableau de cette enfance paysanne, condition majoritaire de la population française au début du siècle dernier. Ils y retrouveraient également la mémoire d'une histoire partagée, à la dimension de la vie quotidienne, au rythme des jours et des saisons : les lendemains du Front Populaire, le début de la mécanisation des campagnes, les luttes syndicales, la guerre et l'occupation.

  [...] 

Échos de la commune : poèmes et chansons

Rares sont les écrivains qui se sont déclarés favorables à la Commune. Victor Hugo lui-même, qui écrivit « l'année terrible Â» dans laquelle il évoque les événements de la semaine sanglante, avait une position équivoque ; il accueille cependant dans son refuge à Bruxelles les réfugiés fuyant la répression des Versaillais.   [...] 

Loisirs

« Crénom Baudelaire » Jean Teulé – Mialet Barrault, Éditeurs

par Marcel Col

On célèbre cette année le bicentenaire de la naissance de Charles Baudelaire (9 avril 1821). En témoignent plusieurs études récentes, rééditions et publications bibliographiques, que l'on peut trouver dans toutes les librairies. Jean Teulé que l'on connaît comme journaliste mais aussi comme romancier, s'est livré de son côté à une mise en scène littéraire  [...] 

Coronavirus (Tragédie Antique) IV

Néron (seul)
Donc il faut du tissu pour mettre sur le nez ?
Et qui n'en aura pas pourra me condamner !
Mais si j'en donne au peuple, à chacun, à chacune,
en grand triomphateur, je monte à la tribune.
Du tissu, du tissu ? Tiens, y'a bien ces péplums
que j'avais commandés pendant les soldes à Rome
Cassanus entre

Cassanus
Ave César, celui qui va servir et salue

Néron
Dis-moi donc  [...] 

L’encadré des lecteurs bénévoles de Lire et faire lire

Dans le cadre (!) des rencontres départementales de Lire et faire lire, il a été proposé aux lecteurs qui le souhaitaient de prendre la pose afin de présenter l’album jeunesse qu’ils aimaient particulièrement partager avec leur jeune auditoire.

Avec les remerciements de Fotografix.

FORUM

Les mots du colonialisme

par Alain Bandiéra

« La négresse chante Â» écrit Jean-Paul Sartre dans les dernières pages de son roman « la Nausée Â», paru en 1938. Dans la chanson « Monsieur William Â» composée en 1950 par Jean Roger Caussimon, on trouve les paroles suivantes :

« Il l´entraîna à l´hôtel de la pègre mais un nègre a voulu prendre la femme
Monsieur William, hors de lui,
lui a donné des  [...]