Coronavirus (Tragédie Antique) V
Néron – Cassanus
Néron
Te voilà Cassanus ! Quelles sont les nouvelles ?
Cassanus
Si le soleil brillait, la journée serait belle
Néron
Non sol lucet omnibus !
Cassanus Je venais te parler
de ces fameux péplums. Ils se sont envolés !
Néron
Comment ça envolés ? Par un tour de magie ?
Cassanus
A ta dernière orgie !
Néron à ma dernière orgie ?
Cassanus
Tu t’étais déguisé, comme chacun de nous
Tu avais un long bec
Néron emmanché d’un long cou !
Cassanus
Et tu boudas, Néron, Carpediem et Hortanche
Rien ne te convenait, ni menu, ni boutanche,
tu attendais toujours le meilleur de la foire
et quand tu as eu faim, il restait qu’une poire !
Néron
Pourtant le vieux Sénèque me l’avait enseigné :
On hasarde de perdre en voulant trop gagner
Cassanus
Et tous les invités à la fin de la fête
se sont retrouvés nus. La nuit étant frisquette
chacun de tes convives s’est couvert de péplums
pour revenir chez lui
Néron mais y’en avait des tonnes !
des caisses entières ! Il en reste bien un peu ?
Cassanus
Pour qu’on te voie chanter, tu y as mis le feu !
Néron
Ah oui je me souviens, la belle nuit de Rome !
Néron dans la lumière !… on prendra des velums !
Néron – Diafoirus (ils entrent ensemble)
Néron
Pressons-nous Diafoirus, je n’ai pas bien dormi.
J’ai rêvé à mes lions, ils souffraient d’anémie
et la nuit résonnait de leurs rugissements…
Diafoirus
Ce n’étaient pas vos lions, c’étaient les lavements.
Néron
C’étaient les lavements ? Que dis-tu Diafoirus ?
Diafoirus
Commençons par le début, Néron. Ce virus,
un village gaulois peut en être la cause
avec les sangliers qu’on mange aux festoù-noz
le sanglier gaulois est un danger en soies
que l’on a côtoyé au siège d’Alésia.
Néron
Ces Gaulois bien chez eux, c’est grâce à nous vraiment
qui leur avons appris tout du confinement.
Diafoirus
Mais il y a sans doute d’autres feux de départ
Le Covid serait sur les navires du tsar
Donc il faut dans les ports se garder du virus
en n’ayant pas affaire encore aux navires russes.
Néron
Diafoirus, même nos vaches sont inquiètes :
à cause des pis démis elles n’auront pas de traite.
Diafoirus
La corne aura virus ! Ce qui confirme bien
qu’entre l’homme et la bête un sacré lien nous tient
on espérait d’ailleurs avec leur colostrum
tenir la panacée qui pourrait sauver Rome.
Mais retrouvons la nuit où vous dormîtes mal.
On faisait des essais de thérapie anale
sur de jeunes esclaves et de vieux condamnés
pour vaincre par le cul ce qui nous pend au nez !
Pendant que le virus attaque par la face
on le prend à revers en passant par les fesses.
Néron
Comment cela se fait-ce ? par les fesses ? Mais comment ?
Diafoirus
On le prend à revers avec un lavement
on détruit un foyer qu’on appelle un cluster
avec un lavement qu’administre un clystère !…
On ne sait pas encore quel produit injecter…
Néron
Mais, mais ce n’est pas le cul qui est infecté !
Diafoirus
Ce qu’on injectera par cette voie anale
remontera la pente jusqu’à nos amygdales
et, tel César à Alésia, fera le siège
du virus gaulois qui sera pris au piège.
Néron
Tu as l’arc peut-être, mais tu n’as pas la flèche
Que vas-tu y mettre, dans ta seringue ? De l’eau fraîche ?
Diafoirus
Certainement pas du froid. Mais du chaud au contraire
Il n’y a pas de sangliers dans le désert,
c’est trop chaud ! Donc on met du chaud, du brûlant même
c’est la seule façon de régler le problème.
Il nous faut un produit à la chaleur d’étuve
l’idéal serait la lave du Vésuve
mais le temps d’arriver
Néron ce serait déjà froid
Mais alors cette nuit, ces hurlements d’effroi
qu’aviez-vous mis, toi et ta clique, dans les seringues
pour faire retentir Rome de ces clameurs de dingues ?
Diafoirus
D’abord précisons bien que les hommes choisis
n’ont vu dans ces essais aucune poésie.
Ils auraient pu se voir, en nous prêtant leur derche
les héros de demain, héros de la Recherche.
Hélas il n’y a plus de solidarité
Le pauvre ne veut plus sauver l’humanité.
Il n’y a plus ni courage, ni amour surtout…
Qu’avions-nous mis dans nos seringues ? Un peu de tout
de l’acide et du chlore, puis de l’huile bouillante
et c’est là qu’ils ont joué aux sirènes hurlantes…
Dans quelques jours on publiera les résultats.
Ce matin nos cobayes ils ne se plaignent pas
ils sont un peu rigides, ils sont un peu livides
mais je les crois guéris à jamais du Covid.
Si seulement on avait une sorte de cuve
pour garder, prisonnière, la lave du Vésuve !
Néron
Nous n’avons pas encore cette cuve isotherme
mais ne peux-tu, ta lave, la réchauffer aux thermes ?
Daifoirus
Jamais, jamais la chaîne du chaud ne s’interrompt !
Néron (qui a comprit « c’est tes ronds »)
Oui, ce sont mes ronds ! Ce sont les ronds de Néron !
N’y a-t-il pas un moyen plus économique
pour tuer ce virus ? Peut-être un antibiotique ?
Je dois voir Agrippine au sujet des Finances,
voir comment regagner tout l’argent… Mais j’y pense !
As-tu vu Agrippine, as-tu eu ce bonheur ?
Diafoirus
Pas depuis le conseil d’aller vous voir ailleurs…
Néron
Je crains bien, Diafoirus, qu’elle soit contaminée.
Diafoirus
Ça vous permet, Néron, d’apprendre à gouverner
car souvent dans la ville les Romains s’interrogent
pour savoir de vous deux qui porte enfin la toge !
Néron
Saint-Martin n’a-t-il pas partagé son manteau ?
On gouverne tous deux. Moi tout seul, bientôt !
On parlait d’Agrippine, alors revenons-y
Il y a plusieurs jours qu’elle ne paraît ici
J’ai le pressentiment qu’il lui faudrait ton aide
et qu’elle attend peut-être ton prometteur remède.
Diafoirus
Mon prometteur remède n’est pas encore au point
Elle me demandera quand elle aura besoin.