Hopital Public : état des lieux
La réforme de l’hôpital, et plus globalement celle du système de santé, est un objectif affirmé de la loi santé. Plusieurs crises expliquent le malaise actuel de l’hôpital public :
• Une crise de perte de sens, car à la vision médicale de l’hôpital s’oppose une vision managériale à dominances économique et budgétaire. La qualité des soins a cédé la priorité au volume de soins réalisé. Le nombre de lits et de personnels soignants est devenu les variables d’ajustement de la dépense. Le résultat est une régression des valeurs médicales fondatrices au profit de valeurs économiques ;
• Une crise financière, car si l’objectif des dépenses d’assurance-maladie est national, la distribution des financements est fragmentée entre les soins de ville, l’hôpital, la prévention et le social, gérés par des instances différentes. L’évaluation se fait sur des volumes et des procédures, et non sur des résultats. Le mode de financement actuel (tarification à l’activité) aiguise la concurrence au détriment de la complémentarité et génère des effets pervers sur la pertinence des soins et les décisions d’hospitalisation ;
• Une crise managériale et de gouvernance, car la gestion administrative hypertrophiée développe une conception uniforme et juridique de l’hôpital. Les conséquences sont majeures: l’incompréhension s’est installée entre l’administration et les médecins, les liens se délitent entre médecins et autres personnels soignants, le temps consacré à la charge administrative se fait au détriment de celui consacré à soigner les patients, la multitude de lois, décrets, circulaires crée une instabilité réglementaire ;
• Une crise structurelle et organisationnelle, car un centralisme administratif pyramidal et l’accumulation de normes rigides sont imposés sans discernement aux hôpitaux qui ont une grande hétérogénéité de taille et de missions ;
• Une crise sociétale, qui impacte l’hôpital et ses personnels: la réduction du temps travail, les choix de vie et la féminisation du corps médical ont modifié les comportements et les modalités d’exercice ; les patients acteurs de leur propre santé exigent une nouvelle relation médecin-malade ; la dégradation des conditions de travail des personnels soignants est liée à l’augmentation de la charge de soins par patient, l’absence de remplacement des personnels, l’absence de reconnaissance et de valorisation des carrières, avec un sentiment croissant de déclassement.
Pour ces raisons, l’Académie nationale de médecine
appelle à une refondation de l’hôpital public:
• Une nouvelle gouvernance, qui ne doit plus être assurée par le seul directeur général de l’hôpital. Le président de la commission médicale d’établissement, représentant des médecins, devra avoir la responsabilité sur toutes les questions médicales ; dans les CHU, le doyen de la faculté doit être réellement responsable de l’enseignement et de la recherche. La direction des soins et les représentants des patients devront aussi avoir leur place. La qualité et la valorisation des équipes seront définies par de nouveaux critères: savoir-faire des personnels, nouveaux patients, réhospitalisations non prévues, activité ambulatoire, résultats. (1)
• De nouvelles modalités de financement. L’objectif sera de revenir à la valeur fondamentale de la médecine, à savoir le résultat obtenu par les soins prodigués au malade. L’évaluation doit être faite sur l’ensemble du parcours de soins en intégrant soins de ville, hôpital et social ;
• La réinsertion de l’hôpital dans son environnement doit se faire par une organisation territoriale des soins avec une gradation en soins de proximité, soins spécialisés et recours ultraspécialisés au profit d’un parcours de soins intégrant public et privé ;
• La revalorisation des personnels médicaux et soignants impose de restaurer l’attractivité de leurs métiers, de réorganiser l’activité des médecins en privilégiant le temps médical, d’augmenter les salaires des personnels soignants, de leur donner la reconnaissance qu’ils méritent ;
• L’organisation de l’hôpital centrée sur le patient devra répondre à sa triple demande: accéder à des soins de qualité, bénéficier d’une relation avec les équipes prenant soin de lui et faciliter son parcours de vie ;
• Le rôle des CHU doit être réaffirmé dans leur triple mission de soins en médecines de recours et de proximité, de formation des professionnels de santé et de recherche clinique au sein de l’hôpital.
D’après Francis Michot et Jean-François Allilaire
Médiapart 2020