Compte-rendu de lecture « GUERRE »
Par Marcel Col
( Louis Ferdinand Céline – Editions Gallimard )
« C’est pas pour vous fâcher il faut que je vous dise ... » …
La chanson de Boris Vian « Le Déserteur » fut interdite à la radio en I954 …
Il y a plus de cent ans , un garçon de 20 ans , enrôlé dans une guerre dont on n’a pas fini de dénoncer les horreurs et les erreurs ! …mais dont on n’oublie pas de célébrer chaque année au 11 novembre la « victoire » devant nos monuments aux morts, est devenu hélas par la suite et à juste titre l’immonde antisémite que l’on sait mais aussi l’un des écrivains les plus inventifs du XXème siècle ?
Au printemps dernier il était difficile de se procurer « Guerre » , le dernier texte retrouvé et publié de Louis Ferdinand Céline . Le livre était épuisé dans la plupart des librairies.
Louis-Ferdinand Destouches était né à Courbevoie le 22 mai I894. Son père était employé d’assurances, sa mère ouvrière en dentelles. Son grand-père était professeur agrégé de lettres . En I914 il avait passé la première partie du baccalauréat . Il passa la deuxième partie après la guerre et devint par la suite le médecin des pauvres auprès des plus démunis.
Le 27 octobre I914 il fait la guerre en Belgique et il est grièvement blessé au bras et à la tête. Quand il reprend connaissance il est entouré de cadavres … « toute l’oreille gauche était collée par terre avec du sang , la bouche aussi . Entre les deux il y avait un bruit immense »
C’est l’histoire de sa convalescence qui est racontée dans « Guerre » , de ses rencontres avec le personnel médical et avec ses compagnons de misère . Ce n’est pas vraiment un roman , ni un témoignage mais semble-t-il , des notes de travail où l’auteur évoque les épisodes qu’il a vécus et qui ont nourri sa mémoire et la matière de son futur roman « Le voyage au bout de la nuit ». Il raconte une relation érotico-sentimentale avec son infirmière Mlle Lespinasse , sa décoration de la médaille militaire « pour avoir tenté seul de dégager le convoi dont il avait mission d’éclairer la route … a été blessé au cours de son exploit … » l’histoire et la mort de son copain Cascade ( ou Bebert ? ) et sa compagne la prostituée Adéle… dans cette langue fleurie, parfois vulgaire et même ordurière et violente qui rappelle les ballades en jargon de François Villon , mais n’exclut pas non plus une poésie fraîche, naïve et émouvante: … « C’est joli, c’est fragile les soleils du Nord. A gauche défilait le canal bien endormi sous les peupliers pleins de vent . Il s’en allait en zigzag murmurer ces choses-là jusqu’au bas des collines et filait encore tout au long jusqu’au ciel qui le reprenait en bleu avant la plus grande des trois cheminées sur la pointe de l’horizon … »
On l’a beaucoup dit « Guerre » n’est pas un roman et Celine n’était pas encore devenu Henri Barbusse ni Maurice Genevoix. Certains chercheurs s’interrogent d’ailleurs encore sur l’authenticité et la valeur de ces notes retrouvées et reprises par des journalistes qui ne sont pas , tant s’en faut , des linguistes et des historiens. Il n’en reste pas moins que la lecture de ce document mérite qu’on s’y attache et qu’on réfléchisse aux sujets qu’il traite et en particulier l’absurdité de cette guerre qu’on surnommait si bien à l’époque « La der des der » … Comme vous dites !
« … Adieu la vie ! Adieu l’amour !… »
Notes :Un autre roman de Céline a été publié récemment sous le titre de « Londres »
Le journaliste Laurent Valdiguié dans la revue « Marianne » a consacré plusieurs articles à ce qu’il nomme « L’imposture Gallimard ».