Le Français va très bien, merci ( Les Linguistes atterrés – Tracts Gallimard N° 49 )
Il faut peut-être en finir avec le terrorisme borné de la « dictée-questions- cinq fautes zero », qui a fait le bonheur ( ou le malheur ) de l’enseignement du français et de l’orthographe. Ce petit cahier vient à point pour nous appeler à une réflexion plus sérieuse sur la langue française.
Il y a ceux qui affirment que l’on a perdu la « Langue de Molière » ( lequel écrivait au XVIIème siècle, principalement pour le théâtre, et jouait en alternance avec des comédiens italiens ) , il y a les puristes qui déplorent toutes les « fautes » de français, il y a la « langue de banlieue ». Il y a le belge et il y a le québécois .Il y a enfin les « Linguistes atterrés » qui observent l’évolution de cette langue parlée dans le monde entier par environ 320 millions de personnes, en Afrique, en Asie , en Amérique et même en Europe. Ce collectif ne donne pas de règles pour corriger la langue et l’orthographe .
« Wesh, tranquille, t’inquiète … ». Nos linguistes se contentent d’observer comment la langue s’est modifiée au cours des siècles et continue de le faire . Ils observent que le français parlé n’est pas déficient . Comme dans toutes les langues , on pourrait dire toutes les civilisations , l’oral précède l’écrit . L’oral a une grammaire qui lui est propre et qui devrait être enseignée. Par exemple , à l’écrit on utilise six voyelles tandis que le français parlé en compte au moins quatorze ( le ou , ou les voyelles nasales on , an , in , un , le jeu de jeune, différent du oeu de sœur …) . Il faut aussi prendre en compte les intonations locales ou affectives, de même que le redoublement du sujet… « La France sur tous ces sujets , elle est à l’initiative ..( déclaration du président Hollande ) »
Les auteurs expliquent aussi que « le français n’est pas massacré par les jeunes , les provinciaux , les pauvres ou les belges » . La langue ou les expressions évoluent. Ainsi le vachement bath a été remplacé par c’est trop stylé . Et on sait qu’on ne parle de la même façon à ses copains, à ses parents, à ses profs ou à ses collègues selon les circonstances et les humeurs du moment et qu’il faut se méfier du mépris social qui traine derrière les différents langages parlés ou écrits.
Les linguistes le disent et le répètent . La langue est un organisme vivant . Elle n’a pas à être protégée comme dans un zoo ou dans un musée.
Les auteurs abordent dans le livre le traitement du féminin et de l’écriture inclusive qui se pratique dans certains milieux . Les linguistes ont montré que l’accord « masculin-féminin » dépend beaucoup des circonstances et non pas de la logique grammaticale . On dit des chants et danses bretonnes , mais on ne dit pas certains régions et départements .
Linguiste , c’est un métier . Et nous même qui avons été parfois payés pour enseigner à des élèves la meilleure façon de parler et d’écrire , devons nécessairement être modestes , curieux et admiratifs devant la pensée et l’expression de tous ces jeunes dont nous avons eu la charge et la responsabilité.
Un livre utile donc et pas cher ( 3,90 € ) , même si certains critiques se déchainent pour affirmer au contraire que « Le niveau des élèves en français baisse , n’en déplaise aux linguistes atterrés » ( Marianne du 11/08 ). Il faut dire que lorsqu’on entend certaines constructions , ou certaines liaisons problématiques à la radio , il est difficile de se faire une opinion . Et chacun peut se faire la sienne !
Marcel COL