Les DDEN défendent l’école républicaine
… mais que veut dire qu’elle est à la fois républicaine, publique et laïque ?
Choisir d’être DDEN est un acte citoyen qui engage à défendre et promouvoir l’école républicaine.
Mais qu’est ce qui définit cette école que nous défendons ? La question se pose en effet, dans un contexte politique de réformes passées et programmées et de discours en tous sens qui en brouillent le sens. Tout le monde est attaché à l’école publique, mais pour des raisons souvent bien différentes qui tiennent essentiellement à ce qu’elle doit apprendre aux enfants c’est-à-dire à sa finalité : les adapter à la société ; leur apprendre « les fondamentaux », l’esprit critique, à vivre ensemble ; leur inculquer une morale ; etc. On pourrait retrouver l’opposition traditionnelle entre «éduquer» ou «instruire» Bref, Il faut clarifier la question :
Que veut dire que l’école est à la fois républicaine, publique, laïque et obligatoire.
L’école est républicaine car elle a été créée par la République et pour elle, dans la suite du rapport de Condorcet sur l’Instruction Publique de 1792.
Pour la République, c’est-à-dire pour en pérenniser les principes et permettre son fonctionnement en en formant les citoyens. Par elle, parce que ce sont ses lois qui l’ont établie, autrement dit, la volonté générale des citoyens, souverains par l’intermédiaire de leurs représentants et porteurs de l’intérêt général. L’école républicaine est ainsi une institution de la République voulue par les citoyens dans l’intérêt général.
Et quel est cet intérêt général ? Que tous les enfants du peuple soient formés à la possibilité d’être les citoyens dont la République a besoin pour exister. Et le peuple dont il s’agit de constituer les membres n’est pas un «public» disparate et incohérent de spectateurs, mais l‘ensemble des citoyens, liés et solidaires, chargés du pouvoir que leur confère à tous la République et d’en respecter les conséquences, à savoir les lois qu’ils se sont donnés, puisque c’est cela qui en fait des hommes libres. C’est ainsi que, comme le disait J. Ferry, « Instruction et éducation sont à la fois le but et le moyen de la République, le but parce qu’elles seules permettent à chacun de devenir pleinement un citoyen, le moyen parce que seuls les citoyens font fonctionner la République ». Le problème crucial de la République est donc de préparer ses enfants à l’exercice de ce pouvoir du citoyen. C’est là le rôle de l’école républicaine, qui, bien plus qu’un service public, est une instance organique de la puissance publique sans laquelle la République ne peut vivre, ni du même coup, les citoyens qui en sont les membres « acteurs ».
C’est pourquoi elle doit être publique et gratuite.
Publique, parce qu’elle émane de la volonté du peuple et sert l’intérêt général qui exige qu’elle soit ouverte à tous ses enfants, et que ce sont les citoyens qui contribuent par l’impôt à son financement. Et l’impôt public, permet dans le même temps d’en assurer la gratuité et l’égalité en éducation qu’elle propose. La gratuité de l’école est donc essentielle à deux titres : elle permet de scolariser tous les enfants du peuple et à égalité.
La question est alors de savoir comment éduquer le citoyen de telle sorte que chacun puisse le devenir et donc, être à la fois civique et souverain ; obéir aux lois qu’il s’est donné tout en étant toujours prêt à débattre du destin du peuple qu’elles organisent.
Quelles sont les conditions de cette éducation très spécifique à l’école, qui n’est pas celle de la famille ni d’une quelconque communauté, qui doit donner à tous les outils de la citoyenneté et d’abord ceux de la liberté de jugement.
La condition de toutes les autres, c’est la laïcité. Et L’école républicaine doit être laïque pour deux raisons majeures :
Tout d’abord pour scolariser tous les enfants du peuple, quelles que soient leurs appartenances sociales, religieuses et ethniques. Et aussi à cause de ce qui doit s’y faire pour former tous ses enfants à l’exercice de la citoyenneté.
Le citoyen doit d’abord maîtriser sa langue orale et écrite (ce qui n’est pas simplement « savoir communiquer ») afin de pouvoir connaître la loi, en débattre et comprendre ceux qui en parlent. Mais le débat politique démocratique est comme le disait les grecs, un « logos » -un débat entre des «raisons»- et non une foire aux opinions ni un concours de rhétorique. Il exige que chacun dispose de sa langue c’est-à-dire de la double capacité à produire du sens, de la rationalité, et dans un langage commun, compréhensible par tous. Ce qui doit être commun c’est bien en même temps la raison et le langage. Vouloir en séparer les apprentissages à l’école relève d’une grave incompréhension de ce qu’est la citoyenneté, ou d’une volonté de ne pas y former les enfants du peuple. Ce qui est en jeu, au-delà de la formation du citoyen, c’est celle de l’homme libre, libre par sa seule raison et les connaissances qui permettent de la former : il faut former l’enfant à la liberté de sa pensée, l’émanciper, pour qu’il puisse devenir citoyen de la République laïque, qui n’a besoin pour ce faire, de rien d’autre que de sa liberté de conscience et de l’autonomie de son jugement.
La seule question qui subsiste est donc celle de la formation à la raison, ce « dialogue de l’âme avec elle-même » comme disait Platon, pour en marquer le caractère réflexif. La réponse est simple. Puisqu’il s’agit, disait F. Buisson, de « donner à l’enfant l’idée qu’il faut penser par lui-même, qu’il ne doit ni foi ni obéissance à personne » « d’arriver à juger soi-même d’après la raison », « de faire un esprit libre », on n’apprend pas à « penser comme on apprend à croire ». On ne peut former la raison qu’en exerçant les esprits, selon des choix pédagogiques choisis par les enseignants, aux connaissances qui développent l’ordre des raisons qui les ont construites, c’est-à-dire aux connaissances rationnelles «que chacun peut toujours vérifier ». Et c’est cela instruire : faire accéder les enfants à un universel de connaissances et de raison que tous peuvent partager. Tandis que l’éducation, indispensables pour conduire le jeune enfant hors de (ex-ducere) chez lui, risque, si elle n’est pas compensée par une instruction, de les confiner dans des particularismes communautaires (langage, modes de vie, valeurs morales et sociales,) et de les y aliéner. En France, tandis que les garçons avaient droit à un programme d’instruction, les filles étaient éduquées par et à la couture, la cuisine et les bonnes manières, ce qui en faisait de bonnes épouses- femmes «d’intérieur», jusqu’en 1828 où un programme unique d’instruction unifia écoles de filles et de garçons dans la même volonté d’émancipation. Tous les pays religieux éduquent leurs filles, mais c’est à adhérer à des croyances et des valeurs communautaires bien souvent obscurantistes qui leur refusent l’instruction parce qu’elle seule émancipe et qu’on ne veut pas de femmes émancipées, et donc capables de remettre en cause l’ordre établi.
Ainsi, F. Buisson peut-il poursuivre : « Quant aux autres, aux croyances, aux opinions, aux convictions religieuses » qui affirment sans preuve, qui obligent à croire, à adhérer, « l’Etat ne les enseigne pas » car, outre qu’elles n’apprennent pas ce qu’est le monde pour pouvoir y vivre libre et en commun, qu’elles ne peuvent former une raison qu’en réalité condamne le dogme qu’elles expriment, elles divisent les hommes selon leurs croyances. C’est alors qu’il faut exhorter à « vivre ensemble » et à « faire société » car cela ne va plus de soi. Seule, une école laïque qui forme à la raison par une culture rationnelle forcément commune, peut prétendre émanciper et former tous les enfants à une citoyenneté républicaine qui unit tous les hommes en les formant à ce qui les humanise avant et pour qu’ils puissent jouir de leurs différences dans une vie que la République, par ses lois et son école a voulu commune et solidaire.
Alors soyons vigilants devant tout ce qui menace de détruire l’école républicaine : une territorialisation qui augmente les inégalités ; des regroupements scolaires et une gestion de plus en plus «managériale» à visée exclusivement économique ; une mise en (fausse) concurrence avec les écoles privées (ni publiques, ni gratuites, ni laïques,) ; les glissements programmatiques multiples vers des « compétences » à visée plus « utilitaire » pour «adapter», que «culturelle» pour «émanciper» ; la diminution de la gratuité ici et là ; une promesse d’intervenants peu formés, polyvalents, corvéables et peu rémunérés, qui font régresser les exigences et la qualité de l’instruction publique ; une avance à 3 ans de l’âge de l’obligation scolaire qui ne fait qu’étendre la loi Debré à l’école maternelle privée en la faisant désormais subventionner par l’impôt public…
Mais laissons maintenant à tous le soin de juger de ce qui défend ou détruit l’école républicaine publique, la seule qui soit une promesse d’union entre tous les hommes parce que laïque.