L’éducation des femmes : « au bac citoyennes ! »
D’après une production de Françoise Pottier-Bechet « Les femmes et le bac »
Synthèse réalisée par Alain Bandiéra (avec l’accord de l’auteur)
Lorsqu’on assiste au spectacle émouvant de toutes ces jeunes filles pleurant de joie à l’annonce de leur succès au baccalauréat, on n’imagine pas que le diplôme de bachelière leur a été longtemps refusé et qu’elles ont été exclues de toutes les réformes scolaires qui ont marqué la fin du 19è siècle, voire le début du 20è. C’est ainsi qu’il faut attendre 53 ans après la création du bac en 1808 pour qu’un ministre de l’éducation accepte de signer le diplôme de la première Bachelière, Marie Daubié. En 1892, on ne compte que 12 bachelières, et il faut attendre 1945 pour que les lauréates cessent d’être l’objet d’un mépris qui s’exprime sous la forme de quolibets et de moqueries.
Françoise Pottier-Béchet a réalisé, pour une association féministe, un travail remarquable de précision, et très largement documenté, sur une étude comparée entre l’histoire du bac et l’histoire des femmes. La comparaison apparaît particulièrement pertinente. D’une part l’histoire du bac, de ses nombreuses réformes pédagogiques ou structurelles, nous rappelle à quel point l’éducation est tributaire des idéologies, des courants de pensée et des régimes politiques. On sait bien, aujourd’hui encore, qu’une conception de l’école comme celle de Jean Jaurès diffère très largement des objectifs d’un René Haby ; si le combat des femmes n’est plus tout à fait d’actualité – dans notre pays en tout cas – subsiste l’alternance – ou le conflit – entre une conception démocratique de l’école et la promotion de la justice sociale, et une conception élitiste destinée à former les acteurs de l’ordre et de l’autorité.
Enfin, l’histoire des femmes mise en parallèle avec les grandes étapes de l’histoire du baccalauréat montre combien leur émancipation est étroitement liée à leur accès à l’éducation.
Aussi est-ce tout à fait intéressant de constater que Françoise Pottier-Béchet, passionnée et férue d’histoire, ex-professeur en la matière, place son exposé sous les signes de la sémantique et de la philologie ; tant les phénomènes de langue sont révélateurs des événements et des mentalités.
Ainsi le mot «Éducation» du verbe éduquer, est issu du latin « exducere » qui signifie faire sortir de soi, développer, épanouir ; signifie encore, et plus couramment, sortir de l’ignorance.
Le terme d’émancipation, du latin « mancipium » signifiant « la propriété » désigne l’action de s’affranchir d’une autorité. Si, à l’origine on cherche à s’affranchir d’un seigneur, au XIXème siècle le terme s’applique aux femmes qui cherchent à obtenir une liberté égale à celle des hommes et à « s’affranchir » du joug masculin.
Enfin, le mot baccalauréat est plus ancien que le diplôme auquel il a donné son nom. Le terme vient du Moyen Age et selon Roland Bédier aux XI et XIIèmes siècles, le « baccalarius » est un jeune gentilhomme pauvre aspirant à devenir chevalier.
Au XIVème siècle, on insiste sur le terme « laureare » qui signifie « couvert de lauriers » à la manière des représentations du célèbre Dante (1265-1321), du poète Boccace (1313-1375) ou de l’érudit florentin Pétrarque (1304-1374).
Le terme de bachelier prendra son sens actuel sous Napoléon Ier.
On le voit, l’histoire des femmes témoigne tout simplement d’une aspiration tenace à toutes les formes de liberté dont l’outil privilégié reste l’éducation, et par conséquent l’école « de la maternelle à l’université » dont elles vont finir par occuper les rangs.
Pendant toute une partie du XIX et du début du XX ème siècle il correspond aussi à une division sexuée de la société : les hommes au travail et les femmes au foyer.
Il n’eût sans doute pas déplu à Napoléon que ce combat des femmes à l’assaut du bac, dont nous allons évoquer les grandes lignes, soit assimilé à une véritable conquête militaire, à un siège qui leur permettront de forcer enfin les remparts masculins de l’éducation. D’ailleurs, la première lauréate à ceindre les lauriers du bac se fera appeler du prénom symbolique de Victoire.
Le texte de Françoise Pottier-Béchet étant particulièrement dense et riche, nous nous sommes livrés à quelques simplifications sans trahir l’esprit de sa production.