Gisèle Halimi, le corps libre des femmes
Avocate, militante féministe et femme politique Gisèle Halimi vient de décéder. Celle qui voulait mourir « les yeux ouverts » a consacré toute sa vie à lutter contre tout ce qui portait atteinte à la liberté et à l’intégrité des femmes, en particulier à la libre disposition de leur corps. Elle militera ardemment pour la liberté de l’avortement, au côté de Simone de Beauvoir, et contribuera ainsi à l’évolution de la législation vers la loi Veil sur l’IVG : Le titre d’un de ses livres, « la cause des femmes » la définit tout entière.
Avocate, bravant les partisans de la colonisation et de l’Algérie française, elle prend le risque à partir des années 1950 de défendre des militants de l’indépendance, dont des membres du FLN.
Après avoir, dans les années 50, pris le risque de défendre les membres du FLN, elle assure, à partir de l’année 1960, la défense de l’activiste et militante Djamila Boupacha, torturée et violée, en détention, par des soldats français. Elle médiatise ce procès afin de dénoncer les méthodes de l’Armée française au moment de la guerre d’Algérie.
Mais c’est à l’occasion du procès de Bobigny, en 1972, qu’elle donne la pleine mesure de ses convictions et qu’elle obtient l’acquittement de 3 accusées, coupables d’avortement, ainsi qu’un sursis pour la 4ème.
En 1978, elle défend deux jeunes femmes victimes d’un viol collectif, et obtient l’adoption d’une nouvelle loi en 1980 qui criminalise le viol jusque-là traité comme un délit.
Élue députée aux élections législatives de 1981, elle milite pour la parité en politique. À partir de 1985, elle occupe plusieurs fonctions successives à l’Unesco puis à l’Organisation des Nations unies comme rapporteuse de cette question de la parité, qui lui tient tant à cœur, question qui lui tient à cœur.
Gisèle Halimi est pressentie pour être panthéonisée. La conclusion de sa plaidoirie au procès de Bobigny est l’ardent appel à la mise en place d’une justice paritaire, dégagée des préjugés sexistes et de l’oppression masculine.
« Est-ce que vous accepteriez, vous, Messieurs, de comparaître devant des tribunaux de femmes parce que vous auriez disposé de votre corps ? […]
L’acte de procréation est l’acte de liberté par excellence. La liberté entre toutes les libertés, la plus fondamentale, la plus intime de nos libertés. .
En jugeant aujourd’hui, vous allez vous déterminer à l’égard de l’avortement et à l’égard de cette loi et de cette répression, et surtout, vous ne devrez pas esquiver la question qui est fondamentale. Est-ce qu’un être humain, quel que soit son sexe, a le droit de disposer de lui-même ? Nous n’avons plus le droit de l’éviter.
A-t-on encore, aujourd’hui, le droit, en France, dans un pays que l’on dit « civilisé », de condamner des femmes pour avoir disposé d’elles-mêmes ou pour avoir aidé l’une d’entre elles à disposer d’elle-même ? […] Je ne fuis pas la difficulté, et c’est pour cela que je parle de courage – ce jugement de relaxe sera irréversible, et à votre suite, le législateur s’en préoccupera. Il faut le prononcer, parce que nous, les femmes, nous, la moitié de l’humanité, nous sommes mises en marche. Je crois que nous n’accepterons plus que se perpétue cette oppression.
Messieurs, il vous appartient aujourd’hui de dire que l’ère d’un monde fini commence ».