Auvergne laïque n° 487 - mars 2021 / DOSSIER

Professeure-ouvrière Simone Weil

Un matin de l’année 1929, une jeune fille pleure dans la cour de l’École Normale Supérieure à l’annonce qu’une révolte de paysans chinois a été écrasée dans le sang. Simone de Beauvoir, impressionnée par ces larmes, en témoignera dans ses mémoires. La normalienne en larmes, c’est Simone Weil. Son immense compassion pour tous les opprimés va déterminer les engagements de toute sa vie.

Au cours de l’hiver 1932/33, alors qu’elle est professeur de philosophie au lycée du Puy (qui porte aujourd’hui son nom), elle est solidaire des syndicats ouvriers ; sa participation au mouvement de grève contre le chômage et les baisses de salaire provoque un scandale. Décidée à vivre avec cinq francs par jour, comme les chômeurs du Puy, elle sacrifie tout le reste de ses émoluments de professeur à la Caisse de Solidarité des mineurs. Au retour d’un voyage en Allemagne, au cours de l’été 1932, elle alerte l’opinion sur la montée en puissance du nazisme et l’ascension d’Hitler.

Elle abandonne provisoirement sa carrière de professeur, A partir de septembre 1934, pour assumer la condition ouvrière dans toute sa dureté. Dès le 4 décembre, elle est ouvrière dans trois usines différentes (elle sera fraiseuse chez Renault) jusqu’au mois d’août 1935. Elle connaît la faim, la fatigue, les rebuffades, l’oppression du travail à la chaîne, l’angoisse du chômage et le licenciement. Elle relate son expérience dans son Journal d’usine. Parmi ses nombreux livres, « la condition ouvrière », inspirée de son expérience d’usine, est un plaidoyer pour la dignité du travailleur, contre l’exploitation des hommes engendrée par la civilisation industrielle.

Sa mauvaise santé l’empêche de poursuivre le travail en usine. Elle reprend son métier de professeur de philosophie au lycée de Bourges, à l’automne 1935, et donne une grande partie de ses revenus à des personnes dans le besoin. Elle prend part aux grèves de 1936. Bien que militant avec passion pour le pacifisme, elle décide, en août 36, de prendre part à la guerre d’Espagne auprès du peuple et des paysans « sans prendre les armes ». Elle découvre l’horreur de la guerre et la barbarie des exécutions sommaires dans les 2 camps, accomplies dans l’indifférence et le cynisme.
Déclarée tuberculeuse, elle meurt d’épuisement et de privations le 24 août 1943, à l’âge de 34 ans au sanatorium d’Ashford. A bout de forces, mais inlassable, elle a souhaité, dans l’année précédant sa mort, assumer l’ultime partage des conditions de vie de la France occupée. D’abord au service de la France Libre, à l’occasion d’un bref séjour en Angleterre, elle revient en territoire français accomplir ses derniers actes de résistance.


La brève existence combative de Simone Weil peut illustrer ce vers d’Aragon « Sa vie, elle ressemble à ces soldats sans armes » ; une vie obstinément solidaire du malheur des hommes, tout entière occupée à le combattre et … à le partager.